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14/12/2017 | FRANCE | N°16/20105

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 14 décembre 2017, 16/20105


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 14 DECEMBRE 2017



(n°704, 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/20105



Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation d'un arrêt de la chambre civile de la cour d'appel d'ORLÉANS en date du 17 novembre 2014 (RG 14/01423) rendu sur appel d'une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de TOURS en date d

u 25 mars 2014 (RG 13/20564)



APPELANTS



Monsieur [J] [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 2] (Madagas...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 14 DECEMBRE 2017

(n°704, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/20105

Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation d'un arrêt de la chambre civile de la cour d'appel d'ORLÉANS en date du 17 novembre 2014 (RG 14/01423) rendu sur appel d'une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de TOURS en date du 25 mars 2014 (RG 13/20564)

APPELANTS

Monsieur [J] [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 2] (Madagascar)

Madame [L] [Y] veuve [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 2] 1926 à [Localité 1]

Représentés par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

INTIMEE

SARL BOULANGERIE PRE anciennement dénommée LM BERTIN

[Adresse 3]

[Localité 1]

Défaillante - assignée à personne morale le 16 août 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. Aymeric PINTIAU, greffier.

Mme [W] est propriétaire d'un immeuble qu'elle avait donné à bail à son fils pour y développer une activité de location saisonnière et de réception et dont l'accès s'effectuait par un passage indivis desservant également la porte d'accès au fournil du fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie exploité par la société LM Bertin.

Reprochant à M.et Mme [L] [Y] veuve [W] d'avoir installé un système de vidéo-surveillance et un projecteur dirigés vers ce passage, la société LM Bertin, a assigné les intéressés devant le juge des référés afin d'obtenir le retrait de ce dispositif ainsi que la condamnation des consorts [W] au paiement d' une provision sur l'indemnisation du préjudice moral et celui résultant de l'atteinte à la vie privée.

Par ordonnance du 25 mars 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours a ordonné aux consorts [W] de retirer le matériel de vidéosurveillance sous astreinte de 20 euros par jour de retard courant passé le délai de 15 jours suivant la signification de la décision et pendant une durée de 6 mois. Il a par contre débouté la société LM Bertin de sa demande de provision et d'enlèvement du projecteur à défaut de preuve d'un trouble illicite généré par la présence de ce dernier. Il a enfin condamné les défendeurs aux dépens outre une indemnité de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [W] ont interjeté appel de cette ordonnance, invoquant à titre principal l'irrecevabilité de la demande formée par la société LM Bertin, celle-ci se heurtant à une absence totale d'intérêt et de qualité à agir pour la défense de la vie privée de ses salariés, et de celle de ses actionnaires, clients et fournisseurs.

Par un arrêt en date du 17 novembre 2014, la cour d'appel d'Orléans a :

- réformé l'ordonnance du 25 mars 2014 en ce qu'elle a débouté la société LM Bertin de ses demandes de provision et d'enlèvement du projecteur,

et statuant à nouveau sur ces deux points,

- ordonné à [L] [Y] veuve [W] et à [J] [W] de retirer le projecteur installé dans le chemin cadastré [Cadastre 1] sous astreinte de 20 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt,

- condamné les mêmes à payer à la société LM Bertin la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts provisionnels ;

- confirmé pour le surplus l'ordonnance ;

y ajoutant ;

- condamné [L] [Y] veuve [W] et à [J] [W] au paiement de la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les consorts [W] ont alors formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans.

La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 17 mars 2016, a cassé l'arrêt d'appel, retenant que si les personnes morales disposent, notamment, d'un droit à la protection de leur nom, de leur domicile, de leurs correspondances et de leur réputation, seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d'une atteinte à la vie privée, au sens de l'article 9 du code civil, de sorte que la société ne pouvait invoquer l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant d'une telle atteinte et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris.

M. et Mme [W] ont saisi la cour d'appel sur renvoi après cassation le 23 août 2016.

La société Boulangerie Pré (anciennement LM Bertin), n'a pas constitué avocat.

Par acte du 16 octobre 2017, M.[W] et Mme [Y] veuve [W] lui ont signifié leurs déclarations d'appel et conclusions.

M. et Mme [W] demandent à la cour, sur le fondement des articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, de :

- constater le défaut d'intérêt et de qualité à agir de l'intimée,

En conséquence,

- infirmer l'ordonnance de référé du 25 mars 2014 dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- condamner l'intimée à verser la somme de 5.000 euros à chacun des appelants au titre de la procédure abusive,

- déclarer irrecevables les demandes de l'intimée,

- rejeter toutes les demandes de l'intimée,

- condamner l'intimée à verser la somme de 5.000 euros à chacun des appelants, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Ils font valoir principalement que :

- la société n'a pas d'intérêt à agir, car nul ne plaide par procureur et la société ne peut se substituer à ses salariés et ses clients pour défendre une prétendue atteinte à leur vie privée.

- Vu l'âge avancé de Mme [W] de 91 ans et le comportement de mauvaise foi de la société Boulangerie Pré assimilable à du harcèlement procédural et moral, celle-ci a manifestement commis un abus de droit d'agir en justice et M. [W] a dû cesser son activité.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 18 octobre 2017.

MOTIFS

Si les personnes morales disposent, notamment, d'un droit à la protection de leur nom, de leur domicile, de leurs correspondances et de leur réputation, seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d'une atteinte à la vie privée, au sens de l'article 9 du code civil.

Il en ressort que la société LM Bertin ne pouvait prétendre à l'existence d'un trouble illicite portant atteinte à sa vie privée.

Elle ne pouvait par ailleurs prétendre agir pour le compte des personnes physiques susceptibles de subir une atteinte à leurs droits du fait de la présence du dispositif mis en place par les consorts [W], suivant le principe suivant lequel nul ne plaide par procureur.

Il s'ensuit que la demande en cessation de trouble illicite fondée sur l'atteinte à l'intimité de la vie privée présentée par la société LM Bertin aux droits de laquelle vient la société Boulangerie Pré doit être rejetée et que la demanderesse au référé doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Il ne saurait être considéré que la société LM Bertin a agi avec malice, avec mauvaise foi ou par l'effet d'une erreur équipollente au dol puisque deux juridictions de fond lui ont donné antérieurement partiellement ou entièrement raison. Les attestations produites aux débats par les consorts [W] faisant état de ce que le gérant de la société troublait délibérément la quiétude de ses voisins en stationnant de manière abusive dans le passage ou en émettant des bruits excessifs, si elles ont pu être utiles pour restituer les faits dans leur contexte de conflit aigu du voisinage, ne remettent pas en cause cette constatation.

Il convient dès lors de débouter les consorts [W] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Il convient par contre de condamner la SARL Boulangerie Pré venant aux droits de la société LM Bertin aux entiers dépens de la procédure

Il convient également eu égard à la durée de la procédure de la condamner au paiement d'une indemnité de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS STATUANT SUR RENVOI APRES CASSATION

INFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la SARL Boulangerie Pré ex société LM Bertin tendant à l'enlèvement d'un système de vidéo-surveillance et d'un projecteur non plus que sur ses demandes de condamnation à des dommages-intérêts provisionnels ;

DÉBOUTE les consorts [W] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la société la SARL Boulangerie Pré anciennement société LM Bertin aux entiers dépens de la procédure ;

La CONDAMNE également à payer aux consorts [W] une indemnité globale de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/20105
Date de la décision : 14/12/2017

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°16/20105 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-14;16.20105 ?
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