Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 17 JANVIER 2018
(n° 11, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/10878
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Mai 2017 - Président du TGI de CRETEIL - RG n° 17/00313
APPELANTS
Monsieur [U] [O]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 2] (92)
SAS GROUPE AVERIA agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 500 625 322
SAS AVERIA DISTRIBUTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 4]
N° SIRET : 519 184 212
SARL NEALTIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 750 861 452
Représentés et assistés de Me Sylvia GRADUS de la SELEURL SYLVIA GRADUS ASSOCIEE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0500
INTIMES
Madame [E] [I]
[Adresse 4]
[Localité 5]
née le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 6] (58)
Monsieur [H] [X]
[Adresse 5]
[Localité 7]
né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 7]
SASU SAINT-GOBAIN GLASS SOLUTIONS PARIS CENTRE NORMANDIE Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 6]
[Localité 8]
N° SIRET : 300 462 413
Représentés par Me Sylvie ABORDJEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1836
assistés de Me Florence PELANDA substituant Me Sylvie ABORDJEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1836
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Martine ROY-ZENATI, Premier Président de chambre et Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Martine ROY-ZENATI, Premier Président de chambre
Mme Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Véronique COUVET
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Martine ROY-ZENATI, président et par M. Aymeric PINTIAU, greffier.
Le groupe Avéria, constitué sous l'impulsion de M. [U] [O] dans le domaine d'activité de la transformation du verre plat en Ile-de-France, a engagé avec le groupe Saint-Gobain, en octobre 2013 puis de nouveau en mars 2016, des pourparlers en vue de l'intéresser à une prise de participation dans son capital, qui, après la signature d'une lettre d'intention le 25 mars 2014, se sont finalement soldés par un échec. Se plaignant du débauchage de quatre salariés dont deux responsables de site et d'agissements déloyaux de leur part au sein d'un nouvel établissement ouvert en novembre 2016 par la société Saint-Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie à [Localité 9] à proximité de son propre site de [Localité 7] caractérisant selon eux des actes de parasitisme et de concurrence déloyale entraînant un détournement de clientèle, la Sarl Néaltis, sa filiale la SAS Groupe Avéria, la filiale de celle-ci, la SAS Avéria Distribution, et M. [O] ont sollicité du président du tribunal de grande instance de Créteil, par voie de requête, une mesure d'instruction consistant notamment en la saisie des documents et informations en lien avec le groupe Avéria.
Par ordonnance en date du 12 janvier 2017, le juge des requêtes a autorisé la mesure sollicitée en donnant à l'huissier de justice la mission suivante :
'- se rendre sur le site de distribution de la société Saint-Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie situé à [Localité 9] ;
- accéder aux dossiers papier et aux ordinateurs fixes et/ou portables ainsi que tout support informatique (de type unité de stockage), moyen de communication de type smartphone, tablette, agenda, support papier appartenant ou utilisés par M. [H] [X], Mme [Q] [Y] et Mme [E] [I] et, si nécessaire, accéder à leur boîte email (...) et prendre copie sur quelque support que ce soit (papier, informatique, numérique ou autre) des noms, coordonnées des clients, propositions commerciales, bons de commande, factures et éléments de chiffre d'affaires réalisés par le site d'[Localité 9] entre le 1er novembre 2016 et la date d'exécution de la mesure ;
- rechercher sur les supports dont s'agit et prendre copie sur quelque support que ce soit (papier, informatique, numérique ou autre) de tous fichiers contenant les intitulés ou dénommés 'report + numéro' ou 'Averia' ;
- accéder à la boîte email de Mme [E] [I] 'fanny.moiroud@saint-gobain.com' et prendre copie sur quelque support que ce soit (papier, informatique, numérique ou autres) de l'ensemble des courriels et autres documents échangés par Mme [E] [I] entre le 8 décembre 2015 et la date d'exécution de la mesure avec les personnes dont les adresses email sont les suivantes : (suivent les clients de Avéria sollicités à son départ par l'intéressée)
- s'agissant de M. [X] et de Mme [I], disons que compte tenu de la nature itinérante de leurs fonctions, la mesure pourra également être exécutée à leurs domiciles respectifs (...) :
- dit que les données pourront être extraites et copiées sur place ou a posteriori en tout lieu où seront détenus les ordinateurs fixes et/ou portables, supports informatiques (de type unité de stockage), moyens de communication de type smartphone, tablette, agenda, support papier,
- dit, à cet effet, que si pour des raison matérielles ou techniques, il s'avère impossible d'exécuter la mission au domicile de M. [H] [X] et/ou Mme [E] [I] ou, le cas échéant, sur le site de l'établissement d'[Localité 9], l'huissier sera autorisé à saisir sur le champ et emporter à son étude les ordinateurs fixes et/ou portables ainsi que les supports informatiques (de type unité de stockage), moyens de communication de type smartphone, tablette, agenda, support papier afin de les conserver et séquestrer trois jours au plus ;
- entendre tous sachants et consigner leurs déclarations,
- recueillir toutes informations utiles aux faits de la cause,
- établir le procès-verbal de leurs constatations,
- dit que le ou les experts informatiques établiront un rapport relatif aux diligences accomplies à l'effet de procéder à ces constatations ;
- dit que les informations et documents recueillis seront séquestrés par l'huissier jusqu'à ce que la juridiction des référés soit saisie afin de débattre contradictoirement sur leur devenir ;
- dit que la présente ordonnance sera caduque si elle n'est pas exécutée dans le délai de 3 mois'.
