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21/12/2017 | FRANCE | N°13/07698

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 21 décembre 2017, 13/07698


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 21 Décembre 2017

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07698



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 08/15458





APPELANT :



Monsieur [I] [W]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]


comparant en personne, assisté de Me Nicole BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0868





INTIMEE :



SA AIR FRANCE

Sise [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aurélien...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 21 Décembre 2017

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07698

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 08/15458

APPELANT :

Monsieur [I] [W]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Nicole BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0868

INTIMEE :

SA AIR FRANCE

Sise [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 substitué par Me Amandine DE FRESNOYE, avocat au barreau de PARIS, toque : D2135

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Emmanuelle BESSONE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente,

- Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller,

- Madame Emmanuelle BESSONE, Conseillère,

Greffier : Mme Marine BRUNIE, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par Madame Marine BRUNIE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par convention de stage du 07 octobre 1985, M. [W] a été engagé par la SA AIR FRANCE en qualité d'ingénieur navigant de l'aviation civile, convertie en contrat à durée indéterminée le 17 mai 1988, puis en qualité d'officier pilote de ligne (OPL) à compter du 14 juillet 1993.

Le 1er avril 1997, la société Air France a pris en location-gérance le fonds de commerce de la compagnie Air France Europe anciennement dénommée 'Air Inter', avant d'absorber celle-ci par voie de fusion le 12 septembre 1997.

Les contrats de travail de l'ensemble des personnels d'Air France Europe ont été transférés à la société Air France à compter du 1er avril 1997.

Au moment de la fusion, la catégorie des personnels navigant techniques comptait environ 3.000 personnes chez Air France, contre environ 750 chez Air France Europe.

Chacune des compagnies avait sa propre liste de classement professionnel, qui selon des modalités différentes, servait de base aux actes de carrière, c'est-à-dire essentiellement les changements de qualification machine, et à l'accès aux fonctions de commandant de bord (CDB).

En décembre 1996, une commission présidée par M. [H] [Z] a été chargée de trouver des solutions pour définir les modalités d'application des règles de carrière à l'ensemble du personnel navigant technique des deux compagnies. Cette commission a recommandé a rendu le 17 mars 1997 son rapport, qui préconisait l'instauration de listes transitoires sur une durée de 12 saisons IATA (6 ans) soit jusqu'à l'été 2003, avec faculté de prorogation jusqu'à l'été 2005, pour intégrer dans la liste commune de classement professionnel, les pilotes Air France Europe. Sur la base de ce rapport, le conseil d'administration d'Air France a modifié avec l'accord des autorités de tutelle, le Règlement des Personnels Navigant Technique (RPTN).

A tout d'abord été mise en place au 1er avril 1997, une liste unique de classement professionnel (LCP), commune aux pilotes des deux compagnies, qui servait à gérer tous les actes de carrière, à l'exception des qualifications de type sur avion long courrier pendant la période transitoire.

Sur cette LCP, le critère de classement était la date de première mise en stage de qualification pilote, incluant la partie pré-qualification.

Il existait entre les deux anciennes compagnies une différence importante s'agissant de l'accès au long courrier, puisqu'Air France Europe n'avait aucune activité long courrier, la carrière des pilotes se déroulant exclusivement sur moyen courrier.

Pour tenir compte de cette différence, deux listes provisoires de qualifications sur long courrier ont été établies : l'une pour les fonctions de commandant de bord (liste provisoire CDB - LC), et l'autre pour les fonctions d'officier pilote de ligne (liste provisoire OPL - LC), en fonction de la situation des personnels techniques navigants au sein des deux compagnies au 31 mars 1997.

La première partie de ces listes provisoires correspondait aux pilotes dores et déjà qualifiés sur avion long courrier, et y ayant accès.

La deuxième partie de ces listes était établie au prorata des populations respectives des PNT des deux compagnies, soit avec une proportion d'environ de trois quarts pour Air France, et d'un quart pour Air France Europe.

Le 13 mai 2003, le conseil d'administration d'Air France a décidé de supprimer les listes transitoires à compter du 1er novembre 2003, et de pourvoir les stages Commandants de bord - long courrier, à 50 % à partir de la liste transitoire CDB-LC, et à 50% à partir la liste unique (LCP), cette méthode étant dite 'biseau'.

Le Règlement des Personnels Navigant Technique (RPTN) n°1, a été modifié en ce sens.

