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19/12/2017 | FRANCE | N°14/10309

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 19 décembre 2017, 14/10309


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 19 Décembre 2017

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10309



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Août 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/06965





APPELANT

Monsieur [S] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 2]

représenté

par Me Xavier CHILOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0377





INTIMEE

Société ELOA PROD

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Lucie WALKER, avocat au barreau de PARIS, toque...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 19 Décembre 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10309

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Août 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/06965

APPELANT

Monsieur [S] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 2]

représenté par Me Xavier CHILOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0377

INTIMEE

Société ELOA PROD

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Lucie WALKER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0630 substitué par Me David MARCOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0630

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sylvie HYLAIRE, président

Madame Valérie AMAND, conseiller

Madame Jacqueline LESBROS, conseiller

Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Eloa Prod, créée en 2005, est une société de production de fiction télévisuelle qui emploie plus de 10 salariés.

Au début de l'année 2013, elle a reçu l'accord d'une chaîne de télévision pour produire un téléfilm intitulé «'Family Show'», réalisé par Monsieur [G] [B]. Le contrat conclu le 13 février 2013 prévoyait que le tournage ait lieu du 25 mars au 24 avril 2013, soit pour une durée de 23 jours.

Les journées des 20, 21, 22, 25 et 26 mars 2013 ont été consacrées à la préparation du tournage qui s'est finalement déroulé du 27 mars au 23 avril 2013.

Pour la réalisation de ce téléfilm, Monsieur [G] [B] a présenté à la société Eloa Prod la candidature de Monsieur [Z] pour le poste de directeur de la photographie. C'est dans ce contexte que Monsieur [M], directeur de production de la société Eloa Prod, a pris contact avec Monsieur [Z] et a engagé des discussions avec son agent, la société Cinélité.

Un contrat de travail à durée déterminée d'usage technicien en qualité de directeur photo spécialisé, statut cadre, a été adressé à l'agence Cinélité le 14 mars 2013 pour la période de préparation du tournage, soit du 20 au 22 mars et du 25 au 26 mars inclus, moyennant une rémunération brute hebdomadaire de 2.375,85 €, les parties ne s'étant alors pas entendues sur les conditions de rémunération de la poursuite de la collaboration.

Le 22 mars 2013, la société Eloa Prod informait l'agence Cinélité que le 'contrat' ne serait pas reconduit et rappelait que le contrat adressé le 14 mars 2013 n'avait pas été retourné.

Des discussions ont également été engagées avec les membres de l'équipe de Monsieur [Z], constituée notamment de Monsieur [P] [I] et de Madame [Z] [E] [D].

Le 22 mars 2013, un contrat de travail à durée déterminée d'usage en qualité de premier assistant OPV spécialisé, catégorie technicien, établi pour la période de la préparation du tournage, soit du 20 au 22 mars et du 25 au 26 mars inclus, a été remis à Monsieur [I] par Monsieur [M].

Madame [E] [D] ne s'est pas présentée mais explique qu'elle n'était pas prévue pour la période de préparation.

Les contrats à durée déterminée d'usage établis pour Monsieur [Z] et Monsieur [I] n'ont pas été signés ni retournés par eux.

Le 22 mars 2013 en début d'après-midi, Monsieur [I] a quitté son poste de travail, dans des circonstances contestées entre les parties.

Monsieur [I] soutient que Monsieur [M] lui avait indiqué le matin que le film ne se ferait pas avec Monsieur [Z] et qu'il était à la recherche d'un nouvel opérateur mais lui a demandé de poursuivre les essais et qu'il lui a téléphoné une heure plus tard pour lui dire que le nouvel opérateur ne désirait pas tourner avec les mêmes intervenants et qu'une nouvelle équipe passerait dans l'après-midi pour prendre le relais ; il n'a donc pas eu d'autre choix que de partir.

Selon la société Eloa Prod, c'est à l'annonce que le film ne se ferait pas avec Monsieur [Z] que Monsieur [I] a indiqué que dans ces conditions, il ne terminerait pas sa mission et qu'il a quitté les lieux de son propre chef.

Le 26 mars 2013, Monsieur [Z] a quitté ses fonctions.

Le salaire convenu dans le contrat de travail à durée déterminée lui a été réglé.

Le 22 mai 2013, Monsieur [Z], Monsieur [I], et Madame [E] [D] ont saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir ordonner la requalification de leurs contrats de travail à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée.

Par jugement rendu le 26 août 2014, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné aux dépens et a débouté la société Eloa Prod de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration enregistrée au greffe le 23 septembre 2014, Monsieur [Z] a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Monsieur [Z] demande à la cour d'infirmer la décision déférée, de requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et de :

- condamner la société Eloa Prod à lui verser les sommes suivantes, assorties des intérêts légaux :

* 6.236 € à titre d'indemnité de requalification du contrat en contrat à durée indéterminée,

* 21.826 € à titre de rappel de salaires outre 2.182 € au titre des congés payés afférents, correspondant à l'ensemble de la période de tournage,

* 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture illicite et anticipée du contrat de travail,

* 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

- prononcer l'exécution provisoire pour le tout sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.

La société Eloa Prod conclut à la confirmation de la décision déférée, au rejet de l'ensemble des prétentions du salarié et sollicite la somme de 2.000 €sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification du contrat de travail d'usage à durée déterminée

Monsieur [Z] sollicite la requalification de son contrat de travail à durée déterminée d'usage afférent à la préparation du téléfilm en contrat de travail à durée indéterminée au motif que la société Eloa Prod n'aurait pas respecté les règles de forme applicables, le contrat qui lui a été adressé n'étant pas signé par elle.

La société Eloa Prod fait valoir que le contrat de travail de Monsieur [Z] a été remis à son agent Cinélité le 14 mars 2013, soit dans un délai de 7 jours avant la prise de fonction, de sorte que les dispositions de l'article L.1242-13 du code du travail ont été respectées. Elle précise que malgré la relance faite auprès de Monsieur [Z], ce dernier s'est abstenu de retourner ledit contrat signé et a ensuite reproché à l'employeur l'absence de signature.

Aux termes de l'article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit.

La société Eloa Prod ne conteste pas que l'exemplaire du contrat de Monsieur [Z] adressé le 14 mars 2013 ne comportait pas sa signature ; au demeurant, l'exemplaire qu'elle produit est vierge de toute signature.

Faute de comporter la signature de l'une des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être considéré comme ayant été établi par écrit et, par suite, est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Il sera donc fait droit à la demande de requalification du contrat, la décision déférée étant infirmée.

En application de l'article L. 1245-2 du code du travail, Monsieur [Z] est fondé à prétendre au paiement d'une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Il sera fait droit à sa demande qui correspond à deux semaines selon le tarif qu'il revendiquait (soit 3.118 € par semaine).

Sur la demande en paiement des salaires pour l'ensemble de la période de tournage

Au motif qu'il était prévu 'de façon indéniable' que, Monsieur [Z], comme Monsieur [I] et Madame [E] soient engagés pour l'ensemble du tournage qui devait se dérouler sur sept semaines, Monsieur [Z] sollicite le paiement des salaires correspondant à cette période.

La société Eloa Prod sollicite le rejet de cette demande soutenant que Monsieur [Z] échoue à démontrer qu'il a effectivement été engagé pour le tournage.

Elle fait valoir qu'aucun accord n'est intervenu pour un tel engagement et souligne que les documents produits par Monsieur [Z] pour faire état de son engagement sur le tournage, à savoir un plan de travail ainsi qu'une liste technique, sont inopérants à démontrer l'existence d'un engagement ferme. En effet, ces documents, remis aux candidats pressentis pour participer à la réalisation du téléfilm, ne possèdent aucune valeur contractuelle.

S'il est d'usage, et, au demeurant parfaitement compréhensible, que les 'préparateurs' du tournage soient également engagés pour le tournage lui-même, ce qui est de nature à expliquer que les documents techniques produits par Monsieur [Z] fasse apparaître son nom, il est établi que les pourparlers engagés entre la société et l'agent de Monsieur [Z] ont achoppé quant au montant de la rémunération.

La société Eloa proposait un salaire correspondant au minimum conventionnel soit 2.375,85 € pour 39 heures (avenant n°4 du 3 juillet 2012 de la convention collective de la production audiovisuelle) et Monsieur [Z] sollicitait une somme de 3.119,38 €.

Madame [Q], gérante de l'agence Cinélité explique que le directeur de production, Monsieur [M], lui avait indiqué qu'il ne voulait pas payer le tarif sollicité par Monsieur [Z], que le 14 mars il a réitéré ce refus et que, ce n'est que le 21 mars, soit plus d'une semaine plus tard qu'elle l'aurait informé que finalement, Monsieur [Z] acceptait le montant proposé.

Outre que la réalité de cet accord, contesté par la société Eloa Prod, ne repose que sur les déclarations de l'agence Cinélité, directement intéressée à la solution du litige, au titre des honoraires non perçus par elle, il ressort de ces explications que l'embauche était subordonnée à l'accord des parties sur un élément essentiel du contrat de travail, à savoir la rémunération.

Le salaire proposé respectant le minimum conventionnel et l'acceptation de Monsieur [Z], à la supposer établie, étant intervenue moins d'une semaine avant le début du tournage, il y a lieu de considérer que la proposition faite par la société Eloa Prod ne peut être assimilée à une promesse d'embauche.

Monsieur [Z] sera donc débouté de ses demandes à ce titre.

Sur la rupture du contrat

Le contrat de travail, conclu pour la période du 20 au 22 mars puis 25 au 26 mars 2013, a pris fin par la seule survenance du terme prévu.

Du fait de la requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée, cette rupture s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Monsieur [Z] justifie qu'il avait refusé deux projets pour se rendre disponible pour la poursuite de la collaboration avec la société Eloa Prod.

Au vu des pièces et explications produites, il lui sera alloué la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes

La société Eloa Prod, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Monsieur [Z] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision étant seulement susceptible d'un pourvoi en cassation, dépourvu d'effet suspensif d'exécution, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Ordonne la requalification en contrat de travail à durée indéterminée du contrat conclu entre Monsieur [Z] et la société Eloa Prod,

Condamne la société Eloa Prod à payer à Monsieur [Z] les sommes suivantes :

- 6.236 € au titre de l'indemnité de requalification,

- 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société Eloa Prod aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/10309
Date de la décision : 19/12/2017

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/10309 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-19;14.10309 ?
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