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25/01/2018 | FRANCE | N°14/02861

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 janvier 2018, 14/02861


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 25 Janvier 2018

(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02861



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL Section Encadrement RG n° 11/01245





APPELANTE :



SA THALES AIR SYSTEMS

Sise [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Loïc TOU

RANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Aymeric DE LAMARZELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168



INTIME :



Monsieur [Q] [F]

Né le [Date nais...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 25 Janvier 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02861

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL Section Encadrement RG n° 11/01245

APPELANTE :

SA THALES AIR SYSTEMS

Sise [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Loïc TOURANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Aymeric DE LAMARZELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168

INTIME :

Monsieur [Q] [F]

Né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (Algérie)

Demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Thierry RENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R046

PARTIE INTERVENANTE :

Syndicat SYNDICAT UNITAIRE ET PLURALISTE DU PERSONNEL

Sise [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Thierry RENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R046

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Novembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Stéphane MEYER, Conseiller, faisant fonction de Président

Mme Isabelle MONTAGNE, Conseillère

Mme Emmanuelle BESSONE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Aouatef ABDELLAOUI, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par M. Stéphane MEYER, Conseiller, faisant fonction de Président et par Madame Marine BRUNIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [Q] [F] a été engagé en qualité d'ingénieur commercial systèmes, pour une durée indéterminée à compter du 16 novembre 1998 par la société THOMSON-CSF AIRSYS, aux droits de laquelle la société THALES AIR SYSTEMS est venue. Il exerce actuellement les fonctions de 'responsable des comptes clients et offsets', avec le statut de cadre.

Il exerce parallèlement divers mandats de représentation du personnel depuis 2001.

Son salaire mensuel brut s'élève actuellement à 8 741,18 euros.

La relation de travail est régie par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie

Le 18 avril 2011, Monsieur [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil et formé diverses demandes afférentes à un harcèlement moral et à une discrimination syndicale.

Par jugement du 6 février 2014, le conseil de prud'hommes de Créteil, statuant en départage, après avoir estimé que Monsieur [F] avait été victime de harcèlement moral et de discrimination syndicale, a condamné la société THALES AIR SYSTEMS à lui payer 165 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, une indemnité de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté Monsieur [F] de ses plus amples demandes.

A l'encontre de ce jugement notifié le 14 février 2014, la société THALES AIR SYSTEMS a interjeté appel le 11 mars 2014.

Lors de l'audience du 30 novembre 2017, la société THALES AIR SYSTEMS demande à la cour l'infirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, sa confirmation en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de ses autres demandes, et la condamnation de ce dernier à lui verser une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir :

- qu'il n'existe aucun fait permettant de caractériser une situation de discrimination

syndicale, la carrière de Monsieur [F] ayant évolué normalement

- qu'il n'existe aucune inégalité de traitement

- qu'aucun élément ne permet de retenir l'existence d'un harcèlement

- qu'elle a exécuté de bonne foi le contrat de travail

- à titre subsidiaire, que les demandes de Monsieur [F] ne sont pas justifiées en leurs montants.

En défense, Monsieur [F] demande la confirmation du jugement, ainsi que la condamnation de la société THALES AIR SYSTEMS à lui payer les sommes suivantes :

- dommages et intérêts pour harcèlement moral et préjudice moral : 280 000 €

- dommages-intérêts pour atteinte à la santé : 50 000 €

- dommages-intérêts pour discrimination syndicale : 50 000 €

- au titre des préjudices subis en raison du non-repositionnement conventionnel :

. Si remise en état du statut à compter de 2017 :

hypothèse 1 : 375 442 €

hypothèse 2 : 294 833 €

la fixation de son appointement mensuel de base à 10 354 € bruts

. Subsidiairement, en l'absence de remise en état à compter de 2017 :

hypothèse 1 : 639 121 €

hypothèse 2 : 461 215 €

- au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail : 50 000 €

. à titre 'infiniment subsidiaire', si le préjudice salarial n'est pas indemnisé, il demande :

rappel de rémunération variable en 2010 et son impact sur la suite : 52 680 €

rappel de rémunération pour non application de l'accord sur le droit syndical : 16 302 €

la fixation de son appointement mensuel de base à 8 814 € bruts

- Monsieur [F] demande également la condamnation de la société THALES AIR SYSTEMS à lui payer 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens (et 4 440 € TTC au titre l'expertise confiée à Mr [Y] pour chiffrage du préjudice subi).

Le syndicat SUPPer intervient volontairement à l'instance et demande la condamnation de la société THALES AIR SYSTEMS au paiement de 10 000 € au titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

Au soutien, de leurs demandes, Monsieur [F] et le syndicat exposent :

- que Monsieur [F] a été mis à l'écart à compter de l'année 2006 et que sa situation s'est dégradée à nouveau à partir de 2010

- qu'il a été victime de discrimination syndicale

- qu'il a également été victime de harcèlement moral

- que l'employeur n'a pas respecté le principe d'égalité de traitement

- que l'employeur a exécuté son contrat de travail de mauvaise foi

- que le syndicat a intérêt à agir.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

***

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'allégation de discrimination

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison, notamment, de ses activités syndicales.

Aux termes de l'article L. 1133-1 du même code, ces dispositions ne font pas obstacle aux différences de traitement lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l 'exigence proportionnée.

L'article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

- Les présomptions de discrimination :

En l'espèce, depuis 2002, Monsieur [F] exerce des responsabilités au sein des institutions représentatives du personnel en tant que délégué syndical du syndicat Force ouvrière, puis en 2004, en tant que délégué syndical de la CGT et élu membre au sein de du CHSCT. A compter de la fin de l'année 2006, il a été élu suppléant au comité d'établissement, tout en demeurant membre élu au CHSCT et délégué syndical, mandats qui ont été reconduits. A la fin de 2010, il est devenu, pour le syndicat SUPPer, délégué syndical central, délégué syndical d'établissement, titulaire au comité d'établissement, membre du CHSCT, président de la commission Egalité professionnelle. En 2012, il a été désigné représentant syndical dans les commissions centrales du comité d'entreprise Egalité professionnelle, Habitat et Formation professionnelle ainsi que membre de la commission centrale économique. En 2013, il a été désigné représentant syndical et élu suppléant au comité central d'entreprise, représentant syndical dans les commissions centrales du comité d'entreprise Egalité professionnelle, Habitat et Formation professionnelle ainsi que membre de la commission centrale économique, il est élu membre du CHSCT et représentant dans la commission de suivi des accords GPEC et GAE (Gestion Active de l'Emploi). En 2015, il a été désigné délégué syndical central d'entreprise, élu suppléant au comité d'établissement, membre de la commission centrale économique, représentant syndical au CHSCT, représentant syndical dans la commission centrale Egalité professionnelle, et représentant syndical dans la commission de suivi de l'accord d'Anticipation de l'Emploi. Le 17 novembre 2016, il a été élu titulaire au comité d'établissement et est actuellement toujours délégué syndical central d'entreprise.

Pour retenir l'existence d'éléments permettant de présumer l'existence d'une discrimination de Monsieur [F] en raison de ses activités syndicale, le jugement relève les éléments suivants :

- Son absence d'évolution de carrière :

Le jugement relève en substance, au vu des pièces produites par les deux parties que Monsieur [F] relève de la classification Ingénieur IIIB et du coefficient 180 depuis son entrée dans l'entreprise, le 16 novembre 1998 et que, même en retenant la moyenne la plus favorable à l'entreprise, il comptait, au jour du jugement, une ancienneté dans l'échelon nettement supérieure à la moyenne, qui est de huit ans, puisque la sienne s'établissait à quinze ans et deux mois à la date de l'audience de départage.

