Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 29 JANVIER 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03074
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Janvier 2016 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2014F00528
APPELANTS
SAS DEUX PONTS
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 068 500 982
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
SELARL AJ PARTENAIRES, en la personne de Maître [H] [H] ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de SAS DEUX PONTS
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Représentée par Me Jean-Marie OSTIAN, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE
SAS KOLBUS FRANCE
ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : 632 026100
Représentée par Me Guillaume FORBIN de la SELARL ALTANA, avocat au barreau de PARIS, toque : R021
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Deux Ponts est une imprimerie iséroise, spécialiste des arts graphiques.
La société Kolbus est spécialisée dans la fabrication de matériels de façonnage pour les industries graphiques et l'imprimerie, et notamment dans les chaînes de brochage-reliure permettant de relier sans couture.
Le 19 juillet 2005, la sa imprimerie des Deux-Ponts, devenue sas Deux Ponts, a commandé à la société Bonte, devenue Kolbus France , une chaine de brochage Kolbus, « Ratiobinder km 473 , au prix de 1 040 000 euros ht. L'acquisition a été financée par contrat de crédit bail souscrit auprès de la société CM-CIC bail le 22 novembre 2005.
La commande prévoyait un système d'encollage « pur » conventionnel par cylindre de la marque Nordson.
Le 20 septembre 2005 l'imprimerie des Deux Ponts a modifié la commande et requis un ssytème d'encollage par buse à lèvres de la même marque.
Le 20 janvier 2006, confrontée à des performances insatisfaisantes du matériel, la SA imprimerie des Deux-Ponts a avisé la société Nordson de ses difficultés de production relatives à un décollement des feuilles. Devant le refus de prise en charge, opposé par la société Nordson, la société des Deux Ponts s'est tournée vers la société Bonte, qui, après vérification sur site, lui a répondu que les essais n'avaient pas montré le défaut allégué.
La sa imprimerie des Deux-Ponts a donné assignation le 3 avril 2006 à la sa Bonte France, avec mise en cause du crédit bailleur, pour obtenir la désignation d'un expert. Par ordonnance du 30 mai 2006, monsieur [Z] [C] a été désigné en cette qualité.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 31 mars 2009 en l'état, faute pour l'imprimerie des Deux Ponts de consentir à d'autres essais.
L'expert a conclu que l'imprimerie des Deux Ponts avait négligé les avertissements de la société Bonte lors du choix de l'unité d'encollage, qu'elle aurait dû accorder le soin nécessaire à l'utilisation d'une technologie de pointe et a préconisé un partage de responsabilité de 40 % 60 % entre l'imprimerie des Deux Ponts et la société Bonte France.
La sas Deux Ponts a saisi le tribunal de commerce de Grenoble, par assignation du 6 mai 2010, sur le fondement de l'article 1604 du code civil.
Par jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 27 juillet 2010, la société Deux Ponts a été déclarée en sauvegarde. La société a ensuite été déclarée en redressement judiciaire. Par jugement du 1er septembre 2015, le tribunal de commerce de Grenoble a arrêté le plan de redressement de la sas Deux Ponts et désigné maître [H] [H] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
A la suite d'une exception d'incompétence le litige a été porté devant le tribunal de commerce d'Evry. Par jugement du 7 janvier 2016, le tribunal a débouté la société Deux Ponts de l'ensemble de ses demandes, tendant à obtenir la condamnation de la société Kolbus France à lui payer la somme de 305 524,77 euros, en se fondant sur la clause exonératoire de responsabilité stipulée dans le courrier du 28 septembre 2005.
La sas Deux Ponts et maître [H] [H] pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société ont interjeté appel du jugement.
Par conclusion du 27 septembre 2017, la sas Deux Ponts et maître [H] [H] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société, demandent de :
Reformer le jugement du tribunal de commerce d'Evry du 07 janvier 2016.
Dire et juger que la responsabilité de la sas Kolbus France est entièrement engagée sur le fondement de l'article 1604 du code civil dans la vendre à la sas Deux Ponts d'une machine à relier sans couture marque Kolbus type ratiobinder km 473 -26 pinces.
Condamner la société Kolbus France à payer à la sas Deux Ponts, en réparation de son préjudice la somme de 305 624,77 euros.
