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19/01/2018 | FRANCE | N°17/03126

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 19 janvier 2018, 17/03126


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1



ARRÊT DU 19 JANVIER 2018



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/03126



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2015 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny - RG n° 13/13393





APPELANTE



Madame [J] [R]



demeurant [Adresse 1]



Représentée et assistée sur l'audience par M

e Ariel FERTOUKH de la SELEURL CABINET FERTOUKH, avocat au barreau de PARIS, toque : J079

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/013618 du 08/04/2015 accordée par le bureau d'...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 19 JANVIER 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/03126

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2015 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny - RG n° 13/13393

APPELANTE

Madame [J] [R]

demeurant [Adresse 1]

Représentée et assistée sur l'audience par Me Ariel FERTOUKH de la SELEURL CABINET FERTOUKH, avocat au barreau de PARIS, toque : J079

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/013618 du 08/04/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉS

Monsieur [K] [W]

et

Madame [C] [W]

demeurant [Adresse 2]

Représentés tous deux et assistés sur l'audience par Me Dominique BENATTAR ANGIBAUD de la SELEURL ASSET AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0552

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Christine BARBEROT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Présidente

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller

Madame Christine BARBEROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par acte authentique du 15 février 2013, M. [K] [W] et Mme [Q] [N], épouse [W] (les époux [W]), ont vendu à Mme [J] [R] les lots [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] de l'état de division d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3], soit respectivement, un appartement de quatre pièces au sixième et dernier étage du bâtiment, situé au n° 142 de la rue, un cellier et un parking, au prix de 189 000 €. Ayant constaté peu après la vente, l'apparition d'importantes traces d'humidité et de moisissures sur les murs de l'appartement, par actes des 10 et 13 août, 1er octobre 2013, Mme [R] assigné les vendeurs en annulation de la vente et en paiement de dommages-intérêts.

C'est dans ces conditions que, par jugement du 26 février 2015, le Tribunal de grande instance de Bobigny a :

- débouté Mme [R] de toutes ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Mme [R] aux dépens.

Par dernières conclusions du 30 novembre 2016, Mme [R], appelante, demande à la Cour de :

- vu les articles 1134, 1116, 1117, 1641 à 1645, 1382 du Code civil, 700 du Code de procédure civile,

- infirmer en son entier le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- condamner les époux [W] à lui payer les sommes de :

. 50 000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice pécuniaire,

. 78 839,79 € au titre des travaux augmentée par application de l'indice BT à compter de la date des différents devis,

- 1 400 € par mois au titre du préjudice de jouissance à partir du 15 février 2013 jusqu'à complet paiement des travaux,

. 30 000 € au titre du préjudice moral,

- 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- assortir toutes les condamnations des intérêts à compter de l'assignation et application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux [W] aux dépens.

Par dernières conclusions du 15 mars 2016, les époux [W] prient la Cour de :

- vu les articles 1134, 1116, 1117, 1382, 1643 du code civil,

- débouter Mme [R] de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris,

- y ajoutant :

- condamner Mme [R] à leur payer la somme de 10 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

SUR CE

LA COUR

Le procès-verbal de constat dressé le 22 novembre 2013 à la demande du syndic de la copropriété, par Mme [N] [K], clerc de la SCP d'huissier de justice, Sabourin-Peltier-Vayssou, corrobore le 'constat' dressé par Mme [R], elle-même, peu après la vente le 5 avril 2013 en présence du président du conseil syndical, de plusieurs autres copropriétaires et de Mme [V], architecte en charge du suivi des travaux de réfection des toitures-terrasses de l'immeuble, montrant la présence dans l'appartement litigieux, situé au 6e et dernier étage du bâtiment, d'importantes traces d'humidité et de moisissures. M. [E] [B], expert en 'Pathologie des bâtiments', qui a procédé, à la demande de Mme [R], à l'examen de l'immeuble, qu'il décrit comme une barre polygonale de 6 étages, datant de 1975-1976, en préfabrication lourde coiffée par une toiture terrasse, ainsi qu'à celui de l'appartement litigieux, confirme, dans son rapport du 4 juillet 2013, l'importance des infiltrations et de l'humidité dans les lieux acquis. Cet expert indique que les infiltrations sont visibles de l'extérieur à l'interface entre les murs et la toiture-terrasse, en particulier au niveau des coins et qu'elles provoquent des fentes en façade dues à l'éclatement du béton, l'humidité étant ancienne (plusieurs années) et profonde 'à tel point qu'elle altère le béton au sein même du bâtiment à plus de deux mètres des façades et à près d'un mètre de profondeur', le mur de l'une des chambres de l'appartement étant atteint dans toute sa longueur et constituant sur toute sa surface un pont thermique. M. [B] précise que 'le flambement des parois verticales est aggravé par la mauvaise isolation de la toiture-terrasse qui subit des variations 'dimentionnelles' horizontales en fonction des variations thermiques. Cette poussée provoque, à l'intérieur des chambres 1 et 2 orientées au nord, des fissures subhorizontales au sommet de certains murs', concluant que les murs de l'appartement ne remplissent leur fonction ni de reprise des charges ni d'isolation thermique et hydrique ni de durabilité prévue pour 50 ans minimum. L'ancienneté des infiltrations et leur importance sont confirmées par les comptes-rendus des réunions de chantier pour la 'réfection complète des étanchéités en toitures-terrasses' dressés par le syndic en décembre 2012, qui prouvent que le bâtiment n° 142 est 'le plus touché par les infiltrations' et qu'à la suite du rendez-vous du 12 décembre 2012 où a été constatée 'une fissure apparue en partie basse à l'angle d'une paroi et à la jonction d'un mur de refend et d'un doublage', le syndic avait demandé aux époux [W] de faire une déclaration auprès de leur assureur.

Il ressort de ces éléments qu'au 15 février 2013, date de la vente, l'appartement présentait des désordres affectant sa structure, le rendant impropre à son usage et qui, s'ils avaient été connus de l'acquéreur, auraient été de nature à faire obstacle à sa décision d'acquérir.

S'il résulte du rapport de M. [B] que les indices visuels situés sur la paroi extérieure du bâtiment n'étaient 'accessibles qu'à l'oeil avisé', cependant, les vendeurs, qui habitaient dans l'appartement avant la vente, ne pouvaient ignorer l'existence des infiltrations, ayant constaté :

- en septembre 2010 des traces de moisissures à l'angle du mur de leur chambre que l'entreprise diligentée par le syndic a attribuées à une mauvaise aération de la pièce, puis,

- en décembre 2011, après travaux dans la chambre, une réapparition des taches d'humidité.

En outre, ils avaient connaissance :

- de l'assemblée générale de février 2012, dont ils s'abstiennent de verser aux débats le procès-verbal, mais au cours de laquelle ils indiquent qu'avait été votée la réfection des terrasses situées en toiture du bâtiment et au-dessus de leur appartement,

- de la requête du syndic, formulée à la suite du rendez-vous de chantier du 12 décembre 2012 où a été constatée 'une fissure apparue en partie basse à l'angle d'une paroi et à la jonction d'un mur de refend et d'un doublage', leur demandant de faire une déclaration de sinistre auprès de leur assureur

Dans son compte rendu de réunions de chantier des 27 février, 6 et 21 mars 2013, l'architecte, chargé de la réfection de l'étanchéité des toitures-terrasses, précise que 'la copropriété a des problèmes d'infiltration provenant des toitures-terrasses et du complexe d'étanchéité devenu déficient depuis de nombreuses années. En décembre 2010, il a été commandé une étude à notre cabinet de maître d'oeuvre. En février 2012, les travaux ont été votés ; ils ont commencé en octobre 2012" et ajoute que, si les travaux d'étanchéité des toitures-terrasses du bâtiment 142 sont achevés en mars 2013, cependant, 'en façade, seuls les travaux de reprise de maçonnerie par des cordistes qualifiés pourront assainir les façades et les pièces'.

Ainsi, à la date de la vente, les époux [W], qui avait remis en état l'appartement et connaissaient l'existence et l'origine des infiltrations auxquelles il n'avait pas été porté remède, les travaux votés en assemblée générale n'ayant pas été achevés de sorte que l'acquéreur pouvait souffrir de nouveaux désordres, n'ont pas informé Mme [R] de l'existence des infiltrations récurrentes de nature à faire obstacle à la vente, commettant, ainsi, un dol par réticence ayant vicié le consentement de l'acquéreur. Le fait que Mme [R] ait mis en vente son appartement le 11 février 2016 au prix de 249 000 € en indiquant que l'étanchéité des terrasses avait été refaite il y a deux ans de sorte qu'il n'y avait plus de problème d'humidité, n'est pas de nature à établir, contre les éléments qui viennent d'être analysés, que l'appartement n'avait pas subi d'infiltrations en 2013.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

En cause d'appel, Mme [R] ne réclame plus la nullité de la vente, mais la réparation de ses divers préjudices en lien avec le dol qui vient d'être retenu.

Mme [R] qui ne demande plus l'annulation de la vente, ne peut prétendre au remboursement des frais liés à l'achat du bien, des charges, des taxes foncières, des frais liés à l'habitation du bien. Il n'est pas justifié par Mme [R] que la constitution d'un fonds de solidarité, pouvant être remboursé ultérieurement aux copropriétaires, soit en lien avec les désordres subis en 2013.

Mme [R] établit, par la facture du 4 septembre 2015 de la société Tiffany-Paris-Bat, que le coût de la réfection de l'appartement s'est élevé à la somme de 55 086, 83 €. Il doit donc être fait droit à la demande de Mme [R] en paiement de la somme de 50 000 € au titre du préjudice pécuniaire qui inclut la remise en état des parties privatives (conclusions de l'appelante, p. 17), l'assureur Generali ayant estimé que le sinistre était antérieur à la prise d'effet du contrat (rapport Eurexo du 12 avril 2013) et que sa garantie n'était pas due. Mme [R] ne peut réclamer, en sus, la somme de 65 078,79 € au titre des travaux de rénovation de l'appartement sur la base d'un devis du 24 juillet 2013 dressé par M. [D], s'agissant du même préjudice.

Mme [R], qui n'établit pas le montant des charges qui lui est imputable en qualité de copropriétaire pour la réfection des parties communes en lien avec les infiltrations en toiture et en façade, doit être déboutée de ses demandes de ce chef.

S'agissant du préjudice de jouissance, Mme [R] a vécu avec ses deux enfants en bas âge, depuis l'emménagement du 16 février 2013 jusqu'à la remise en état au 28 août 2015 suivant la facture précitée du 4 septembre 2015, dans un logement humide dont une partie des pièces n'étaient pas habitables. Pendant cette durée, elle a subi un préjudice de jouissance qui peut être évalué à la somme mensuelle de 500 €, soit sur 30 mois, celle de 15 000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance.

Le préjudice moral de Mme [R] sera réparé par la somme de 5 000 € de dommages-intérêts.

Les époux [W] doivent donc être condamnés à payer à Mme [R] la somme de 50 000 € + 15 000 € +5 000 € = 70 000 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 1er octobre 2013, les intérêts échus étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

La solution donnée au litige emporte le rejet des demandes de dommages-intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile des époux [W].

Considérant que l'équité commande qu'il soit fait droit aux demandes de Mme [R], sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Condamne in solidum M. [K] [W] et Mme [Q] [N], épouse [W], à payer à Mme [J] [R], à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par cette dernière à la suite du dol qu'ils ont commis lors de la vente du 15 février 2013, la somme de 70 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2013 ;

Dit que les intérêts échus seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne in solidum M. [K] [W] et Mme [Q] [N], épouse [W], aux dépens de première instance, qui comprendront les frais de publication de l'assignation au service de la publicité foncière, et d'appel dont le recouvrement pourra être poursuivi dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Condamne in solidum M. [K] [W] et Mme [Q] [N], épouse [W], à payer à Mme [J] [R] la somme de 6 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/03126
Date de la décision : 19/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris G1, arrêt n°17/03126 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-19;17.03126 ?
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