La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/2018 | FRANCE | N°16/11044

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 23 janvier 2018, 16/11044


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 23 Janvier 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/11044



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SENS RG n° F16/00025





APPELANT



Monsieur [G] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1985 à



comparant en perso

nne, assisté de Me Carole DURIF, avocat au barreau de SENS substitué par Me Karen DEVIN, avocat au barreau d'AUXERRE





INTIMEE



SARL SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD

[Adresse 3]

[Adresse 4]

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 23 Janvier 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/11044

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SENS RG n° F16/00025

APPELANT

Monsieur [G] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1985 à

comparant en personne, assisté de Me Carole DURIF, avocat au barreau de SENS substitué par Me Karen DEVIN, avocat au barreau d'AUXERRE

INTIMEE

SARL SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD

[Adresse 3]

[Adresse 4]

N° SIRET : 537 55 6 8 21

représentée par Me Jean-michel MIR de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Agnès BALLEREAU-BOYER, avocat au barreau de GRASSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure

civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD a pour activité l'oxygénothérapie et I'assistance respiratoire à domicile et assure une présence et un accompagnement de proximité. Signataire de la Charte de la personne prise en charge par un prestataire de santé à domicile, elle emploie 10 salariés. La convention collective applicable est celle du négoce et des prestations de services dans les domaines médico-techniques. La société doit se conformer à un arrêté ministériel relatif aux Bonnes Pratiques de Dispensation à domicile de I'Oxygène à usage Médical (BPDOM) qui prévoit notamment des règles en matière de traçabilité de l'oxygène et du matériel lié à sa dispensation et emploie pour cette raison un pharmacien responsable du respect de cette réglementation.

Monsieur [G] [E], engagé par la société SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD à compter du 27 septembre 2010, en qualité de technicien, au dernier salaire mensuel brut de 1.983,22 euros, a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 14 décembre 2013 énonçant le motif suivant :

'... J'ai vainement tenté d'attirer l'attention de Mr [X], mon responsable technique, Mme [M], la responsable d'agence et Mr [T] le pharmacien, sur la dégradation de mes conditions de travail et ses conséquences préjudiciables sur ma santé et celle des patients dont j'avais la charge. Je déplore qu'aucune démarche d'amélioration n'ait été entreprise pour tenter de remédier a la situation. J'ai adressé un mail à Mr [X] et Mme [M] le 13 Juin 2013, qui décrivait mes conditions de travail et les difficultés que je rencontrais avec ma cuve à oxygène défectueuse, rendant compliqué et ardu son remplissage. Je leur indiquais aussi le fait que mon véhicule utilitaire, calait sans arrêt, à des endroits rarement stratégiques et me faisait prendre des risques sur la route ainsi qu'aux autres usagers et qu'il n'a jamais été réparé..

Mon mail, adressé à Mme [M] le 10 Juillet 2013, décrivait ma charge de travail trop importante (environ 50h hebdomadaire) et le fait qu'elle n'avait pas tenu son engagement, qui était soit de me rendre mes heures supplémentaires en repos compensateur, soit de me les rémunérer. Mon crédit d'heures supplémentaires se chiffre à ce jour a environ 350 h, non rémunérées, non récupérées.

Le mail adressé a Mme [M] et Mr [X] le 15 Juillet 2013, décrivait une mise en danger volontaire de la part de mon responsable technique. Ce dernier refusait de changer mes pneus. J'ai roulé 10 000km dans l'état, on apercevait la structure acier du pneu par endroit !

Le mail adresse a Mme [M] et Mr [X] le 23 Septembre 2013, précisait que malgré mes nombreuses demandes, l'aménagement intérieur de ma camionnette présentait de nombreux défauts. Des défauts qui me portent préjudice au niveau securité, puisqu'au mois de septembre 2013, suite à un défaut de fixation de l'extincteur, celui-ci m'est tombé dessus. Ce qui a entrainé un accident de travail, avec un arrét de travail de 15 jours.

A ce jour, aucune réparation n'a été faite.

