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14/12/2017 | FRANCE | N°16/11972

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 14 décembre 2017, 16/11972


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2017



AUDIENCE SOLENNELLE



(n° 491 , 9 pages)



Numéros d'inscription au répertoire général : 16/11972 et 17/09633



Décision déférée à la Cour : Décision du 03 Mai 2016 - Conseil de Discipline des Avocats de PARIS



DEMANDEUR AU RECOURS



Monsieur [D] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse

1]



Comparant



Assisté de Maître Laurent KENNES, Avocat au barreau de BRUXELLES (Belgique)





AUTRE PARTIE AU RECOURS



LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS ES QUALITES D'AUTORITE DE POU...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2017

AUDIENCE SOLENNELLE

(n° 491 , 9 pages)

Numéros d'inscription au répertoire général : 16/11972 et 17/09633

Décision déférée à la Cour : Décision du 03 Mai 2016 - Conseil de Discipline des Avocats de PARIS

DEMANDEUR AU RECOURS

Monsieur [D] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant

Assisté de Maître Laurent KENNES, Avocat au barreau de BRUXELLES (Belgique)

AUTRE PARTIE AU RECOURS

LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS ES QUALITES D'AUTORITE DE POURSUITE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-François PERICAUD de la SCP Jean-Francois PERICAUD et PHILIPPE PERICAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0219

Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas GUERRERO, avocat au barreau de PARIS, toque: E0900

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

- M. Christian HOURS, Président de chambre

- Mme Claire CHAUX, Présidente de chambre

- Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère

- Mme Annick HECQ-CAUQUIL, Conseillère

- M. Philippe JAVELAS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. Michel LERNOUT, premier avocat général, qui a fait connaître son avis et qui n'a pas déposé de conclusions écrites antérieures à l'audience.

DÉBATS : à l'audience tenue le 12 Octobre 2017, on été entendus :

- M. HOURS, en son rapport

- M. [Z],

- Me KENNES,

- Me GUERRERO,

- Monsieur SAVINAS, substitut du Procureur Général,

en leurs observations,

Par ordonnance en date du 1er Août 2016, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris a été invité à présenter ses observations, pour la procédure enregistrée sous le n° RG 16/11972.

Le Conseil de l'Ordre a déposé des écritures préalablement à l'audience qui ont été communiquées à M. [D] [Z].

Par ordonnance en date du 16 Mai 2017, le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris a été invité à présenter ses observations, pour la procédure enregistrée sous le n° RG 17/09633.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.

* * *

M.[D] [Z] est inscrit au tableau de l'ordre des avocats du barreau de Paris depuis le 5 mai 1998.

A la suite de réclamations contre Me [Z] adressées au bâtonnier de Paris, le 29 mars 2015 par M.[B] [K], le 3 avril 2015 par M.[Z] [H], et le 2 mai 2015 par Mme [G] [D], celui-ci, agissant comme autorité de poursuite, a décidé, le 7 septembre 2015, d'ouvrir trois procédures disciplinaires à l'encontre de Me [Z] :

- s'agissant du dossier de Mme [D], pour manquement aux règles de la profession d'avocat et notamment celles de l'article 1.3 du RIN (règlement intérieur national), notamment de délicatesse, diligence, loyauté et probité en refusant de lui répondre et de lui restituer les pièces de son dossier, ainsi que celles édictées à l'article 9.2 du RIN en ne transmettant pas les pièces originales de son dossier à Mme [E] [I], nouvel avocat de Mme [D] ;

- s'agissant du dossier de M.[H], pour manquement aux règles de la profession d'avocat, notamment celles énoncées à l'article 1.3 du RIN pour s'être abstenu de lui répondre et pour avoir poursuivi une procédure alors que ce dernier avait désigné un autre avocat pour la défense de ses intérêts ;

- s'agissant du dossier de M.[K], pour manquement aux règles de la profession d'avocat et notamment celles énoncées à l'article 1.3 du RIN, notamment de diligence et de délicatesse, en exigeant le règlement d'honoraires, de manière, semble-t-il, agressive envers ce client.

Par décision du 8 septembre 2015, le conseil de l'ordre a désigné Mme [X] [B] en qualité d'instructeur. M.[Z] a formé un recours contre la désignation de cet instructeur.

Par arrêt du 23 mars 2017, la cour d'appel de Paris a déclaré M.[Z] irrecevable en son recours formé à l'encontre de la décision de rejet de sa réclamation préalable du 27 octobre 2015 et à l'encontre de la décision du conseil de l'ordre du barreau de Paris du 8 septembre 2015 ayant désigné Mme [B] en qualité de rapporteur et en toutes ses demandes subséquentes.

Le bâtonnier a rendu, le 7 janvier 2016 une décision de prorogation du délai d'instruction de deux mois.

Le conseil de l'ordre a désigné M.[P] [L] en qualité de nouvel instructeur pour remplacer Mme [B], qui avait quitté la formation d'instruction.

M.[Z] a formé un recours contre la désignation du nouvel instructeur, qui a été rejeté par le conseil de l'ordre le 2 février 2016.

Par arrêt du 8 septembre 2016, la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable le recours formé par M.[Z] contre le rejet du 2 février 2016 de sa réclamation préalable du 25 janvier 2016 et contre la décision du conseil de l'ordre du barreau de Paris du 12 janvier 2016.

Par arrêté du 5 avril 2016, statuant sur une demande de renvoi de M.[Z], qui critiquait la prolongation de l'instruction de deux mois et demandait la récusation de tous les membres de la formation 1, le conseil de discipline, considérant qu'il s'agissait d'une demande de renvoi pour suspicion légitime, a transmis la requête à la cour d'appel de Paris et dit n'y avoir lieu de suspendre l'instance pendant cette transmission en application des dispositions de l'article 361 alinéa 1 du code de procédure civile.

M.[Z] a formé un recours contre cette décision (dossier 17/09633).

Par arrêt du 5 octobre 2016, la cour d'appel de Paris a débouté M.[Z] de ses demandes en dessaisissement du bâtonnier et de renvoi pour cause de suspicion légitime de la formation de jugement n°1 du conseil de l'ordre du barreau de Paris.

Par arrêt du 23 février 2017, la cour d'appel de Paris a rejeté la requête en omission de statuer visant la décision précédente.

Parallèlement, par arrêté du 3 mai 2016, le conseil de discipline, statuant au fond, a notamment :

- débouté M.[Z] de ses exceptions de procédure ;

- dit qu'il s'était rendu coupable de manquements aux principes essentiels de la profession et avait notamment violé les dispositions des articles 1.3 et 9 du RIN ;

- prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction temporaire pour une durée de trois mois et à titre de sanction accessoire la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du Conseil national des Barreaux, des autres organismes professionnels et de se présenter aux élections de bâtonnier ou de vice-bâtonnier pendant une durée de dix ans.

M.[Z] a formé un recours contre cette décision (dossier 16-11972).

Il demande l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2016, subsidiairement son infirmation, sollicitant la jonction des recours.

A l'audience, M.[Z] a été entendu en ses observations reprenant ses différentes conclusions écrites, son avocat a également été entendu, puis le bâtonnier de Paris, qui n'a pas déposé à l'occasion de cette audience de conclusions écrites, en ses observations orales concluant à la confirmation de la décision critiquée et le ministère public également en ses seules observations orales.

Il a fait parvenir à la cour, en vertu des dispositions de l'article 445 du code de procédure civile une note en délibéré en réponse aux observations du ministère public.

MOTIFS DE LA DECISION :

Considérant qu'il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des recours connexes inscrits sous les numéros de rôle 16-11972 et 17-09633 contre les décisions rendues dans la même procédure disciplinaire contre M.[Z] ;

Considérant qu'à l'encontre de la décision du 5 avril 2016, M.[Z] soutient en dernier lieu dans des écritures du 21 septembre 2017 qu'il reprend à l'audience, plusieurs exceptions de procédure, aux termes desquelles :

- le bâtonnier [W], qui a concouru à l'instruction en prorogeant son délai, ne pouvait siéger au sein de la formation de jugement réunie pour la même affaire ;

- il ne pouvait juger lui-même de la régularité contestée d'une décision de prorogation du délai de l'instruction qu'il avait personnellement prise ;

- sa récusation était par conséquent sollicitée et il n'appartenait pas au conseil de discipline de statuer sur le bien-fondé de ses moyens mais seulement d'accepter ou non de se dessaisir;

- en application de l'article 346 du code de procédure civile, le juge devait s'abstenir jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la récusation, d'autant qu'il avait articulé, dans sa lettre du 21 avril 2016, un moyen visant personnellement le président de la juridiction qui avait pris position pour une éventuelle culpabilité ;

- l'arrêté doit ainsi être annulé, subsidiairement infirmé, le sursis à statuer ayant été rejeté alors qu'il existait un moyen sérieux ;

- par voie de conséquence, l'arrêté du 3 mai 2016 doit être annulé et en tout état de cause infirmé en ce que sa demande de sursis à statuer a été rejetée ;

Considérant toutefois que par arrêt du 5 octobre 2016, la cour d'appel de Paris a jugé que le bâtonnier [W], en prolongeant le délai accordé au rapporteur, n'avait pas accompli un acte d'instruction, de sorte que cet acte ne pouvait affecter son impartialité et qu'il n'y avait dès lors pas lieu de faire droit à la demande de dessaisissement le concernant, que ce soit sur le fondement de l'article 341 du code de procédure civile (récusation) ou sur celui de l'article 356 du code de procédure civile (suspicion légitime) ;

Considérant par conséquent que toute nouvelle demande concernant le dessaisissement du bâtonnier [W] est irrecevable ;

Considérant que sur la décision de refus de surseoir prise par la formation disciplinaire, le 5 avril 2016, celle-ci a pu considérer, à juste titre, dès lors que tous les membres de la composition étaient visés, qu'il s'agissait d'une demande de suspicion légitime, n'imposant pas qu'il soit sursis à statuer ; qu'en outre, il convient d'observer que la décision du 5 octobre 2016 de la cour d'appel de Paris a également considéré qu'il n'était pas justifié de circonstances permettant de douter objectivement de l'impartialité des membres de la formation disciplinaire appelée à juger l'appelant, de sorte que la requête en suspicion légitime a été rejetée ; que toute demande tendant à remettre en cause cette décision est irrecevable ;

Considérant dès lors qu'il n'y a pas motif à annuler la décision du 5 avril 2016, qui comportait une motivation et qui doit au contraire être confirmée ;

Considérant que M.[Z] fait valoir, à l'encontre de la décision du 3 mai 2016, que :

- les points 4.2 alinéa 2, 4.3, 4.5, 4.6 alinéa 2 de la citation sont hors de la saisine de l'instance disciplinaire selon l'acte de saisine et d'ouverture de l'instance disciplinaire par l'autorité de poursuite en date du 7 septembre 2015 ; il n'a jamais été informé de nouvelles charges pesant contre lui et n'a pas été interrogé à leur propos par le rapporteur, de sorte que le conseil de discipline n'a pas été valablement saisi, ce qui emporte annulation de l'arrêté ;

- l'arrêté est également nul pour ne pas avoir répondu à ses conclusions et pour n'avoir pas analysé même sommairement les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; la proportionnalité de la sanction avec les faits et sa personnalité n'est pas discutée ;

- le président de la formation de jugement, dès qu'il a eu connaissance de la demande de récusation le frappant, devait s'abstenir ou se faire remplacer, de sorte que l'arrêté du 5 avril 2016 doit être annulé et par voie de conséquence celui du 3 mai 2016 ;

- il existe une confusion entre les fonctions du conseil de l'ordre et le conseil de discipline en tant que juridiction, de sorte que les principes fondamentaux du procès, notamment du procès équitable, ont été violés, ce qui justifie encore l'annulation de l'arrêté ;

' subsidiairement, il y a lieu d'annuler la procédure car :

- la présomption d'innocence a été violée dans la mesure où tant l'acte de saisine et d'ouverture de l'instance disciplinaire que la citation devant le conseil de discipline ont mentionné la sanction du blâme par le conseil de discipline, confirmée par la cour d'appel de Paris du 27 février 2014 ;

- le conseil de l'ordre aurait dû surseoir, son recours exercé contre la décision de nomination de l'instructeur, [X] [B], étant suspensif et il est sollicité l'annulation de la décision implicite de rejet du conseil de l'ordre ;

- la décision doit être annulée pour avoir refusé d'ordonner la production du procès-verbal de la délibération et de la décision du conseil de l'ordre ayant désigné Me [B], pour violation des règles de quorum et de majorité ;

- la décision de prorogation de l'instruction a été prise sur la demande de M.[F], lequel n'était pas le rapporteur du dossier, qui est le seul à avoir qualité pour ce faire, de sorte qu'elle doit être annulée et que l'instance disciplinaire est éteinte, faute de dépôt d'un rapport d'instruction au 8 janvier 2016, la désignation de M.[L] étant de ce fait irrégulière ;

- la désignation de M.[L] est irrégulière car intervenue hors délai et après clôture de l'instruction et extinction de l'instance ; en outre, la délibération est inexistante et n'a pas respecté les règles de quorum et de majorité ;

- la citation est nulle, certains points visés supra étant hors de la saisine de l'instance disciplinaire ; subsidiairement, les seuls faits dont le conseil de discipline est saisi sont ceux visés dans l'acte d'ouverture et de saisine de l'instance disciplinaire ;

- la procédure d'instruction et de jugement est irrégulière en l'absence d'accès à son dossier administratif ou disciplinaire, malgré plusieurs demandes, peu important qu'il en ait reçu une copie et ait eu accès à une copie numérisée, ce qui ne le mettait pas en mesure d'invoquer une distorsion entre original et copie ;

- le délai raisonnable n'a pas été respecté, les premiers faits reprochés par Mme [D] remontant à plus de trois ans et ayant alors été portés à la connaissance du bâtonnier ;

- les recours sur la désignation de Mme [B] et de M.[L] n'ayant pas encore fait l'objet d'une décision, il fallait surseoir à statuer sur la poursuite disciplinaire dans son attente ;

- les poursuites sont irrecevables, le bâtonnier n'ayant pas de pouvoir de contrainte s'agissant de la restitution du dossier à un client, en l'absence de succession d'avocat, compte tenu de la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret de 1991 et en application de la règle non bis in idem ;

- subsidiairement sur le fond :

- la version des plaignants est formellement contestée, de sorte que les manquements sont insuffisamment établis et un supplément d'information ne saurait pallier l'insuffisance des charges d'une action disciplinaire ; il a produit au contraire tous éléments de preuve de nature à établir que les griefs à son encontre ne sont pas fondés à quelque titre que ce soit ;

- il ne peut lui être reproché de n'avoir pas obtempéré à une injonction du bâtonnier de se dessaisir d'un dossier, celui-ci ne disposant d'aucun pouvoir de contrainte ;

Considérant que dans sa note en délibéré, M.[Z] fait valoir que :

- la procédure disciplinaire doit respecter la présomption d'innocence et les règles du procès équitable ; qu'un délai raisonnable doit séparer la date des faits de la poursuite et du jugement ; qu'en l'espèce cela n'a pas été le cas, le délai en l'espèce étant supérieur à trois ans ;

- les règles du procès équitable imposent l'accès au dossier de la procédure ; or, il n'a jamais pu consulter l'original du dossier disciplinaire, n'ayant pu consulter qu'une copie sans avoir accès au CD audio joint à la plainte de Mme [D] reproduisant les messages téléphoniques qui lui sont imputés ;

- Mme [D] a fait reproduire par l'huissier de justice les seuls messages qu'elle lui impute, qui ne sont pas des injures mais n'a pas fait reproduire les siens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de revenir sur l'argumentation de M.[Z] s'adressant en réalité à la décision de la formation du 5 avril 2016, relative à la 'demande de récusation' du bâtonnier [W], déjà examinée supra ;

Considérant que Mme [B], désignée rapporteure dans un premier temps, a quitté les fonctions d'instruction le 31 décembre 2015 et ne pouvait plus signer d'acte après cette date, de sorte que la demande de prorogation du délai d'instruction de quatre mois, du 6 janvier 2016, ne pouvait être transmise que par M.[F], en sa qualité de secrétaire de la formation d'instruction ; qu'il n'y a pas eu, du fait de cette transmission par le secrétaire de la formation d'instruction, violation des dispositions de l'article 191 du décret du 27 novembre 1991faisant grief à M.[Z] ;

Considérant qu'à Paris, seule la décision du doyen des présidents de formations disciplinaires du conseil de l'ordre, doit être prise en compte, puisqu'il n'y a que lui pour disposer du pouvoir de proroger le délai initial de 4 mois imparti pour mener à bien l'instruction d'un dossier disciplinaire, peu important dès lors les appréciations et motivations qui ont pu être faites par d'autres organes ;

Considérant qu'il n'est par conséquent pas établi que la décision de proroger l'instruction aurait été irrégulière et que la désignation de M.[L], rendue nécessaire par le départ de Mme [B] en janvier 2016 de la formation d'instruction, le serait également, le délai de 15 jours prévu pour la désignation de l'instructeur après la notification de l'ouverture de la procédure disciplinaire n'étant par ailleurs manifestement pas applicable dans cette hypothèse particulière ;

Considérant, sur la confusion alléguée à Paris entre conseil de l'ordre et conseil de discipline, que la pertinence de ce qui apparaît comme une pétition de principe n'est pas démontrée, pas davantage que le grief qui en serait résulté pour M.[Z], dès lors qu'eu égard à la particulière importance du barreau de Paris, le législateur a pu considérer qu'il était possible de constituer en son sein des formations de jugement, qui, en cette qualité, étaient distinctes de l'autorité de poursuite, de l'autorité d'instruction et pouvaient se comporter en juges disciplinaires impartiaux ;

Considérant que le fait d'avoir mentionné dans la décision critiquée l'existence d'un arrêté disciplinaire du 26 mars 2013 sanctionnant M.[Z] de la sanction du blâme dans la partie de cette décision consacrée à sa situation administrative ne constitue pas une atteinte à sa présomption d'innocence mais un strict rappel de sa situation disciplinaire, l'arrêté précisant expressément que si cette sanction a été confirmée par la cour d'appel de Paris, cet arrêt a été censuré par la Cour de cassation, l'affaire étant renvoyée devant la cour d'appel de Versailles; qu'il ne pouvait dès lors subsister aucun doute sur le fait que le blâme n'était pas définitif et qu'il ne pouvait en être tenu compte dans la fixation d'une éventuelle sanction pour la poursuite en cause ;

Considérant sur le délai raisonnable à respecter pour engager les poursuites disciplinaires qu'il n'apparaît pas que celui-ci ait été excédé ;

Considérant en effet que dans le dossier [D], les faits dénoncés en mai 2015 remontaient à 2011-2012 ; que dans le dossier [H] les faits dénoncés en avril 2015 dataient de 2013-2014-2015, tandis que dans le dossier [K], les faits dénoncés en mars 2015 avaient eu lieu en 2014-2015 ;

Considérant qu'en outre aucun texte ne prévoit un délai de prescription en matière disciplinaire ; qu'il ne peut être davantage soutenu que le délai raisonnable devrait se calquer sur le délai de la prescription pénale ;

