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30/01/2018 | FRANCE | N°16/08729

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 30 janvier 2018, 16/08729


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 30 Janvier 2018

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/08729



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F15/05120





APPELANT

Monsieur [L] [A]

[Adresse 1]

Escalier 6

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Marie-océane

GELLY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1060





INTIMEE

SAS INTERVALLES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 440 24 0 8 85

représentée par Me Alexandra LORBER LAN...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 30 Janvier 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/08729

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F15/05120

APPELANT

Monsieur [L] [A]

[Adresse 1]

Escalier 6

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Marie-océane GELLY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1060

INTIMEE

SAS INTERVALLES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 440 24 0 8 85

représentée par Me Alexandra LORBER LANCE de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Stéphanie ROBIN-BENARDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valérie AMAND, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Valérie AMAND, conseillère faisant fonction de présidente

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Madame Jacqueline LESBROS, conseillère

Greffier : Mme Caroline GAUTIER, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Valérie AMAND, conseillère faisant fonction de présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Monsieur [L] [A] né le [Date naissance 1] 1951 a été embauché par la société Intervalles sous contrat à durée indéterminée à effet du 5 novembre 2007 en qualité de Contrôleur opérationnel qui a succédé à divers contrats à durée déterminée le premier ayant commencé le 6 février 2007.

La convention collective applicable est celle du personnel des prestataires de services et du secteur tertiaire. La société emploie habituellement plus de 10 salariés.

Monsieur [A] est en arrêt de travail pour maladie à compter du 20 août 2014 prolongé à plusieurs reprises jusqu' au 20 avril 2015.

Par courrier en date du 22 janvier 2015, la société intimée écrit à la CPAM de Paris pour lui adresser la déclaration d'accident de travail que le salarié lui demande d'envoyer et sur laquelle la société indique émettre toutes réserves compte tenu de l'absence de constat du moindre malaise survenu le 19 août 2014 et du délai séparant ce prétendu accident et la demande de déclaration ; la société avertit son salarié de la transmission de cette déclaration avec les réserves émises à son propos.

Le 2 avril 2015, le salarié fait l'objet d'une visite de pré-reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail indique " si reprise d'activité, apte sous réserve 1) d'exclure complètement toute conduite de véhicules légers (scooter- automobile) 2) d'éviter les déplacements ; poste administratif possible ; il est fait mention que le salarié ne s'oppose pas à la communication de ces recommandations à l'employeur et au médecin conseil (article R 4624-21 du code du travail).

Par courrier du 3 avril 2015, la société Intervalles indique à son salarié avoir pris bonne note de ce qu'il entendait reprendre son travail le 7 avril 2015 mais lui précise que par précaution elle le dispense de reprendre son travail jusqu'à la visite médicale de reprise prévue au 9 avril 2015.

Par courriel du 8 avril 2015 adressé à la société, le salarié sollicite une visite de reprise à compter du 20 avril 2015.

Convoqué par courrier du 26 mars 2015 en vue d'un licenciement à un entretien préalable fixé au 9 avril 2015, il est licencié par courrier recommandé du 14 avril 2015 pour insuffisance professionnelle.

Contestant son licenciement par lettre du 22 avril 2015 Monsieur [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 1er avril 2016, le conseil de prud'hommes de Paris condamne la société Intervalles à payer à Monsieur [A] les sommes suivantes :

- 13.788,66 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Déboute Monsieur [A] du surplus de sa demande

- Déboute la société Intervalles de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens.

Le 20 juin 2016 Monsieur [A] a interjeté appel de ce jugement notifié le 23 mai 2016.

Moyens et prétentions des parties

Par conclusions visées par le greffier, Monsieur [A] demande à la cour :

- à titre principal, qu'elle prononce la nullité de son licenciement avec réintégration et versement de 79.143 euros de rappel de salaires plus 7 914,30 euros de congés payés afférents ou, subsidiairement, 61.272 euros de dommages et intérêts au titre de la nullité de la rupture.

- très subsidiairement, une indemnisation de 61.272 euros au titre du licenciement qu'il considère sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur [A] ajoute à ces demandes :

- une indemnité de 15.318 euros au motif du licenciement vexatoire qu'il aurait subi,

- une indemnité de 2.553 euros de requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

- des dommages et intérêts de 30.636 euros au motif de manquements à l'obligation de sécurité,

- des dommages et intérêts de 15.318 euros pour exécution déloyale,

- 3.120 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- les dépens.

