RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 21 Décembre 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07845
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN section commerce RG n° 11/00082
APPELANT
Monsieur [F] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1]
représenté par Me Stéphanie DOS SANTOS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1092
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/035807 du 11/10/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
SAS AZURIAL aux droits des sociétés AGENCE NATIONALE DE PROPRETE (ANP) et L'UNION FRANCE ENTRETIEN (LFE)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Hugues BERRY, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 70
PARTIE INTERVENANTE :
Me [H] [V] (SCP [H]) - Commissaire à l'exécution du plan de SAS AZURIAL aux droits des sociétés AGENCE NATIONALE DE PROPRETE et L'UNION FRANCE ENTRETIEN
[Adresse 3]
[Adresse 3]
non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle MONTAGNE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente,
Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller,
Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère,
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente, et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
[F] [L] a été embauché à compter du 10 avril 2007 en qualité d'agent de service suivant contrat de travail à durée indéterminée pour une durée de 35 heures hebdomadaires par la société Anp ; il a par ailleurs été embauché à temps partiel à compter du 19 mai 2009 en qualité d'agent de service par la société Lfe ; ses fonctions consistaient à ranger des caddies dans le parking du centre commercial [Établissement 1] situé à [Localité 2].
Convoqué par chacune des sociétés le 18 janvier 2010 à un entretien préalable prévu le 1er février 2010, le salarié a reçu notification par lettres du 17 février 2010 de ses licenciements pour fautes graves par chaque société au motif d'une absence injustifiée à son poste de travail à compter du 2 janvier 2010.
Le 4 février 2011, il a saisi le conseil de prud'hommes de Melun afin de faire reconnaître ses licenciements sans causes réelles et sérieuses et obtenir réparation de ce chef ainsi que le paiement de salaires et accessoires non versés.
Suivant jugement prononcé le 17 juin 2013, notifié le 18 juillet 2013, cette juridiction l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à payer à chaque société la somme de 150,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; il a régulièrement relevé appel de cette décision le 6 août 2013.
Suivant conclusions du 31 octobre 2017 reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que les licenciements sont dépourvus de causes réelles et sérieuses,
- de condamner la société Azurial venant aux droits de la société Anp à lui payer les sommes suivantes :
* 13.216,40 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 991,23 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 3.304,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 330,41 euros au titre des congés payés afférents,
* 22.154,59 euros au titre des rappels de salaires et 2 215,46 euros au titre des congés payés afférents,
* 2.368,08 euros au titre des temps de pause non accordés et 236,81 euros au titre des congés payés afférents,
* 3 304,10 euros en réparation du préjudice lié à la violation de l'obligation de sécurité de résultat,
* 3.304,10 euros en réparation du préjudice lié à l'absence de visites médicales,
* 1.652,05 euros en réparation du préjudice lié à l'absence d'information concernant les droits à Dif,
* 9.912,30 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
* 33.058,65 euros au titre du manque à gagner entre les sommes perçues au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et les salaires,
- de condamner la société Azurial venant aux droits de la société Lfe à lui payer les sommes suivantes :
* 7.534,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1.255,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 125,58 euros au titre des congés payés afférents,
* 7.485,16 euros au titre des rappels de salaires et 748,52 euros au titre des congés payés afférents,
- de condamner la société Azurial venant aux droits des sociétés Anp et Lfe à lui remettre les bulletins de paie, certificat de travail, solde de tout compte, et attestation Assedic, rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à verser à son avocat la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Suivant conclusions du 31 octobre 2017 reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, la société Azurial venant aux droits des sociétés Anp et Lfe demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la durée du travail au sein des sociétés Anp et Lfe
Le salarié fait valoir qu'il n'a pas reçu de contrat de travail écrit de la part de la société Lfe et qu'il doit être rémunéré sur la base d'un temps complet pour toute la période de travail, entre le 19 mai et le 31 décembre 2009 ; par ailleurs, sans faire de distinction entre les sociétés Anp et Lfe, il prétend que ses horaires étaient du lundi au samedi de 13 heures à 21 heures, sans pause ; il produit un décompte, deux attestations et des copies de feuilles provenant d'un cahier d'émargement transmis par la société Auchan entre le 21 novembre 2008 et le 22 juillet 2010.
La société intimée fait valoir que la société Anp était titulaire du marché portant sur la gestion du parc à caddies de l'hypermarché Auchan et la société Lfe du marché de nettoyage des parties communes du centre commercial, que les horaires du salarié étaient du lundi au samedi de 13 heures à 14 heures pour la société Lfe et de 15 heures à 21 heures pour la société Anp, qu'il n'a jamais fait valoir de réserve ni de contestation sur ces deux contrats de travail distincts avec ses deux employeurs, la durée, les horaires, l'amplitude et la répartition du travail dans la semaine.
L'article L.3123-14 du code du travail prévoit que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui doit comporter un certain nombre de mentions.
L'absence de contrat de travail écrit fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui le conteste de rapporter la preuve d'une part, qu'il s'agissait d'un travail à temps partiel et d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition.
En application de l'article L.3174-4 du code du travail, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En premier lieu, il ressort des déclarations uniques à l'embauche effectuées par les sociétés Anp et Lfe, des bulletins de paie délivrés par chacune de ses sociétés et des feuilles de pointage journalières pour chaque société, sur l'ensemble des relations de travail, pièces produites par la société intimée, que le salarié a travaillé à temps partiel pour la société Lfe suivant le même horaire de travail pour toute la durée de la relation contractuelle soit de 13 heures à 14 heures du lundi au samedi. Par ailleurs, il n'est pas contesté que ses fonctions étaient identiques à celles qu'il occupait au sein de la société Anp. Ces éléments sont d'ailleurs corroborés par le propre décompte du salarié qui indique de manière systématique une prise de poste du lundi au samedi à 13 heures. Enfin, force est de constater qu'aucun élément relatif à une réserve ou une contestation de la part du salarié sur les relations de travail pendant le temps des relations contractuelles ou au moment de la rupture ne ressort des débats ni des pièces produites. Par conséquent, la société intimée rapporte la preuve que le salarié travaillait à temps partiel pour la société Lfe à raison de 6 heures hebdomadaires du lundi au samedi de 13 heures à 14 heures et que, ses horaires étant invariables, il connaissait suffisamment à l'avance la répartition de ses horaires entre les jours de la semaine pour ne pas avoir à se tenir constamment à disposition de l'employeur.
S'il peut être considéré au regard des éléments qu'il produit que le salarié étaye sa demande relative aux heures de travail exécutées, la société intimée justifie cependant des heures effectivement réalisées par le salarié pour chaque société et de leur rémunération dans leur intégralité.
En effet, la société intimée fait pertinemment observer que le salarié a varié dans ses demandes de rappel de salaire de manière injustifiée, puisque sa demande introduite le 4 février 2011, visait au paiement d'une somme globale de 14.240,50 euros au titre des heures exécutées entre 2007 et 2009, puis devant le bureau de jugement cette demande a été portée aux sommes de 20.515,76 euros à l'encontre de la société Anp et de 7.214,21 euros à l'encontre de la société Lfe et enfin devant la cour aux sommes de 22.154,59 euros à l'encontre de la société Anp et de 7.485,16 euros à l'encontre de la société Lfe, et qu'il demande en réalité et de manière infondée à être rémunéré deux fois pour les mêmes heures de travail effectuées, puisqu'il demande le paiement des mêmes heures d'une part à titre d'heures supplémentaires à la société Anp et d'autre part au titre de la requalification du temps partiel en temps plein à la société Lfe.
Par ailleurs, la société fait valoir à juste titre que les attestations de [G] [R] et de [K] [A], cette dernière datée du 4 novembre 2013 et produite en cause d'appel, sont rédigées en des termes identiques et généraux, comportent les mêmes fautes d'orthographe (exemple 'sans aucune pose') et ne font état d'aucun fait précis daté et circonstancié, ce qui leur ôte toute valeur probante.
En outre, la société fait objectivement valoir que les copies du cahier d'émargement qui émaneraient de la société Auchan, produites par le salarié, n'ont pas été recueillies de manière contradictoire à son égard et que leur force probante s'en trouve amoindrie.
Enfin, alors que l'article L.3121-20 du code du travail prévoit que les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile, le décompte du salarié retient un forfait de 48 heures hebdomadaire, et un montant calculé par mois et par année, sans aucune variation en fonction du nombre d'heures et de jours travaillés dans un mois alors que de manière contradictoire, les copies du cahier d'émargement dont il se prévaut mentionnent des départs à 17 ou 19 heures certains jours (par exemple le 7 ou le 21 décembre 2008).
Il se déduit de l'examen du décompte général du salarié que le salarié compte en heure de travail exécutée l'heure d'interruption entre ses deux contrats, du lundi au samedi ; cependant, dans la mesure où il n'apporte aucun élément sérieux de ce qu'il aurait été privé de cette heure d'interruption et alors qu'au regard des feuilles de pointage journalières produites dès les débats en première instance par la société intimée, celle-ci justifie des heures effectivement travaillées par le salarié qui ne concernent pas cette heure d'interruption entre 14 heures et 15 heures du lundi au samedi, il convient de considérer que la demande de rappel de salaire sur heures travaillées du salarié n'est pas fondée, de même que celle au titre des temps de pause non accordés formée en cause d'appel ; il en sera donc débouté.
