Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2017
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/05475
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mars 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2015000072
APPELANTE
SAS TRANSAVIA FRANCE
Ayant son siège social : [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 492 791 306 (CRETEIL)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jean CHEVRIER de la SCP CHEVRIER ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0080
INTIMÉ
Maître [Y] [L], ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SAS DERICHEBOURG ATIS MAINTENANCE SERVICES (N° SIRET : 509 056 610 - TOULOUSE), désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de TOULOUSE en date du 15 juillet 2014
Exerçant ses fonctions : [Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
Ayant pour avocat plaidant : Me Cécile-Marie TIXERON, substituant Me Bruno SCHRIMPF, de l'ASSOCIATION POIRIER SCHRIMPF, avocats au barreau de PARIS, toque : R228
PARTIE INTERVENANTE
SCP [R]-[B]-[Q], prise en la personne de Me [B], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société DERICHEBOURG ATIS MAINTENANCE SERVICE (N° SIRET : 509 056 610 - TOULOUSE)
Exerçant ses fonctions : [Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
Ayant pour avocat plaidant : Me Cécile-Marie TIXERON, substituant Me Bruno SCHRIMPF, de l'ASSOCIATION POIRIER SCHRIMPF, avocats au barreau de PARIS, toque : R228
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Novembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur
Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère,
Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Derichebourg Atis Maintenance Services (ci après, la société « DAMS »), filiale de la société Derichebourg ATIS Aéronautique (DAA), exerce, depuis le 30 septembre 2012, une activité de maintenance aéronautique, initialement exercée par la société DAA.
La société Transavia est une compagnie aérienne, ancienne filiale de la société Air France Industries.
Le 7 janvier 2011, la société Transavia a conclu avec la société DAA un contrat par lequel elle a confié à celle-ci la réalisation des prestations de maintenance aéronautique de sa flotte d'avions, pour la période contractuelle du 2 novembre 2010 au 1er novembre 2013.
Par avenant du 27 septembre 2012, régularisé par la société Transavia, la société DAA a transféré à sa filiale, la société DAMS, le contrat de maintenance conclu avec la société Transavia.
La société Transavia a sollicité de la société DAMS la prise en charge de la maintenance d'avions supplémentaires. Le 28 janvier 2013, la société DAMS a informé l'ensemble de ses clients qu'elle allait augmenter ses tarifs, ou à défaut, résilier les contrats de maintenance en exposant que ceux-ci, exécutés à perte, se trouvaient désormais privés de cause et pouvaient être résolus sans préavis. Elle a adressé ce même courrier à la société Transavia, en y ajoutant le contexte de modification du périmètre de la maintenance sollicitée par Transavia et y a joint un projet d'avenant intégrant la modification de tarif et la prise en charge d'avions supplémentaires.
Un avenant a finalement été régularisé le 30 janvier 2013 aux mêmes conditions tarifaires que celles prévues par le contrat du 7 janvier 2011, avec seulement la prise en compte d'un avion supplémentaire.
Le 21 février 2013, la société DAMS a adressé à la société Transavia un nouveau projet d'avenant (avenant n°3) avec une augmentation des tarifs de 20'% pour l'ensemble de la flotte, intégrant deux avions supplémentaires, tout en précisant qu'à défaut d'acceptation de l'avenant avant le 1er mars, elle mettrait fin au contrat et cesserait d'exécuter ses prestations de maintenance dans un délai de 60 jours.
Le 26 février 2013, la société Transavia a signé l'avenant. Par courrier du 27 février 2013, elle manifestait son mécontentement devant le déroulement des faits : « Nous tenons à vous exprimer notre plus vif mécontentement sur les méthodes employées par votre société dans cette affaire pour augmenter les tarifs de 20 % de manière comminatoire et arbitraire. Il s'agit d'un oukase inacceptable dans une relation commerciale contractuelle. C'est donc contraints et forcés que nous signons cet avenant, puisque les délais très courts (le F-GZHI arrivant le 1er mars) ne nous permettent pas de disposer d'une solution alternative pour l'inscription de nos appareils dans un autre atelier PART 145 ».
La société Transavia a alors effectué, sur les factures de DAMS, un abattement de 20'% sur les postes soumis à l'augmentation de tarifs et a poursuivi le règlement des prestations de maintenance de DAMS sur la base des tarifs prévus initialement au contrat du 7 janvier 2011.
Constatant l'existence d'impayés de la part de la société Transavia, la société DAMS a, à plusieurs reprises, sollicité le paiement du solde des factures.
Au cours du second semestre 2013, la société Transavia a mis en place un appel d'offre portant sur les prestations de maintenance aéronautique à effet au 1er novembre 2013.
Le 11 septembre 2013, la société Transavia a indiqué à la société DAMS qu'elle n'avait pas été retenue dans le cadre de la procédure d'appel d'offre et que la société SR Technics France lui succéderait le 1er novembre 2013.
Par lettre du 19 septembre 2013, la société DAMS a mis en demeure la société Transavia de lui régler la somme totale de 520 808,90 euros, tout en l'informant qu'à défaut de régularisation de la situation dans un délai de 15 jours, elle suspendrait l'exécution de ses prestations de maintenance.
Par assignation en référé d'heure à heure, la société Transavia a assigné les sociétés DAA et DAMS devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris et a sollicité leur condamnation solidaire à exécuter le contrat de maintenance aéronautique du 7 janvier 2011 jusqu'à son terme, soit le 31 octobre 2013, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard, et par avion refusé à l'entretien, dans l'attente d'un jugement au fond sur la validité de l'avenant.
La société DAMS s'est opposée à cette demande et a sollicité à titre reconventionnel que la société Transavia soit condamnée à lui payer l'intégralité des factures échues, d'un montant de 967 529,36 euros, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard.
Le 3 octobre 2013, la société Transavia s'est engagée à payer avant le 8 octobre 2013 la somme de 1 000 000 euros, par provision à valoir sur les factures émises et à émettre par la société DAMS jusqu'à l'échéance du contrat fixée au 31 octobre 2013, et à consigner la somme de 445 588,92 euros (correspondant à l'augmentation de 20'% contestée) auprès de la SCP Duprac Crussard.
Cet accord a été constaté par le président du tribunal de commerce de Paris par ordonnance du 8 octobre 2013.
C'est dans le cadre de cet accord que :
- la société Transavia a versé à la société DAMS l'avance de 1 000 000 euros et qu'elle a consigné la somme de 445 588,92 euros entre les mains de Maître [X],
- la société DAMS a accepté d'exécuter les prestations contractuelles jusqu'à l'échéance du contrat.
Par assignation du 14 octobre 2013, la société Transavia a fait citer la société DAMS devant le tribunal de commerce de Paris en demandant l'annulation de l'avenant du 26 février 2013 en ce qu'il a modifié l'article VII du contrat du 7 janvier 2011, relatif aux conditions financières, et en conséquence, la restitution de la somme de 445 588,92 euros consignée.
Par la suite, la société DAMS a constaté de nouveaux impayés concernant des factures dont l'échéance était postérieure au 30 septembre 2013, l'impayé supplémentaire s'élevant à un montant en principal de plus de 122 000 euros.
La société Transavia a, quant à elle, sollicité, outre la restitution des sommes consignées, le paiement par la société DAMS :
- d'une somme de 464 199,55 euro au titre de sommes trop versées au cours de la facturation du contrat dans l'exercice 2013 et correspondant à des litiges techniques qui n'avaient pas été résolus après la terminaison du contrat (cette demande est aujourd'hui abandonnée en cause d'appel),
- d'une somme de 42 874,57 euros au titre de pièces détachées confiées à la société DAMS et non restituées à l'issue du contrat, le 1er novembre 2013.
Par jugement du 17 avril 2014, la société DAMS a été placée en redressement judiciaire, puis par jugement du 15 juillet 2014, en liquidation judiciaire, Maître [Y] [L] étant désigné mandataire liquidateur.
Par jugement du 3 mars 2015, le tribunal de commerce de Paris a :
- ordonné la jonction des deux instances enrôlées sous les numéros 2013063503 et 2014054060,
- condamné la société Transavia à payer à Maître [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Derichebourg Atis Maintenance Services, la somme de 445 588,92 euros au titre des soldes des factures émises, majorée des intérêts de retard au taux contractuellement convenu de trois fois le taux de l'intérêt légal majoré de deux points, et dit que sur présentation d'une copie de la présente décision, la SCP [X]-Crussard-[H], huissiers de justice, désignée par l'ordonnance de référé du 8 octobre 2013, devra remettre à Maître [Y] [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Derichebourg Atis Maintenance Services, l'intégralité des sommes qui lui ont été versées en vertu de l'ordonnance précitée à valoir sur les condamnations prononcées à l'encontre de la SA Transavia,
- condamné la société Transavia à payer à Maître [Y] [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Derichebourg Atis Maintenance Services, la somme de 122 819,87 euros, outre intérêts aux taux de trois fois le taux de l'intérêt légal majoré de deux points à compter de la date d'exigibilité de chaque facture, et l'indemnité forfaitaire de 100 euros par facture,
- condamné la société Transavia à payer à Maître [Y] [L], ès qualités de liquidateur de la société Derichebourg Atis Maintenance Services, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement, en toutes ses dispositions, sans constitution de garantie,
- condamné la société Transavia aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,17 euros dont 13,25 euros de TVA.