Le Conseil d'Etat, saisi de la question de la légalité des dispositions du statut d'Air France et du RTNP n°1, a jugé par arrêt du 03 mars 2008, que ces dispositions n'instituaient pas de discrimination illégale à l'endroit des anciens personnels navigants techniques d'Air Inter.

Le 13 avril 2005, M. [I] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de la SA Air France et de la SA Air France KLM, d'une demande de reconstitution de carrière et de réintégration dans des fonctions correspondantes dans les grilles de classification des emplois, et de demandes de rappel de salaires et d'accessoires de salaires, et de demandes de dommages-intérêts pour préjudice de carrière et préjudice moral.

Par jugement du 06 octobre 2009, le conseil de prud'hommes a mis hors de cause la SA Air France KLM, et s'est déclaré en partage des voix. Sur appel interjeté par M. [W], la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement par arrêt du 25 octobre 2011.

Puis, par jugement du 03 juillet 2013, le conseil de prud'hommes de Paris statuant en formation de départage, a débouté le salarié de toutes ses demandes.

Par lettre recommandée réceptionnée au greffe le 1er août 2013, M. [W] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses écritures reprises à l'audience du 19 octobre 2017, sans ajout ni retrait, M. [I] [W] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- d'ordonner sa réintégration dans sa fonction correspondante dans la grille de classification des emplois,

- de condamner la société AIR FRANCE à lui payer les sommes suivantes :

* 691.090,17 euros à titre de rappel de salaires, outre la somme de 69.109,01 euros au titre des congés payés y afférents

* 114.042 euros au titre du retard de progression de carrière

* 294.405,87 euros, au titre de l'absence de seconde qualification,

* 142.733,76 euros au titre du changement de classe,

* 139.908,54 euros au titre de la perte des heures de nuit

* 345.545,08 euros au titre de l'incidence sur sa retraite,

- de dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil

- de condamner la SA AIR FRANCE à lui payer la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice de carrière, et celle de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- à titre subsidiaire, de désigner un expert judiciaire avec mission de sa faire communiquer l'ensemble des éléments nécessaires à la manifestation de la vérité, et notamment les documents visés dans la sommation de communiquer du 19 janvier 2007, ainsi que la justification probante de la validité de la date de 1er stage de mise en qualification retenue pour chacun des pilotes AIR INTER dans le cadre de leur fusion,

- de débouter la SA AIR FRANCE de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner la SA AIR FRANCE à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- de condamner la SA AIR FRANCE aux dépens.

Sur la recevabilité de ses demandes, M. [W] entend voir écarter le délai de forclusion de 45 jours fixé à l'article 2-2 du RPNT pour contester son rang de classement, d'une part parce que s'il connaît la date effective de sa première mise en stage de qualification de pilote, il n'est pas en mesure de connaître celle des autres pilotes, et qu'il a été constaté que les listes de séniorité Air Inter prises en compte pour l'établissement de la liste professionnelle unique comportaient des ancienneté fictives de nature à fausser l'application des règles, d'autre part parce que la SA Air France refuse de communiquer les listes nominatives qu'il lui a réclamées par sommation du 19 janvier 2007, de sorte qu'il n'avait aucun moyen de de vérifier que l'employeur avait correctement appliqué la règle.

Dans sa note en délibéré du 04.12.2017, autorisée par la cour à l'audience, il ajoute qu'Air France ne démontre pas l'avoir régulièrement informé de son rang dans la liste de classement professionnel.

M [W] indique que ses demandes ne procèdent pas d'une contestation de la légalité des décisions à caractère réglementaire prises la compagnie AIR FRANCE pour l'élaboration du classement professionnel unique, une telle contestation relevant de la compétence du juge administratif, mais d'une critique de leur mise en application qui s'est avérée non conforme aux règles fixées dans le RPTN, inégalitaire, et déloyale, et à ce titre contraire aux articles 1134 du code civil, et L1222-1 du code du travail.

Sur ce point, il fait également valoir que si dans son arrêt du 03 mars 2008, le Conseil d'Etat a jugé que les règles d'intégration n'étaient pas discriminatoires à l'égard des anciens pilotes d'AIR INTER, il n'a pas statué sur leur caractère discriminatoire à l'égard des pilotes originaires d'AIR FRANCE.