Sur le travail dissimulé
En application des dispositions des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en mentionnant intentionnellement sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur le bulletin de paie.
Dans la mesure où l'assertion du salarié selon laquelle les bulletins de paie ne mentionneraient pas le véritable nombre d'heures effectué par celui-ci, n'est pas établie, la demande consécutive au titre du travail dissimulé, formée en cause d'appel, n'est fondée et sera rejetée.
Sur les ruptures des contrats de travail avec les sociétés Anp et Lfe
Le salarié fait valoir que, n'ayant pas été rémunéré de ses heures de travail, il ne s'est plus présenté à son poste de travail à compter du 2 janvier 2010 et que ce fait ne peut être qualifié de faute grave.
La société intimée fait valoir que l'absence au poste de travail qui n'est pas justifiée ni ne l'a jamais été par le salarié, et qui a entraîné une désorganisation des services caractérise une faute grave.
Le salarié ne conteste pas qu'il ne s'est plus présenté sur son lieu de travail à partir du 2 janvier 2010, sans fournir de justificatif à ses absences. Il ne produit aucun élément objectif quant à des reproches qu'il aurait pu adresser à ses employeurs relatifs au non paiement d'heures de travail exécutées, étant observé qu'alors qu'il produit lui-même les convocations datées du 18 janvier 2010 aux entretiens préalables fixés au 1er février 2010, il ne s'est pas présenté à ces entretiens et n'a donc fourni aucune explication sur ces absences.
Dans ces conditions, les absences injustifiées du salarié depuis le 2 janvier 2010 jusqu'aux licenciements notifiés par lettres du 17 février 2010 constituaient des fautes d'une gravité telle qu'elles rendaient impossibles la poursuite des contrats de travail avec chacune des sociétés Anp et Lfe et justifiaient qu'il y soit mis fin sans délai.
Par suite, toutes les demandes du salarié au titre des ruptures seront rejetées, y compris celle consécutive formée en cause d'appel au titre de la réparation du préjudice consécutif au manque à gagner entre les sommes perçues au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et les salaires qui n'est pas justifié.
Sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat
Au soutien de cette demande formée en cause d'appel, le salarié prétend que l'employeur ne lui a pas fourni de matériel de sécurité alors qu'en raison de ses fonctions de 'caddy boy' exercées sur un parking, il était exposé à un certain nombre de risques et que ces manquements lui ont nécessairement causé un préjudice.
Cependant, outre qu'il ne justifie pas de son préjudice, le salarié ne produit aucun élément objectif de nature à établir les manquements qu'il invoque. Cette demande sera rejetée.
Sur l'absence de visites médicales
Au soutien de cette demande formée en cause d'appel, le salarié prétend qu'il n'a été soumis à aucune visite médicale depuis son embauche par la société Anp.
Cependant, la société intimée produit aux débats la convocation datée du 30 septembre 2009 à une visite médicale prévue le 15 octobre 2009, adressée au salarié par lettre recommandée dont l'avis de réception a été distribué et signé. Il en résulte que la demande au titre de l'absence de visite médicale n'est pas fondée. Elle sera donc rejetée.
Sur l'absence d'information relative aux droits à DIF
Au soutien de cette demande formée en cause d'appel, le salarié prétend qu'il n'a pas été informé dans la lettre de licenciement de ses droits en matière de droit individuel à la formation.
Cependant, il ne justifie d'aucun préjudice que ce manquement lui aurait causé ; il sera donc débouté de cette demande.
Sur la remise de documents
Au regard de la solution du litige, la demande de remise de documents de fin de contrats rectifiés, formée en cause d'appel, n'est pas fondée et sera rejetée.
Sur les frais irrépétibles
Compte tenu de la situation économique des parties, il n'y a pas lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Melun le 17 juin 2013,
Y ajoutant,
DEBOUTE [F] [L] de ses demandes au titre des temps de pause et congés payés afférents, du travail dissimulé, du manque à gagner entre les sommes perçues au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et les salaires, de la réparation des préjudices liés à la violation de l'obligation de sécurité de résultat, à l'absence de visite médicale et à l'absence d'information concernant les droits à droit individuel à la formation et de remise de documents sous astreinte,
DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE [F] [L] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT