Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 12 JANVIER 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09457
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/06723
APPELANTE
Madame [K] [O]
née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 1]
Représentée et assistée par Me Muguette ZIRAH RADUSZYNSKI de l'AARPI ZR Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1032, substitué sur l'audience par Me Antoine GUITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1032
INTIMÉES
SARL MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIES agissant en la personne de son gérant domicilié audit siège en la personne de Maître [A] [F], ès-qualités de mandataire liquidateur de la Société CRUZ IMMOBILIER
ayant son siège au [Adresse 2]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Assistée sur l'audience par Me Michèle BECIRSPAHIC, avocat au barreau de PARIS, toque : C1377, substitué sur l'audience par Me David SILVA BECIRSPAHIC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0175
SCI LAURACHEL prise en la personne de ses représentants légaux
N° SIRET : 509 76 2 5 144
ayant son siège au [Adresse 3]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Michèle ARNOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0155
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Suivant acte authentique du 5 février 2009, Mme [K] [O] a vendu à la société Laurachel, par l'entremise de la société Da Cruz Immobilier, des locaux à usage commercial sis [Adresse 4], moyennant le prix de'500.000 € converti en un versement comptant (bouquet) de 140.000 € et une rente viagère annuelle de 36.000 € payable en douze versements égaux. Ledit acte indiquait que les locaux étaient donnés en location à la SAS Interface pour un loyer annuel de 40.000 €.
Mme [O] a, par actes extra-judiciaires des 10 et 14 février 2012, assigné la société Da Cruz Immobilier et la société Laurachel à l'effet de voir annuler cette vente pour vileté du prix. Elle a assigné, le 23 juin 2015, la SELAFA MJA en intervention forcée, en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société Da Cruz Immobilier, dont la liquidation avait été prononcée par jugement du tribunal de commerce du 5 novembre 2014.
Par jugement du 23 mars 2016, le tribunal de grande instance de Paris a':
- dit que seule la SELAFA MJA était habilitée à représenter la société Da Cruz Immobilier,
- débouté Mme [O] de sa demande de nullité de la vente en viager intervenue le 5 février 2009, portant sur les lots 65, 66, 192 et 204 du règlement de copropriété de l'immeuble du [Adresse 4],
- dit que la demande reconventionnelle subsidiaire était sans objet,
- débouté la SELAFA MJA ès qualités de sa demande de dommages-intérêts,
- condamné Mme [O] à payer la somme de 1.000 € à la SELAFA MJA ès qualités, d'une part, à la société Laurachel, d'autre part,
- ordonné la publication du jugement au service de la publicité foncière,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné Mme [O] aux dépens.
Mme [O] a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions du 19 septembre 2016, de':
au visa des articles 549, 550, 1134, 1147, 1591, 1976 du code civil,
- constater que les revenus de l'immeuble sont supérieurs aux arrérages de la rente,
- dire que la vente en viager intervenue le 5 février 200 est dépourvue de tout aléa,
- dire que ladite vente en viager a été stipulée moyennant un prix qui n'est ni réel ni sérieux,
- dire que la société Da Cruz Immobilier a manqué à ses obligations d'information et de conseil à son égard,
- en conséquence, prononcer la nullité de la vente en viager,
- condamner la société Laurachel à lui payer la somme de 239.295,87 € en restitution des fruits perçus à compter de l'assignation du 10 février 2012 et/ou à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice locatif subi depuis cette date,
- fixer au passif de la société Da Cruz Immobilier sa créance à hauteur de la somme de 355.962,53 € à titre de dommages-intérêts, en réparation des loyers non perçus depuis le 5 février 2009, date de la vente,
- fixer au passif de la même société sa créance de 20.000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
- débouter la SELAFA MJA et la société Laurachel de toutes leurs demandes,
- ordonner, dans les rapports entre elle-même et la société Laurachel, la compensation entre le montant du bouquet devant être restitué et celui des condamnations prononcées contre elle,
- condamner in solidum la SELAFA MJA ès qualités et la société Laurachel au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens,
La société Laurachel prie la Cour, par dernières conclusions du 19 août 2016, de':
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- y ajoutant, condamner Mme [O] au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens,
- «'rappeler que l'exécution provisoire est de droit'» (sic).
La SELAFA MJA prise en la personne de Mme [F], ès qualités, prie la Cour, par dernières conclusions du 21 et 29 juillet 2016, de':
au visa des articles 1591, 1976, 1992 du code civil, 6, 9, 15, 16, 132 du code de procédure civile
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- dans l'hypothèse où la vente serait annulée, dire que Mme [O] n'étaye par aucune articulation de fait, au regard des règles de droit, sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Da Cruz Immobilier,
- en toute hypothèse, dire la demande de préjudice complémentaire injustifiée, Mme [O] ne pouvant solliciter deux fois l'indemnisation de son prétendu préjudice,
- rejeter toutes les demandes de Mme [O],
- la condamner au paiement de la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
SUR CE
LA COUR
Au soutien de son appel, Mme [O] fait essentiellement valoir que les revenus locatifs du bien qu'elle a vendu sont supérieurs aux arrérages de la rente, que c'était déjà le cas lors de la signature de l'acte authentique puisque le loyer annuel était de 40.000 €, donc supérieur à la rente annuelle de 36.000 €, qu'il s'en déduit que la vente était dépourvu d'aléa, alors que les revenus de l'immeuble ont permis à la société Laurachel d'amortir son investissement en deux années, le loyer actuel perçu par elle s'établissant, par le jeu de la clause d'indexation, à plus de 70.000 € annuels'; elle ajoute que le bien dont s'agit, évalué à 500.000 € à l'acte de vente, a été estimé au prix de 1.272.000 € par une agence immobilière, d'où il suit que le prix de vente était dérisoire';
Ces moyens ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation';
En effet, il convient, pour déterminer tant l'existence d'un prix réel et sérieux que celle d'un aléa, de prendre en compte l'âge de Mme [O] au moment de la vente, soit 68 ans, son espérance de vie évaluée à 21 ans selon les barèmes en usage, également le versement d'un bouquet de 140.000 €, en sorte que la disproportion entre les revenus de l'immeuble et les revenus locatifs ne peut, à elle-seule, être retenue comme critère déterminant la vileté du prix';
S'agissant du loyer réglé par le locataire commercial, il convient de rappeler que le loyer net payé par la locataire à l'époque de la vente était inférieur à 40.000 € après déduction de l'impôt foncier et que le bailleur conservait à sa charge, selon les clauses du bail, toutes les grosses réparations de l'article 606 du code civil, soit la mise aux normes des ascenseurs et la réfection de la toiture, votées ou envisagées par la copropriété dès l'assemblée générale du 20 décembre 2010, que, de surcroît, la SAS Interface avait donné congé pour la première échéance triennale du 31 octobre 2010, ce qui contredit les allégations de Mme [O] sur le montant anormalement bas du loyer payé par cette société'; de même, contrairement à ce que prétend l'appelante, la révision triennale du loyer de la SAS Interface ne pouvait être opérée lors de la vente dès lors que le bail avait été renouvelé à effet du 1er novembre 2007, soit moins de deux années avant la vente';
S'agissant du loyer obtenu après la vente par la société Laurachel, celle-ci indique sans être démentie qu'il correspond à la location d'un ensemble de locaux commerciaux, ceux acquis de Mme [O] ayant été ultérieurement réunis à ceux de la société Rembrandt, propriétaire de locaux commerciaux dans l'immeuble contigus, après travaux autorisés par les copropriétaires, d'où il suit que le loyer actuel ne constitue pas davantage un critère déterminant pour l'appréciation de la vileté du prix';
Enfin, l'estimation produite par Mme [O], outre qu'elle a été établie en ligne et n'est pas fiable, évalue le bien comme libre de toute occupation, alors qu'il a été vendu occupé';
En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions';
En équité, Mme [O] sera condamnée à régler à la société Laurachel, d'une part, à la SELAFA MJA ès qualités, d'autre part, une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel';
Le présent arrêt n'étant pas susceptible de recours suspensif, la demande de la société Laurachel tendant à ce qu'il soit assorti de l'exécution provisoire est sans objet.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne Mme [O] régler à la société Laurachel, d'une part, à la SELAFA MJA ès qualités, d'autre part, une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mme [O] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,