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16/01/2018 | FRANCE | N°14/11335

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 16 janvier 2018, 14/11335


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 16 Janvier 2018

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11335



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F11/11558



APPELANTE

Madame [K] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Hervé TOURNIQUET, avocat au barreau de HAUTS-DE-

SEINE, toque : PN290



INTIMEE

Me [W] [L] (SELARL MJ SYNERGIE-Mandataires Judiciaires) - Mandataire liquidateur de la société ENSEMBLE 'Agence EUROCHALLENGES FRANCE'

[Adre...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 16 Janvier 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11335

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F11/11558

APPELANTE

Madame [K] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Hervé TOURNIQUET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN290

INTIMEE

Me [W] [L] (SELARL MJ SYNERGIE-Mandataires Judiciaires) - Mandataire liquidateur de la société ENSEMBLE 'Agence EUROCHALLENGES FRANCE'

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Jean-Michel PORTAL, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Amandine DUCRET, avocat au barreau de LYON, toque : 555

PARTIE INTERVENANTE :

AGS CGEA [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Charlotte CASTETS, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Christophe BACONNIER, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sylvie HYLAIRE, président

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Madame Jacqueline LESBROS, conseiller

Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Ensemble qui exploite des agences matrimoniales sous le nom commercial Eurochallenges France, a employé Madame [K] [O], née le [Date naissance 1] 1966, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 29 janvier 2009 en qualité de commerciale sédentaire / conseillère en relations humaines.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne des trois derniers mois s'élevait à la somme de 2.091 €.

Madame [O] a fait l'objet d'avertissements les 14 décembre 2009, 14 janvier 2010, 24 mars 2010 et 9 mai 2011 pour ne pas avoir atteint les objectifs contractuels de 15 contrats complets à 3.850 €.

Par lettre notifiée le 10 juin 2011, Madame [O] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 23 juin 2011.

Madame [O] a ensuite été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre notifiée le 20 juillet 2011 ; la lettre de licenciement indique :

« Nous faisons suite à l'entretien du 23/06/2011, qui s'est déroulé dans notre agence EUROCHALLENGES [Adresse 4], et auquel vous vous êtes présentée accompagnée de Monsieur [V] [Q], conseiller du salarié.

Nous vous rappelons qu'il s'agissait d'un entretien préalable à un éventuel licenciement, suite à votre placement en mise à pied conservatoire le 10/06/2011.

Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :

1/ Vous avez été embauchée le 29/01/2009 en tant que conseillère en Relations Humaines, afin de commercialiser nos contrats de service auprès de futurs adhérents. A ce titre, vous vous êtes engagée lors de la signature de votre contrat de travail à respecter les obligations suivantes :

ARTICLE 5 : OBLIGATIONS ET ORGANISATION DU TRAVAIL

Représentant la société, le salarié sera tenu d'agir en conformité absolue avec les directives de celle-ci, et d'appliquer les méthodes commerciales qui lui seront indiquées.

ll devra :

- Se conformer aux méthodes de vente définies par la société

- Fournir aux futurs adhérents ou aux adhérents une information exacte, rigoureuse et documentée, conforme à leur intérêt

ARTICLE X : RAPPEL DES REGLES DE VENTE DIRECTE

Le salarié déclare avoir eu pleine et entière connaissance des dispositions des articles 4 et 7 de la loi du 22 décembre 1972 et de l'article 6 de la loi du 23 juin 1989 et décret du 16 mai 1990, relatifs d'une part à l'interdiction absolue de percevoir tout paiement de l'adhérent sous quelque forme que ce soit avant l'expiration du délai de réflexion de 7 jours, et d'autre part au « délit d'abus de faiblesse ». En particulier, sur ce dernier point, il veillera notamment, sans que cette clause soit exhaustive, aux éléments suivants :

- ne pas utiliser d'arguments de vente différents de ceux indiqués par la société,

- ne faire signer un contrat qu'auprès d'adhérents solvables, juridiquement libres et conscients de la portée de leur engagement.

Or, le 11/09/2009, vous avez fait signer à Monsieur [G] [U] un contrat d'adhésion EXCELLENCE à 3.850 euros. A l'issue de cet entretien, et au-delà des 7 jours ouvrables de réflexion et de rétractation qui lui étaient offerts, Monsieur [U] a indiqué à notre service de recouvrement qu'il n'avait pas été mis en confiance lors de ce rendez-vous et qu'il ne souhaitait pas payer son adhésion. Le travail de mise en relations ayant déjà été effectué avec professionnalisme par EUROCHALLENGES, une procédure judiciaire a été lancée, et Monsieur [U] a été condamné à l'issue de l'audience du 15/04/2010 à régler à EUROCHALLENGES la somme totale de son contrat d'adhésion.

Monsieur [U] a finalement décidé de faire appel de cette décision, en invoquant un point nouveau, relayé dans ce courrier adressé par notre avocat le 02 mai 2011.

«Je reviens vers vous dans le dossier qui nous oppose à Monsieur [U] et qui revient à la fin du mois devant la Cour d'Appel de Versailles.

ll faudra que nous puissions conclure avant cette date.

J'attire votre attention sur un point nouveau que soulève notre adversaire qui concerne l'âge des jeunes femmes choisies lors de la signature du contrat.

En effet, il ressort des écritures adverses que toutes ces jeunes femmes présentées auraient été rajeunies de 7 ans.

Je découvre cet argument pour la première fois et vous invite à effectuer des vérifications car si ces faits devaient être confirmés, outre nos chances de succès au procès, ils seraient susceptibles de porter un coup à la réputation de votre entreprise(...) ».

Après vérification, il s'avère que vous avez effectivement noté en page 3 du contrat d'adhésion de Monsieur [U] des âges fictifs pour au moins 4 des 12 adhérentes de sa sélection.

Ainsi, vous avez indiqué de manière manuscrite que [X] (adhérente 33629) avait 36 ans, alors qu'elle en avait 43, qu'[L] (adhérente 36552) avait 35 ans, alors qu'elle en avait 42, que [X] (adhérente 33974) avait 30 ans, alors qu'elle en avait 37, et que [D] (adhérente 37930) avait 33 ans alors qu'elle en avait 42.

Comme Monsieur [U] vous avait indiqué qu'il ne souhaitait être mis en relation qu'avec des adhérentes âgées de 30 à 40 ans, il apparaît clairement que vous l'avez trompé sur ses choix, afin de l'amener à signer ce contrat d'adhésion, sans vous soucier des conséquences d'un tel acte. Outre l'amoindrissement de nos chances de succès au procès, comme le souligne notre avocat, de tels agissements entachent de la réputation de notre société. Par votre comportement, vous vous êtes montrée indigne de la confiance accordée par EUROCHALLENGES, et par Monsieur [U], et vous vous êtes rendue coupable d'abus de faiblesse, en trompant délibérément cet adhérent.

Lors de l'entretien du 23/06/2011, vous avez tenté d'invoquer un bug informatique afin de vous défendre. Cet argument n'est pas recevable puisque toutes les conseillères en relations humaines présentent nos adhérentes grâce à un fichier informatique qui est identique dans nos 15 agences en France. Si réellement nous avions constaté un bug de cette ampleur, d'autres contrats d'adhésion auraient été concernés, ce qui n'a pas été le cas. Force est de constater que vous faites preuve de mauvaise foi alors que les faits qui vous sont reprochés ne sont pas justifiables.

Nous ne pouvons pas tolérer de tels actes qui sont en total désaccord avec nos principes et notre charte de déontologie.

Ces actes sont constitutifs d'une faute grave.

2/ Par ailleurs, lors de votre embauche, vous vous êtes également engagée à respecter un objectif commercial clairement établi par votre contrat de travail.

ARTICLE VI : REMUNERATION - COMMISSIONNEMENTS ET OBJECTIFS

6 - OBJECTIFS PROFESSIONNELS

Le salarié devra atteindre un objectif minimum de quinze (15) contrats par mois, de type EXCELLENCE, assortis de leurs moyens de paiement complets, d'un montant chacun de 3850 euros TTC (ou leur équivalent en chiffre d'affaires TTC avec des contrats d'un autre type.) (...) La réalisation de cet objectif ainsi fixé constitue un élément déterminant du présent engament.

Or, vos résultats commerciaux sont insuffisants depuis le mois de novembre 2010. Nous vous avons d'ailleurs envoyé des avertissements en LRAR à ce sujet, en espérant un ressaisissement de votre part :

- Avertissement du 01/02/2011 concernant vos résultats insuffisants en novembre 2010 (quota 11,34 au lieu de 15), et en décembre 2010 (quota 6,84 au lieu de 15),

- Avertissement du 09/05/2011 concernant vos résultats insuffisants en mars 2011 (quota 5,88 au lieu de 15).

En avril 2011, vous n'avez pas non plus atteint vos objectifs mensuels (quota 10,33 au lieu de 15), et encore moins en mai 2011 (quota 6,45 au lieu de 15).

Vos fiches journalières d'activité témoignent d'une difficulté à transformer dans des proportions normales les prospects fournis en adhérents Eurochallenges, alors que le nombre de prospects à traiter est inchangé et que votre objectif mensuel est parfaitement réalisable, au vu des résultats obtenus par d'autres salariées occupant un poste similaire au vôtre en France.

En avril 2011, nous vous avons même confié nos locaux les plus prestigieux en vous offrant un poste à notre agence de [Localité 2] 8ème, en espérant que cela vous aiderait à atteindre vos objectifs commerciaux. En vain.

Ces difficultés montrent que vous n'avez pas tenu compte des observations qui vous ont été faites régulièrement de vive voix et lors de bilans écrits bi-hebdomadaires, concernant le respect de votre objectif minimum et témoignent d'une application insuffisante dans le phoning et d'un manque de respect de la méthodologie de travail, malgré la formation qui vous a été prodiguée.

Lors de l'entretien du 23/06/2011, vous avez tenté de justifier vos mauvais résultats en invoquant le fait qu'ils ne pouvaient pas vous être imputés puisque vous vous contentiez de réciter l'argumentaire de vente transmis lors de la formation que vous avait prodiguée la DRH, Madame [I]. Puis, quelques minutes plus tard, vous avez tenté de vous disculper en mentionnant cette fois-ci l'absence de formation. De telles contradictions dans vos propos montrent bien que vous faites preuve, de nouveau, de mauvaise foi.

Vous avez invoqué tour à tour la mauvaise qualité des prospects qui vous étaient transmis, puis le manque de communication avec Madame [I], autant d'arguments non recevables lorsqu'on considère l'abondante correspondance échangée avec cette dernière, ainsi que les bons résultats de votre collègue Madame [A], qui a pourtant travaillé avec vous durant deux années à l'agence de [Localité 2], avec la même qualité de prospects et le même management.

Un telle défaillance, prolongée sur plusieurs mois, dans l'exécution de la mission qui vous a été confiée, constitue une faute d'insuffisance professionnelle. Nous ne pouvons tolérer cette insuffisance professionnelle plus longtemps, dans la mesure où les nombreux frais engendrés par EUROCHALLENGES pour votre réussite professionnelle (budgets publicitaires, loyer de l'agence, charges diverses,...) ne sont pas rentabilisés par vos résultats.

Ainsi, deux fautes vous sont reprochées, une faute grave et une faute d'insuffisance professionnelle.

Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave.».

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Madame [O] avait une ancienneté de 2 ans et 5 mois et la société Ensemble occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, Madame [O] a saisi le 31 août 2011 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 12 juin 2014 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a rendu la décision suivante :

- condamne la SARL Eurochallenges France à payer à Madame [K] [O] les sommes suivantes :

- 2.995,38 euros à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied ;

- 299,53 euros à titre de congés payés afférents ;

- 4.182 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 418,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis;

- 1.045,50 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

sommes augmentées des intérêts au taux légal qui seront calculés à compter du jour de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse,

- condamne la SARL Eurochallenges France à payer à Maître Frédérique Roussel Sthal la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,

- rejette toute demande plus ample ou contraire des parties,

- rappelle que l'exécution provisoire est de droit en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail.

- condamne la SARL Eurochallenges France aux dépens.

Madame [O] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 15 octobre 2014.

La société Ensemble a été placée en liquidation judiciaire le 27 janvier 2015 et la SELARL MJSynergie, prise en la personne de Maître [W], en a été désignée liquidateur judiciaire.

La SELARL MJSynergie et l'AGS CGEA de [Localité 3] ont été mises en cause.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, Madame [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Eurochallenges à verser à Mme [O] les sommes de :

- 2.995,38 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

- 299,53 € à titre de congés payés y afférents,

- 4.182 € à titre d'indemnité de préavis,

- 418,20 € à titre de congés payés y afférents,

- 1.045,50 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmer pour le surplus, faisant droit à l'appel partiel de Mme [O] et, statuant à nouveau, annuler les avertissements des 14 décembre 2009, 14 janvier 2010, 24 mars 2010 et 9 mai 2011 et allouer à Mme [O] les sommes de :

- 25.092 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de représentation du personnel,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixer le montant de la créance de Mme [O] sur la liquidation de la société Ensemble Eurochallenges aux montants susvisés,

Déclarer l'arrêt opposable à l'AGS CGEA de [Localité 3].

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, la SELARL MJSynergie, prise en la personne de Maître [W], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Ensemble, demande à la cour de :

A titre principal,

- confimer le jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 12 juin 2014 en ce qu'il a débouté Madame [O] de sa demande tendant à condamner la Société Ensemble au versement d'une somme de 25.092 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter Madame [O] de sa demande tendant à la condamnation de la SELARL MJSynergie es qualité de liquidateur judiciaire de la société Ensemble au versement d'une somme de 25.092 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter Madame [O] de sa demande en annulation des avertissements,

- débouter Madame [O] de sa demande tendant à la condamnation de la SELARL MJSynergie, ès qualités au versement d'une somme de 10.000 € pour défaut de représentant du personnel,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de Paris infirmait le jugement du conseil des prud'hommes de Paris et allouait à Madame [O] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- réduire sensiblement son montant à de plus justes proportions,

- constater que Madame [O] ne démontre pas l'existence d'un préjudice pour défaut de représentant du personnel et par conséquent, débouter cette dernière de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

En tout état de cause,

- condamner Madame [O] au versement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- déclarer l'arrêt opposable à l'AGS CGEA de [Localité 3].

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, l'AGS CGEA de [Localité 3] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a considéré le licenciement pour faute grave sans cause réelle et sérieuse,

- débouter Madame [O] de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause, vu l'article L1235-3 du code du travail,

- limiter à six mois le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter Madame [O] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de représentation du personnel,

- dire et juger irrecevables et inopposables à l'AGS les demandes de condamnation.

- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

- dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail,

- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie,

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le licenciement

Il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Madame [O] a été licenciée pour faute grave pour les faits suivants :

- une insuffisance professionnelle caractérisée par le fait que la salariée n'atteignait pas ses objectifs contractuels de 15 contrats d'adhésion par mois,

- une faute grave du fait que la salariée a mentionné dans le contrat d'adhésion de Monsieur [U] des âges fictifs pour au moins 4 des 12 adhérentes de sa sélection.

Le contrat de travail de Madame [O] comporte notamment en son article 5 une clause l'obligeant à fournir aux futurs adhérents ou aux adhérents une- information exacte, rigoureuse et documentée, conforme à leur intérêt.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats (pièces n° 5 et 6 employeur) e que Madame [O] a mentionné dans le contrat d'adhésion signé par Monsieur [U], des âges moindres de plusieurs années pour la plupart des femmes (10 sur 12) qu'il avait sélectionnées sur photographie en vue d'une éventuelle rencontre, avant la proposition de contrat d'adhésion.

Madame [O] a ainsi indiqué de manière manuscrite sur le contrat soumis à la signature de Monsieur [U] le 11 septembre 2009, non seulement que [X] (adhérente 33629) avait 36 ans alors qu'elle en avait 43, que [X] (adhérente 33974) avait 30 ans alors qu'elle en avait 37 et que [D] (adhérente 37930) avait 33 ans alors qu'elle en avait 42, ce qui n'est pas contredit, mais aussi comme cela est établi par la pièce 6 (employeur) contenant notamment des justificatifs d'identité des adhérentes mentionnées dans le contrat de Monsieur [U], qu'[L] (adhérente 36552) avait 35 ans alors qu'en 2009, elle en avait en réalité 42, qu'[C] (adhérente 32737) avait 39 ans alors qu'elle en avait en réalité 46, qu'Alla (adhérente 34681) avait 37 ans alors qu'elle en avait en réalité 44, qu'[Z] (adhérente 34983) avait 36 ans alors qu'elle en avait en réalité 44, que [P] (adhérente 37301) avait 37 ans alors qu'elle en avait en réalité 44, que [T] (adhérente 38279) avait 32 ans alors qu'elle en avait en réalité 39, que [R] (adhérente 31921) avait 39 ans alors qu'elle en avait en réalité 39.

Madame [O] a donc mentionné systématiquement un âge minoré de plusieurs années pour les femmes que Monsieur [U] avait sélectionnées sur photo de façon à ce qu'elles rentrent dans le créneau d'âge qu'il avait retenu (âge mini 30 ans âge maxi 40 ans), ce qu'il a détecté ultérieurement dans le cadre du procès l'opposant à la société Ensemble (pièces n° 7 et 8 employeur), qui était susceptible d'engager la responsabilité de la société Ensemble amenée à transiger avec le client (pièce n° 9 employeur).

C'est en vain que Madame [O] soutient que ces mentions, dont elle ne conteste pas la matérialité, résultent de dysfonctionnements informatiques alors que les pièces 34 à 36 qu'elle produit, n'établissent aucunement que les fiches informatiques des adhérentes précitées étaient erronées, ni qu'il y a avait d'ailleurs des erreurs systématiques sur les âges des femmes dans les fiches informatiques, un seul des nombreux fax produits par Madame [O] signalant une erreur sur l'âge, ce qui n'est pas du tout de nature à exonérer Madame [O] de sa responsabilité disciplinaire eu égard aux âges fictifs et plus jeunes de 7 années par rapport à la réalité, qu'elle a systématiquement indiqués dans le contrat proposé à Monsieur [U] pour le déterminer à signer, ce qu'il a fait du fait de cette tromperie sur l'âge des femmes sélectionnées.

De surcroit, la société Ensemble établit par l'attestation faite en 2013 par Monsieur [N], responsable informatique de la société Ensemble, qu'aucune anomalie n'a été détectée sur les fiches des jeunes femmes (âge ') présentées aux adhérents (pièce n° 17 employeur).

La cour retient ainsi que Madame [O] a faussement rempli le contrat proposé à la signature de Monsieur [U] pour lui faire espérer des rencontres avec de jeunes femmes comme il en rêvait et pour le déterminer à signer ce contrat, que ce comportement contrevient non seulement au contrat de travail qui l'obligeait à « fournir aux futurs adhérents ou aux adhérents une information exacte, rigoureuse et documentée, conforme à leur intérêt » mais aussi à la loi dans des conditions susceptibles d'engager la responsabilité civile et pénale de la société Ensemble.

La cour retient donc que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de Madame [O] n'est pas justifié par une faute grave, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de Madame [O] est justifié par une faute grave.

Par suite, le jugement déféré est infirmé également en ce qu'il a condamné la société Ensemble à payer à Madame [O] diverses sommes au titre des salaires dus pendant la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute Madame [O] de ses demandes formées à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre des salaires dus pendant la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement.

Sur l'annulation des avertissements

Madame [O] sollicite l'annulation des avertissements des 14 décembre 2009, 14 janvier 2010, 24 mars 2010 et 9 mai 2011 et invoque les éléments suivants :

- l'insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute passible de sanction et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce que l'insuffisance de résultats résulte d'un comportement fautif, preuve non rapportée en l'espèce.

- les périodes sanctionnées sont aussi celles qui lui ont valu de nombreuses et appuyées félicitations.

Aucun moyen de défense n'est articulé à l'encontre de cette demande formulée en cause d'appel.

La preuve du caractère fautif de l'insuffisance des résultats de Mme [O] n'étant pas rapportée, Madame [O] est bien fondée dans sa demande d'annulation des avertissements des 14 décembre 2009, 14 janvier 2010, 24 mars 2010 et 9 mai 2011.

Par suite la cour annule avertissements des 14 décembre 2009, 14 janvier 2010, 24 mars 2010 et 9 mai 2011.

Sur les dommages et intérêts pour défaut de représentation du personnel

Madame [O] solliicite la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de représentation du personnel au sein de l'entreprise, tel que cela ressort clairement de la convocation à entretien préalable.

Elle souligne que ma fausse indication portée sur l'attestation pôle emploi d ne permet pas de connaître l'effectif précis de la société qui, procédant d'une confusion entre le nombre de salariés de l'agence et le nombre de salariés de la société, n'a fait mention que d'un seul salarié au 31/12/2010 alors que l'effectif était, bien évidemment, supérieur à 10 salariés.

Elle ajoute que l'employeur qui, bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ne soit établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts et que le salarié peut solliciter la réparation du préjudice en résultant.

Or, cette absence de représentation du personnel est d'autant plus préjudiciable que Mme [O] n'a pu compter sur personne pour porter ses réclamations et surmonter l'inertie absolue de MME [I].

Madame [O] demande ainsi à la société intimée de produire aux débats :

- le dernier procès-verbal d'élections de délégués du personnel antérieur à sa convocation à entretien préalable,

- la justification des mesures mises en 'uvre aux fins d'organisation d'élections professionnelles pendant la relation contractuelle.

Or, selon Mme [O], les pièces supposées établir, selon l'employeur, la présence continue de délégués du personnel sur la période 2005-2012 sont dépourvues de caractère probant.

Le liquidateur judiciaire de la société Ensemble et l'AGS s'opposent à cette demande nouvelle, faute de préjudice.

En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'une lien de causalité entre le préjudice et la faute.

Sans qu'il soit besoin d'examiner le fait générateur de responsabilité, il résulte de l'examen des moyens débattus que Madame [O] n'articule dans ses conclusions aucun moyen permettant de caractériser le préjudice découlant, selon elle, du défaut de représentation du personnel, ni dans son principe, ni dans son quantum ; il n'en a pas été articulé davantage lors de l'audience ; dans ces conditions, le moyen de ce chef est donc rejeté.

C'est en vain que Madame [O] soutient que cette absence de représentation du personnel est d'autant plus préjudiciable qu'elle n'a pu compter sur personne pour porter ses réclamations et surmonter l'inertie absolue de Mme [I] dès lors qu'il n'est aucunement établi que Madame [O] a formulé une quelconque réclamation.

La cour déboute donc Madame [O] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de représentation du personnel.

Sur les autres demandes

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés par elles.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Madame [O] est justifié par une faute grave,

Déboute Madame [O] de ses demandes formées à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre des salaires dus pendant la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement,

Annule les avertissements des 14 décembre 2009, 14 janvier 2010, 24 mars 2010 et 9 mai 2011,

Déboute Madame [O] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de représentation du personnel,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/11335
Date de la décision : 16/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/11335 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-16;14.11335 ?
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