Sur le fond, il rappelle qu'il a été embauché en qualité d'ingénieur navigant de l'aviation civile (INAC) ce qui lui a donné accès aux fonctions d'officier pilote de ligne, et à la liste des pilotes sur laquelle il est inscrit, non pas en qualité d'officier mécanicien navigant, ce qui ne lui aurait pas permis d'accéder à ces fonctions, et à cette liste.

S'agissant des actes discriminatoires et des atteintes à l'égalité de traitement, il fait valoir:

- qu'un certain nombre de pilotes ont été intégrés dans la liste de classement professionnel unique (LCP), non pas sur la base de leur première mise en stage de qualification au sein de leur compagnie d'origine, seul critère pourtant applicable, mais avec le bénéfice d'une ancienneté supérieure calculée en fonction de leur ancienneté professionnelle et de leur expérience antérieure,

- qu'ainsi, dans la liste transitoire du 03 août 1998, un certain nombre de pilotes sont mieux classés que lui, alors qu'ils ont été qualifiés bien après lui comme officiers pilote de ligne

- que l'ancienneté dans l'entreprise n'est pas prise en compte de la même manière selon les pilotes, puisqu'ayant été embauché en octobre 1985, il figure au rang 624 de la liste LCP, alors que des pilotes à l'origine AIR INTER, sont mieux classés que lui sur cette liste alors qu'ils ont été embauchés plusieurs années après lui,

- que des pilotes ex AIR INTER se sont vus accorder une ancienneté fictive qui a été reprise dans la liste arrêtée au 1er avril 1997 qui a servi de base à la création de la liste LCP

- qu'au stade de l'intégration dans la liste transitoire, établie sur la base de la LCP, et contrairement aux préconisations de la direction d'AIR FRANCE, les pilotes ex 'AIR INTER' n'ont pas été soumis à la préparation d'un an pour accéder à la qualification de commandant de bord, qui était destinée à compenser leur absence de pratique des longs courriers, alors même que les examens d'entrée dans la compagnie AIR FRANCE étaient beaucoup plus sélectifs que ceux qui étaient pratiqués chez AIR FRANCE EUROPE,

- que la direction d'AIR FRANCE s'était engagée à faire perdurer cette liste transitoire jusqu'en 2005 si l'intégration n'était pas satisfaisante, en retenant comme critère un écart maximum de 50 places entre la LCP et la liste transitoire entre les deux premiers pilotes qui se suivent sur la liste transitoire, mais qu'elle a mis fin à cette liste transitoire au 1er novembre 2013, au profit de la méthode dite 'biseau', alors que cette condition n'était pas remplie, puisque l'écart était de 372 places

- que la méthode 'biseau' a bénéficié aux pilotes ex-AIR INTER, qui ont vu leur carrière s'accélérer entre 2003 et 2005, au détriment des pilotes AIR FRANCE

- qu'à compter du 1er janvier 2004, la direction d'AIR FRANCE introduisait une dérogation à cette méthode 'biseau', permettant aux pilotes situés dans le deuxième groupe de la LCP, de percevoir une rémunération calculée avec la prime horaire de base A340, dès lors qu'ils s'étaient portés volontaires pour accéder au long courrier sur A340/A330 au titre de la liste transitoire

- qu'il s'est porté candidat à de multiples reprises à la qualification A340, à laquelle il n'a jamais accédé, mais qu'il n'a pas perçu la rémunération promise.

M. [W] se plaint en conséquence :

- d'un retard de 5 ans et demi pour accéder à la qualification long-courrier, qu'il n'a obtenue que le 06 janvier 2009,

- d'un préjudice financier à ce titre de 114.041 euros (soit différence annuelle de salaire entre un commandant de bord sur A320 et un commandant de bord ayant accédé au long courrier sur A340 : 20.735 euros X 5,5 ans)

- d'une impossibilité d'obtenir sa qualification sur A380 avant sa retraite, ce qui représente une perte financière de 294.405,87 euros.

La SA AIR FRANCE, dans ses écritures reprises à l'audience du 19 octobre 2017, sans ajout ni retrait, conclut :

- à titre principal, à l'irrecevabilité des demandes de M. [W],

- à titre subsidiaire, à leur rejet

- à la condamnation en tout état de cause de M. [W] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en premier lieu que l'action de M. [W] qui consiste à contester son classement professionnel, est soumise aux dispositions l'article 2.2 du RPNT qui fixe à tout officier navigant un délai de forclusion de 45 jours à compter de la publication bi annuelle des projets de liste mis à jour, pour élever une telle contestation devant une commission paritaire.

Elle ajoute que M. [W] n'est plus recevable à critiquer les règles d'élaboration de la liste de classement (LCP) ni celles d'établissement ou de sortie des listes transitoires fixées par le statut d'Air France et le RTPN n°1, dès lors que le juge administratif, seul compétent connaître de la légalité des actes administratifs, a définitivement jugé que ces règles n'instituaient aucune discrimination illégale à l'égard des anciens PNT d'Air Inter, ce qui implique nécessairement que l'égalité de traitement a été assurée, et que ces règles n'instituent pas de discrimination à l'égard des pilotes d'Air France.

La SA Air France indique que l'affirmation de M. [W] selon laquelle les pilotes ex Air Inter ont bénéficié pour fixer leur rang sur la LCP, d'une ancienneté artificiellement augmentée incluant leur expérience professionnelle acquise avant leur entrée dans la compagnie ne repose sur aucun élément probant.

Rappelant que la date à prendre en compte à cet égard est celle du premier 'lâché en ligne', elle relève que pour M. [W], cette date est le 14 juillet 1993, alors que MM. [H] et [N] avec lesquels il se compare, il s'agit respectivement du 18 mai 1990, et du 03 novembre 1988, ce qui justifie qu'ils soient mieux classés que lui.

Elle indique que conformément aux dispositions du RPNT n°1, et contrairement aux allégations infondées de M. [W], les ex-pilotes Air Inter ont dû pour accéder au long courrier, satisfaire entre avril 1997 et l'été 1998 aux conditions d'aptitudes professionnelles fixées dans le cadre de leur formation annuelle obligatoire, et aux conditions d'expérience long courrier définies par Air France, et que les listes transitoires [Z] courrier n'ont été établies qu'après qu'ils aient tous satisfait à ces conditions.

S'agissant de la méthode dite 'biseau' instituée à compter du 1er novembre 2003, la SA Air France soutient qu'elle ne peut être discriminatoire, dès lors que ni la liste commune LCP, ni les listes provisoires n'étant discriminatoire, leur panachage par moitié ne pouvait pas l'être non plus.

Elle considère que l'appelant ne peut solliciter le bénéfice du Protocole relatif à la mise en oeuvre de la méthode biseau, et plus particulièrement de l'aménagement prévu pour les pilotes présents dans l'effectif PNT Air France au 12 janvier 2004, ayant fait un volontariat recevable sur A340/330 au titre de la liste transitoire, et qui auraient dû accéder au long courrier A340/330 selon la liste transitoire, mais qui ne l'ont pas obtenu du fait de la méthode biseau, puisqu'il n'en remplissait pas les conditions, ayant choisi de se porter candidat au long courrier sur B777.

Elle conteste afin les préjudices allégués, qu'elle qualifie d'hypothétiques et d'incertains.

A l'audience du 19 octobre 2017, la cour a autorisé le conseil de la SA Air France à déposer dans le délai d'un mois une note en délibéré sur les cinq pièces (N°35, 36 37, 38 et 39) communiquées par M. [W] le 25 septembre 2017, et les moyens développés dans ses dernières écritures relativement à ces pièces. M. [W] a été autorisé à adresser à la cour une note en réponse, dans les quinze jours de la note en délibéré.

Par note en délibéré du 20 novembre 2017, la SA Air France fait valoir que M. [W] ne démontre pas que les trois pilotes avec lesquels il se compare, soient dans une situation identique à la sienne.

Par note en réponse du 04 décembre 2017, M. [W] répond que les documents qu'il a produit émanent directement du service Ressources Humaines de l'entreprise, et qu'elles ne sont pas contredites par la société AIR FRANCE.

MOTIFS

Le Règlement du personnel navigant technique (RPNT), auquel s'est substituée la convention d'entreprise du personnel navigant technique entrée en vigueur le 6 mai 2006 au sein de la société Air France, stipule en son article 2.2 :

'La liste de classement professionnel se constitue au fur et à mesure des entrées et sorties de liste.

Au 1er avril et au 1er novembre de chaque année, les projets de listes, mis à jour par la

Compagnie, sont publiés afin de pouvoir être consultés par chaque Officier navigant et

transmis aux délégués du Personnel Navigant Technique, aux organismes d'affectation

ainsi qu'aux Organisations syndicales représentatives du PNT.

A compter de ces mêmes dates, tout Officier navigant dispose de 45 jours pour

contester par écrit son rang de classement s'il s'agit d'un nouvel inscrit, ou les

modifications apportées à son classement pour tous les autres Officiers navigants.

Tout Officier navigant n'ayant pas contesté son classement ou les modifications

apportées à celui-ci dans un délai de 45 jours, sera forclos et perdra, sauf éléments

nouveaux, tout droit à contestation.

Toutefois, les Officiers navigants nouvellement inscrits disposent d'un délai

supplémentaire d'une année.

Les éventuelles contestations sont examinées par une Commission paritaire (cf.

chapitre 3 ' carrière - article 7 ) qui siège avant le 1er août (liste du 1er avril) ou le 1er janvier (liste du 1er novembre). Cette Commission donne son avis à la Direction qui décide en dernier ressort et notifie sa décision individuellement à l'intéressé dans les 30 jours qui suivent la date de la réunion de la Commission.'

La convention collective organise donc un mécanisme de recours préalable devant une commission paritaire pour les contestations du rang de classement.

Ces dispositions conventionnelles ne prévoient aucune notification individuelle du rang de classement des pilotes, mais une publication bi-annuelle des listes, afin de permettre leur consultation par tous, et une transmission aux délégués du personnel, aux organismes d'affectation, et aux organisations syndicales représentatives.

D'autre part, elles ne conditionnent pas l'exercice du recours à la communication par l'employeur, d'informations nominatives individuelles sur les dates de première mise en stage de qualification des autres pilotes.

L'intimée produit une note d'information intitulée 'PNT Info' datée du 27 juin 1997, qui rappelle aux personnels navigants techniques que la liste de séniorité unique est à leur disposition dans chaque secteur de vol, ainsi qu'au service de gestion des carrières, que toute réclamation doit être adressée à ce service, et que la Commission Paritaire examinant les réclamations se tiendra le 17 juillet 1997. Cette note est accompagnée d'une fiche explicative, indiquant que 'sur chaque rang, est affecté le PNT correspondant à la LCP de chaque compagnie en date du 01.04.1997".

La SA AIR FRANCE justifie donc avoir mis en place le système de recours amiable conforme aux dispositions conventionnelles.

M. [W] ne rapporte pas la preuve que la SA AIR FRANCE a manqué à son obligation de publication bi-annuelle de la liste LCP, ou de transmission aux organisations syndicales, ou qu'il n'était pas en mesure de connaître son rang de classement ou celui de ses collègues. Il ne l'a jamais réclamé auprès de l'entreprise.

Or il sollicite la réparation d'un certain nombre de préjudices qu'il dit avoir subis, parce qu'il n'a pas obtenu la qualification commandant de bord sur long courrier avant le 31 octobre 2005, ce qui, selon lui, est la conséquence directe de son classement défavorable et injustifié sur la liste LCP créée en 1997, et du fait qu'il n'a pas été intégré dans la liste d'aptitude au cours de la période d'application de la méthode dite 'biseau', c'est à dire entre le 1er novembre 2003 et le 31 octobre 2005.

Il a saisi le conseil de prud'hommes le 13 avril 2005.

Il ne justifie pas avoir saisi préalablement la commission paritaire d'une contestation écrite, conformément aux dispositions conventionnelles ci-dessus.

L'absence des pièces qu'il a réclamées par sommation du 19 janvier 2007 ne l'empêchait pas d'exercer ce recours interne préalable, puisqu'elle ne l'a pas empêché d'agir en justice dès le mois d'avril 2005. M. [W] était dès cette date en mesure de développer tous les arguments qu'il a présentés dans le cadre de l'instance prud'homale, à l'exception du caractère inexact selon lui des dates d'ancienneté retenues pour les trois ex-pilotes Air Inter qu'il cite, argument qu'il aurait en tout état de cause pu faire valoir en justice si son recours interne était rejeté.

La forclusions étant acquise, il convient de déclarer M. [W] irrecevable en ses demandes.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce que déboutant le salarié de ses demandes il a déclaré l'action recevable.

Partie succombante, M. [W] devra supporter les dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à son encontre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement :

- INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Paris de 03 juillet 2013;

- DECLARE M. [I] [W] irrecevable en ses demandes ;

- LE CONDAMNE aux dépens de première instance, et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/07698
Date de la décision : 21/12/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°13/07698 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-21;13.07698 ?
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