Considérant sur la communication du dossier à M.[Z] que celui-ci ne conteste pas avoir reçu une copie numérique et avoir pu consulter le dossier sur ordinateur ; qu'il ne justifie d'aucun défaut de conformité de la copie remise à l'original, ni du fait qu'une copie d'un support annexe audio, qu'il aurait réclamée, lui aurait été refusée, alors qu'il a manifestement pu prendre connaissance de son contenu ; que sa contestation ne peut être accueillie ;

Considérant que l'arrêté attaqué comporte une motivation pour laconique qu'elle soit et que le choix de la sanction qui a été fait résulte nécessairement d'une analyse des faits et de la recherche d'une proportion entre les fautes retenues par la formation de jugement et la sanction, qui a abouti à l'interdiction prononcée ; qu'il n'encoure pas la nullité de ce chef;

Considérant, sur la discordance alléguée entre les faits visés dans l'acte de saisine et ceux figurant dans la citation, que l'acte de saisine mentionnait :

- pour le dossier [D] :

- le refus de répondre à Mme [D] et de lui restituer les pièces de son dossier ;

- l'absence de transmission à Mme [E] [I], nouvel avocat de Mme [D], des pièces de son dossier ;

- pour le dossier [H] :

- l'absence de réponse au client, M.[H] ;

- la poursuite d'une procédure, alors que M.[H] avait désigné un autre avocat pour la défense de ses intérêts ;

- pour le dossier [K] :

- l'exigence de règlement d'honoraires de manière, semble-t-il agressive ;

Considérant qu'il est exact que la citation délivrée à M.[Z] faisait état :

- sur le dossier [D], de propos injurieux à la cliente,

- sur le dossier [H], de menaces,

- sur le dossier [K], d'un refus de restitution de dossier ;

Considérant d'une part que le grief d'absence de réponse à Mme [D] impliquait pour l'instructeur de se pencher sur les éventuels propos tenus par M.[Z] à sa cliente ;

Considérant d'autre part que l'instruction des griefs a précisément pour but d'approfondir les circonstances des faits à l'origine des plaintes déposées pour, le cas échéant, infirmer ou au contraire compléter les griefs énoncés dans l'acte initial de saisine ;

Considérant que les éléments, dont M.[Z] se plaint qu'ils aient été ajoutés à la saisine initiale, figuraient dans les plaintes déposées et dans le dossier de la procédure au fur et à mesure de sa constitution par l'instructeur, auquel M.[Z] avait à tout moment la possibilité d'accéder ;

Considérant que M.[Z], convoqué, avait encore toute latitude pour s'expliquer devant l'instructeur sur les éléments figurant dans son dossier, élever toute contestation, faire toute demande tendant à vérifier certains points lui semblant obscurs ou ajouter des éléments comme la transcription d'autres parties de conversation entre l'avocat et sa cliente ; qu'il a préféré se taire et se borner à faire quelques observations écrites ;

Considérant que M.[Z] a reçu la citation critiquée dans le délai d'ajournement prévu par la loi et a pu contradictoirement faire valoir à l'audience toutes les explications qu'il estimait utiles quant aux faits reprochés ;

Considérant dans ces conditions, en l'absence d'atteinte au principe du contradictoire, qu'il n'y a pas lieu de déclarer nulle la citation délivrée à M.[Z], dont rien n'interdisait qu'elle embrasse un champ plus large que celui de l'acte de saisine initiale dès lors que l'instruction, où ces faits apparaissaient, a été, elle-aussi, contradictoire ;

Considérant sur le fond, s'agissant du dossier [D], qu'il ressort des éléments recueillis au cours de l'instruction du dossier qu'une réponse de l'avocat à son client s'entend de propos adaptés à la situation et d'informations utiles lui permettant de savoir le degré d'avancement de son affaire ; que M.[Z] ne justifie pas avoir fait une réponse de cette sorte à sa cliente, de sorte qu'il convient de retenir le grief ;

Considérant qu'il apparaît également que M.[Z] n'a pas aussitôt transmis à Mme [I] qui lui succédait le dossier quand celle-ci le lui a réclamé à plusieurs reprises, ce sans donner d'explications à ce retard ; que ce grief est également fondé ;

Considérant que certains des propos tenus par M. [Z] à Mme [D], dont la matérialité n'est pas sérieusement contestée, traduisent pour le moins un très regrettable manque de délicatesse et d'humanité de ce conseil envers sa cliente ; qu'il n'est en effet pas admissible qu'un avocat qualifie sa cliente de vulgaire, 'grossier', lamentable, malhonnête, ridicule ; qu'il est de même insupportable qu'il ait pu dire à Mme [D] que 'le spectacle de votre personne...ça n'est pas suffisant effectivement au regard du paiement de mes honoraires' ;

Considérant en revanche qu'il n'est pas justifié au dossier d'un refus de M.[Z] de restituer son dossier à Mme [D], qui pouvait se faire accompagner d'un tiers ou demander à quelqu'un d'autre d'accomplir cette diligence si elle craignait de la faire seule;

Considérant s'agissant du dossier [H] qu'il ressort de l'instruction qu'il n'a pas été établi que les explications de M.[Z], démentant les accusations de M.[H] sur l'absence de réponse et la poursuite d'un dossier malgré l'intervention d'un nouvel avocat, étaient mensongères ou simplement inexactes ; que la preuve de la culpabilité incombant à l'autorité de poursuite, il convient de considérer que M.[Z] ne peut se voir reprocher ce grief ;

Considérant qu'il en va de même pour les menaces reprochées qui ne sont étayées par aucun élément probant (courriers ou propos menaçants) ;

Considérant sur le dossier [K] qu'il apparaît que M.[Z] qui ne s'occupait plus du dossier de M.[K] ne le lui a pas restitué ; que M.[K] ne justifie pas cependant d'une démarche positive de sa part ou d'un tiers pour le récupérer à laquelle M.[Z] se serait opposée ; que le grief ne peut dès lors être retenu ; qu'il en va de même des propos menaçants, étant observé que le rapporteur s'est borné à dire que M.[K] a pu très bien avoir le sentiment de faire l'objet de menaces sérieuses, ce qui est insuffisant pour une déclaration de culpabilité ;

Considérant en conséquence que la cour retient la culpabilité de M.[Z], dont les exceptions de procédure sont rejetées, pour manquements aux principes essentiels de la profession et violation des dispositions des articles 1.3 et 9 du RIN, seulement dans ses rapports avec Mme [D] ;

Considérant qu'au moment où la cour statue, M.[Z] n'a fait l'objet d'aucune condamnation disciplinaire définitive ; qu'il convient de prendre en compte le fait qu'une partie importante des griefs qui lui étaient adressés ne sont pas retenus ; que dans cette mesure, il sera fait une appréciation des faits proportionnée à leur gravité en lui infligeant la sanction de l'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de deux mois ;

Considérant que sera en outre prononcée, à titre de sanction accessoire, la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes professionnels et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice-bâtonnier, pendant une durée de cinq ans ;

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- ordonne la jonction des recours connexes inscrits sous les numéros de rôle 16-11972 et 17-09633 sous le numéro 16-11972 ;

- rejette les exceptions de nullité soulevées par M.[Z] ;

- confirme l'arrêté disciplinaire du 5 avril 2016 ;

- infirme l'arrêté disciplinaire du 3 mai 2016 et statuant à nouveau :

- déclare M.[Z] coupable de manquements aux principes essentiels de la profession et violation des dispositions des articles 1.3 et 9 du RIN, mais seulement dans ses rapports avec Mme [D] ;

- le déclare non coupable du surplus des manquements qui lui sont reprochés ;

- prononce à son encontre la sanction de l'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de deux mois ;

- prononce, à titre de sanction accessoire, la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes professionnels et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice-bâtonnier, pendant une durée de cinq ans;

- condamne M.[Z] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/11972
Date de la décision : 14/12/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°16/11972 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-14;16.11972 ?
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