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14/12/2017 | FRANCE | N°15/10225

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 14 décembre 2017, 15/10225


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 14 Décembre 2017

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10225



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES section commerce RG n° 13/00683





APPELANTE



Madame [D] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me ClÃ

©mence LOUIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 376





INTIMEE



SA ACNA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P017...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 14 Décembre 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10225

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES section commerce RG n° 13/00683

APPELANTE

Madame [D] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Clémence LOUIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 376

INTIMEE

SA ACNA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, Mme Emmanuelle BESSONE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller, faisant fonction de PrésidentMadame Isabelle MONTAGNE, Conseillère,

Madame Emmanuelle BESSONE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [L] a été embauchée par la société ONET PROPRETE à compter du 29 juin 1990 par contrat à durée déterminée puis indéterminée, en qualité d'ouvrière nettoyeuse.

Le 1er avril 1996, son contrat de travail a été transféré à la SA ACNA.

A effet du 1er janvier 1997, Madame [D] [L] a été promue « Chef d'équipe N1»,

au coefficient 160.

Elle exerce aujourd'hui des fonctions analogues, au coefficient 165, au sein de la société ACNA.

Le 28.10.2013, Mme [D] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 1] d'une demande indemnitaire pour harcèlement moral.

Par jugement du 10.09.2015, le conseil de prud'hommes l'a déclarée irrecevable en ses demandes, au visa de l'article l'article R1452-6 du Code civil, compte tenu du fait que Mme [L] avait introduit une instance le 6 décembre 2010 radiée le 17 novembre 2011.

Par déclaration du 19 octobre 2015, elle a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 09 octobre 2015.

A l'audience du 27 octobre 2017, Mme [D] [L] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de condamner la société ACNA à lui payer la somme de 154.861,80 euros en réparation de son préjudice du fait du harcèlement moral qu'elle dit avoir subi, et celle de 2.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 6 décembre 2010 en paiement d'un rappel de salaire de 60 euros et en annulation d'une sanction disciplinaire en date du 9 novembre 2010, que cette instance a été éteinte par péremption d'instance en application de l'article 386 du code de procédure civile puisqu'aucune des parties n'a accompli de diligence pendant deux ans, mais que cela ne lui interdit pas d'agir pour des faits distincts de ceux de la première saisine.

Elle ajoute que les faits de harcèlement moral dont elle se plaint sont postérieurs au 06.12.2010, ou se sont révélés à elle après cette date.

Elle considère que l'action fondée sur le harcèlement moral se prescrit par 5 ans.

Elle se plaint d'actes de harcèlement de la part de l'employeur à partir du moment où elle a été élue déléguée du personnel le 17 février 2005, et notamment :

- des avertissements injustifiés

- deux convocations avortées à des entretiens préalables aux fins de sanction disciplinaire,

- des altercations avec ses supérieurs hiérarchiques,

- d'une interdiction qui lui a été faite, de conduire des véhicules dans le périmètre de l'aéroport d'[Localité 2].

Elle ajoute que ces agissements ont provoqué chez elle un état dépressif profond qui a entraîné une tentative de suicide et une hospitalisation, que le 2 avril 2013, la CPAM a reconnu cet état comme une maladie professionnelle, qu'elle a fait une rechute en 2014, et qu'elle aujourd'hui employée par la SA ACNA à mi-temps thérapeutique.

La société ACNA demande à la cour :

- à titre principal, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable, comme intentée en violation de la règle de l'unicité de l'instance,

- subsidiairement, de la déclarer prescrite, en application de l'article L1471-1 du code du travail,

- plus subsidiairement encore, de constater l'absence de fait de harcèlement moral et débouter intégralement l'appelante de ses prétentions,

- de condamner Mme [D] [L] au paiement d'une indemnité de 2 400 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La société ACNA fait valoir :

- que les avertissements et convocations ont été délivrés à la salariée pour des insubordinations et non-respect des consignes caractérisés et répétés, mais aussi pour des insultes et menaces de mort sur ses collègues,

- que le comportement insolent et agressif de la salariée a perduré au fil des années, malgré les sanctions prises à son encontre,

- que son refus de travailler dans un premier temps à mi-temps thérapeutique après son retour d'arrêt maladie, comme son refus de reclassement, ne permettent pas d'établir un lien de causalité entre son état dépressif et ses conditions de travail,

- que la cour, dans son appréciation des faits, n'est pas tenue par la décision de la CPAM

- que si elle a demandé le 12 août 2014 à Mme [L] de venir travailler dans une nouvelle tranche horaire, c'était en raison de la perte d'un certain nombre de marchés, et en restant dans le cadre de la modulation horaire prévue par les accords d'entreprise.

Pour le surplus de l'exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions qui ont été reprises sans ajout ni retrait à l'audience.

MOTIFS

- Sur la recevabilité

L'article R1452-6 du code du travail, dans sa version applicable à la présente instance, dispose que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elle émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une même instance. Cette règle n'est toutefois pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

Toutefois, la règle de l'unicité de l'instance résultant de ce texte n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond.

