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09/01/2018 | FRANCE | N°16/18515

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 09 janvier 2018, 16/18515


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 09 JANVIER 2018



(n° 3 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/18515



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Juillet 2016 -Cour d'Appel de REIMS - RG n° 16/1786-11





APPELANTS



Monsieur [U] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]



né le [Date naissance 1] 1968 à

[Localité 2] (21)





Madame [F] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 3]



née le [Date naissance 2] 1938



Représentés par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 09 JANVIER 2018

(n° 3 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/18515

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Juillet 2016 -Cour d'Appel de REIMS - RG n° 16/1786-11

APPELANTS

Monsieur [U] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2] (21)

Madame [F] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 3]

née le [Date naissance 2] 1938

Représentés par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

INTIMES

Monsieur [K] [U]

[Adresse 3]

[Localité 4]

né le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 1] (51)

Représenté par Me Sandrine ROUSSEAU de la SCPA HUVELIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel BIDANDA, avocat au barreau de PARIS, toque: E.0432

SCI ATTIK

[Adresse 4]

[Localité 5]

SIRET N° : 750 326 571

Monsieur [U] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2] (21)

Madame [F] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 3]

née le [Date naissance 2] 1938

Représentés par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Nadyra MOUNIEN

ARRET :

- Défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier présent lors du prononcé.

*****

M.[U] [Z] et M.[K] [U], avocats au barreau de Reims, ont formé en 2012 la SCI Attick dont ils sont tous deux gérants. Le capital est composé de 1 000 parts d'une valeur totale de 1 000 €, M.[U] [Z] en étant titulaire de 750 et M.[K] [U] de 250.

Les statuts contiennent une clause aux termes de laquelle les décisions doivent être prises à l'unanimité lorsqu'il n'existe que deux associés.

Cette société a acquis des locaux professionnels situés à [Localité 6] loués pour une partie à la société M.[Z] avocats et pour une autre partie à M.[K] [U], une 3ème partie restant libre d'occupation.

Un litige est né entre les deux associés à propos de la répartition de ces locaux et le montant des loyers.

Le 3 juin 2014, une assemblée générale a rejeté la demande de résolution présentée par M.[U] [Z] concernant une nouvelle répartition des locaux et le montant des loyers ainsi que la demande d'agrément de la société M.[Z] avocats comme nouvel associé.

Le 6 septembre 2014, M.[U] [Z] a cédé à sa mère [F] une part de la SCI Attick pour sa valeur nominale de 1€ et a signifié cette cession à cette dernière le 18 septembre 2014.

Le 13 octobre 2014, l'assemblée générale approuvait à la majorité la modification des statuts sur l'établissement de l'ordre du jour proposé par M.[U] [Z].

Les 8 et 21 octobre 2014, M.[K] [U] a fait assigner M.[U] [Z], Mme [F] [Z] et la SCI Attick devant le tribunal de grande instance de Chalons en Champagne pour voir déclarer nulles la cession de part sociale au profit de Mme [F] [Z] ainsi que l'assemblée générale du 13 octobre 2014.

Par un jugement du 15 juin 2016, le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M.[K] [U] en nullité de la cession de part sociale pour vil prix, débouté M.[K] [U] de sa demande en nullité de la cession, déclaré nulle l'assemblée générale extraordinaire du 13 octobre 2014 et consécutivement le procès-verbal des délibérations y afférent, a déclaré le jugement opposable à la SCI Attick et a ordonné l'exécution provisoire.

M.[U] [Z] et Mme [F] [Z] ont formé appel de cette décision le 21 juin 2016 et par une ordonnance du 12 juillet 2016, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Reims a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, en application de l'article 47 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 septembre 2017, les consorts [Z] demandent à la cour de :

1 - constater à titre principal que la cession de part au profit de Mme [Z] est valable et non frauduleuse, en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré la cession de part sociale valable et non frauduleuse,

à titre subsidiaire de constater que la contestation de la cession pour vil prix est soumise à une nullité relative dont M.[K] [U] ne peut se prévaloir, en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que M.[K] [U] avait qualité à agir,

constater à titre infiniment subsidiaire que si M.[K] [U] a qualité pour agir, il doit être débouté au fond, en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[K] [U] au motif qu'il n'a pas démontré que cette cession avait pour seul objectif de contourner la clause d'agrément,

2 - constater à titre principal que le tribunal en prononçant la nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 13 octobre 2014 sur le fondement des articles 1848 du code civil et 37 des statuts a violé les dispositions de l'article 1844-10 du code civil, en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'assemblée et le procès-verbal y afférent,

constater à titre subsidiaire que le tribunal en considérant que M.[U] [Z] avait trahi l'esprit du pacte social n'a pas caractérisé un abus de majorité de ce dernier pouvant entraîner la nullité de l'assemblée générale, en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'assemblée et le procès-verbal y afférent,

constater à titre infiniment subsidiaire, que M.[K] [U] ne pouvait s'opposer à la convocation de l'assemblée générale du 13 octobre 2014 en qualité d'associé, que l'opposition de M.[K] [U] n'est pas une opération visée par l'article 25-2 des statuts de la SCI Attick, que M.[K] [U] a abusé de son pouvoir de gérant pour réclamer l'annulation de l'assemblée générale en privilégiant son intérêt personnel d'associé, en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'assemblée et le procès-verbal y afférent,

déclarer l'arrêt opposable et commun à la SCI Attick, débouter M.[K] [U] de l'ensemble de ses demandes, le condamner à verser à chacun des appelants la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 octobre 2017, M.[K] [U] demande à la cour de déclarer nulle la cession de part intervenue entre M.[U] [Z] et Mme [F] [Z] le 6 septembre 2014, de déclarer nulle l'assemblée générale du 13 octobre 2014, de déclarer le jugement (sic) commun et opposable à la SCI Attick, de rejeter les demandes de M.[U] [Z] et de Mme [F] [Z], et de condamner M.[U] [Z] à payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

La SCI Attick à qui M.[U] a fait signifier ses conclusions du 24 décembre 2016 le 12 janvier 2017, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION :

M.[K] [U] soutient que la cession d'une part sociale à Mme [F] [Z], âgée de 76 ans et domiciliée en Meurthe et Moselle, a pour seul objectif de contourner la règle prévoyant l'unanimité lorsque la SCI est composée de 2 associés et de permettre ainsi à M.[Z] de décider seul avec sa mère, lors des assemblées générales. Il relève que le prix d'un euro est déconnecté de la valeur réelle de la part sociale, ce qui renforce le caractère suspect et artificiel de la cession. Il sollicite la nullité de la cession en invoquant trois fondements : le prix non sérieux, la violation de la clause d'agrément et la fraude.

S'agissant du prix non sérieux, M.[U] fait valoir qu'il a le droit d'agir en nullité en sa qualité d'associé pour contester la réalité ou la validité de la cession alors qu'au surplus celle-ci bouleverse le fonctionnement de la société. Pour établir la vileté du prix, M.[U] invoque l'attestation d'un expert-comptable sur la valeur des parts sociales au 6 septembre 2014 et indique le prix de leur cession dans le cadre de la liquidation de la SCI Attick en 2017.

M.[U] invoque également la violation de la clause d'agrément figurant à l'article 15 des statuts qui requiert un agrément pour toutes les cessions même au profit d'un ascendant ou d'un descendant.

Enfin, M.[U] fait valoir la fraude qui affecte la cession d'une seule part à un prix déconnecté de la réalité intervenant dans un contexte de conflit d'associés après une 1ère tentative avortée afin de permettre à M.[U] [Z] de décider seul et de faire baisser le loyer de sa société.

Les appelants contestent avoir procédé à cette cession afin d'obtenir une baisse du loyer pour les locaux occupés par la société M.[Z] avocat et déclarent que les difficultés entre associés ont amené M.[Z] à provoquer la liquidation de la SCI avec la vente du bien immobilier dont elle était propriétaire.

Ils soutiennent que, selon l'article 1861 du code civil, les cessions au profit d'ascendants ou de descendants ne sont pas soumises à agrément sauf stipulation expresse contraire et qu'en l'espèce la clause d'agrément incluse dans les statuts de la SCI Attick est une clause générale qui ne contient pas de disposition expresse, de sorte que la cession litigieuse à Mme [Z] n'exigeait pas un agrément.

Les appelants contestent avoir commis une fraude en vue de contourner la clause d'agrément. S'agissant de la clause d'unanimité, ils font valoir que les associés n'avaient pas décidé de l'intangibilité de cette règle puisque le passage à trois associés la rendait inapplicable et que l'inapplicabilité de cette clause est la simple conséquence de la cession de part et des règles statutaires.

A titre subsidiaire, ils relèvent que la nullité pour vil prix, qui ne vise qu'à protéger des intérêts privés, est une nullité relative qui ne peut être soulevée que par les cédants. Ils concluent que même si M.[U] a un intérêt à agir, il n'a pas qualité pour solliciter la nullité de la cession pour vil prix.

L'article 1861 du code civil après avoir posé le principe de la nécessité d'un agrément des associés, énonce que 'sauf dispositions contraires des statuts ne sont pas soumises à agrément les cessions consenties à des ascendants ou des descendants du cédant.'

L'alinéa 1 de l'article 15 des statuts de la SCI intitulé 'cession de parts. Agrément' prévoit que sont soumises à agrément toute opération .... 'entre toutes personnes physiques ou morales à l'exception de celles qui seraient visées à l'alinéa qui suit'.

Cependant l'article 15 ne comporte aucun alinéa énumérant des personnes pour qui la cession pourrait s'effectuer sans agrément.

Ce texte ne contient pas de disposition expresse soumettant les cessions au profit des ascendants ou descendants à un agrément et le fait qu'il n'a pas énuméré les personnes susceptibles d'être dispensées ne suffit pas à exclure l'application du principe général posé par l'article 1861 du code civil.

Ainsi il y a lieu d'admettre que M.[Z] pouvait céder une part sociale à sa mère sans solliciter l'accord de son associé.

Il y a lieu de rechercher si cette cession avait pour objet de contourner la règle de l'unanimité prévue par l'article 36 des statuts qui stipule que 'si la société vient à ne comprendre que deux associés, toutes décisions ordinaires et extraordinaires sont prises à l'unanimité'.

Ainsi que le relèvent les appelants, cette règle de l'unanimité n'est pas intangible et constitue une modalité spéciale de fonctionnement qui n'a vocation à s'appliquer que lorsque la circonstance de deux associés se trouve réalisée.

Ainsi, la fraude ne peut être constituée que lorsque l'introduction d'un 3ème associé est factice et a pour seul objectif d'échapper à cette règle.

En l'espèce, cette cession intervient dans le contexte d'une situation conflictuelle entre associés sur la répartition des locaux et le montant des loyers et le rejet des résolutions présentées par M.[Z] lors de l'assemblée générale du 3 juin 2014. Elle précède, par ailleurs, l'assemblée générale du 13 octobre 2014 au cours de laquelle sera adoptée une unique résolution modifiant la clause des statuts relative à l'établissement de l'ordre du jour des assemblées générales qui supprime la règle de l'accord des deux gérants au profit d'une fixation individuelle, délibération qui, avec la disparition de la règle de l'unanimité liée à la présence de deux associés, a pour effet de priver M.[U] de tout pouvoir dans le cadre des assemblées générales.

Cette cession porte sur une unique part sociale au prix d'un euro, ce qui ne peut présenter comme intérêt que d'introduire un troisième associé dans la SCI, la cessionnaire dont il n'est pas contesté qu'elle est dépourvue d'affectio societatis, n'exposant pas quel serait son intérêt personnel à cette opération.

Enfin il convient de constater que l'acquisition par Mme [Z] d'une part de la SCI s'est effectuée après que la société M.[Z] avocats, soumise à la condition de l'agrément, ne l' a pas obtenu.

Aussi il y a lieu de retenir que la cession d'une part sociale au profit de la mère de M.[Z], dispensée d'agrément, n'a d'autre objectif que de contourner la règle de l'unanimité posée par les statuts en vue de passer outre à l'opposition de M.[U] aux décisions souhaitées par l'appelant et notamment celle relative à la baisse du loyer des locaux occupés par sa structure professionnelle. Réalisée en vue de contourner les règles statutaires sur la gouvernance de la SCI, elle doit être considérée comme frauduleuse et annulée à ce titre.

La cession d'une part sociale au profit de Mme [Z] ne pouvant produire effet, les délibérations de l'assemblée générale doivent être approuvées à l'unanimité par les deux associés de la SCI.

L'unique résolution de l'assemblée générale du 16 octobre 2014 ayant été adoptée à la majorité, sera donc également annulée.

Il sera alloué à M.[U] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Chalons en Champagne sauf en ce qu'il a annulé l'assemblée générale extraordinaire de la SCI Attick du 13 octobre 2014 et consécutivement le procès-verbal des déliberations y afférent ;

Statuant à nouveau :

Annule comme étant frauduleuse la cession d'une part sociale de la SCI Attick intervenue le 6 septembre 2014 entre M.[Z] et sa mère [F] [Z] ;

Y ajoutant :

Condamne M.[Z] à payer à M.[U] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M.[Z] aux dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/18515
Date de la décision : 09/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°16/18515 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-09;16.18515 ?
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