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16/01/2018 | FRANCE | N°14/05325

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 16 janvier 2018, 14/05325


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 16 Janvier 2018

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/05325



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Avril 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 11/04148





APPELANTE

Madame [J] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1986 à VILLENEUVE SAINT GEORGES (94000)





comparante en personne assistée de Me Nicolas SANFELLE, avocat au barreau de VERSAILLES





INTIMEE

SARL STYLE DIRECT

[Adresse 3]

[Adresse 4]



représentée par Me Fazimah ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 16 Janvier 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/05325

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Avril 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 11/04148

APPELANTE

Madame [J] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1986 à VILLENEUVE SAINT GEORGES (94000)

comparante en personne assistée de Me Nicolas SANFELLE, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMEE

SARL STYLE DIRECT

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Fazimah BUCKSUN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0540

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Christophe BACONNIER, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sylvie HYLAIRE, président

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Madame Jacqueline LESBROS, conseiller

Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 29 janvier 2003 en qualité de télésecrétaire qualifiée, la société Style Direct a employé Madame [J] [R], née en [Date naissance 2] et fille de la directrice salariée de la société, Madame [P] [R]-[E].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine tertiaire.

Par avenant du 1er janvier 2008, la société Style Direct a confié à la salariée,en plus de ses fonctions de télésecrétaire, des fonctions de promotion et de vente du service de télésecrétariat de l'entreprise et l'a nommée responsable du service commercial.

La société Style Direct indique que la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [R] s'élevait sur les 12 derniers mois précédant le licenciement, de mai 2010 à avril 2011, à la somme de 3.072,22 € et Madame [J] [R] soutient qu'elle était de 3.780,26 €.

Monsieur [H], gérant de la société Style Direct a découvert l'existence de dissimulation de documents le 24 mars 2011 et de détournements de fonds le 31 mars 2011 commis par Madame [P] [R]-[E] qui a fait l'objet d'un licenciement pour faute lourde le 21 avril 2011 (pièce n° 3 employeur) après avoir été mise à pied à titre conservatoire à compter du 1er avril 2011.

Madame [J] [R] a été placée en arrêt de maladie à compter du 6 avril 2011.

Par lettre notifiée le 15 avril 2011, Madame [J] [R] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 26 avril 2011.

Madame [J] [R] a ensuite été licenciée pour faute lourde par lettre notifiée le 7 mai 2011 ; la lettre de licenciement indique :

« Nous vous avons recrutée en janvier 2003 en tant que télésecrétaire et vous étiez placée sous la responsabilité de la directrice de la société, [P] [E]-[R], votre mère. Votre fonction s'est complétée avec un rôle de commerciale (prospection, relance d'impayés clients'). Vous assuriez en partie différents tâches administratives, notamment en comptabilité pour l'élaboration des factures clients, l'encaissement des chèques.

Vous étiez très au fait des problèmes de trésorerie de notre société.

Nous avons constaté des agissements constitutifs de fautes lourdes vous concernant.

A compter du 24 mars 2011, je me suis aperçu que votre mère détournait des sommes importantes. Mes premiers soupçons portaient sur l'utilisation à ses fins personnelles de la carte bancaire et des chéquiers de la société tout en dissimulant les relevés bancaires. Le 1er avril, j'ai été dans l'obligation de la mettre à pied. En fait, j'ignorais que ses agissements dépassaient ce cadre et concernaient le détournement de plus de 100.000 euros avec des sommes destinées à l'URSSAF, au Trésor Public et à différents fournisseurs. Je tiens à préciser que nous ne sommes pas encore sûrs de l'ampleur de l'escroquerie, et, par exemple, nous venons de découvrir qu'un chèque du 13 décembre 2011 [2010] de 2.720,90 € libellé au nom de notre cabinet comptable et comptabilisé comme tel, n'a pas été encaissé par le cabinet comptable mais a été débité le 16 janvier 2011.

Ce premier avril, vous tentez d'intercéder en sa faveur en me disant que vous n'étiez pas au courant de sa vie personnelle. Vous nous faites part de votre souhait de quitter la société pour vous occuper de votre mère et parce que la situation était insupportable vis-à-vis de vos collègues.