Le 12 mars 2015, la société Transavia a interjeté appel de ce jugement.
Le 17 mars 2015, la société Transavia a sollicité du premier président de la cour d'appel de Paris, l'arrêt de l'exécution provisoire.
Par ordonnance du 2 juillet 2015, le premier président de la cour d'appel de Paris a subordonné l'arrêt de l'exécution provisoire à la consignation, par la société Transavia, de l'intégralité du montant des condamnations auprès de la Caisse des dépôts et consignations.
LA COUR
Vu l'appel interjeté par la société Transavia France et ses dernières conclusions signifiées le 17 octobre 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de:
vu le contrat du 7 janvier 2011,
vu les articles 1113, 1117, 1134 et 1235 du code civil,
vu l'article L.420-2 du code de commerce,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel de Transavia France SAS,
en conséquence,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 mars 2015 en ce qu'il a condamné à payer la somme totale de 568 408,79 euros à Maître [Y] [L], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société DAMS au titre du solde des factures émises après la conclusion d'un avenant du 26 février 2013 augmentant l'ensemble des tarifs pratiqués de 20'%, outre 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau,
- déclarer l'avenant du 26 février 2013 nul et de nul effet,
- ordonner la restitution à Transavia de la somme de 587 923,14 euros consignée à la Caisse des dépôts et consignations,
- dire que la créance de Transavia sur DAMS est de 485 410 euros,
- déduire de cette créance la somme de 445 588,92 séquestrée et restituée à Transavia avec le retour de la consignation de 587 923,14 euros,
- condamner Maître [Y] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société DAMS à payer à Transavia la somme de 485 410 euros ' 445 588,92 euros = 39 821 euros,
- rejeter l'appel incident de Maître [Y] [L], ès qualités de liquidateur de la société DAMS,
- condamner Maître [Y] [L], ès qualités de liquidateur de la société DAMS au paiement de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Maître [Y] [L], ès qualités de liquidateur de la société DAMS aux entiers dépens de première isntance et d'appel.
Vu les dernières conclusions signifiées le 30 octobre 2017 par Maître [Y] [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Derichebourg Atis Maintenance Services et Maître [B], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Derichebourg Atis Maintenance Services, intimées, par lesquelles il est demandé à la cour de :
vu les articles 1114 ancien et suivants, 1134 ancien du code civil, 700 du code de procédure civile, L.420-1 du code de commerce,
vu les pièces versées aux débats,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 mars 2015 en ce qu'il a :
* condamné la société Transavia à payer à Maître [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Derichebourg Atis Maintenance Services la somme de 445 588,92 euros au titre des soldes des factures émises, majorée des intérêts de retard au taux contractuellement convenu de trois fois le taux de l'intérêt légal majoré de deux points, et dit que sur présentation d'une copie de la présente décision, la SCP [X]-[X]-[H], huissiers de justice, désignée par l'ordonnance de référé du 8 octobre 2013, devra remettre à Maître [Y] [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Derichbourg Atis Maintenance Services l'intégralité des sommes qui lui ont été versées en vertu de l'ordonnance précitée à valoir sur les condamnations prononcés à l'encontre de la SA Transavia,
* condamné la société Transavia à payer à Maître [Y] [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Derichebourg Atis Maintenance Services la somme de 122 819,87 euros, outre intérêts aux taux de trois fois le taux de l'intérêt légal majoré de deux points à compter de la date d'exigibilité de chaque facture, et l'indemnité forfaitaire de 100 euros par facture,
* condamné la société Transavia à payer à Maître [Y] [L] ès qualités de liquidateur de la société Derichebourg Atis Maintenance Services la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Transavia aux dépens de l'instance,
y ajoutant,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus conformément à l'article 1343-2 du code civil,
- dire que sur présentation d'une copie de la décision à intervenir, la Caisse des dépôts et consignations, désignée par l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Paris du 2 juillet 2015, devra remettre à Maître [Y] [L] ès-qualités de liquidateur de la société Derichebourg Atis Maintenance Services, l'intégralité des sommes qui lui ont été versées en vertu de l'ordonnance précitée à valoir sur les condamnations prononcées à l'encontre de la société Transavia,
- condamner la société Transavia à payer à Maître [Y] [L] ès-qualités de liquidateur de la société Derichebourg Atis Maintenance Services, la somme de 20 000 euros pour procédure abusive,
en tout état de cause,
- dire irrecevable et à défaut mal fondée la société Transavia en toutes ses demandes, fins et conclusions,
- l'en débouter,
- condamner la société Transavia à payer à Maître [Y] [L] ès qualités de liquidateur de la société Derichebourg Atis Maintenance Services la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais relatifs à l'instance d'appel,
- condamner la société Transavia aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
SUR CE
Sur la recevabilité de la demande de nullité de l'avenant du 26 février 2013
La société DAMS considère que la demande de la société Transavia tendant à voir prononcer la nullité de l'avenant du 26 février 2013 est irrecevable en application combinée de l'article VII du contrat de maintenance aéronautique du 7 janvier 2011 qui stipule que toute contestation sur une facture émise par DAMS doit, pour être recevable, être notifiée par la société Transavia à la société DAMS dans un délai de deux mois à compter de la réception et de l'article 2220 du code civil qui prévoit que « les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires, régis par le présent titre ». La société DAMS ajoute que, selon l'article 1115 du code civil, un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence si depuis que la violence a cessé, ce contrat a été approuvé, ce qu'a fait en l'espèce tacitement la société Transavia en continuant de confier ses avions à la société DAMS, en n'ayant jamais contesté la validité de l'engagement contractuel et des facturations et en n'ayant pas initié immédiatement une action judiciaire.
Mais la société Transavia expose à juste titre que son action est une action en nullité de l'avenant du 26 février 2013 du contrat, fondée sur l'article 1113 du code civil, dont les dispositions sont d'ordre public, et se prescrivent par 5 ans, et non une action en nullité des factures subséquentes, la nullité de l'avenant devant entraîner la restitution des sommes indûment payées même en cas d'impossibilité pour elle de contester directement les factures.
Elle démontre par ailleurs avoir contesté l'avenant dans un courrier du 27 février 2013 en des termes qui ne peuvent pas laisser place au doute et qu'elle n'a jamais acquiescé aux 20 % d'augmentation de chacune des factures, puisqu'elle a persisté à s'acquitter de l'ancien prix. L'article 1115 du code civil qui dispose qu''« Un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence, si, depuis que la violence a cessé, ce contrat a été approuvé soit expressément, soit tacitement, soit en laissant passer le temps de la restitution fixé par la loi », ne lui est donc pas opposable.
Son action est donc recevable.
Sur le bien fondé de l'action en nullité de l'avenant du 26 février 2013
La société Transavia estime que l'avenant est frappé de nullité en application des articles 1111, 1112 et 1117 du code civil en ce que la violence, résultant en l'occurrence d'une contrainte économique, exercée sur elle par la société DAMS, a manifestement vicié son consentement.
La société Transavia soutient en effet que le fait, pour la société DAMS, de l'avoir menacée de cesser l'exécution de ses obligations dans un délai de préavis de 60 jours caractérise la violence dans la mesure où la société Transavia était dans l'impossibilité de trouver une solution alternative dans un laps de temps aussi réduit et que l'arrêt des prestations de DAMS l'aurait conduite à mettre fin à ses services, toute sa flotte étant gérée par elle.
La société Transavia ajoute encore que la menace de la société DAMS était illégitime en ce que rien ne venait justifier la révision du contrat, ni en terme de contenu du contrat, ni en terme de circonstances : l'intégration de nouveaux avions dans le champ contractuel était prévisible et acceptée par la société DAMS lors de la conclusion du contrat initial et aucun élément extérieur et imprévisible ne venait justifier une quelconque obligation de renégocier le contrat. En conséquence, la société Transavia sollicite, à la suite de l'annulation de l'avenant, un abattement de 20'% sur l'ensemble des sommes facturées par la société DAMS à la suite de l'augmentation de ses tarifs pour un montant total de 538 458,60 euros.
La société DAMS estime que sa demande d'augmentation de tarifs n'a revêtu aucun caractère de menace et que ce n'est qu'en l'absence de réponse de la part de la société Transavia qu'elle lui avait indiqué qu'à défaut de signature de l'avenant, elle n'aurait d'autre choix que de résilier le contrat avec un préavis de 60 jours, laissant ainsi largement le temps à la société Transavia de se réorganiser et de confier les prestations de maintenance à un autre prestataire, compte tenu des usages de la profession.
En outre, la société DAMS expose qu'elle n'a formulé aucune menace illégitime en ce sens que la résiliation anticipée du contrat était légitime, compte tenu de la survenance de circonstances créatrices d'un déséquilibre contractuel et d'une obligation de renégocier le contrat à la charge de la société Transavia. La société DAMS relève en effet que l'évolution des conditions d'exécution du contrat fin 2012 l'avait conduite à réaliser ses prestations à perte, et, ce, alors que la société Transavia réalisait quant à elle des chiffres d'affaires et résultats exceptionnels sur cette même année et que dans de pareilles circonstances, le contrat aurait dû être jugé caduc ou résilié.
***
Selon l'article 1112 du code civil, dans sa version alors en vigueur, « Il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes ».
Seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement.
Le contrat signé le 7 janvier 2011 entre la société Transavia et la société DAA confiait à la société DAA, puis à la société DAMS à la suite d'un avenant, la réalisation des prestations de maintenance aéronautique de sa flotte d'avions, pour la période contractuelle du 2 novembre 2010 au 1er novembre 2013. Il n'était prévu dans ce contrat aucune révision des tarifs en cas de changement du périmètre de la flotte de Transavia, seul un amendement comprenant la liste complétée devant être adressé à l'Aviation Civile, après réception par l'Organisme pour la Sécurité de l'Aviation Civile.
Ainsi que le souligne à juste raison la société Transavia, l'arrivée éventuelle de nouveaux avions était annoncée dans l'appel d'offres et avait été acceptée par la société DAA dans sa proposition : « flotte : 8 B737-800 (avec possibilité d'extension) avec possibilité de sortie en sous-location jusqu'à trois avions et d'arrivée d'un avion ou plus sur une base saisonnière ».
Le courrier du 21 février 2013, adressé par la société DAMS à la société Transavia, contenait un nouveau projet d'avenant (avenant n°3) avec une augmentation des tarifs de 20'% pour l'ensemble de la flotte, tout en précisant qu'à défaut d'acceptation de l'avenant avant le 1er mars, elle mettrait fin au contrat et cesserait d'exécuter ses prestations de maintenance dans un délai de 60 jours.
Il en résultait qu'en cas de non signature de l'avenant, les deux nouveaux avions attendus par Transavia pour les 1er mars et 1er avril 2013 ne pourraient être pris en charge par la société DAMS, puisque l'avenant communiqué comportait, à la fois et de manière indissociable, la modification du périmètre de la flotte et l'augmentation de 20 % des tarifs. Il n'est donc pas exact de prétendre, à l'instar de la société DAMS, que la société Transavia disposait du délai de 60 jours pour trouver un autre partenaire. La non signature de l'avenant aurait contraint la société Transavia à refuser, dans l'immédiat, l'avion attendu le 1er mars et à rompre ses contrats, aucun prestataire de maintenance ne pouvant être recherché dans ce délai et être agréé par l'Aviation Civile.
Le courrier du 21 février 2013 constituait donc bien une menace, la première lettre du 28 janvier 2013, dans lequel était annoncée l'augmentation des tarifs et qui proposait une cessation du contrat de maintenance, après discussion, dans l'éventualité d'un refus de Transavia, constituant clairement une tentative illégitime d'arrêter les prestations. L'envoi, le 30 janvier 2013, par la société DAMS, d'un avenant ajoutant un avion à la liste de maintenance, sans changer les tarifs, démontre bien que la société Transavia n'était pas d'accord avec les changements tarifaires envisagés et ne pouvait augurer la réitération de la demande de ceux-ci. La société DAMS ne peut donc se retrancher derrière cette lettre du 28 janvier 2013 pour dénier le caractère menaçant du courrier du 21 février 2013.
Au surplus, cette menace était illégitime, aucune circonstance ne justifiant une modification du contrat signé, la société DAMS prétendant, sans en rapporter la moindre preuve, que le contrat était devenu déséquilibré à la suite des circonstances économiques et du changement de périmètre de la flotte concernée (prévu dans le contrat) et ne pouvant se retrancher derrière la circonstance que certains de ses clients avaient accepté l'augmentation des tarifs ou avaient résilié leurs contrats, pour démontrer cette légitimité.
La société Transavia s'est donc vue contrainte de signer l'avenant pour assurer l'accueil de son avion dont l'arrivée sur [Localité 3] était prévue le 1er mars, de sorte que son consentement a été vicié.
Il y a donc lieu d'annuler l'avenant du 21 février 2013 et d'infirmer le jugement entrepris.
Sur l'abus de position dominante
La société Transavia prétend que la société DAMS a abusé de sa position dominante en contravention aux dispositions de l'article L.420-2 du code de commerce, dès lors que la société DAMS était la seule à l'époque à disposer d'une unité d'entretien susceptible d'entretenir les Boeing 737 de Transavia sur l'aéroport [Établissement 1].
Mais la société DAMS réplique à juste titre que la société Transavia ne définit aucunement le marché pertinent à prendre en compte pour évaluer la position de la société DAMS sur ce marché à la date des faits. En outre, si la société Transavia prétend que la société DAMS était en position de monopole sur [Localité 3], détenant la seule infrastructure de maintenance capable de traiter les boeings de sa flotte, elle n'en rapporte pas la preuve.
La demande de la société Transavia sera donc rejetée.
Sur le paiement des factures
Il n'y a pas lieu de condamner la société Transavia à payer à la société DAMS la somme totale de 445 588,92 euros, correspondant à la déduction, pratiquée par Transavia, de l'augmentation de 20 %, majorée des intérêts de retard au taux contractuel de 3 fois le taux d'intérêt légal majoré de deux points. Cette somme, consignée à la Caisse des Dépôts, lui sera donc restituée et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur les factures postérieures au 30 septembre 2013
La société DAMS soutient que la société Transavia s'est abstenue de régler les factures émises postérieurement à l'homologation par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris de l'accord intervenu entre les parties et concernant des prestations additionnelles que la société Transavia avait sollicitées et demande à ce titre sa condamnation au paiement d'une somme totale de 122 819,97 euros.
Mais la société Transavia expose, sans être sérieusement contredite, que les factures dont fait état la société DAMS ont en réalité été soldées avec la somme de 1 000 000 versée par provision par la société Transavia et destinée à payer les factures non-contestées.
Ainsi, la société Transavia n'est débitrice à ce titre d'aucune somme. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et ladite somme de 122 819,97 euros majorée des intérêts de 3 fois le taux de l'intérêt légal, lui-même majoré de deux points ainsi que l'indemnité de 100 euros par facture lui sera restituée.
Sur la non-restitution de pièces détachées à l'issue du contrat le 31 octobre 2013
La société Transavia soutient qu'elle a constaté des écarts d'inventaire à la fin de la relation commerciale et sollicite la condamnation de la société DAMS à lui payer la somme de 42 874,57 euros correspondant à des pièces détachées confiées à la société DAMS et non-restituées par cette dernière.
Mais elle ne justifie d'aucun état des lieux contradictoire réalisé au début des opérations, susceptible d'établir, par comparaison avec les opérations d'inventaire suivant la fin des relations contractuelles entre les parties, sur lesquelles elle n'a formé aucune observation, la preuve de la réalité des pièces détachées manquantes.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur la demande de la société DAMS pour procédure abusive
La société Transavia ayant été suivie dans la plupart de ses prétentions, il ne saurait lui être reproché un abus dans l'exercice de la voie d'appel. Cette demande sera donc également rejetée.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Succombant au principal, la société DAMS devra s'acquitter des dépens de première instance et d'appel, et payer à la société Transavia la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La Cour,
DÉCLARE recevable l'action en nullité de la société Transavia,
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société Transavia de sa demande fondée sur un abus de position dominante, et débouté la société Transavia de sa demande au titre de la restitution des pièces,
et, statuant à nouveau,
ANNULE l'avenant du 26 février 2013 pour violence,
DÉBOUTE la société DAMS de toutes ses demandes de paiement de la partie des factures impayées, correspondant aux 20 % d'augmentation tarifaire,
DÉBOUTE la société DAMS de sa demande de paiement des factures postérieures au 1er septembre 2013,
ORDONNE la restitution à la société Transavia des sommes consignées par elle au profit de la société DAMS en vertu du jugement déféré,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE Maître [Y] [L], ès-qualités de liquidateur de la société DAMS, aux dépens de premier instance et d'appel,
LE CONDAMNE, ès-qualités, à payer à la société Transavia la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
Cécile PENG Irène LUC