- Sa formation ESSEC et sa prise en compte par l'employeur :

Le jugement relève, au vu des pièces produites, que Messieurs [W] et [M] ont effectué la même formation que Monsieur [F] et que l'employeur, a tenu compte de leurs compétences ainsi acquises pour leur confier de nouvelles fonctions, puisque Monsieur [W] est devenu "responsable salle de marchés" au siège de l'entreprise, tandis que Monsieur [M] est devenu "responsable contrôle de gestion" et assume la responsabilité d'une équipe de dix salariés.

Le jugement relève également que Monsieur [F] s'étonnait par courrier adressé à Monsieur [A], DRH direction Sales & Marketing le 6 mai 2009 de ne pas avoir été retenu au poste de "responsable de la zone C avec un NR l1", en rappelant qu'il avait demandé à bénéficier d'une évolution professionnelle en accord avec sa formation suivie à l'ESSEC, d'autant que la récente réorganisation de la direction commerciale offrait des opportunités de promotions professionnelles, alors que ce poste a été pourvu par un recrutement externe, l'entreprise soutenant sans le démontrer que le salarié recruté disposait d'un profil plus adapté que celui de Monsieur [F].

Enfin, le jugement relève l'existence d'une fiche individuelle de situation datée du 4 février 2013, qui mentionne au titre des informations complémentaires l'appartenance syndicale de Monsieur [F] à la CGT au cours de l'année 2009, alors que ce dernier explique que cette fiche constitue un document interne à l'entreprise, susceptible d'être consultée par les responsables des différents services, par exemple dans le cadre d'une candidature à un poste de l'entreprise. Pour être plus précis, cette fiche, produite aux débats, mentionne en première page, à la rubrique 'formations complémentaires' : 'formation syndicale CGT'.

- Sa mise à l'écart du dossier d'appel d'offre du gouvernement algérien :

Le jugement relève qu'aux termes du compte-rendu de l'entretien du 1er septembre 2008, son responsable hiérarchique, Monsieur [H] lui aurait reproché de ne pas avoir remarqué que l'appel d'offre remis le 19 mai 2008 contenait une erreur quant à l'indication du montant de la caution de soumission, susceptible de disqualifier l'entreprise pour l'obtention du marché et décidé de le dessaisir du dossier, alors qu'il résulte des courriels échangés que sa mise à l'écart ne paraît pas reposer sur un manquement professionnel.

- Ses affectations suivantes :

Le jugement relève que, le 20 février 2009, Monsieur [F] a été informé qu'à la suite de sa demande de changement de rattachement hiérarchique, il était au secrétariat général de la division Marketing & ventes de la division Systèmes Aériens, qu'il a contesté par écrit cette affectation en s'étonnant de l'absence de respect des règles en vigueur dans le groupe et en soulignant encore que les nouvelles fonctions étaient en décalage avec son expérience professionnelle et sa récente formation ESSEC, qu'était alors effectuée une enquête interne, dans le cadre de laquelle le chef d'établissement de RUNGIS reconnaissait qu'il aurait fallu laisser à Monsieur [F] un temps de réflexion sur le poste proposé.

Le jugement relève qu'au cours de son entretien avec la direction le 27 mai 2009, il a été indiqué à Monsieur [F] que son niveau de responsabilité et la position salariale étaient très corrects, que la formation suivie était un acquis et "qu'une évolution professionnelle [pouvait] toujours être envisagée mais que, dans ce cas, il y [aurait] probablement des choix à faire du fait des mandats" .

Le jugement relève ensuite que, par courrier du 7 juin 2010, Monsieur [F] s'est plaint d'avoir été dessaisi - sans son accord et sans discussion préalable - de la mise en place de la démarche KAM au sein de TR6, du retrait des activités liées aux Off sets et de la fin de rattachement de deux personnes dont il assurait le management, que la direction lui a répondu le 7 juillet 2010 qu'il ne s'agissait pas d'une réduction de son périmètre mais correspondait à un ajustement lié à la nouvelle organisation du groupe.