Depuis cette date, j'ai réceptionné directement le courrier et ai reçu rapidement des injonctions de l'URSSAF pour non règlements de cotisations. Un contact téléphonique à l'URSSAF m'a dit que de nombreux courriers m'avaient été adressés dont le dernier en date du 21 mars indiquant que la société allait être placée en redressement judiciaire. Ce courrier ne m'avait pas été transmis, évidemment. Je m'aperçois ainsi que la situation est très grave.

Je suis amené à prendre rendez-vous avec la banque et l'URSSAF pour comprendre comment votre mère avait réussi à détourner des sommes aussi importantes et les chiffrer. Mes recherches de papiers dans notre bureau ne m'avaient pas permis de retrouver de pièces comptables manquantes.

Vous êtes en arrêt maladie depuis le 6 avril où vous avez quitté votre travail plus tôt. Certaines pièces manquantes réapparaissent alors avant votre départ (courriers recommandés de l'URSSAF, du Trésor Public, d'huissier') Des données informatiques sont effacées avant votre départ.

Les détournements opérés par votre mère sur plusieurs mois n'ont été possibles que parce que les courriers de relance des destinataires des sommes ne me parvenaient pas. Les témoignages montrent que c'est vous qui réceptionnez les courriers en l'absence de votre mère y compris les recommandés. Vous ouvriez ces courriers en contactant votre mère absente par téléphone. Il est attesté que vous vous réunissiez dans le bureau avec votre mère en interdisant par des propos vifs quiconque tentait d'entrer ne serait-ce que pour venir prendre la cafetière.

A ce stade, il était évident que vous aidiez votre mère dans son escroquerie. Mais en continuant nos investigations, nous récupérons la photocopie de trois chèques dont le talon indiquait URSSAF comme destinataire mais non encaissés par l'URSSAF, deux pour un montant de 7.000 euros ont été encaissées par votre mère et le troisième de 2.000 euros a été libellé à votre nom.

Nous comprenons mieux maintenant l'efficacité de votre organisation familiale pour cette escroquerie. Des fonds de Style Direct sont détournés. Les courriers de relance sont subtilisés dès leur distribution par la Poste. Pendant les absences de votre mère, c'est vous qui assurez seule ces opérations de dissimulation.

Aujourd'hui, nous savons que ces agissements ont concerné le Trésor Public pour la TVA et des avis à tiers détenteurs concernant des dettes personnelles de votre mère auprès de la Trésorerie de Drancy.

Nous vous reprochons de faire payer à la société vos repas de midi alors que vous recevez des Tickets Restaurants pour cela.

Bouygues Telecom nous a probablement relancés pour des impayés pouvant correspondre à des détournements'

Nous espérons que les comptes clients n'ont pas été concernés.

Donc, il apparait que vous étiez au courant des agissement de votre mère, que vous ne nous en avez pas fait part parce que vous êtes complice de ses détournements.

Cela est constitutif d'une faute lourde.

Par ailleurs, vous faites adresser en recommandé un courrier par votre avocate le 9 avril 2011 où vous nous accusez de harcèlement moral à votre encontre en me mettant en cause ainsi que [C] [J], qui supervisait votre travail de télésecrétaire quand vous n'étiez pas sur d'autres tâches.

Vous connaissez ma position sur ce sujet. L'accusation infondée de harcèlement est grave dans le sens où elle peut aboutir à une dépression, voire plus encore. Par delà le fait que cela engage évidemment ma responsabilité de chef d'entreprise, nous dépassons le cadre du droit du travail puisque, cela déstabilise une employée au-dessus de toutes accusations, Votre inacceptable volonté de nuire pourra faire l'objet d'un dépôt de plainte.

Cela est aussi constitutif d'une faute lourde.»

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Madame [J] [R] avait une ancienneté de 8 ans et 4 mois.

Le gérant de la société Style Direct a déposé plainte pour abus de confiance et complicité à l'encontre de Madame [J] [R] et de Madame [P] [R]-[E]notamment par une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Bobigny datée du 5 mai 2017 et reçue le 21 mai 2017 (pièces n° 1, 36 et 37 employeur).

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, Madame [J] [R] a saisi le 21 octobre 2011 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement de départage du 11 avril 2014 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a débouté Madame [R] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée aux dépens et a rejeté la demande formée par la société Style Direct au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [J] [R] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 9 mai 2014.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, Madame [J] [R] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 11 avril 2014 et, statuant à nouveau, de :

- dire son licenciement dénué de toute cause réelle et sérieuse,

- fixer sa rémunération moyenne mensuelle brute à 3.780,26 €,

- condamner la société Style Direct à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal :

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 50.000 €,

- rappel de salaire sur mise à pied du 15/04/2011 au 09/05/2011 : 2.106,71 € bruts,

- congés payés y afférents : 210,67 € bruts,

- indemnité compensatrice de préavis (2 mois) : 7.560,52 € bruts,

- congés payés y afférents : 756,05 € bruts,

- indemnité légale de licenciement : 6.300,42 € bruts,

- solde des congés payés : 4.761 € bruts,

- dommages-intérêts pour préjudice moral : 15.000 €,

- condamner la société Style Direct à verser à Madame [R] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, la société Style Direct s'oppose à toutes les demandes de Madame [J] [R] et demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 11 avril 2014 par le conseil de prud'hommes de Bobigny, de dire mal fondées l'ensemble des demandes et moyens de Madame [J] [R], de l'en débouter et de la condamner à payer à la société Style Direct la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le licenciement

Il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

La faute lourde est celle commise par un salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ; elle est sanctionnée par un licenciement immédiat et entraîne pour le salarié la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement, et la perte de l'indemnité compensatrice de congés payés ; le mobile du salarié doit être clairement établi. La preuve de l'intention de nuire ne se déduit ni de la gravité des faits, ni ne résulte de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise et implique la volonté du salarié de porter préjudice à son employeur ou à l'entreprise.

Si le licenciement est prononcé pour faute lourde, mais que l'intention de nuire n'est pas établie, le licenciement peut être requalifié par le juge en licenciement pour faute grave si l'employeur prouve la réalité de la faute grave, c'est à dire la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Madame [J] [R] a été licenciée pour les faits suivants :

- elle est complice de sa mère pour les détournements opérés et l'a notamment aidée à dissimuler les courriers de relance,

- elle a aussi encaissé un chèque de 2000 € dont le talon indiquait URSSAF,

- elle s'est fait payer abusivement ses repas de midi par l'entreprise,

- elle a formulé des accusations infondées de harcèlement moral.

L'existence des détournements opérés par Madame [P] [R]-[E] n'est pas contestée.

Or, il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société Style Direct apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir le fait que Madame [J] [R] a aidé sa mère, Madame [P] [R]-[E], à dissimuler au gérant de la société Style Direct les courriers de relance comme cela ressort des attestations de Mesdames [Q] et [J] (pièces n° 16 et 17 employeur) ; en effet, Madame [Q] déclare dans son attestation « Mlle [J] [R] réceptionnait tout le courrier qui arrivait à la Sté et ce à chaque fois qu'elle était présente. Par ailleurs le facteur avait tellement l'habitude que ce soit elle qui signe les recommandés et prenne le courrier que lorsqu'il arrivait à la Sté il se dirigeait automatiquement vers elle ensuite selon le courrier reçu elle appelait ou pas Mme [E] et pour les fois ou Mlle [R] était absente quand le facteur venait nous prenions le courrier et le remettions soit à Mlle [R] quand elle arrivait soit à Mme [E] lorsque celle-ci était présente dans la Sté.

Très très souvent lorsque Mme [E] était présente Mlle [R] et Mme [E] s'enfermaient dans le bureau de cette dernière et elles pouvaient y rester enfermées pendant 1H00 parfois moins parfois plus. » (pièce n° 16 employeur) et Madame [J] déclare dans son attestation « [J] [R] s'occupait de la partie comptabilité. Par ailleurs, lorsque Mme [E] [P] se rendait en Tunisie, pour rencontrer nos informaticiens, elle me disait à moi, ainsi qu'à [J] [R] de « PLANQUER le courrier», de ne pas le laisser traîner sur la table et qu'il fallait surtout pas que Mr [H] le voit, car la société est dans le rouge et qu'il ne faut surtout pas inquiéter Mr [H]. Nous devions donc le cacher dans l'armoire.

IDEM, lorsque l'huissier passait, il ne fallait surtout pas que les salariés sachent qui il était, ni en parler à Mr [H].

Donc, vu qu'elle n'était pas présente lorsque le facteur passait à Style Direct pour une lettre recommandée, il m'est arrivé de signer et de poser le courrier sur le bureau de la directrice Mme [E] [P]. J'avais pour consignes de n'ouvrir aucun courrier.

Je peux témoigner aussi que [J] [R] signait la plupart du temps les RECOMMANDES puisqu'en général le facteur se dirigeait automatiquement vers elle. [J] [R] récupérait donc les recommandés et téléphonait aussitôt à sa mère [E] pour le lui en informer. Je la voyais décacheter l'enveloppe et ensuite elle se mettait en retrait dans le bureau d'à côté.

Ensuite, lorsque Mme [E] [P] arrivait, [J] [R] la rejoignait dans le bureau de la direction et il ne fallait en aucune manière les déranger : ni entrer, ni les appeler, ni se servir du café (la cafetière) était dans son bureau. »

C'est donc en vain que Madame [J] [R] conteste d'une part avoir aidé sa mère, Madame [P] [R]-[E] à dissimuler au gérant de la société Style Direct les courriers de relance et d'autre part les attestations de Mesdames [Q] et [J] (pièces n° 16 et 17 employeur), la cour retenant la valeur probante de ces attestations au regard des énonciations précises et circonstanciées qu'elles contiennent.

La cour constate que les courriers de relance dissimulés à Monsieur [H], gérant de la société Style Direct, lui auraient permis de découvrir beaucoup plus rapidement l'existence des détournements opérés par Madame [P] [R]-[E] et que Madame [J] [R] ne pouvait l'ignorer comme cela ressort des comportements dissimulateurs qu'elle avait, seul et avec sa mère aussi, et dont témoignent Mesdames [Q] et [J].

Il résulte encore de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société Style Direct apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir le fait que Madame [J] [R] a encaissé frauduleusement le 15 février 2010 un chèque de la société générale n° 3838 daté du 3 février 2010 de 2000 € dont le talon indiquait 11.02.2010 URSSAF (pièces n° 11, 33 ,35 employeur) alors que son salaire de janvier 2010 de 2000,38 € a été payé par un chèque n° 3836 encaissé le 5 février 2010 dont le talon indiquait 3.02.2010 [J] (pièces n° 33 ,35 employeur).

C'est donc également en vain que Madame [J] [R] conteste avoir encaissé le chèque n° 3836 et soutient avoir légitimement encaissé le chèque n° 3838 en règlement de son salaire de janvier 2010 sur le seul compte qu'elle détient (page 11 de ses conclusions) au motif d'une part que l'erreur comptable ne saurait être sérieusement invoquée, et au motif d'autre part que ses relevés (pièces n° 17/1 et 17/2 salarié) montrent aussi des virements de compte à compte, en débit ou en crédit, entre son compte apparent 83000001067088 et d'autres comptes 830000016446947, 830000029658347 et 830000030164469 pour des sommes de 50 €, de 100 € ou de 1000 €, ce qui suffit à démontrer que Madame [J] [R] avait d'autres comptes lui ayant permis d'encaisser clandestinement le chèque n° 3836 contrairement à ce qu'elle soutient.

La société Style Direct démontre aussi que Madame [J] [R] se faisait payer abusivement ses repas de midi par l'entreprise comme cela ressort de la demande de règlements de notes laissées impayées par Madame [P] [R]-[E] et Madame [J] [R] (pièce n° 12 employeur) corroborée par l'attestation de Monsieur [X] (pièce n° 13 employeur) qui déclare « la directrice de la société Style Direct Mme [P] [E] ainsi que sa fille [J] [R] venaient régulièrement le midi en semaine commander un sandwich ou un plat à emporter.

Le règlement de leurs consommations se faisait en général chaque mois par [P] avec un chèque de la société Style Direct.

Cette pratique a duré plusieurs mois en particulier sur 2010 et a cessé en avril 2011. »

C'est donc en vain que Madame [J] [R] conteste ce grief en soutenant que lorsqu'elle n'utilisait pas ses tickets restaurants, sa mère l'invitait, que c'est cette dernière qui réglait et qu'elle ne voyait pas que sa mère utilisait le chéquier de la société Style Direct ; en effet la cour retient que Madame [J] [R] ne pouvait pas ignorer compte tenu de la fréquence des faits attestés, qu'elle déjeunait abusivement aux frais de la société Style Direct.

Sans qu'il soit besoin d'examiner le surplus des griefs, la cour retient finalement que non seulement Madame [J] [R] a bénéficié directement d'un détournement frauduleux de 2000 € et de multiples repas payés abusivement par la société Style Direct, mais qu'elle a aussi été l'auxiliaire efficace de sa mère, Madame [P] [R]-[E], pour dissimuler à l'employeur tous les courriers de relance des créanciers, comme le montre notamment le fait que ce n'est qu'à partir du 6 avril 2011, date de l'arrêt de maladie de Madame [J] [R] et non à compter de la mise à pied de sa mère le 1er avril 2011, que les courriers de relance ont enfin pu parvenir au gérant de la société Style Direct.

La cour retient que ces faits pris ensemble constituent des agissement frauduleux dont Madame [J] [R] ne pouvait pas ignorer, contrairement à ce qu'elle prétend, qu'ils lésaient directement et gravement les droits de son employeur ; en effet au vu de l'ampleur des dissimulations et des détournements de fonds que ces dissimulations ont permis et qui s'élèvent à plus de 100.000 € (pièce n° 3 et 36 employeur), la cour retient que l'intention de nuire de Madame [J] [R] est suffisamment démontrée dès lors que Madame [J] [R], en aidant sa mère à dissimuler tous les courriers de relances, a volontairement et sciemment facilité la mise en coupe réglée de l'entreprise par sa mère qui a pu en tirer parti de façon répétée et abusive et a elle-même directement profité de ses propres abus directs et indirects.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement pour faute lourde de Madame [J] [R] est justifié et en ce qu'il a débouté Madame [J] [R] de toutes ses demandes qui découlent des conditions de rupture de son contrat de travail.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement pour faute lourde de Madame [J] [R] est justifié et en ce qu'il a débouté Madame [J] [R] de toutes ses demandes qui découlent des conditions de rupture de son contrat de travail, sauf en ce qui concerne la demande relative au solde des congés payés.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Mme [R] sollicite la condamnation de la société Style Direct à lui verser la somme de 4.761 € correspondant à 45 jours de congés payés.

La société Style Direct conteste la demande en son quantum en soutenant que Mme [R] a retenu que la moyenne de ses salaires sur les 12 derniers mois s'élevait à la somme de 3 780,36 € bruts alors que la moyenne mensuelle brute sur les 12 derniers mois est de 3 072,22 €.

L'article L. 3141-28 du code du travail modifié par l'article 8 (V) de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 dispose que lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27 et que cette indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.

L'indemnité compensatrice de congés payés est donc due même en cas de licenciement pour faute lourde.

En ce qui concerne le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés, la cour retient que la rémunération mensuelle brute moyenne de Madame [J] [R] s'élevait sur les 12 derniers mois précédant le licenciement, de mai 2010 à avril 2011, à la somme de 3072,22 € ainsi que le soutient la société Style Direct (pièce n° 8 salarié) et non à celle de 3.780,26 € qu'invoque Mme [R].

Par suite l'indemnité compensatrice de congés payés doit être fixée à la somme de 4.608,33 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande relative au solde des congés payés et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Style Direct à payer à Mme [R] la somme de 4.608,33 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur les autres demandes

La société Style Direct, condamnée au paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés, supportera les dépens de l'instance.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés pour la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Madame [J] [R] de sa demande relative au solde des congés payés,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne la société Style Direct à payer à Madame [J] [R] la somme de 4.608,33€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

Déboute Madame [J] [R] et la société Style Direct de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Dit que les dépens seront supportés par la société Style Direct.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/05325
Date de la décision : 16/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/05325 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-16;14.05325 ?
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