L'ordonnance a été exécutée le 19 janvier 2017.
Par acte d'huissier en date du 8 février 2017, la société Saint-Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie, Mme [E] [I] et M. [H] [X] ont assigné les sociétés Groupe Avéria, Avéria Distribution, Néaltis et M. [U] [O] aux fins de voir prononcer la rétractation de l'ordonnance du 12 janvier 2017.
Par ordonnance en date du 2 mai 2017, le président du tribunal de grande instance de Créteil a :
- rétracté l'ordonnance sur requête du 12 janvier 2017 ;
- dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes ni à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les demandeurs aux dépens.
Par déclaration d'appel du 31 mai 2017, les sociétés Groupe Avéria, Avéria Distribution et Néaltis et M. [U] [O] ont interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions transmises le 20 novembre 2017, ils demandent à la cour, sur le fondement des articles 145, 496 et suivants du code de procédure civile, de :
- les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel ;
- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 2 mai 2017 en l'ensemble de ses dispositions ;
statuant à nouveau,
- dire et juger la société Saint-Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie, Mme [I] et M. [X] mal fondés en l'ensemble de leurs demandes tendant à la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 12 janvier 2017 et les en débouter ;
- confirmer l'ordonnance sur requête rendue le 12 janvier 2017 en toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
- ordonner l'ouverture du séquestre mis en place par l'ordonnance rendue le 12 janvier 2017 ;
- enjoindre à la société Actehuis, Huissier de Justice, de leur communiquer :
* le ou les procès-verbaux de ses constatations, ainsi que le ou les rapports dressés par les experts informatiques ;
* la copie de l'ensemble des informations, données et documents collectés le 19 janvier 2017 à l'occasion de l'exécution de sa mission, quel qu'en soit le support.
- dire et juger l'arrêt à intervenir opposable à la société Actehuis ;
- enjoindre à la société Saint-Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie, Mme [I] et M. [X] de leur remettre l'ensemble de ces procès-verbaux et informations qu'ils ont appréhendés le 23 août 2017, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à s'exécuter à compter du prononcé de l'arrêt ;
- débouter la société Saint-Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie, Mme [I] et M. [X] de l'ensemble de leurs autres demandes ;
très subsidiairement,
- user, le cas échéant, de la faculté de modifier l'ordonnance sur requête du 12 janvier 2017 ;
- condamner in solidum la Saint-Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie, Mme [I] et M. [X] à leur payer la somme de 3 500 euros chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner in solidum à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils soutiennent :
- que la requête justifie des circonstances dans lesquelles le groupe Avéria est entré en relation avec le groupe Saint-Gobain, du contenu et de la nature des informations confidentielles transmises à l'occasion des pourparlers, des faits de débauchage par le groupe Saint-Gobain de quatre salariés, des agissements déloyaux desdits salariés et de l'ouverture d'un site de distribution conçu et organisé sur le modèle Averia à proximité d'un des siens ;
- qu'il existe un risque de destruction des données informatiques litigieuses relatives aux faits de parasitisme et de concurrence déloyale et que l'ordonnance critiquée a organisé de surcroît une mesure de séquestre afin que soient protégés les intérêts de toutes les parties ;
- qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, présentés au stade de la requête, l'atteinte au principe de la contradiction était rendue nécessaire ;
- que, par ailleurs, est caractérisé le motif légitime d'ordonner une mesure visant la société SGGS Paris Centre Normandie, au regard des informations auxquelles le groupe Saint-Gobain a eu accès dans le cadre des négociations, de la volonté d'imiter le 'modèle Averia', et du débauchage de quatre salariés ;
- que la mesure vise logiquement les anciens salariés Avéria qui ont été débauchés par la société Saint-Gobain ; qu'ainsi, M. [X] a démarché d'anciens collègues dans le but de collecter des données, que Mme [I] a imprimé et emporté des données commerciales puis a contacté les clients de son ancien employeur, et que la démission de Mme [Y] est également suspecte ;
- qu'enfin, la mesure est proportionnée, puisque la période est limitée, qu'elle est limitée aux données contenues sur les supports informatiques et autres appartenant ou utilisées par les trois anciens salariés, et qu'elle ne concerne que certaines données énumérées ;
- que la mesure garantit les droits et libertés des personnes visées en prévoyant des précisions spécifiques pour troubler le moins possible la vie privée des intéressés ;
- que le juge de la rétractation est compétent dans le cadre du débat contradictoire rétabli pour statuer sur la demande d'ouverture du séquestre formulée à titre reconventionnel.
Par conclusions transmises le 21 novembre 2017, la société Saint-Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie (SGGS), Mme [E] [I] et M. [H] [X] demandent à la cour, sur le fondement des articles 75, 145 et 493 du code de procédure civile, de :
- les juger recevables et bien fondés en leurs demandes ;
in limine litis,
- se déclarer incompétente pour connaître de la demande des sociétés Groupe Avéria, Avéria Distribution, Néaltis et M. [U] [O] tendant à l'ouverture du séquestre ;
- se déclarer incompétente pour connaître de la demande des sociétés Groupe Avéria, Avéria Distribution, Néaltis et M. [U] [O] tendant à leur enjoindre à leur remettre l'ensemble des procès-verbaux et informations qu'ils ont recueillis le 23 août 2017 ;
- renvoyer les sociétés Groupe Avéria, Avéria Distribution, Néaltis et M. [U] [O] à mieux se pourvoir,
en tout état de cause,
- confirmer l'ordonnance de référé du 2 mai 2017 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter les sociétés Groupe Avéria, Avéria Distribution, Néaltis et M. [U] [O] de l'ensemble de leurs demandes ;
statuant à nouveau,
- infirmer l'ordonnance de référé du 2 mai 2017, en ce qu'elle les a déboutés de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum les sociétés Groupe Avéria, Avéria Distribution, Néaltis et M. [O] à payer à la Saint-Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance engagés ;
en toute hypothèse,
- condamner in solidum les sociétés Groupe Avéria, Avéria Distribution, Néaltis et M. [O] à payer à la Saint-Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel engagés ;
- condamner in solidum les sociétés Groupe Avéria, Avéria Distribution, Néaltis et M. [O] aux entiers dépens d'appel.
Ils font valoir :
- que seul le juge des référés peut se prononcer sur la demande d'ouverture du séquestre et sur l'éventuelle remise par les concluants des documents recueillis par l'huissier de justice le 19 janvier 2017 que ce dernier leur a transmis le 23 août 2017 ; que la cour d'appel, statuant comme juge de la rétractation, ne peut connaître de ces demandes, sa compétence se limitant à vérifier si la requête est, ou non, fondée ;
- qu'il n'existe pas de circonstances justifiant la dérogation au principe de la contradiction, la requête s'étant contentée de reprendre l'article 493 du code de procédure civile et ne démontrant pas en quoi les circonstances de l'espèce justifiaient l'absence d'un débat contradictoire ; qu'il ne suffisait pas d'invoquer un risque de disparition des preuves et le caractère instable des données informatiques et numériques ;
- que le fait que le juge des requêtes ait prononcé le séquestre des informations n'autorise pas en soi une dérogation au principe du contradictoire ;
- qu'aucun motif légitime ne justifie la mesure ordonnée ; qu'en effet, il n'est pas établi que la SGGS Paris Centre Normandie ait été en possession de documents litigieux ; que la société Avéria ne présente pas un modèle économique avantageux ou spécifique et qu'il n'est pas établi que la SGGS Paris Centre Normandie se soit approprié un prétendu modèle ;
- que l'embauche de personnels libres de tout emploi et dont l'ancien employeur n'est pas protégé par une clause de non-concurrence ne peut être qualifiée de concurrence déloyale ;
- qu'aucun comportement déloyal ou illicite ne peut être reproché aux salariés embauchés, le démarchage de la clientèle étant licite dès lors qu'il n'est pas accompagné de procédés déloyaux ;
- que les mesures ordonnées sont illicites car elles ont permis, du fait de leur caractère très général, une enquête déguisée chez un concurrent qui a porté atteinte au secret des affaires, ainsi qu'au respect de la vie privée de M. [X] et de Mme [I] en ce qu'elles ont eu lieu en leur domicile personnel dans des conditions traumatisantes.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions transmises et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Considérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé ;
Considérant qu'il résulte des articles 496 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel la contradiction est rétablie ; qu'elle est tenue d'apprécier elle-même, au jour où elle statue, les mérites de la requête au regard de l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement ; que cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, elle doit statuer en tenant compte de tous les faits s'y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci ; qu'elle doit ainsi apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant elle ; que l'ordonnance sur requête étant, aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse, elle doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction ; que les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit qui peut se contenter de s'y référer ;
Considérant que s'agissant des circonstances susceptibles de justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, il convient de relever que la requête présentée le 11 janvier 2017 dont l'ordonnance adopte expressément les motifs ne se contente pas d'indiquer spécifiquement sur ce point qu''il est évident, s'agissant en partie de données informatiques, numériques ou électroniques par essence furtives et/ou susceptibles d'être aisément détruites ou altérées, que cette demande ne peut être présentée de façon contradictoire' ; qu'elle expose également précédemment les conditions dans lesquelles notamment deux de ses anciens responsables de site, Mme [I] et M. [X], ont été embauchés par la société SGGS en qualité respectivement de technico-commerciale itinérante et de directeur d'un nouvel établissement créé à proximité d'un de ses sites qui exploite sous l'enseigne Glassolutions, et établit que Mme [I] a adressé le 8 décembre 2015 à tous ses anciens clients chez Avéria un courriel leur transmettant ses 'nouvelles coordonnées professionnelles' ; que l'ensemble de ces éléments justifiaient que soient recherchés sur les ordinateurs des intéressés les documents sur lesquels figuraient notamment 'Avéria' et sur la boîte e-mail de Mme [I] les courriels qu'elle avait pu par la suite adresser à ses anciens contacts, et ce, sans que la mesure soit prise contradictoirement eu égard au risque de destruction desdits documents si les intéressés étaient avertis de la mesure ordonnée, ce qui caractérisait l'existence de circonstances propres à l'espèce susceptibles de justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction ;
Considérant que s'agissant du motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige par la mesure d'instruction litigieuse, il convient de rappeler que le groupe Saint-Gobain, après avoir été en contact via ses sociétés Glassolutions France puis Saint-Gobain Glass France pendant de longs mois avec le groupe Avéria dont il envisageait le rachat, au point de signer à deux reprises un 'engagement de confidentialité' les 17 octobre 2013 et 11 mars 2016 aux fins de ne pas utiliser les informations confidentielles à son sujet dont il avait connaissance à cette occasion, a, en novembre 2016, créé un site directement concurrent de celui d'Avéria à [Localité 7] situé à trois kms de celui-ci à Alforville, composé de sept salariés dont quatre anciens salariés d'Avéria Distribution ; que celle-ci a constaté une baisse significative de son chiffre d'affaires à la suite de ces faits qu'elle qualifie de concurrence déloyale et de parasitisme ; qu'il n'est pas sérieux de soutenir à cet égard que SGGS Paris Centre Normandie n'étant pas directement partie aux pourparlers, elle ne pouvait s'être fait remettre des documents obtenus de manière confidentielle par le groupe Saint-Gobain dont elle fait partie ; qu'indépendamment même de l'originalité du concept du groupe Avéria sur laquelle il n'appartient pas à la présente juridiction de se prononcer, il convient de relever que l'identité d'activité et la proximité du site concurrent créé avec l'aide des anciens salariés d'Avéria ne peut que créer une confusion dans l'esprit d'une clientèle dont il importe alors de déterminer si elle a été démarchée par SGGS ; qu'il existe donc un motif légitime à la mesure d'instruction ordonnée, sans que la présente juridiction ait, là encore, à se prononcer sur le bien-fondé des prétentions des requérants ;
Considérant que s'agissant de la licéité de la mesure ordonnée et de son caractère proportionné, il convient de relever d'abord qu'en permettant à l'huissier désigné de prendre copie 'des propositions commerciales, bons de commande, factures et éléments de chiffre d'affaires réalisés par le site d'[Localité 9]', le juge des requêtes a autorisé, comme il est justement soutenu en défense, une enquête portant atteinte au secret des affaires puisqu'elle vise des informations stratégiques portant sur la globalité du portefeuille clients du concurrent direct de la requérante, alors que la mission ne visait qu'à déterminer si la société SGGS utilisait des documents ou fichiers relatifs aux clients d'Avéria ; qu'ainsi, même si elle est limitée au seul établissement secondaire d'[Localité 9] et aux seuls ordinateurs professionnels des anciens salariés d'Avéria ainsi qu'à deux mois et demi d'activité, elle n'est pas proportionnée au but poursuivi ; qu'il convient donc, en application de l'article 497 du code de procédure civile, de limiter la mesure aux seuls clients communs afin d'établir en premier lieu la liste de ceux-ci, à partir des noms visés dans l'ordonnance des 29 clients sollicités par Mme [I], la requérante n'en ayant pas fourni d'autres, en second lieu le chiffre d'affaires réalisé avec eux à partir des prix pratiqués pour rechercher la prétendue politique agressive des prix pratiquée ;
Que s'agissant ensuite de la partie de la mesure autorisée aux domiciles des salariés concernés, il convient de relever que le respect de la vie privée ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que la mesure procède d'un motif légitime et est nécessaire à la protection des droits du requérant ; que compte tenu du caractère itinérant des fonctions des intéressés dont il était justifié, l'exécution de la mesure à leurs domiciles privés afin de prendre connaissance de leurs ordinateurs ne portait pas atteinte de façon disproportionnée à leur vie privée, étant précisé qu'il n'était pas question dans l'ordonnance d'étendre la mesure aux ordinateurs de leurs conjoints et que les circonstances de l'exécution des mesures sont étrangères à la validité de la décision les ordonnant ;
Qu'il convient en conséquence de rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 12 janvier 2017 et d'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Considérant en dernier lieu que l'instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet et les demandes incidentes sont donc irrecevables devant lui, se rattacheraient-elles par un lien suffisant à la demande soumise au juge des requêtes ; que tel ne serait pas le cas si le juge des requêtes s'était réservé compétence pour statuer sur la mainlevée du séquestre qu'il a ordonné, dans le cadre d'un débat contradictoire restitué, rendant ainsi recevable la demande reconventionnelle de mainlevée du séquestre formée par la société requérante sur laquelle le premier juge a statué par une ordonnance rectificative dont il a été interjeté un appel distinct, mais qu'en l'espèce, le juge de la requête a, à la fin de l'ordonnance du 12 janvier 2017, précisé : 'Disons que les informations et documents recueillis seront séquestrés par l'huissier jusqu'à ce que la juridiction des référés soit saisie afin de débattre contradictoirement de leur devenir', si bien que par cette formulation, il a renvoyé non pas au juge de la rétractation mais au juge des référés l'examen de la question ; que la demande d'ouverture du séquestre est en conséquence doublement irrecevable devant la présente juridiction ;
Considérant enfin qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais de procédure qu'ils ont dû engager ; qu'une somme de 3 500 euros leur sera allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Infirme l'ordonnance du 2 mai 2017 du tribunal de grande instance de Créteil ;
statuant de nouveau,
Rejette la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 12 janvier 2017 ;
La modifie cependant comme suit sur le seul point suivant :
'(...) - accéder aux dossiers papier et aux ordinateurs fixes et/ou portables ainsi qu'à tout support informatique (de type unité de stockage), moyen de communication de type smartphone, tablette, agenda, support papier appartenant ou utilisés par M. [H] [X], Mme [Q] [Y] et Mme [E] [I] et, si nécessaire, accéder à leur boîte email professionnelle (...) et prendre copie sur quelque support que ce soit (papier, informatique, numérique ou autre) des noms et coordonnées des clients démarchés parmi la liste des 29 relancés par Mme [I] dont les adresses email suivent au tiret ci-dessous, ainsi que des propositions commerciales, bons de commande, factures et éléments de chiffre d'affaires réalisés par le site d'[Localité 9] avec ces clients communs entre le 1er novembre 2016 et la date d'exécution de la mesure ; (...)'
Déclare irrecevable la demande incidente d'ouverture du séquestre ;
Condamne la Saint-Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie, Mme [E] [I] et M. [H] [X] à payer aux sociétés Groupe Avéria, Avéria Distribution, Néaltis et M. [U] [O] la somme globale de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT