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08/01/2018 | FRANCE | N°16/13882

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 08 janvier 2018, 16/13882


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 08 JANVIER 2018



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/13882



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2016 -Tribunal de Grande Instance de Melun - RG n° 15/02077





APPELANTS



Monsieur [C] [M]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Loc

alité 1]



Madame [O] [M]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 1]



Représentés par Me Caroline MEUNIER, avocate au barreau de PARIS, toque : K0126...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 JANVIER 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/13882

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2016 -Tribunal de Grande Instance de Melun - RG n° 15/02077

APPELANTS

Monsieur [C] [M]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1]

Madame [O] [M]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 1]

Représentés par Me Caroline MEUNIER, avocate au barreau de PARIS, toque : K0126

INTIME

MONSIEUR LE DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES DE SEINE & MARNE

Ayant ses bureaux cité administrative [Adresse 3]

[Adresse 4]

agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques, [Adresse 5]

Représenté par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocate au barreau de PARIS, toque : L0046

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Octobre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Conseiller

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

En application de l'article 4 de la loi n 2012-958 du 16 août 2012 de finance rectificative pour 2012, M. et Mme [M] se sont acquittés au titre de l'année 2012, en sus de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune, de la contribution exceptionnelle sur la fortune prévue par ce texte, pour un montant de 213 216 euros.

Par réclamation contentieuse en date du 24 décembre 2014, les époux [M] ont contesté la validité de cette contribution en l'absence de dispositif de plafonnement eu égard à leurs revenus, faisant notamment valoir qu'elle serait ainsi contraire aux principes de proportionnalité de l'impôt et de non-rétroactivité de la loi fiscale.

Suite à la décision de rejet de l'administration fiscale du 24 avril 2015, les consorts [M] ont saisi le tribunal de grande instance de Melun aux fins d'obtenir la condamnation de l'administration fiscale au remboursement de la contribution exceptionnelle sur la fortune acquittée en 2012, par assignation en date du 19 juin 2015.

* * *

Vu le jugement prononcé le 7 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Melun qui a débouté les époux [M] de leurs demandes,

Vu l'appel déclaré le 27 juin 2016 par les époux [M],

Vu l'arrêt prononcé par cette cour le 11 septembre 2017 qui a rejeté la demande des époux [M] tendant à la transmission à la cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalié (QPC) se rapportant à l'article 4 de la loi de finances rectificatives du 16 août 2012,

Vu les conclusions signifiées le 29 septembre 2017 par les époux [M],

Vu les conclusions signifiées le 6 octobre 2017 par le directeur des finances publiques de Seine et Marne,

Les consorts [M] demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

Vu les dispositions des articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789,

Vu les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention EDH (article 1P1),

Vu les dispositions de l'article 17 de la Charte sur les droits fondamentaux,

Vu l'ensemble des jurisprudence citées et notamment la décision du Conseil Constitutionnelle en date du 29 décembre 2012,

- constater l'existence d'un revirement de jurisprudence opéré par le Conseil Constitutionnel aux termes de sa décision du 29 décembre 2012 sanctionnant tout cumul d'impositions sur le revenu et/ou le patrimoine qui excéderait 75 % des revenus d'un contribuable,

- juger que la contribution exceptionnelle instaurée par l'article 4 de la loi du 16 août 2012, appliquée aux époux [M], revêt un caractère manifestement confiscatoire et excessif, conduisant à une imposition globale de 365 995 euros pour des revenus nets imposables de 121 357 euros,

- juger que cette contribution exceptionnelle telle qu'acquittée par les époux [M], en raison de son caractère confiscatoire, viole manifestement le principe d'égalité devant les charges publiques définie aux articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme de 1789,

- juger que cette contribution exceptionnelle telle qu'acquittée par les époux [M], en raison de son caractère excessif, viole l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH (article 1P1),

- juger en conséquence que cette contribution exceptionnelle telle qu'acquittée par les époux [M], en raison de son caractère excessif et confiscatoire, viole l'article 17 de la Charte sur les Droits fondamentaux de l'Union Européenne,

- dire que la contribution exceptionnelle instaurée par l'article 4 de la Loi du 16 août 2012, compte tenu de son caractère rétroactif, viole l'article 1 er du protocole additionnel à la CEDH (article 1P1),

En conséquence :

- réformer le jugement déféré,

- condamner la direction générale des finances publiques de Seine et Marne au remboursement de la somme de 213 216,00 euros acquittée par Monsieur et Madame [M] au titre de cette contribution exceptionnelle 2012,

A titre simplement subsidiaire :

- transmettre en application de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) à la Cour de Justice de l'Union Européenne la question préjudicielle suivante :

« l'article 4 de la loi de finance rectificative du 16 août 2012 instituant cette contribution

exceptionnelle sans mécanisme de plafonnement est il conforme à l'article 17 de la Charte

sur les droits fondamentaux ».

En tout état de cause :

- condamner la direction générale des finances publiques de Seine et Marne au paiement, au profit des époux [M], de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

Le directeur des finances publiques de Seine et Marne demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 juin 2016 en ce qu'il a jugé que l'article 4 de la loi de finances rectificative pour 2012 était conforme aux exigences constitutionnelles relatives a la proportionnalité de l'impôt et au principe d'égalité devant les charges publiques,

- confirmer l'absence de griefs au regard des stipulations du premier protocole additionnel a la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison du caractère excessif et rétroactif de la contribution exceptionnelle,

- confirmer l'absence de violation du principe d'égalité devant les charges publiques défini par la déclaration des droits de l'homme de 1789,

- confirmer l'absence de revirement de jurisprudence opéré par le conseil constitutionnel aux termes de sa décision du 29 décembre 2012,

- confirmer l'absence de violation a l'artic1e 17 de la Charte des droits fondamentaux,

- dire qu'il n'y a pas lieu a transmission d'une question préjudicielle sur la conformité a l'article 17 de la charte sur des droits fondamentaux de l'article 4 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012,

- rejeter la demande des appelants fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les appelants aux entiers dépens de premiere instance et d'appel qui seront recouvrés par la SCP Naboudet-Hatet, avocats près la Cour en application de l'article 699 du code de procédure civile,

SUR CE,

Considérant que l'article 4 de la loi n 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a prévu la contribution exceptionnelle sur la fortune (C.E.F.) au titre de laquelle les services fiscaux réclament aux époux [M] la somme de 213 216 euros résultant du décompte suivant calculée sur un base imposable de 22 380 850 euros :

Contribution avant imputation : 325 120 euros

Imputation ISF 2012 : 111 904 euros

Net à payer : 213 216 euros

Considérant que les époux [M] soutiennent que la CEF présenterait un caractère excessif et confiscatoire pour les motifs suivants :

- ce dispositif emporterait violation du principe d'égalité devant les charges publiques définies aux articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme de 1789, une décision du conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 ayant déclaré inconstitutionnelle et partant illégale toute mesure législative tendant à faire peser une contribution supérieure à 70 % des revenus disponibles et le législateur ayant lui même limité à 75 % le plafonnement des impositions cumulées sur le patrimoine et le revenu selon les termes de l'article 885 V bis du code général des impôts ;

- ce dispositif emporterait violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH (article 1P1) en raison du caractère excessif de l'imposition. Les époux [M] exposent à ce sujet avoir été contraints de céder des actions, des bons de souscription d'action et d'obligations convertibles relatives à la société Luxmanis, cette réalisation forcée démontrant le caractère tant confiscatoire qu'excessif de la CEF mise en cause,

- ce dispositif emporterait violation de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux en raison du caractère excessif et confiscatoire de l'imposition.

- en raison de son caractère rétroactif, la CEF présenterait un caractère illégal pour violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH (article 1P1) et de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme ;

Mais considérant, ainsi que relevé par les premiers juges, que la CEF s'inscrit dans le droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur des lois qui assurent le paiement de l'impôt dès lors que ses principes de fonctionnement et modalités de calcul sont précisés par une loi conforme à la constitution ; que la CEF est exigible au titre de la seule année 2012 et que le montant brut de cet impôt est établi après déduction de l'ISF ; que le droit à restitution acquis en application des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts au titre des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010, en s'imputant sur l'ISF dû au titre de l'année 2012 pour les contribuables redevables de cet impôt, produit ses effets sur la cotisation d'ISF due en 2012 ; que les époux [M] ont ainsi bénéficié d'une réduction de leur ISF 2012 d'un montant de 70 035 euros ;

Considérant ensuite que le plafonnement par rapport aux revenus ne s'impose pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus ; que les époux [M] ont déclaré au titre de l'ISF 2012 un patrimoine imposable de 22 380 850 euros et se sont acquittés au titre de la CEF de la somme de 213 216 euros soit 0,95 % de leur patrimoine imposable ainsi que le relève l'administration fiscale ;

Considérant, sur le caractère confiscatoire, que le patrimoine imposable des époux [M] d'un montant de 22 380 850 euros en 2012 a porté sur un montant de 23 069 710 euros en 2013 ; que l'appauvrissement allégué n'est pas justifié, peu important que les contribuables aient choisi de céder telles ou telles actions pour s'acquitter des dites impositions ;

Considérant que la CEF constituant une imposition autonome pour la seule année 2012 ne remet pas en cause les engagements prévus pour l'ISF au titre de l'année 2012 par la loi de finances rectificatives pour 2011 ;

Considérant enfin, sur le grief relatif au caractère rétroactif de la CEF, que si la valeur de l'assiette d'imposition est celle au 1er janvier 2012, le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date d'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 ; que les contribuables ayant quitté le territoire national entre le 1er janvier et le 4 juillet 2012, date de la présentation du projet de loi de finances rectificative, seront imposés non en raison de leur patrimoine mondial mais de leur patrimoine situé en France ; que par ce mécanisme, le législateur a expressément prevu un regime de calcul de l'assiette de la contribution exceptionnelle different du regime de calcul de l'assiette de l'lSF 2012 ;

Considérant ainsi que la CEF ne présente pas un caractère confiscatoire et excessif contraire au principe d'égalité devant les charges publiques définie aux articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme de 1789, ne comporte pas violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH (article 1P1) et n'enfreint pas l'article 17 de la charte sur les droits fondamentaux de l'Union Européenne ; que n'étant pas rétroactive, elle ne heurte l'article 1er du protocole additionnel à la CEDH (article 1P1) ;

Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions sans nécessité de transmettre une question préjudicielle à la CJUE ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement déféré ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE solidairement les époux [M] aux dépens et accorde à maître Naboudet-Hatet le bénéfice des dispositions de l'article 699du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/13882
Date de la décision : 08/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°16/13882 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-08;16.13882 ?
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