Enfin, le jugement relève que Monsieur [F] s'est également vu notifier une modification de son taux de rémunération variable de 15 à 12% consécutive à sa mutation au sein de la direction commerciale de l'entreprise

- Ses entretiens d'évaluation :

Le jugement relève que, lors l'entretien annuel d'évaluation de l'année 2010, réalisé le 26 janvier 2011, Monsieur [F] a été évalué ''en inadéquation", ce qui, selon le guide interne à l'entreprise correspond à un 'trop grand écart qu'il peut y avoir entre un collaborateur et son poste qui ne pourra être comblé quelle que soit la durée dans le poste", alors que le rapport d'évaluation du 14 avril 2010, concluait à un très bon démarrage et soulignait que Monsieur [F] était une personne de grandes compétences.

Le jugement relève également que, dans le cadre de l'entretien du 4 avril 2011, la direction aurait indiqué à Monsieur [F] que son inadéquation à son poste était uniquement liée à des problèmes de disponibilité durant l'année 2010 du fait de ses mandats syndicaux qui ne lui auraient pas permis d'atteindre les objectifs fixés.

C'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge a estimé que ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination de Monsieur [F] en raison de ses activités syndicales.

- Les éléments produits par la société THALES AIR SYSTEMS

Concernant, la société THALES AIR SYSTEMS produit six panels d'où il résulte que :

. Sur un panel de onze salariés titulaires d'un Bac +5 (diplôme que Monsieur [F] a obtenu qu'en 2008), deux sont, comme lui, au niveau III-B, les neuf autres relèvent de classifications inférieures et le salaire moyen est de 4 406,76 € (salaire médian de 3 971,88 €) alors que celui de Monsieur [F] était de 7 824,72 € à la même époque

. Sur soixante-seize salariés entrés comme Monsieur [F] en 1998, seuls quatre sont classés au niveau III-C, huit au niveau III-B et soixante-quatre relèvent de classifications inférieures. Le salaire moyen est de 4 393,67 € (salaire médian de 4 357,40 €) alors que celui de Monsieur [F] était de 7 824,72 € à la même époque

. Sur quarante-neuf salariés entrés comme Monsieur [F] en 1998 et titulaires d'un diplôme Bac + 5, seuls deux sont classés au niveau III-C, sept au niveau III- B, quarante relèvent de classifications inférieures, étant précisé que deux salariés du niveau III-C ont une ancienneté bien supérieure à celle de Monsieur [F]. Le salaire moyen est de 4 805€ (salaire médian de 4 792,05 €) et Monsieur [F] perçoit la rémunération la plus importante des salariés de niveau III-B.

. Sur les vingt et un salariés relevant de la classification III-B dans la famille professionnelle 'Commerce' à laquelle appartient Monsieur [F], le salaire moyen est de 7 432,64 € (salaire médian de 7 426,84 €) alors que la rémunération de Monsieur [F] est alors de 7 824,72 €. Seuls cinq salariés ont une rémunération supérieure à la sienne mais avec une ancienneté largement supérieure.

De son côté, Monsieur [F] ne fournit aucun élément précis de nature à contredire utilement ces panels.

Par ailleurs, la société THALES AIR SYSTEMS produit un extrait du rapport égalité femmes/hommes de 2015, montrant que, dans l'entreprise, à tous les niveaux de classification, des salariés ont une ancienneté supérieure à celle de Monsieur [F], et qu'il existe des salariés disposant de diplômes supérieurs à Bac +4 à presque tous les niveaux de classification.

La société THALES AIR SYSTEMS fait ensuite valoir, sans être contredite sur ce point, qu'au mois de mars 2012, un poste de directeur business développement services, de niveau NR 11 (donc III-C), a été ouvert au sein de l'entreprise mais que Monsieur [F] n'y a pas postulé alors que ce poste entrait parfaitement dans le champ de ses compétences, puisqu'il correspond au poste occupé par son supérieur hiérarchique. Monsieur [F] ne fournit aucune explication à cet égard.

Concernant les conséquences de la formation à l'ESSEC, la société THALES AIR SYSTEMS fait valoir qu'elle a accepté de faire bénéficier Monsieur [F] de cette formation diplômante tout en la finançant pour un montant de 22 000 € et que Messieurs [W] et [M] avaient postulé, ce qui n'était pas le cas de Monsieur [F]. Ce dernier ne répond pas à cette objection.

La société THALES AIR SYSTEMS fait ensuite valoir, concernant l'appel d'offre du gouvernement algérien, que c'est Monsieur [F] seul qui a rédigé le compte-rendu de l'entretien du 1er septembre 2008 qu'il produit - ce qui est exact - et déclare en contester le contenu. La société THALES AIR SYSTEMS conteste avoir évincé Monsieur [F] de ce contrat mais expose que la négociation n'a pu aboutir notamment en raison d'une erreur qu'il a commise. Même si ce dernier conteste sa responsabilité à cet égard, aucun élément, hormis le compte-rendu contesté, ne permet de retenir une attitude de son responsable hiérarchique qui ne serait pas dictée par des considérations d'ordre professionnel.

Concernant les affectations suivantes, la société THALES AIR SYSTEMS fait valoir à juste titre, que ce changement d'affectation était réalisé à la suite de la demande de Monsieur [F] lui-même, qu'il a donné son accord au cours du mois d'avril 2009 et que la commission d'enquête diligentée à sa demande a conclu à l'absence de toute discrimination et à sa satisfaction quant au changement de rattachement hiérarchique et au contenu des missions . Il convient d'ailleurs d'ajouter que Monsieur [F] déclare lui-même que, dans le cadre de ce nouveau poste, sa collaboration avec son nouveau responsable hiérarchique a été constructive et efficace jusqu'en février 2010.

Concernant l'évaluation du 27 mai 2009, la société THALES AIR SYSTEMS fait valoir à juste titre que le compte-rendu a été rédigé par Madame [C], déléguée syndicale et conteste son contenu et en avoir à l'époque eu connaissance.

La société THALES AIR SYSTEMS fait ensuite valoir qu'aux termes de sa lettre précitée du 7 juillet 2010, elle a répondu de façon circonstanciée aux doléances formulées par Monsieur [F] le 7 juin 2010. Aux termes de cette lettre, elle lui expliquait de façon circonstanciée que les objectifs, qu'il contestait, s'inscrivaient dans un processus de réorganisation qui concernait tous les salariés du groupe, tout comme la modification de son taux de rémunération variable, modification qui n'a pas entraîné de baisse de sa rémunération totale. Monsieur [F] ne produit aucune explication de nature à contredire utilement cette argumentation.

Concernant l'évaluation du 26 janvier 2011, l'entreprise expose que Monsieur [F] n'avait réalisé aucun de ses objectifs, lesquels tenaient compte de son temps de travail consacré à ses activités de délégué syndical et produit à cet égard des courriels de relance de ses interlocuteurs. La société THALES AIR SYSTEMS relève également qu'à la suite de sa contestation, Monsieur [F] a été reçu par son 'N+2", lequel a confirmé l'appréciation d'absence de réalisation des objectifs et relève également, à juste titre, que seul Monsieur [F] a allégué qu'il lui aurait alors été indiqué que son inadéquation à son poste était uniquement liée à des problèmes de disponibilité du fait de ses mandats syndicaux, aucun élément du dossier ne permettant d'en établir la réalité.

Concernant la fiche individuelle de situation susvisée, la société THALES AIR SYSTEMS fait valoir que ce document ne mentionne pas l'appartenance syndicale à la CGT mais mentionne uniquement toutes les formations dont a bénéficié Monsieur [F], au titre desquelles figure 'formation syndicale CGT', que les informations de ce document peuvent être modifiées ou supprimées par le salarié lui-même, que la fiche n'est pas accessible en dehors de l'entité ni en dehors des ressources humaines, que rien ne permet de démontrer que ce document peut être utilisé dans le cadre d'une procédure de recrutement à des fins discriminatoires. Cependant, il est produit un document interne à l'entreprise indiquant : 'la Fiche individuelle est un CV interne et est au coeur du dispositif Together. Chacun est acteur de son développement professionnel, bien renseigner sa Fiche individuelle est une démarche importante', ce qui, d'une part, établit la preuve de l'importance de cette fiche au coeur de l'entreprise et d'autre part, ne démontre pas que Monsieur [F] ait été à l'origine de la mention litigieuse et qu'il ait eu la possibilité de l'effacer. Par ailleurs, même si elle n'apparaît qu'à la rubrique 'formation', la mention 'CGT' est immédiatement visible sur la fiche. Cependant, la société THALES AIR SYSTEMS fait valoir à juste titre que les affiliations syndicales de Monsieur [F] ne constituaient pas un secret au sein de l'entreprise, ce dont il résulte qu'à lui seul, ce document est impropre à caractériser une discrimination.

Il résulte de ces considérations que, contrairement à ce qu'a estimé le jugement déféré, la société THALES AIR SYSTEMS établit la réalité d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Ce jugement doit donc être infirmé à cet égard et les demandes afférentes à la discrimination rejetées.

Sur l'égalité de traitement

Il résulte des dispositions de l'article L. 3221-2 du code du travail, que l'employeur doit assurer l'égalité de traitement entre salariés lorsqu'ils effectuent un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En l'espèce, sous couvert d'établir une inégalité de traitement, Monsieur [F] reprend en réalité la même argumentation que celle développée au soutien de l'allégation de discrimination syndicale.

Ses demandes afférentes doivent donc être rejetées.

Sur l'allégation de harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié d'établir des fait qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles.

En l'espèce, pour retenir l'existence d'éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, le jugement relève que Monsieur [F] expose qu'à son retour de congés, le 1er, septembre 2008, il a été convoqué par Monsieur [H], lequel l'a informé qu'il lui retirait ses dossiers et qu'un arrêt de travail lui a été prescrit jusqu'au 16 novembre 2008, l'arrêt initial retenant un épisode dépressif lié à des conditions de travail harcelantes.

Le jugement relève également que cet incident a été reconnu et pris en charge par l'assurance maladie comme un accident du travail.

Le jugement décrit les documents médicaux produits par Monsieur [F], notamment un certificat médical de son médecin traitant, indiquant qu'il le suit depuis le 1er septembre 2008 dans le cadre d'un syndrome anxio-dépressif lié à des conditions de travail éprouvantes, ainsi qu'une feuille de soins du 30 août 2011, prescrivant des soins pendant un an et retenant la persistance d'un syndrome anxio-dépressif lié à un accident du travail nécessitant la poursuite d'un traitement anti-dépresseur pour une durée indéterminée et la poursuite de la prise en charge psychothérapeutique, ainsi que de nombreux certificats médicaux relatifs aux années 2009 à 2011, toujours pour le même motif.

Le jugement relève qu'à la suite de l'accident du travail du 1er septembre 2008, des membres du CHSCT ont évoqué, les 6 et 7 novembre 2008 une gestion du personnel au sein du service de Monsieur [F], constituée par des agissements pouvant constituer des pratiques de harcèlement moral et se sont étonnés que l'incompétence de Monsieur [F] soit apparu soudainement, alors qu'antérieurement, la direction était totalement satisfaite de son travail.

Le jugement relève également que la situation de Monsieur [F] a donné lieu à la rédaction d'un avis de danger grave et imminent le 12 mars 2009, avis transmis par le secrétaire du CHSCT le 17 mars 2009 à l'inspection du travail du Val-de-Marne, le secrétaire soulignant la carence de la direction à transmettre ce signalement et qu'à la suite de l'enquête interne effectuée le 23 juin 2009 par le CHSCT, il est apparu que trois personnes, dont Monsieur [F], avaient été concernées par une situation de choc émotionnel dont ils imputaient la responsabilité à Monsieur [H] et que la commission d'enquête a conclu à un harcèlement moral mettant en cause ce dernier, décrit comme flattant le haut de sa hiérarchie et méprisant le bas de l'échelle, ou encore comme ambitieux et cyclothymique, lui-même reconnaissant un manque de communication avec ses collaborateurs.

Enfin, le jugement relève que les entretiens avec la hiérarchie au cours desquels des reproches professionnels étaient adressés à Monsieur [F] étaient de nature à augmenter la pression qui lui était imposée dans l'accomplissement de ses fonctions et à dégrader ses conditions de travail, qu'il a d'ailleurs subi plusieurs arrêts de travail consécutivement à ces faits, que le choc émotionnel diagnostiqué a été qualifié d'accident du travail.

C'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge a estimé que ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

En défense, la société THALES AIR SYSTEMS fait valoir qu'il n'est ni démontré, ni même allégué que, le 1er septembre 2008, Monsieur [H] aurait tenu des propos déplacés ou agressifs ou aurait exercé des pressions particulières à l'encontre de Monsieur [F] mais qu'il lui a uniquement reproché une erreur qu'il avait commise. A cet égard, Monsieur [F] ne fournit aucune précision.

Elle produit une décision de la commission de recours amiable de la CPAM des [Localité 2], qui conclut à l'inopposabilité à l'entreprise de l'accident du travail.

Concernant le procès-verbal du CHSCT des 6-7 novembre 2008, la société THALES AIR SYSTEMS fait valoir à juste titre qu'un seul cas de choc émotionnel similaire à celui de Monsieur [F] a été relevé et que le médecin du travail a alors déclaré que ' les deux cas sont très différents, bien que survenant dans le même service'.

Concernant le rapport d'enquête du 23 juin 2009, la société THALES AIR SYSTEMS relève à juste titre que les conclusions de la commission sont les suivantes : 'suite à l'audition des deux parties, la commission constate qu'il y de toute évidence malentendu entre Messieurs [F] et [A] sur l'esprit du courrier. Elle constate que les discussions positives qui ont suivi ont permis à Monsieur [F] d'obtenir satisfaction sur sa demande de changement de rattachement hiérarchique et sur le contenu des missions qui lui sont confiées'.

La société THALES AIR SYSTEMS relève, également à juste titre, que Monsieur [F] ne décrit pas des conditions de travail éprouvantes et ne produit pas la moindre pièce émanant de la médecine du travail, permettant d'établir la réalité d'un lien entre son activité professionnelle et son état de santé, les certificats de son médecin traitant étant, à cet égard, insuffisants.

Il résulte de ces considérations que, contrairement à ce qu'a estimé le jugement déféré, la société THALES AIR SYSTEMS établit la réalité d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral .

Ce jugement doit donc être infirmé à cet égard et les demandes afférentes au harcèlement moral rejetées.

Sur la demande de dommages et intérêts pour atteinte à la santé et pour exécution déloyale du contrat de travail

Au soutien de ces demandes, Monsieur [F] ne présente aucune argumentation, autre que celle développée au soutien de son allégation de harcèlement moral, laquelle a été rejetée.

Il doit donc être débouté de ces demandes.

Sur l'intervention du syndicat SUPPer

Les demandes de Monsieur [F] étant intégralement rejetées, le syndicat doit être débouté de ses demandes, qui en sont l'accessoire.

Sur les frais hors dépens

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société THALES AIR SYSTEMS à payer à Monsieur [Q] [F] les sommes de 165 000 euros à titre de dommages et intérêts, de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [Q] [F] de ses autres demandes.

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [Q] [F] de ses demandes.

Déboute le syndicat SUPPer de ses demandes.

Déboute la société THALES AIR SYSTEMS de sa demande d'indemnité.

Condamne Monsieur [Q] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/02861
Date de la décision : 25/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°14/02861 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-25;14.02861 ?
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