Autre défaut préjudiciable aussi pour les autres et pour moi-même: le logement des bouteilles d'oxygène est inutilisable, en cas de choc ou de freinage d'urgence, les bouteilles d'oxygène sortiraient des sangles et se promèneraient dans l'habitacle avec toutes les conséquences que l'on n'ose même pas imaginer.

Le mail adresse a Mme [M] le 15 novembre 2013 avertissait que le travail fait par mon responsable technique présentait de nombreuses erreurs. C'est lui qui gérait mon agenda, et des manquements dans le réapprovisionnement en oxygene des patients ont été observés.

Dans le mail adressé a Mme [M], Mr [X], Mr [T] le 20 novembre 2013 je dénonce, entre autre, l'irresponsabilité de mon responsable technique Mr [X]. Par ses négligences, il n'y avait plus de matériel disponible. Ce dernier m'a m'ordonné d'installer des cuves, qui n'avaient pas été contrôlées. ll souhaitait donc faire prendre un risque aux patients, en engageant ma responsabilité.

Dans le mail adressé a Mme [M], Mr [X], Mr [T] le 21 novembre 2013, on peut y apprendre que Mr [X] m'a obligé à installer du matériel défectueux chez une patiente en toute connaissance de cause. On y apprendra un peu plus tard qu'il m'a lui-même livré un matériel défectueux dont il n'a pas fait le contrôle.

J'ai envoyé des mails et des messages texte a plusieurs reprises a Mr [X] et Mme [M] concernant le nombre d'heures de travail realisées bien trop importantes qui n'ont été ni payées, ni récupérées contrairement à un engagement oral pris par ces derniers il y a plus d'un an.

Le mail recu par Mme [M] de la part de Mr [X] du 5 Décembre dernier m'incriminait une fois de plus à tort. Cette fois, j'aurai espionné sa boite mail à l'aide d'un logiciel espion. Ceci m'a été dit verbalement par Mme [M]. Celle-ci a refusé de m'envoyer une copie de ce mail malgré mes demandes.

Je suis contraint de constater que, dans votre entreprise, les principes de prévention du harcèlement moral et de préservation de la santé des employés sont bafoués. Vous êtes donc principalement responsable des conséquences préjudiciables qui ont résultées des agissements de Mr [X] en sa qualité de responsable technique, et de Mme [M] en sa qualité de responsable d'agence, sur mon état de santé physique et psychique.

Hier encore, en fin de journée, en vérifiant le niveau de la cuve a oxygène de mon véhicule, je me suis pris un jet d'oxygène au visage. En sont témoins Mme [M] et M. [H]. Cela m'était déjà arrivé il y a quelques mois, on m'avait promis une réparation urgente de ma cuve, promesse non tenue. Cette fois-ci encore, la brûlure est superficielle, cela aurait pu être bien plus grave sans mes lunettes de vue par exemple. Je refuse de continuer à jouer ma santé tous les jours au travail pour une société qui n'en a que faire de ses employés et de ses patients.

Je ne reprendrai donc plus mon activité dans votre établissement...'.

Par jugement du 30 juin 2016 , le Conseil de prud'hommes de SENS a dit que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission et débouté Monsieur [E] de ses demandes notamment à titre de rappel de salaires et d'indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.

Monsieur [E] en a relevé appel.

Par conclusions récapitulatives du 21 juillet 2017, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [E] demande à la cour d'infirmer le jugement, de constater que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail est imputable aux manquements de la SARL SOS OXYGENE et produit en conséquence les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il demande de condamner la société SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD au paiement des sommes suivantes des intérêts au taux légal, à compter de la saisine du Bureau de Conciliation du Conseil de prud'hommes de Sens. :
-21.165,07 € au titre des astreintes non réglées pour la période de 2010 à 2013
-12.692,59 € au titre des heures supplémentaires non-réglées pendant la durée de l'exécution du contrat de travail
-10.000,00 € au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral
-2.269,22 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
-226,92 € au titre de l' indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
-18.000,00 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-10.000,00 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice physique et moral.

Il demande la remise des documents suivants rectifiés en conformité avec la décision sous astreinte de 100 € par jour de retard,: attestation POLE EMPLOI, solde de tout compte, dernier bulletin de salaire.

Par conclusions récapitulatives du 27 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société OYGENE BASSIN PARISIEN SUD demande de débouter Monsieur [E] de ses demandes et de le condamner au paiement des sommes suivantes :
-1.983,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
-4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

****
MOTIFS

Sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail

' Principe de droit applicable :

En application de l'article L 1231-1 du code du travail, lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire.

' Application du droit à l'espèce

Sur la modification du contrat de travail

L'employeur, dans l'exercice de son pouvoir de direction, peut procéder à un changement des conditions de travail du salarié sans être tenu de recueillir son consentement ; en revanche, le contrat de travail ne peut faire l'objet d'une modification unilatérale par l'une des parties, laquelle doit intervenir d'un commun accord ; il en est ainsi dès lors que la modification affecte l'un des éléments essentiels du contrat que sont le lien de subordination juridique, les fonctions et la rémunération

Embauché par la société SOS OXYGENE ILE DE France EST, Monsieur [E] soutient avoir été contraint de signer un nouveau contrat de travail le 29 mars 2013, avec une agence de la même entreprise sous la dénomination SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD à une nouvelle adresse, avec une nouvelle rémunération mensuelle et une nouvelle rémunération des astreintes.

Selon l'employeur, ce transfert s'explique par le fait que, pour des raisons d'ordre personnel et familial, Monsieur [E] a émis le souhait de se rapprocher de son domicile et du département de l'Yonne.

En l'espèce, une convention de transfert a été signée entre la société sortante, la société entrante et Monsieur [E] le 28 février 2013. Cette convention a été acceptée par Monsieur [E] et aucun élément versé au débat ne permet d'établir que le salarié a été contraint de signer cette convention. Le grief n'est pas établi.

Sur le paiement des astreintes

Les astreintes effectuées par le salarié donnent lieu à des compensations, soit financières, soit sous forme de repos. La durée d'intervention est considérée comme du temps de travail effectif.

Monsieur [E] fait valoir qu'il a effectué des astreintes qui ne lui ont pas été payées. Il produit un tableau récapitulatif et sollicite la somme de 21.165,07 euros pour les astreintes effectuées entre 2010 et 2013.

Il verse au débat des attestations dont celle de Monsieur [Y], technicien, qui indique que « Monsieur [E] enchaînait les astreintes semaine après semaine sous la pression constante de son supérieur hiérarchique ».

La société explique que Monsieur [E] fait un calcul erroné des astreintes, que celui-ci ne peut être en astreinte en journée puisqu'il est déjà dans sa relation contractuelle. L'employeur ajoute que les astreintes de nuit ont été payées et précise que les astreintes réclamées par le salarié ne figurent pas sur les fiches d'intervention que le salarié a transmises à l'entreprise. A cet égard, la société verse au débat les fiches d'astreinte de Monsieur [E].

En l'espèce, les pièces du dossier établissent que Monsieur [E] était effectivement rémunéré pour les astreintes effectuées. En effet, il ressort des fiches d'astreintes versées au débat par l'employeur que Monsieur [E] a été payé pour ces heures.

Le tableau récapitulatif des astreintes produit par Monsieur [E] n'est pas étayé par des éléments précis. Il s'ensuit que Monsieur [E] ne rapporte pas la preuve d'astreintes non payées. Partant, le grief n'est pas établi.

Sur le paiement des heures supplémentaires

Selon les dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Monsieur [E] soutient qu'il a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées. A l'appui de sa demande il produit un tableau récapitulatif des heures qu'il prétend avoir effectuées chaque semaine de la semaine 48 de l'année 2010 à la semaine 49 de l'année 2013. Le nombre d'heures travaillées en une semaine varie pour une de 39 à 54,25. Il sollicite le paiement de 12.692,59 euros au titre des heures supplémentaires restant dues, soit 501,75 heures supplémentaires majorées à 25% et 390,50 heures supplémentaires majorées à 50%.

L'intéressé verse au débat plusieurs témoignages de salariés qui font état de l'importance des heures effectuées par Monsieur [E]. Ainsi, Monsieur [Y], technicien, indique des heures tardives et des amplitudes importantes de Monsieur [E]. Il précise que les heures supplémentaires effectuées n'étaient pas indemnisées.

Monsieur [A], ancien responsable technique de Monsieur [E], affirme que ce dernier travaillait plus de 45 heures par semaine et avait subi une période d'astreinte jusqu'à la création de l'agence de [Localité 1] en mars 2013.

Par ailleurs, Monsieur [E] verse au débat des fiches d'intervention, des mails et les horaires des pleins d'essences effectués pour corroborer ses dires.

Au vu des éléments produits, le salarié étaye sa demande sur des éléments suffisamment précis permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

La société SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD se limite à remettre en cause les éléments produits par le salarié, et notamment le tableau des heures supplémentaires produit par Monsieur [E]. Il invoque l'imprécision des témoignages des salariés et le fait que les pleins d'essences ne justifient pas les heures de travail de Monsieur [E]. Cependant l'employeur n'apporte pas d'élément justifiant des heures effectivement réalisées par le salarié

En l'espèce, la durée du travail contractuelle de Monsieur [E] était de 39 heures hebdomadaires, soit 169 heures mensuelles. Ainsi,17,33 heures supplémentaires lui étaient payées chaque mois. Cependant, il ressort des éléments versés au débat que Monsieur [E] faisait plus de 169 heures par mois, ce qui est confirmé par les attestations de salariés, les fiches d'intervention, des 'sms' ainsi que les emails.

Par ailleurs, l'employeur n'a pas régularisé la situation, en dépit des alertes du salarié. Ainsi, le 20 novembre 2013 Monsieur [E] indiquait à Monsieur [X], son responsable technique :''planning que tu as mis en place suite à une concertation commune mais je ne peux le respecter que dans les règles établies par mon contrat de travail. En effet, mon contrat stipule que ma journée s'arrête à 39h'.

Ainsi, au vu des éléments versés au débat, Monsieur [E] n'a pas été payé de l'intégralité des heures supplémentaires effectuées entre les mois de novembre 2010 et décembre 2013. L'employeur n'apporte pas d'élément précis sur les heures effectuées en réponse aux pièces versées par le salarié. En conséquence, il convient de retenir le tableau des heures produit par Monsieur [E] et il y a lieu de condamner la société à verser à l'intéressé la somme de 12.692,59 euros à titre d'heures supplémentaires non payées après déduction des sommes correspondant aux heures supplémentaires qui ont d'ores et déjà été rémunérées.

Dans la mesure où le manquement de l'employeur résidant dans le non paiement des heures supplémentaires a perduré en dépit des demandes répétées du salarié, le grief est d'une gravité suffisante pour justifier la prise d'acte aux torts de l'employeur et lui faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [E], de son âge, de son ancienneté, et des conséquences de la rupture de la relation de travail à son égard, la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 13.800 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail

Il convient par ailleurs d'accorder à Monsieur [E] les sommes suivantes dont le montant est justifié au vu des pièces versées aux débats :

-2.269,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

-226,92 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur le harcèlement moral

Il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L.1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

Monsieur [E] fait état d'une pression psychologique et estime avoir été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique direct, Monsieur [X]. Il précise que Monsieur [X] avait un comportement et des agissements insultants avec des hurlements et des mouvements vifs en sa direction. Il ajoute que son supérieur hiérarchique portait des accusations contre lui à tort afin de le déstabiliser, manipulait et gérait son agenda de sorte que ses tournées étaient surchargées afin de l'épuiser.

Monsieur [E] verse au débat des attestations de salariés. Ainsi, Monsieur [U], ancien collègue de travail, atteste que Monsieur [E] a subi de fortes pressions de sa hiérarchie et un véritable harcèlement moral de la part de Monsieur [X]. Monsieur [Y], technicien, évoque la pression constante exercée sur Monsieur [E]. Monsieur [A], ancien responsable technique chez SOS OXYGENE, explique 'les fortes pressions qui ont été exercées sur lui de la part de la direction afin de le faire craquer pour ne pas réclamer ses heures supplémentaires'. Il précise que 'Monsieur [E] a subi des pressions dans le but de le faire démissionner de son poste. Par exemple, de part son lieu d'habitation, lui attribuer un secteur à l'opposé de chez lui'.

Par ailleurs, Monsieur [E] estime avoir alerté Monsieur [T], le pharmacien, quant à ses conditions de travail, notamment le 26 septembre où il a souligné dans un sms 'une charge de travail toujours plus lourde, un environnement propice aux erreurs, une absence totale de matériel'

Il verse au débat un mail envoyé à Madame [M], sa supérieure hiérarchique, le 6 décembre 2013. Dans ce mail, il indique les faits suivants ' je te propose de laisser entendre à [T] qu'il a obtenu ma tête. C'est son obsession de toute façon depuis 2 ans. J'en ai marre de ce harcèlement, de cette pression sans cesse. J'ai besoin de dormir la nuit'.

Au vu des éléments versés au débat, Monsieur [E] produit des éléments suffisamment précis et concordants faisant présumer le comportement harcelant de son supérieur hiérarchique direct sur une période de plusieurs mois, en particulier depuis le printemps 2013 que l'employeur ne pouvait ignorer.

La société soutient que Monsieur [E] n'a jamais alerté ni la direction de la société, ni le médecin du travail ou l'inspecteur du travail des agissements de harcèlement moral à son égard et conteste les attestations produites en indiquant qu'elles ne sont pas suffisamment précises et proviennent pour la plupart de salariés de la société SOS OXYGENE ILE-DE-FRANCE EST et non de la société SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD, et donc de salariés qui ne se trouaient plus en contact avec Monsieur [E] depuis sa mutation à SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD. Cependant, les témoignages produits sont concordants, suffisamment précis et apparaissent crédibles et émanent de personnes qui étaient effectivement en contact avec Monsieur [E] pendant la relation de travail.

Par ailleurs, la société expose que Monsieur [E] a adopté un comportement inadapté à l'égard de son supérieur hiérarchique, Monsieur [X]. Elle verse au débat un mail adressé à la responsable de l'agence, madame [M], le 15 novembre 2013, s'agissant du travail de Monsieur [X] : ' je trouve ce travail bâclé et fait à la dernière minute, sans possibilité de s'organiser ni pour [E] ni pour moi'. L'argument d'un comportement inadapté du salarié, lequel n'est pas démontré en l'espèce, est inopérant pour expliquer un comportement harcelant de la hiérarchie.

Cependant, en l'espèce l'employeur ne pouvait ignorer une situation qui perdurait depuis plusieurs mois. S'agissant en particulier du comportement de Monsieur [X], Monsieur [E] avait lancé des alertes auprès de Madame [M] dès le mois de mars 2014 jusqu'au 6 décembre, date à laquelle l'intéressé a expressément dénoncé une situation de harcèlement. L'employeur, de son côté, ne démontre pas que le comportement adopté pendant plusieurs mois par la hiérarchie à l'égard de Monsieur [E] s'explique par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le grief est donc établi et il y a lieu de condamner la société à verser à Monsieur [E] la somme de 4.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur l'obligation de sécurité

L'article L 4121-1 du code du travail dispose que :
'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'

Monsieur [E] explique que son employeur n'a pas respecté les règles de sécurité, notamment en ne faisant pas réparer le matériel mis à sa disposition. Dans un courrier adressé à l'inspection du travail, il explique les problèmes auxquels il a été confronté :

- dysfonctionnement des vannes d'arrêt et gel complet de celles-ci

- fuite d'oxygène, mauvais vissage de la canne permettant le remplissage des cuves chez les patients

- problèmes de délogement des bouteilles de gaz au sein du véhicule

- mauvaise fixation de l'extincteur situé à l'extérieur du véhicule, tombé sur les mains de Monsieur [E] a nécessité 15 jours d'arrêts de travail le 13 décembre 2013.