Rejeter sa demande reconventionnelle
Condamner la société Kolbus France à payer à la sas Deux Ponts la somme de 12 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 27 juin 2017, la société Kolbus France,
demande de :
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evry en date du 7 janvier 2016, en ce qu'il a débouté la société Deux Ponts de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en application de la clause exonératoire de responsabilité stipulée par la société Bonte France et non contestée par l'imprimerie des Deux Ponts,
2. A titre subsidiaire,
- débouter la société Deux Ponts de l'ensemble de ses demandes, les performances et prestations du matériel vendu étant conformes aux spécifications contractuelles,
3. A titre reconventionnel,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evry en date du 7 janvier 2016, en ce qu'il a débouté la société Kolbus de sa demande de condamnation pour procédure abusive,
Le réformant,
- condamner la société Deux Ponts à payer à la société Kolbus France la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la société Deux Ponts à payer à la société Kolbus France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
SUR CE,
La société Deux Ponts et Me [H] ès qualités, critiquent la décision du tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il a retenu l'application de la clause exonératoire de responsabilité invoquée par la société Kolbus, au motif que la commande initiale avait été modifiée par l'imprimerie des Deux Ponts.
Devant la cour d'appel l'appelante développe à nouveau les moyens soulevés devant le tribunal de commerce d'Evry. Elle reproche les performances de l'appareil qui ne permet pas de réaliser des reliures d'une épaisseur pouvant aller jusqu'à 70 mm alors que les caractéristiques d'encollage de 70 mm étaient stipulées à la commande.
Elle se fonde sur l'article 1604 du code civil pour soutenir que le matériel devait présenter des performances conformes à celle annoncées par le vendeur et considère que la société Bonte l'a simplement avisée d'un risque d'avoir à faire une mise au point lors de l'installation du matériel, qu'il ne s'agit pas d'une clause exonératoire ou limitative de responsabilité.
Ainsi que l'a relevé le tribunal, le bon de commande en date du 20 septembre 2005 prévoyait un système d'encollage « pur » conventionnel par cylindre. Ce système indiquait qu'il permettait de relier des ouvrages d'une épaisseur pouvant atteindre 70 mm.
Or, la société Deux Ponts a modifié la commande en adoptant un système d'encollage par buse à lèvres, pourtant déconseillé par la société Bonte, qui, par courrier du 28 septembre 2005, l'a informée des risques inhérents à cette solution, en lui rappelant que : 'l'appareil présente un fort risque d'avoir à faire la mise au point lors de celle-ci et que nous ne pourrons prendre la responsabilité des éventuelles perturbations de production qui pourrraient en découler'.
La brochure, relative au système d'encollage par buse à lèvres, indique que ledit système ne permet d'encoller que des ouvrages d'une épaisseur inférieure ou égale à 60 mm.
Il s'en déduit que si, initialement, le matériel vendu devait permettre de relier sans couture des cahiers ou blocs d'une épaisseur pouvant aller jusqu'à 70 mm, contrairement à ce qui est allégué, la société Bonte France a formellement informé sa cliente que le système de buse à lèvres ne permettait pas d'atteindre ce résultat. En conséquence, les caractéristiques d'encollage de 70 mm stipulées initialement, ont été modifiées corrélativement avec le choix d'un autre système d'encollage. Le tribunal a justement répondu sur ce point.
De plus, dans le courrier adressé le 28 septembre 2005, la société Bonte France a clairement attiré l'attention de l'imprimerie des Deux Ponts sur les risques encourus et dégagé sa responsabilité. La société Deux ponts n'a pas contesté cette clause exonératoire et a maintenu la modification de sa commande.
Dans ces conditions, la cour adopte les motifs du tribunal qui a justement répondu sur les points critiqués et confirme que la responsabilité de la société Bonte France, aux droits de laquelle vient la société Kolbus France, ne saurait être recherchée en raison des difficultés de production rencontrées par la société Deux Ponts, à la suite de l'installation du système d'encollage 'Pur' par buse à lèvres.
La société Deux Ponts sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Sur le caractère abusif de la procédure
Il ressort des éléments de la procédure que la société Deux Ponts justifie des difficultés rencontrées avec le matériel vendu. L'expert judiciaire a pris en considération une mauvaise compréhension par l'imprimerie des contraintes techniques de l'appareil pour que celui-ci puisse bien fonctionner. Au regard de ces éléments, la société Kolbus ne démontre pas le caractère abusif de la procédure poursuivie par la société appelante.
Sur les autres demandes
La société Deux Ponts, partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenue de supporter la charge des dépens d'appel.
Il paraît équitable d'allouer à la société Kolbus la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evry en date du 7 janvier 2016 en toutes ses dispositions,
DÉBOUTE la société Kolbus France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE la société Deux Ponts à payer à la société Kolbus France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Deux Ponts aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS