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15/12/2017 | FRANCE | N°16/10977

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 15 décembre 2017, 16/10977


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2017



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 16/10977



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 12/07247





APPELANTE



CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) venant aux droits du CREDIT IMMOBIL

IER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA) laquelle société venait elle-même aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN (CIFFRA)

RCS PARIS 379 502 644

Prise en la person...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/10977

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 12/07247

APPELANTE

CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA) laquelle société venait elle-même aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN (CIFFRA)

RCS PARIS 379 502 644

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-François PUGET de la SELARL C.V.S., avocat au barreau de PARIS, toque : P0098

Ayant pour avocat plaidant Me Edith SAINT-CENE de la SELARL C.V.S., avocate au barreau de PARIS, toque : P0098

INTIMÉS

Monsieur [F] [T]

Né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Localité 3] /France

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Cécile FOURNIE, avocate au barreau de PARIS, toque : C1938

Madame [Y] [J] épouse [T]

Née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 4] (GUINEE)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Cécile FOURNIE, avocate au barreau de PARIS, toque : C1938

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, présidente de chambre

Monsieur Marc BAILLY, conseillère

Madame Pascale GUESDON, conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIÈRE, lors des débats : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE

ARRÊT :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise CHANDELON, présidente et par Madame Josélita COQUIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par offre émise le 7 juillet 2006, reçue le 10 et acceptée le 21 du même mois, Monsieur [F] [T] et Madame [Y] [J], son épouse, ont souscrit auprès du Crédit Immobilier de France Financière Rhône Ain (CIFFRA), aux droits duquel est venu le Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (CIFRAA) puis, depuis le1er juin 2015, le Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) un prêt destiné à financer un appartement à usage locatif sis à [Localité 5] (Bouches du Rhône).

Le contrat a été réitéré en la forme notariée le 9 août 2006.

Ce concours était d'un montant de 130 000 €, d'une durée de 25 ans, et portait intérêt au taux de 4,70%.

Les échéances mensuelles de remboursement n'étant plus réglées à compter du mois de mars 2009, la banque notifiait aux emprunteurs son intention, en l'absence de régularisation sous huitaine, de prononcer la déchéance du terme par courrier recommandé du 5 mai 2009. Cette mise en demeure étant restée infructueuse, le CIFRAA a engagé la présente procédure par exploit du 17 mai 2010.

Par jugement du 2 mai 2016, le tribunal de grande instance de Créteil a annulé le prêt, ordonné à Monsieur et Madame [T] de restituer la somme de 130 000 € déduction faite des mensualités réglées, condamné la banque au paiement de 100 000 € de dommages-intérêts ainsi qu'à une indemnité de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné la compensation des créances respectives.

Par déclaration du 13 mai 2016, le CIFD a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 22 septembre 2017, il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de rejeter les demandes de Monsieur et Madame [T],

- de les condamner au paiement de la somme de 138 001,60 € portant intérêts au taux contractuel de 4,70 % à compter de la déchéance du terme, avec capitalisation des intérêts, de 20 000 € de dommages-intérêts et de 15 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions du 14 octobre 2017, Monsieur et Madame [T] sollicitent principalement la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du prêt, son infirmation sur les dommages-intérêts alloués qu'ils souhaitent voir porter à la somme de 110 000 €. Subsidiairement ils souhaitent voir la banque déchue des intérêts conventionnels et obtenir restitution des sommes versées à ce titre, sollicitent que la clause pénale soit réduite à 1 € et la demande de capitalisation des intérêts rejetée. Ils réclament une indemnité de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2017.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR

Sur le contexte du litige

Considérant que Monsieur et Madame [T] se prétendant victimes de la société aixoise Apollonia, qui proposait des « packages immobiliers » dans le cadre d'un démarchage agressif, a déposé plainte le 10 août 2009 ;

Considérant que le prêt litigieux est, chronologiquement, le 1er des 3 obtenus par Monsieur et Madame [T], par l'entremise de la société Apollonia, portant leur endettement global à la somme de 284 000 € ;

Qu'ils ont ainsi souscrit, au cours du dernier trimestre 2006, deux nouveaux concours auprès du Crédit Agricole et l'UCB, chacun d'un montant de 77 000 € pour acquérir des biens immobiliers sis à [Localité 6].

Considérant qu'une plainte pénale a été déposée contre la société Apollonia dès le 10 avril 2008 par des emprunteurs regroupés au sein d'une association de défense qui aurait, à ce jour, près de 800 adhérents et qu'une information judiciaire, toujours en cours, a été ouverte près le tribunal de grande instance de Marseille le 2 juin 2008 pour escroqueries en bande organisée, faux et usage de faux, exercice illégal de la profession d'intermédiaire en opération de banque (IOB) ;

Considérant que les actes d'instruction produits permettent de résumer comme suit les agissements de la société Apollonia :

Cette dernière faisait miroiter aux investisseurs les avantages des produits de défiscalisation sensés leur permettre, grâce, notamment, au remboursement de la TVA acquittée sur les ventes, de ne pas s'exposer à des charges de remboursement trop lourdes en partie réglées par des revenus locatifs exonérés d'impôts et de se constituer un patrimoine sans bourse délier.

Elle souscrivait pour le compte de ses clients autant de prêts que de banques offrantes afin de multiplier les acquisitions, le nombre et le prix des lots étant déterminés a posteriori en fonction des prêts obtenus à partir de dossiers, parfois falsifiés, présentés à plusieurs établissements financiers, chacun d'eux ignorant les concours apportés par les autres.

Une fois les effets de la récupération fiscale épuisés, les investisseurs constataient leur incapacité à faire face, avec les revenus locatifs, qui ne correspondaient pas aux prévisions en raison, notamment, de la valorisation excessive des biens acquis (pouvant aller jusqu'à deux fois voire trois fois le prix du marché) aux charges de remboursement.

En raison de la relation de confiance instaurée par la société Apollonia, qui mettait en avant son partenariat avec des banques renommées, les investisseurs achetaient généralement, sans visite préalable, des lots très éloignés de leur domicile, signaient les documents présentés sous forme de liasses, sous la date de réception de l'offre et celle de son acceptation notamment, donnaient procuration à un notaire, qui se déplaçait à cet effet, pour être représenté le jour de la signature des actes authentiques, le commercial emportant les documents dès leur signature apposée ;

Considérant que s'il n'existe pas de contrat écrit entre CIFFRA et Apollonia le document produit, intitulé « Convention 2001 » n'étant pas signé par l'établissement bancaire, ce dernier ne conteste pas que cette société a été un apporteur d'affaires important, à compter de l'année 1995 (sous la dénomination JV Consultants) selon un rapport d'audit interne à la banque, rémunéré en conséquence et pour les besoins duquel avait été créée une plate-forme dédiée dénommée « partenaire plus », à l'origine de 2 à 3 embauches pour permettre à la banque de répondre aux demandes spécifiques de la société, notamment en matière de délais d'instruction des dossiers ;

Considérant que la société CIFFRA, aujourd'hui disparue, avait été mise en examen dans le cadre de la procédure pénale, de même que quatre de ses cadres, Messieurs [C], [F], [Y] et Madame [E] ;

Que par arrêt du 6 décembre 2012, la chambre d'instruction a annulé la mise en examen de la CIFRAA, la plaçant sous le statut de témoin assisté ;

Considérant que Monsieur et Madame [T] ont enfin engagé, le 2 août 2010, contre les établissements ayant financé leurs acquisitions, les intermédiaires, les notaires instrumentaires et la société Apollonia, une procédure visant à obtenir des dommages-intérêts au titre de leur préjudice matériel, à hauteur de 87 % du nominal des prêts et des intérêts afférents ainsi qu'en réparation de son préjudice moral ;

Sur la nullité du prêt

Considérant qu'il convient de préciser que la cour n'est pas saisie de l'escroquerie en bande organisée encore en cours d'instruction et que même si les pièces de procédure communiquées montrent des dysfonctionnements des services de l'intimée dans ses rapports avec la société Apollonia, à l'origine des mises en examen précitées, Monsieur et Madame [T] ne sauraient en tirer pour conséquence la nullité du prêt qui leur a été consenti ;

Qu'il leur appartient de démontrer qu'ils ont été victimes d'un dol imputable à la banque ou à son représentant, l'absence de mandat d'Apollonia, à qui la banque n'a jamais délégué le pouvoir d'accomplir en son nom et pour son compte des actes juridiques, n'étant pas sérieusement contestée ;

Considérant que pour caractériser les man'uvres dolosives, Monsieur et Madame [T] reprochent à la banque, via son représentant Apollonia, un manquement à son obligation d'information, dont ils précisent qu'il est d'autant plus nécessaire que le produit est complexe ou le taux d'intérêt variable ;

Qu'ils prétendent encore qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de conseil, ne les avertissant pas du risque lié à la défaillance des locataires ou à la rentabilité du biens qu'elle se proposait de financer ;

Qu'ils recherchent encore sa responsabilité sur le fondement de l'ancien article 1384 alinéas 1 et 5 du code civil (devenu 1242) en raison de son pouvoir d'organisation, de surveillance et de contrôle d'Apollonia ou comme commettant de cette entité ;

Considérant que si le défaut d'information peut être constitutif d'un dol lorsqu'il a déterminé le consentement de l'emprunteur, l'information due par l'établissement prêteur de deniers concerne essentiellement les caractéristiques du prêt et son contenu est réglementé ;

Considérant qu'en l'espèce l'offre produite satisfait aux exigences légales de sorte qu'aucun grief ne peut être formulé contre la banque à ce titre, étant encore observé que le taux nominal était fixe et non variable, ne nécessitant pas d'information particulière ;

Considérant encore que sollicitée comme prêteur de deniers, la banque, qui ne doit pas s'immiscer dans les affaires de son client ni s'interroger sur la rentabilité d'une opération de défiscalisation qu'il lui est demandé de financer n'a aucune obligation de conseil, une telle exigence n'étant requise que dans l'hypothèse où d'une part elle intervient pour orienter son client vers un produit d'investissement, d'autre part que ce produit est complexe ;

Et considérant que dans l'hypothèse d'espèce la banque n'a pas présenté le produit aux emprunteurs tandis que l'opération financée était d'une particulière simplicité, l'acquisition d'un studio dans une résidence hôtelière, dont la rentabilité apparaît d'évidence liée au taux de remplissage attendu ;

Considérant au surplus que les pièces pénales démontrent que la banque ne consentait des prêts aux clients d'Apollonia qu'au titre des programmes de construction qu'elle avait préalablement agréés, respectant ainsi ses règles prudentielles ;

Considérant encore que la responsabilité de la banque ne saurait être recherchée du fait des agissements répréhensibles d'Apollonia, tels que démontrés par la procédure pénale en l'absence de principe général de responsabilité du fait d'autrui et de tout lien de subordination démontré entre l'apporteur d'affaires et la banque ;

Considérant enfin qu'un éventuel manquement à l'obligation de mise en garde ou à une violation de la loi Scrivener n'est pas sanctionné par la nullité du contrat ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a caractérisé le dol par la violation par la banque de son devoir de mise en garde ;

Sur le devoir de mise en garde

Considérant que si, pour consentir un prêt, la banque doit s'informer sur les capacités de remboursement du souscripteur elle n'a pas à enquêter, sauf anomalie apparente, sur les renseignements qu'il fournit ;

Considérant en l'espèce que la « fiche de renseignements bancaires » signée par Monsieur et Madame [T] mentionne, au titre des revenus la somme de 4 646,91 € mensuels, au titre des charges, celle de 1213,88 € sur cette même période, un patrimoine immobilier de 672 739 € et mobilier de 20 149 € ;

Qu'il en résulte que le prêt envisagé, remboursable par mensualités de 775,30 € au terme de la période d'anticipation d'une durée d'un an, n'était pas de nature à entraîner un endettement excessif, de sorte que la banque n'avait aucun devoir de mise en garde à leur égard ;

Considérant que pour retenir un manquement de la banque à ce titre, les premiers juges ont pris en compte des ressources de 6 846,91 € (Monsieur et Madame [T] percevant des revenus fonciers de 2 200 €) et des charges de remboursement d'emprunt à hauteur de 2 973,88 € pour en déduire que leur endettement après souscription du prêt CIFFRA serait supérieur à 50 % ;

Considérant que le CIFFRA pouvait effectivement se convaincre de la réalité de ces charges, les pièces communiquées dans le cadre de l'instruction du dossier comportant les tableaux d'amortissement des trois banque prêteuses comme le démontrent les intimés ;

Mais considérant, outre qu'un patrimoine déclaré de 672 739 € exclut tout risque d'endettement excessif au titre d'un prêt de 130 000 €, que ce risque ne peut résulter du seul rapport ressources/charges mais doit s'apprécier en fonction du reste à vivre de l'emprunteur après paiement de ses échéances ;

Et considérant qu'en l'espèce le disponible mensuel, prenant en compte les échéances de 775 € lié au prêt litigieux mais également les revenus attendus de la location du bien acquis, est supérieur à 3 000 € suffisante pour un couple, parent d'un enfant unique;

Que le jugement sera réformé en ce qu'il a reproché à la banque un manquement à son devoir de mise en garde et du chef de la condamnation prononcée à ce titre ;

Sur les autres manquements reprochés à la banque

Considérant que Monsieur et Madame [T] soutiennent qu'elle pouvait se convaincre que la plupart des pièces contractuelles émanaient du même rédacteur, qu'ils lui reprochent une violation des dispositions de l'article L312-7 du code de la consommation dans sa rédaction applicable aux faits de la cause, qu'ils contestent la date d'acceptation de l'offre, la procuration notariée du 12 juillet 2006 mentionnant qu'elle est intervenue ce jour, qu'ils s'étonnent que l'enveloppe de retour ait été postée le 21 juillet 2006, jour de leur prétendue acceptation, à [Localité 7], dans les Bouches du Rhône ;

Considérant que la circonstance, démontrée, que nombre de dossiers de prêt comportent la même écriture n'était pas de nature à alerter la banque, un commercial pouvant parfaitement soulager les emprunteurs d'une telle contrainte sous réserve de voir ratifier les mentions portées par la signature des clients ;

Qu'en l'espèce Monsieur et Madame [T] ne peuvent se borner à soutenir qu'ils doutent de la régularité de leur signature sur la fiche de renseignement bancaire alors qu'elle est conforme à celle figurant sur les autres documents produits, notamment l'offre ;

Que pour les mêmes raisons, le fait que les enveloppes de retour des offres soient postée dans le sud est n'était pas plus préoccupant, cette tâche matérielle pouvant être déléguée à un préposé d'Apollonia ;

Mais considérant que le prêteur ne pouvait se dispenser du respect de l'article L312-7 du code de la consommation précité lui imposant de formuler par écrit une offre de prêt adressée gratuitement par voie postale à l'emprunteur ;

Que cette disposition, d'ordre public selon l'article L313-16 du même code, a pour objet de permettre à la banque de s'assurer du respect par l'emprunteur du délai de réflexion de 10 jours imparti par l'article L312-10 alinéa ;

Considérant qu'en l'espèce, le dossier pénal démontre à suffisance que la banque s'était affranchie de cette obligation légale pour les dossiers Apollonia, ayant accepté de transmettre l'offre directement à cette société ;

Qu'en témoignent, outre les employées d'Apollonia, qui précisent que cela permettait au commercial de faire signer offre et acceptation le même jour, le dossier, qui leur était alors remis étant conservé par leurs soins pendant les dix jours requis,

Monsieur [F], directeur financier puis dirigeant de l'agence lyonnaise de CIFFRA, qui explique que pour les dossiers Apollonia, la banque ne respectait pas les dispositions de la loi Scrivener,

Madame [E], directrice commerciale de la banque, qui a reconnu que les offres de prêt étaient adressés à Apollonia par chronopost,

Monsieur [Y], responsable des engagements qui a confirmé que la banque s'est pliée aux demandes d'Apollonia qui souhaitait recevoir directement l'offre, s'opposant à sa transmission aux emprunteurs pour en conclure que le comité de direction (avait) collégialement accepté les risques liés à ces opérations  ;

Considérant que l'article L312-33 du code de la consommation, dans sa version applicable aux faits de l'espèce sanctionne l'inobservation de ce formalisme par une déchéance des intérêts en totalité ou dans une proportion fixée par le juge ;

Considérant qu'au regard tant de la gravité des manquements que du préjudice subi par les emprunteurs qui démontrent que le bien acquis est aujourd'hui inexploité et muré, il convient de prononcer une déchéance totale et de condamner Monsieur et Madame [T] dans les termes du jugement entrepris, confirmé de ce chef, sauf à préciser que la créance de la banque portera intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 mai 2009 ;

Sur la clause pénale

Considérant que le contrat prévoit en son article 11 B une indemnité de résiliation d'un montant de 7 % du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés ;

Considérant qu'une telle pénalité existe d'une part pour contraindre le débiteur à exécuter le contrat d'autre part pour évaluer de manière conventionnelle et forfaitaire le préjudice futur subi par le prêteur en raison de l'interruption du remboursement ;

Qu'en l'espèce, en raison du contexte précité dans lequel le contrat a été conclu, de la majoration, par la banque du coût des crédits consentis aux clients d'Apollonia, l'indemnité est manifestement excessive et que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a réduite à un euro ;

Sur la violation du taux effectif global (TEG)

Considérant que la demande fondée sur les dispositions de l'article L312-33 du code de la consommation ayant été accueillie au titre de l'irrégularité de l'offre, l'examen de l'irrégularité éventuelle du TEG devient sans objet ;

Sur la capitalisation des intérêts

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'ancien article L312-23 du code de la consommation (devenu L313-52) aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux mentionnés aux articles L312-21 et L312-22 (aujourd'hui L313-51) du même code ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur en cas de défaillance de ce dernier ou de remboursement anticipé ;

Que la demande de capitalisation des intérêts ne peut en conséquence prospérer ;

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la banque

Considérant que si Monsieur et Madame [T] ont effectivement manqué à leur obligation de loyauté en ne déclarant pas à la banque que le lot dont ils demandaient le financement n'était qu'un des trois réservés le même jour, la banque leur a pour sa part caché le surcoût de leur prêt évoqué précédemment de sorte que sa demande de dommages-intérêts doit être rejetée ;

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que l'équité ne commande pas l'application de ce texte ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré :

- en ce qu'il a condamné Monsieur [F] [T] et Madame [Y] [J], son épouse au paiement de la somme de 130 000 €, déduction faite des échéances payées,

- en ce qu'il a réduit à 1 € la clause pénale ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Dit que la créance précitée du Crédit Immobilier de France Développement portera intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2009 ;

Rejette toute autre demande ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 16/10977
Date de la décision : 15/12/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°16/10977 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-15;16.10977 ?
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