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21/12/2017 | FRANCE | N°15/15543

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 21 décembre 2017, 15/15543


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3



ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2017



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15543



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2015 -Tribunal d'Instance de PARIS 3ème - RG n° 11-15-000019





APPELANTS



Monsieur [D] [Y]

Né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Représenté par Me Christophe PACHALIS, avocat postulant au barreau de PARIS, toque K148

Ayant pour avocat plaidant : Me Pierre BOUAZIZ, au barreau de PARIS, toque : P215



Madame [J] [A]

Né...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15543

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2015 -Tribunal d'Instance de PARIS 3ème - RG n° 11-15-000019

APPELANTS

Monsieur [D] [Y]

Né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Christophe PACHALIS, avocat postulant au barreau de PARIS, toque K148

Ayant pour avocat plaidant : Me Pierre BOUAZIZ, au barreau de PARIS, toque : P215

Madame [J] [A]

Née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat postulant au barreau de PARIS, toque K148

Ayant pour avocat plaidant : Me Pierre BOUAZIZ, au barreau de PARIS, toque : P215

INTIME

Monsieur [Z] [V]

Né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Xavier CHABEUF de l'AARPI CARDINAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1894

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Daniel FARINA, Président

M. Philippe JAVELAS, Conseiller

Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS

ARRÊT : contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Mme Pascale WOIRHAYE, président et par Mme Viviane REA , greffière présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

.

Monsieur [Z] [V] a reçu en donation le 22 décembre 2000 un appartement situé [Adresse 1] qu'il a donné à bail par l'intermédiaire de l'agence immobilière ERA BEAUBOURG GTI à Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] à effet au 25 juin 2011, pour une durée de trois ans.

Par acte d'huissier en date du 19 décembre 2013, Monsieur [Z] [V] a donné congé du bail d'habitation aux locataires, pour reprise personnelle du logement, pour le 24 juin 2014 à minuit.

Par assignation du 6 février 2015, Monsieur [Z] [V] a fait citer Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] devant le Tribunal d'instance de PARIS 3ème aux fins de faire prononcer la résiliation du bail par validation du congé à compter du 24 juin 2014, ordonner l'expulsion de locataires sous astreinte de 150 € par jour, et obtenir leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et celle de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 18 mai 2015, le Tribunal d'instance de PARIS 3ème a prononcé la résiliation du bail par validation du congé au 24 juin 2014, ordonné l'expulsion de Monsieur [D] [Y] et de Madame [J] [A] avec les occupants de leur chef et il a rejeté le surplus des demandes de Monsieur [Z] [V].

Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] ont interjeté appel du jugement par déclaration en date du 17 juillet 2015.

Dans le dispositif de leurs conclusions n°2 récapitulatives et en réplique notifiées par la voie électronique le 18 février 2016, Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A], appelants, ont sollicité de la Cour qu'elle :

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la loi du 24 mars 2014 était applicable;

- l'Infirme pour le surplus ;

A titre principal,

- Déclare nul et de nul effet le congé signifié le 19 décembre 2013 ;

Subsidiairement,

- Déboute Monsieur [Z] [V] de ses demandes ;

- Condamne Monsieur [Z] [V] à leur verser au titre de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 1.665 € pour leur avocat postulant et la somme de 6.000 € pour leur avocat plaidant pour la procédure de première instance et d'appel ;

- Condamne Monsieur [Z] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront pour ces derniers recouvrés par la SELARL RECAMIER Avocats associés ;

- Juge que les éventuels frais de signification et d'exécution de la décision et de l'honoraire de l'article 10 du tarif des huissiers en recouvrement forcé, prévu par le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 modifié par le décret du 8 mars 2001 (sic).

Dans le dispositif de ses conclusions n°2 notifiées par la voie électronique le 9 octobre 2017, Monsieur [Z] [V], intimé, a sollicité de la Cour qu'elle :

- Confirme le jugement rendu le 18 mai 2015 par le Tribunal d'instance du 3ème arrondissement de Paris en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail par validation du congé à la date du 24 juin 2014 ;

- Ordonne l'expulsion des lieux loués de Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, en les formes légales, au besoin avec l'assistance de la force publique, faute de départ volontaire dans un délai de deux mois à compter de la délivrance du commandement d'avoir à quitter les lieux, signifié en application de l'arrêt à intervenir ;

Y ajoutant :

- Enjoigne à Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] de lui verser à titre d'astreinte la somme de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- Condamne solidairement Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] à lui verser la somme de 43.500 € au titre de son préjudice de jouissance ;

- Condamne solidairement Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture des débats a été rendue le 19 octobre 2017.

Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] ont notifié par la voie électronique le 31 octobre 2017 des conclusions d'appel et en réplique n°3 modifiées en leurs motifs et comportant demande de révocation de l'ordonnance de clôture ainsi qu'un bordereau de communication de vingt nouvelles pièces numérotées de 35 à 58. Par message électronique en date du 6 novembre 2017, Monsieur [Z] [V] par son conseil s'est opposé à la demande de révocation et il a demandé que les dernières conclusions et les 23 nouvelles pièces soient écartées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Aux termes des dispositions combinées des articles 783 et 784 du Code de procédure civile, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office après l'ordonnance de clôture des débats, laquelle ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

A l'appui de leur demande de révocation de l'ordonnance de clôture, Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] plaident que plus de deux ans après avoir constitué avocat Monsieur [Z] [V] produit enfin 17 pièces nouvelles dont certaines qu'ils lui avaient demandées depuis la procédure de première instance mais aussi de nouvelles conclusions comportant d'importants nouveaux développements par rapport à ses conclusions initiales, qui nécessitaient une réponse pour laquelle ils entendaient solliciter le report de l'ordonnance de clôture, demande qui n'a pas été transmise à la Cour en temps utile par suite d'une 'difficulté interne'.

Sur ce, non seulement les appelants ne font valoir aucune cause grave postérieure à la clôture à l'appui de leur demande de révocation, mais encore ils disposaient d'un délai suffisant pour répondre aux conclusions n°2 de Monsieur [Z] [V] à l'appui de la production des nouvelles pièces dont ils admettent qu'elles ont été fournies sur leurs sollicitations.

Leur demande de révocation de l'ordonnance de clôture qui procède d'un motif dilatoire concernant un congé datant du 19 décembre 2013 est donc rejetée et la Cour ne statuera que dans les limites de leurs conclusions n°2 signifiées le 18 février 2016 et des pièces numérotées jusqu'à 35, les conclusions 3 et les pièces 35 bis à 58 étant déclarées irrecevables d'office.

Sur la validité formelle du congé pour reprise délivré le 19 décembre 2013

Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] font grief au jugement d'avoir validé le congé pourtant non délivré à personne alors que Madame [J] [A] était à son domicile pour un rendez-vous d'expert fixé le même jour ; ils soulignent que les mentions figurant sur la copie remise (P21 appelants) sont différentes du 1er original produit par l'intimé (P4intimé) et que c'est faussement que le 1er original mentionne que le lieu de travail des destinataires était inconnu alors le mandataire du bailleur les connaissait, que les voisins du dessus sont locataires alors qu'ils sont propriétaires et attestent qu'ils n'ont jamais été sollicités par l'huissier, la localisation de leur appartement n'étant pas visible sur les sonnettes.

L'article 656 du Code de procédure civile dispose que 'si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée...'

Sur ce, pour expliquer qu'aucune tentative n'ait été faite pour une notification à personne sur le lieu de travail, l'huissier a spécifié à son acte qu'il ne le connaissait pas, ce qui vaut jusqu'à inscription de faux tout comme sa constatation qu'il n'y avait aucune personne présente au domicile, la circonstance mise en avant par les appelants de la présence au domicile de l'un des destinataires pour un rendez-vous donné à un tiers le jour de ce passage de l'huissier, ne signifiant pas qu'il ait été sur place la journée entière.

Il résulte aussi de l'acte critiqué signifié par dépôt en l'étude, que l'huissier, s'est assuré de la réalité de l'adresse des appelants en sollicitant, du fait de leur absence, le voisin locataire du 4ème étage qui la lui a confirmée, la différence des mentions entre la copie et le premier original qui s'explique par le fait que le formulaire de passage est renseigné par croix et non par mots comme le premier original pour plus de rapidité, étant sans portée puisqu'elles ne sont pas discordantes.

Par ailleurs, l'officier ministériel a régulièrement porté mention des autres diligences effectuées en application des articles 656 et 657 du Code de procédure civile et l'adresse était la bonne puisque Monsieur [D] [Y] a pu retirer en l'étude le congé grâce à l'avis de passage, ainsi qu'en atteste l'huissier.

Les modalités de la signification qui n'a pu être faite à personne n'encourent donc aucune critique et ce motif de nullité du congé est donc rejeté.

Sur la loi applicable au congé

Le congé litigieux en date du 19 décembre 2013 a été délivré au visa de l'article 15-I alinéa 1er de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version issue de la loi du 13 juin 2006 qui dispose que 'Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une de ses obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire...'.

Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a appliqué les dispositions de l'article 15 tel que modifié par l'article 5-5b de la loi du 24 mars 2014 dite ALUR, entrée en vigueur le 27 mars 2014, permettant au juge de 'vérifier la réalité du motif de congé et le respect des obligations prévues au présent article' et de 'déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes' ; ils soulignent que ces dispositions sont d'application immédiate aux contrats en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi, conformément à l'avis donné, le 16 février 2015, à propos du nouvel article 24 de la loi du 6 juillet 1989 par la Cour de cassation qui a retenu que la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques en cours ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ; ils plaident qu'il importe peu que le bailleur n'ait pas été contraint de justifier au congé le caractère réel et sérieux de sa décision de reprise pour l'avoir délivré avant la loi ALUR, dès lors que les effets du congé découlent de la loi.

Monsieur [Z] [V] plaide que si par principe il n'avait pas à justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise au congé, au sens de la loi ALUR qui n'a été promulguée qu'après sa délivrance, il admet désormais que la loi MACRON du 6 août 2015 en son article 82 ayant précisé que l'article 15 de la loi est d'application immédiate aux contrats en cours, le juge est habilité à vérifier la réalité du motif qui doit être justifié par des éléments sérieux et légitimes ; néanmoins il soutient que dans son cas, la loi ALUR n'était pas applicable au bail consenti antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi, qui demeure régi par les dispositions qui lui étaient applicables, à l'exception de certains articles parmi lesquels ne figure pas l'article 5-5°b autorisant un contrôle à priori par le juge du congé de reprise ; il sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'application de la loi du 24 mars 2014, le juge ne pouvant exercer qu'un contrôle à posteriori.

Sur ce, la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite MACRON, est venue préciser en son article 82-II que l'article 15 dans sa rédaction résultant de la loi ALUR s'applique depuis la date d'entrée en vigueur de la loi n°2015-990 du 6 août 2015, à l'ensemble des contrats en cours au 7 août 2015. Cependant ce nouveau dispositif transitoire, complétant le dispositif transitoire antérieur n'étant pas rétroactif, il ne peut concerner les effets du congé donné à Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] qui se sont réalisés le 24 juin 2014, soit après l'entrée en vigueur de la loi ALUR mais avant la promulgation de la loi MACRON.

Il en résulte que, sauf fraude manifeste, le juge ne peut procéder qu'à un contrôle a posteriori de la sincérité du congé. C'est donc sous cet angle que la Cour devra apprécier les moyens et argumentations respectives des parties sur la validité du congé de reprise.

Sur la demande d'annulation du congé

Pour l'infirmation du jugement en ce qu'il a validé le congé, Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] plaident en substance que les éléments donnés par Monsieur [Z] [V] pour justifier la reprise sont incertains et contradictoires, qu'il cache son adresse réelle qui change à chaque acte, que son épouse réside toujours en Turquie et qu'il est susceptible de disposer d'autres logements qu'il pourrait occuper ; ils ajoutent que le motif réel du congé est d'échapper aux suites d'une mise en demeure des services techniques de l'habitat de la Ville de [Localité 4] en date du 21 octobre 2013 et précisent avoir dû faire un signalement au service de lutte contre le saturnisme le 9 décembre 2014 du fait de l'écaillage de la peinture occasionné par ces fuites, ce qui a débouché sur des poursuites à l'encontre du bailleur.

Pour confirmation Monsieur [Z] [V] réplique que l'adresse donnée à son congé est celle de ses parents à [Localité 5] chez qui il comptait habiter à son retour de Turquie avant la date d'effet du congé, qu'il a rejointe après avoir été hébergé un temps par sa belle-famille à [Localité 4], et que la dernière [Adresse 3] est celle de l'appartement qu'il a dû louer en attendant la libération du sien ; il souligne que son épouse est étudiante au conservatoire, que lui-même est salarié de la société DADD à [Localité 4] et qu'il n'est propriétaire d'aucun autre bien immobilier ; il affirme que la nécessité de faire des travaux d'entretien ne suffit pas à rendre le congé frauduleux ; il expose qu'il a d'ailleurs été relaxé des poursuites pour non-respect du règlement sanitaire départemental à la suite du procès-verbal en date du 17 février 2015 et que Monsieur [D] [Y] a été débouté de sa constitution de partie civile par jugement en date du 23 janvier 2017.

Sur ce, il résulte des pièces produites que Monsieur [Z] [V] a pu justifier de la réalité de son adresse au congé, comme étant celle de ses parents qui avaient l'habitude de l'héberger lors de ses retours épisodiques de Turquie, justifiés à son passeport. Il prouve la réalité de son rapatriement en France par le certificat de radiation de la liste électorale consulaire à compter de 2015, celle de son travail en France par la production de son contrat d'embauche à effet au 1er août 2014, et celle de son besoin de logement à [Localité 4] par la production des attestations de ses proches et amis, outre celle de son bailleur, Monsieur [U], à compter du 1er octobre 2015.

Pour seule preuve de la prétendue fausseté de l'intention d'habiter du bailleur, Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] se bornent à soulever des questions hors de propos sur des contradictions narratives apparentes aux diverses conclusions échangées relatives aux circonstances de la vie de famille de Monsieur [Z] [V] et les activités musicales de son épouse, des allégations sur sa fortune immobilière nullement étayées et des interrogations inopérantes sur les raisons de son expatriation en Turquie comme de son retour.

Enfin le grief dont ils se prévalent comme indice de fraude, que pourrait nourrir à leur égard Monsieur [Z] [V] du fait de leurs réclamations relatives aux fuites en toiture le 10 juin 2013 auprès du gérant et le 16 octobre 2013 auprès du syndic, qui ont été traitées comme déclarations de sinistre gérées entre leur assureur et celui du syndicat en même temps que les locataires saisissaient les services techniques municipaux, ne peut suffire à constituer la cause du congé donné dont les motifs réels et sérieux ont été largement démontrés plus haut.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a validé le congé et ordonné l'expulsion sauf à dire que la résiliation du bail est constatée et non prononcée.

Sur la demande d'astreinte à l'appui de la décision d'expulsion

En application des dispositions de l'article L.131-1 du Code des procédures civiles d'exécution, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.

La durée de l'occupation illicite et le positionnement adopté par les appelants dans le litige commandent le prononcé d'une astreinte comminatoire de 50 € par jour à compter de l'expiration de la période de non-éviction, la Cour ne se réservant néanmoins pas la liquidation de celle-ci.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance

Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] s'opposent à la demande de dommages et intérêts formulée par Monsieur [Z] [V] et sollicitent la confirmation de ce chef.

La privation de son bien depuis le 24 mai 2014 et l'obligation pour Monsieur [Z] [V] de se loger de façon précaire, puis en louant à son tour, sont établies et constituent un préjudice, alors qu'il justifie être rentré définitivement de Turquie dans l'espoir de vivre en couple dans son appartement et qu'il travaille à [Localité 4].

Par ailleurs, Monsieur [D] [Y] qui est toujours propriétaire d'une maison à [Localité 6], déclarée lors de la constitution de son dossier de locataire, où il prouve qu'il héberge une partie de sa famille, dispose ainsi d'une résidence même transitoire qui aurait dû lui permettre de libérer l'appartement litigieux qu'il décrit comme problématique.

En se maintenant dans les lieux en dépit du jugement validant le congé même non assorti de l'exécution provisoire, Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] ont commis une faute générant un dommage pour Monsieur [Z] [V] qui justifie l'allocation au profit de ce dernier d'une somme de 15.500 € sur la base d'une indemnité de 500 € par mois à compter du jugement, soit sur 31 mois, au paiement de laquelle les appelants seront tenus in solidum.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] qui succombent seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [Z] [V] les frais de procédure engagés pour se défendre en appel ; Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] seront condamnés à lui verser la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais de justice de première instance et d'appel, les appelants étant déboutés de leur demande de ce même chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement ;

REJETTE la demande de révocation de l'ordonnance de clôture en date du 19 octobre 2017;

DÉCLARE d'office irrecevables les conclusions d'appel récapitulatives et en réplique n°3 notifiées par voie électronique le 31 octobre 2017 et les pièces annexées n° 35bis à 58 produites par Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] ;

INFIRME le jugement du Tribunal d'instance de PARIS 3ème en date du 18 mai 2015 en ce qu'il a rejeté les demandes principales complémentaires de dommages et intérêts et d'astreinte ;

Statuant de nouveau de ces chefs,

CONDAMNE in solidum Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] à payer à Monsieur [Z] [V] la somme de 15.500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;

ORDONNE leur expulsion sous astreinte provisoire de 50 euros par jour à compter de la fin de la période hivernale de non-éviction 2017-2018 ;

CONFIRME le jugement pour le surplus sauf à préciser que la résiliation du bail au 24 juin 2014 est constatée et non prononcée ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] à payer à Monsieur [Z] [V] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [D] [Y] et Madame [J] [A] aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 15/15543
Date de la décision : 21/12/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°15/15543 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-21;15.15543 ?
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