Par conclusions visées par le greffier, la société Intervalles demande à la cour de :

A titre principal,

- Confirmer le jugement rendu entre les parties en ce qu'il a jugé que le licenciement de Monsieur [A] n'était pas nul, en ce qu'il a débouté Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes autres que celle portant sur son licenciement ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré le licenciement de Monsieur [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Et, statuant à nouveau :

- Dire et Juger que le licenciement de Monsieur [A] n'est pas nul et qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- Dire et juger que la société n'a pas manqué à ses obligations ;

En conséquence,

- Débouter Monsieur [A] de l'intégralité de ses demandes.

Et reconventionnellement,

- Condamner Monsieur [A] à verser 1.500 euros à la société Intervalles au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner Monsieur [A] aux dépens ;

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement rendu entre les parties.

A l'audience des débats, les parties ont soutenu oralement leurs conclusions auxquelles elles ont renvoyé la cour qui s'y réfère expressément pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

MOTIVATION

Sur la requalification des contrats à durée déterminée

Il ressort des bulletins de paie et des contrats produits par Monsieur [A] que ce dernier a été engagé par la société Intervalles à compter du 6 février 2007 au 28 février 2007 sans contrat en qualité de chef d'équipe, puis pour les mois de mars, avril, mai, juin août, septembre et octobre par différents contrats à durée déterminée d'usage pour une durée d'un mois chacun en qualité de contrôleur.

Il ressort de ces éléments que faute de contrat écrit la relation contractuelle commencée le 6 février 2007 doit être requalifiée de contrat à durée indéterminée à partir de cette date.

Le salarié est fondé à obtenir une indemnité de requalification qui ne saurait être inférieure à un mois du dernier salaire perçu soit en l'espèce 2 553 euros, étant précisé que contrairement à ce qu'a jugé le premier juge, l'action en requalification n'était pas prescrite ; en effet, en application des dispositions de la loi du 14 juin 2013 et l'introduction de l'article L. 1471-1 du code du travail réduisant la prescription à deux ans et fixant le point de départ de ce nouveau délai à compter de l'entrée en vigueur de la loi, la demande en requalification des contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée formée par le salarié est recevable, dans la mesure où elle a été formée lors de la saisine du conseil des prud'hommes le 29 avril 2015, peu important la date des conclusions contenant cette demande.

Sur la demande au titre de l'obligation de sécurité

Le salarié considère que l'employeur a méconnu son obligation de sécurité en ne réagissant pas aux alertes relatives à ses conditions de travail et en ne prenant aucune mesure de prévention des risques psychosociaux et soutient que ces manquements lui ont causé un préjudice dont il demande réparation. Il ajoute n'avoir bénéficié que tardivement d'une visite d'embauche et n'avoir bénéficié d'aucune visite périodique.

Mais si le salarié a envoyé en octobre 2011 un compte-rendu sur plusieurs contrôles en indiquant les réactions parfois agressives des personnes contrôlées, il n'a cependant pas véritablement alerté son employeur sur la nécessité de revoir ses conditions de travail ; en réalité alors qu'il n'a pas saisi le CHSCT sur ses contions de travail, il apparaît que contrairement à ce qu'allègue Monsieur [A], les risques auxquels il pouvait être exposé étaient pris en compte par son employeur, tant préventivement qu'en protection lorsqu'ils se réalisaient.

Comme l'indique le document unique d'évaluation des risques, le risque d'agression verbale lors des opérations menées sur la voie publique par les salariés d'INTERVALLES faisait bien l'objet d'une note d'information et de formations à titre de prévention, afin d'exposer aux salariés comment s'en protéger et comment réagir, note également affichée et remise aux salariés comme mentionné dans le procès-verbal de réunion du CHSCT ; ce procès-verbal mentionne en outre que la société avait adopté des mesures préventives prenant en compte les risques liés aux interventions sur le terrain.

Par ailleurs, si le salarié a fait une main courante en août 2014 dénonçant ses conditions de travail et les difficultés éprouvées sur le terrain et avec ses collègues et sa hiérarchie, il ne ressort d'aucun élément que le salarié en a informé son employeur et que s'il terminait sa main-courante en indiquant se réserver le droit de dénoncer un harcèlement moral, il ne fait aucune demande sur ce point.

Le salarié invoque vainement le non respect des préconisations du médecin du travail puisqu'il n'a en réalité pas repris le travail jusqu'à son licenciement intervenu avant que la visite de reprise repoussée au 20 avril ne soit effectuée.

En revanche, le salarié indique à juste titre n'avoir bénéficié d'une visite médicale d'embauche que le 25 avril 2008 soit tardivement et n'avoir ensuite pas bénéficié des visites périodiques ; l'employeur ne conteste pas ce point ; compte tenu de l'âge du salarié au moment de son embauche, de la réalité des risques psychosociaux engendrés par le travail du salarié et de la dégradation de l'état de santé du salarié qui s'évince des différents certificats médicaux produits, la cour considère que les manquements de la société Intervalles ont causé au salarié un préjudice qu'il convient de réparer par l'octroi de la somme de 5 000 euros de dommages intérêts.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Faute d'établir un préjudice distinct de celui déjà réparé au titre de la santé du salarié et de la rupture injustifiée de son contrat de travail, la cour déboute le salarié de sa demande à ce titre.

Sur la demande de nullité du licenciement

Au visa de l'article L.1226-9 du code du travail, le salarié conclut à la nullité de son licenciement pour avoir été prononcé pendant une période de suspension du contrat de travail pour accident du travail sans que soit invoquée une faute grave.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'employeur a connaissance de l'origine au moins professionnelle de la maladie ou de l'accident ; au cours de la période de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre le contrat que s'il justifie soit d'une faute grave du salarié, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ; il en est ainsi, alors même qu'au jour du licenciement, l'employeur a été informé d'un refus de prise en charge au titre du régime des accidents du travail ou des maladies professionnelles.

En l'espèce, Monsieur [A] a été placé en arrêt de travail pour maladie début août 2014 pour quelques jours, puis après une période de travail, a été de nouveau placé en arrêt de travail à compter du 20 août 2014. Cet arrêt de travail initial pour maladie (et non pour accident du travail) a été ensuite prolongé jusqu'au terme de son contrat de travail, le dernier arrêt de travail courant jusqu'au 20 avril 2015.

Monsieur [A] a certes fait parvenir à la Société Intervalles le 20 janvier 2015 un arrêt de travail pour accident du travail dit « duplicata rectificatif » daté du 20 août 2014 et visant l'unique période du 20 au 29 août 2014.

Mais force est de constater que si le salarié appelant se prévaut de l'arrêt de travail pour accident du travail dit « duplicata rectificatif », la société produit un premier arrêt de travail pour maladie (et non AT), qui a été reconduit sur des formulaires d'arrêt de travail pour maladie non professionnelle jusqu'à la rupture du contrat de travail.

Monsieur [A] verse au débat quelques certificats médicaux de médecins traitants qui rapportent les propos de leur patient lequel fait le lien entre son état de santé et ses conditions de travail ; mais ces documents sont inopérants dès lors que ces médecins ne sont pas témoins des conditions de travail.

Si l'on considère que a CPAM a mené son enquête et a rencontré Monsieur [A] et la société avant de conclure à l'absence d'accident du travail relativement à l'arrêt de travail du 20 au 29 août 2014, selon décision de refus de prise en charge de juillet 2015, et au vu de toutes les réserves émises par la société qui conteste que le salarié ait le 19 août 2014 fait l'objet d'un accident lors de l'entretien avec son supérieur hiérarchique, il apparaît que la preuve de l'origine partiellement professionnelle de la maladie de Monsieur [A] n'est pas établie.

Par suite, c'est à tort que Monsieur [A] se prévaut de la protection légale de l'article L. 1226-9 du code du travail et ne peut conclure de ce seul fait à la nullité du licenciement dès lors que la faute grave ne serait pas démontrée.

Le moyen de nullité du licenciement est rejeté de ce chef et le salarié est débouté de sa demande principale de réintégration et de paiement des salaires jusqu'à sa réintégration.

Sur la discrimination en raison de l'état de santé

Le seul fait que le licenciement de Monsieur [A] est intervenu durant une période d'arrêt de travail n'est pas de nature à établir que cette décision est liée à son état de santé.

En réalité, les griefs mentionnés sont relatifs à une période antérieure à son arrêt de travail qui a suivi son entretien avec son supérieur hiérarchique.

Au vu de cette considération et au regard de la date du licenciement qui intervient plusieurs mois après son arrêt maladie et antérieurement à sa reprise, la preuve n'est pas rapportée que le licenciement du salarié est fondé sur son état de santé.

Le moyen de nullité du licenciement est rejeté de ce chef et le salarié est débouté de sa demande principale de réintégration et de paiement des salaires jusqu'à sa réintégration.

Sur le bien-fondé du licenciement

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties.

En application de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits matériellement vérifiables.

Pour constituer une cause légitime de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.

En l'espèce, la lettre de licenciement est libellée en ces termes :

" Nous nous voyons contraint de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison des faits qui vous ont été exposés lors de l'entretien, à savoir :
Vous occupez les fonctions de contrôleur opérationnel, qui implique notamment un contact permanent essentiel avec les équipes d'Intervalles qui organise votre tournée de contrôle des opérations promotionnelles organisées par l'entreprise et auxquelle vous faites part de vos compte rendu.
Or, alors même que vous avez été reçu à plusieurs reprises par la direction en particulier le 3 juin 2014 le 19 août 2014 qui vous a fortement sensibilisé sur le sujet, nous sommes contraint de constater que votre relationnel avec nos équipes pourtant primordiale dans l'exercice de vos fonctions n'est pas au niveau attendu et objectivement requis par le poste.

Vous adoptez en effet un comportement inadapté qui déstabilise vos collègues et leur fait régulièrement craindre vos réactions, ce qui ne satisfait manifestement pas les exigences de vos fonctions. Ainsi, par exemple, régulièrement, vous demandez à vos collègues de préparer les plans de votre tournée avant de refuser d'en exécuter tout ou partie, leur affirmant que vous choisissiez à votre convenance le lieu de contrôle et estimant qu'ils n'avaient pas à vous les imposer. Or tous les lieux d'intervention doivent pouvoir être contrôlés de façon organisée, et non à votre guise.
In fine votre comportement a poussé à bout nos équipes, souvent contraintes de réorganiser la répartition du travail d'une part et de constamment tenter de vous "ménager", d'autre part, pour éviter vos réactions impromptues et brutales parfois agressives et menaçantes.

Vous êtes par ailleurs en charge de suivre la relation client sur le terrain. De ce fait, vous véhiculez l'image de la société et en êtes garant sur les lieux d'intervention. Or nous déplorons que vous ne soyez pas non plus au niveau attendu et requis par vos fonctions dans ce cadre, puisque vous dénigrez régulièrement les dispositifs de distribution mis en place par Intervalles, tant dans le choix des sites que dans les choix de distribution, et ce, y compris en présence du représentant du client comme ce fut le cas du client Kia.
Il vous incombe par ailleurs de vous inscrire dans l'exécution de votre contrat de travail, qui implique votre subordination à la société. Or vous êtes également régulièrement défaillant sur le sujet, décidant seul de l'achat de matériel ( tel qu'un appareil photo de valeur, puis son objectif) et accomplissant des missions (Roland-Garros/ Festival de [Localité 3]) qui ne vous ont aucunement été commandées par votre supérieur hiérarchique, mettant ainsi l'entreprise devant le fait accompli, ce qui n'est pas acceptable.

Ne constatant pas de progrès dans vos relations avec vos collègues ou avec les clients de la société, nous sommes au regret d'observer que vous ne satisfaites pas les exigences de votre poste,éminemment axé sur le relationnel. Nous nous voyons contraint de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse...."

Comme l'indique Monsieur [A] à juste titre les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement sont peu précis et pas datés, les réactions brutales, agressives et menaçantes n'étant pas illustrées, pas plus que les dénigrements.

En réalité, en l'espèce, l'insuffisance professionnelle du salarié n'est pas établie.

En effet, pour établir les griefs reprochés au salarié, la société Intervalles se prévaut de la seule attestation de Madame [L], responsable du pôle presse qui témoigne de l'attitude inappropriée du salarié compte tenu de ses remarques et de la dévalorisation de la prestation dont se serait plaint le client, de l'organisation à sa guise des tournées de contrôles, de son refus de mettre les photos des contrôles sur le site des relations difficiles avec l'équipe, le salarié ""répondait sèchement, était désagréable" qu'il remettait en cause ses affirmations.

Mais la cour observe que cette attestation peu circonstanciée et qui n'est pas objectivée par aucune plainte de client, ni aucun mail donnant une instruction précise au salarié que le salarié aurait refusé de suive, est insusceptible d'établir la réalité des griefs contestés par le salarié.

Force est de constater qu'il n'est produit aucune évaluation du salarié qui exerçait ses fonctions de contrôleur depuis plus de huit années sans que soit rapportée la preuve que son attention ait été appelée sur l'organisation des tournées de contrôle ; l'échange de courriel du 2 juin 2014 indiquant qu'il n'avait pas été demandé au salarié de faire le contrôle de [Établissement 1], on en parle demain", ne suffit pas à démontrer que le salarié aurait fait un contrôle non demandé ; à cet égard comme le fait valoir à juste titre le salarié au vu des plannings et comptes-rendus de contrôle produits, les contrôles opérés par le salarié étaient ceux demandés par l'employeur; par ailleurs, si dans le courrier daté du 9 février 2015, l'employeur à l'occasion d'une réponse au salarié invite pour la première fois son salarié à adopter une attitude correcte et courtoise lors de ses échanges avec le personnel, il reste qu'en l'absence d'évaluation du salarié, il ne peut se déduire que son comportement était reprochable ni qu'il justifiait son licenciement après plus de 7 années d'ancienneté sans antécédent judiciaire.

Enfin, le grief relatif à l'achat seul d'un appareil photo ne résulte que de l'affirmation de l'employeur sans aucune preuve, ce grief contesté ne figurant ni dans l'attestation de Madame [L] ni dans l'échange de courriel de juin 2014, ni dans le courrier de février 2015, seuls documents invoqués par la société Intervalles pour fonder le licenciement.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'insuffisance professionnelle du salarié n'est pas établie.

Par confirmation du jugement, la cour considère que le licenciement de Monsieur [A] est sans cause réelle et sérieuse.

Au vu de l'ancienneté, de l'âge du salarié au moment du licenciement, de sa faible employabilité compte tenu de son âge, de son salaire mensuel brut moyen de 2 553 euros, et des répercussions morales et financières de ce licenciement, la cour fixe à 28 000 euros le montant des doommages intérêts de nature à réparer intégralement son préjudice ; le jugement est réformé sur le quantum alloué.

Les conditions de l'article L.1235-4 du code du travail étant remplies, il convient d'ordonner à la société Intervalles de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié dans la limite de trois mois.

Sur la demande d'indemnisation pour rupture vexatoire

Si le licenciement du salarié est injustifié, Monsieur [A] ne démontre pas l'existence de circonstances vexatoires accompagnant le licenciement pas plus qu'il ne prouve un préjudice distinct de celui déjà réparé par le licenciement sans cause réelle et sérieuse après plus de huit ans d'ancienneté.

Le salarié est débouté de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

L'issue du litige conduit la cour à condamner la société Intervalles aux dépens de première instance et d'appel et confirmer le jugement sur les frais irrépétibles exposés par le salarié en première instance.

Il convient par ailleurs de condamner la société Intervalles à payer à Monsieur [A] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de la débouter de sa propre demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [A] au titre de l'obligation de veiller à la santé du salarié, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée, et sauf à réformer le quantum des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

STATUANT à nouveau de ces chefs,

REQUALIFIE les contrats à durée déterminée ayant débuté le 6 février 2007 en contrat de travail à durée indéterminée

CONDAMNE la société Intervalles à payer à Monsieur [L] [A] la somme de 2 553 euros à titre d'indemnité de requalification

CONDAMNE la société Intervalles à payer à Monsieur [L] [A] la somme de 5 000 euros de dommages intérêts pour manquement aux obligations de visites médicales périodiques

CONDAMNE la société Intervalles à payer à Monsieur [L] [A] la somme de 28 000 euros au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société Intervalles à payer à Monsieur [L] [A] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

ORDONNE à la société Intervalles de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Monsieur [L] [A] dans la limite de trois mois

CONDAMNE la société Intervalles aux dépens d'appel

REJETTE toute autre demande.

LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 16/08729
Date de la décision : 30/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°16/08729 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-30;16.08729 ?
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