Monsieur [E] ajoute que le 27 septembre 2013, lors d'une manipulation d'une vanne, il a reçu un jet d'oxygène au visage mais sans gravité.

Il affirme que les pneus étaient sur les témoins d'usures en date du 15 juillet 2013 et que l'essieu complet a été changé le 28 octobre 2013.

Les réparations comprises dans le forfait entretien étaient suivies mais les réparations en dehors du forfait étaient régulièrement refusées. Monsieur [E] souligne que le 11 février 2013, son camion a eu des difficultés pour démarrer. Il précise qu'il n'a pas été réparé jusqu'au 17 mai 2013 et changea finalement de véhicule le 22 juillet 2013.

Enfin, Monsieur [E] déclare de nombreux défauts sur la cuve du camion sans que cela soit pris en compte par sa hiérarchie.

L'employeur explique que Monsieur [E] a reçu un nouveau véhicule le 23 septembre 2013, soit sept mois après son arrivée au sein de la société SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD. Il précise que l'aménagement De ce véhicule confié à Monsieur [E] avait été entièrement refait. Ainsi, la société estime qu'il est impossible que les bouteilles de gaz transportées dans un utilitaire puissent se déloger ou encore sortir des sangles comme le soutient Monsieur [E] dans son courrier de prise d'acte.

De même, l'employeur souligne qu'outre ce nouveau véhicule, tous les véhicules professionnels mis à la disposition de Monsieur [E] ont fait l'objet de réparations.

Par ailleurs, concernant l'accident du 13 décembre 2013 où Monsieur [E] affirme avoir reçu un jet d'oxygène au visage, la société déclare n'en avoir pas été informéet. Elle explique que Monsieur [E] ne portait pas les équipements de sécurité réglementaires requis à la procédure à savoir gants, lunettes, vêtements longs et chaussures de sécurité.

En l'espèce, il ressort cependant des pièces versées au débat que plusieurs dysfonctionnements ont mis en danger la sécurité et la santé de Monsieur [E]. En effet, le salarié a été victime de deux accidents et a alerté la hiérarchie à plusieurs reprises comme il ressort des échanges de 'sms' entre Monsieur [E] et le pharmacien Monsieur [T],, le 26 septembre 2013 : « je n'ai ni cuves, ni portables et une cuve fuyant plus qu'une passoire. Je suis surpris qu'il n'y ait pas encore eu d'accident' ».

Face aux carences dénoncées par Monsieur [E] et aux accidents, l'employeur ne démontre pas avoir eu une réponse adaptée pour se conformer à l'obligation de sécurité qui pèse sur lui, ne prenant pas pleinement en considération la dangerosité des opérations et les risques encourus.

Il s'ensuit que le grief est fondé et, au vu des éléments versés au débat, Monsieur [E] a subi un préjudice que la Cour évalue à la somme de 5.000,00 euros. En conséquence, la société sera condamnée au paiment de cette somme à dommages et intérêts en réparation du préjudice physique et moral effectivement subi par le salarié pendant l'exécution du contrat de travail.

Sur la demande de remise de documents

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif. Il n'a a pas lieu en l'état d'ordonner une astreinte.

Sur la demande de la société au titre du préavis

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande formulée par la société SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD 1.983,22 euros au titre du préavis n'est pas justifiée. Elle est donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [E] de sa demande au titre de l'indemnité pour les astreintes
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés

DIT que la prise d'acte par Monsieur [E] de la rupture de sonb contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD à payer à Monsieur [E] les sommes de :

-12.692,59 euros à titre d'heures supplémentaires non payées

-2.269,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

-226,92 euros à titre de d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

-13.800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 4.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice physique et moral.

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

Y ajoutant,

ORDONNE la remise par la société à SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD d'un bulletin de paye, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail et d'un solde de tout compte conformes au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu à ordonner une astreinte

Vu l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD à payer à Monsieur [E] en cause d'appel la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

LAISSE les dépens à la charge de la société SOS OXYGENE BASSIN PARISIEN SUD.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/11044
Date de la décision : 23/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°16/11044 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-23;16.11044 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award