Mme [L] a initialement saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint Georges le 06 décembre 2010, de demandes de rappel de salaires de 60 euros, d'annulation d'une mesure de mise à pied du 09.11.2010, et de paiement de dommages-intérêts à hauteur de 500 euros.

Si par jugement du 17.11.2011, le conseil de prud'hommes a procédé à la radiation de cette affaire, la péremption d'instance n'a jamais été constatée. Et aucune décision n'a été rendue sur le fond.

Il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevable sur le fondement des dispositions sus-visées la demande introduite le 28 octobre 2013, et tendant l'indemnisation d'un préjudice qui serait causé par un harcèlement moral. Le jugement sera infirmé de ce chef.

- Sur la prescription

Par application de l'article L1471-1 du code du travail, si les actions portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrivent par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, ces dispositions ne sont pas applicables aux actions exercées en application de l'article L1152-1 relatif au harcèlement moral.

Le délai pour agir en réparation du préjudice causé par un harcèlement moral est donc en application de l'article 2224 du code civil, de cinq ans.

Mme [L] a intenté son action le 28 octobre 2013, et se plaint de faits de harcèlement qui se seraient selon elle déroulés jusqu'en 2013. La prescription doit être écartée.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré Mme [L] irrecevable en ses demandes.

Les parties ayant conclu sur le fond du litige, la cour, faisant application des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, évoque les points non jugés par le conseil de prud'hommes.

- Sur le fond

Par application de l'article 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi, ou refusé de subir, des actes de harcèlement moral.

L'article L1152-4 du même code oblige l'employeur à prendre toute disposition nécessaire en vue de prévenir ces agissements.

Il résulte de l'article L1154-1 du code du travail, que lorsque survient un litige relatif à l'application de ces dispositions, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant suspecter un harcèlement moral.

Il revient au juge d'apprécier sur ces éléments sont établis, et si pris dans leur ensemble, ils permettent de suspecter un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les faits présentés par la salariée comme constitutifs d'un harcèlement moral à son égard sont les suivants :

Le 13.04.2005 elle est convoquée à un entretien préalable le 25 avril 2005, puis se voit notifier le 29 avril 2005 un avertissement pour des faits d'insubordination du 28 mars 2005.

Le 14 avril 2005, elle est convoquée à un entretien préalable le 28 avril 2005 puis se voit notifier le 09 mai 2005 une mise à pied disciplinaire d'une journée pour de nouveaux d'insubordination du 29 mars 2005.

Le 18 avril 2005, elle dépose au commissariat de [Localité 3] une main courante contre deux salariées qui auraient selon elle diffusé une information fausse aux termes de laquelle elle aurait agressé et menacé verbalement sa collègue Mme [G].

Le 19 avril 2005, elle est convoquée à un entretien préalable le 03 mai 2005 pour des faits de menaces sur sa collègue [G] du 12 avril 2005, l'employeur saisissant le 03 juin 2005 l'Inspecteur du Travail d'une demande d'autorisation de licenciement, à laquelle celui-ci ne répond pas.

A compter de mai 2006, Mme [L] est suivie pour dépression nerveuse au Centre psychiatrique de [Localité 4].

Par courrier du 27.11.2007, elle se plaint auprès de la direction d'avoir été traitée de 'cloche' par Mme [B] [C], chef d'équipe, ce qui aurait provoqué chez elle une perte de connaissance. Par courriers des 15 janvier 2008 et 16 septembre 2008, elle se plaint à nouveau par courrier de ce que Mme [C] crie sur les membres de son équipe, et qu'elle est agressive.

Le 23.11.2008, Mme [L] adresse avec d'autres salariées une lettre commune à la direction des ressources humaines pour dénoncer le comportement qualifié de 'pervers, provocateur et insultant' de M. [H] assistant opérationnel.

Les 12.12.2008 et 19.01.2009 la déléguée syndicale FO avisait la direction que rien n'allait plus à ACNA Orly, que les déléguées étaient harcelées sans cesse par des lettres recommandées pour des raisons injustifiées, que les 'stormos' (appareils de communication) ne fonctionnaient pas, que les temps de repas n'étaient pas respectés, et que les salariés souffraient d'abus d'autorité

Le 23 décembre 2008, Mme [L] faisait l'objet d'un rappel à l'ordre pour n'avoir pas répondu le 23 novembre 2008, aux 10 appels qui lui ont été adressés par le régulateur.

Le 04 janvier 2009, elle indique par courrier à la direction que le matériel de communication fourni par l'entreprise était défaillant.

Le 09 janvier 2009, elle fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de deux jours, pour s'être montrée insolente et impolie lorsqu'elle a été reçue le 03 décembre 2008 en entretien disciplinaire par le directeur et son adjoint

Par courriers des 17.12.2009 et 06.02.2010 Mmes [L] et [B] se plaignent de n'avoir pas été mises en mesure, le 16.12.2009 d'accomplir correctement leur mission de nettoyage d'un avion Transavia, et d'avoir subi des reproches de leurs supérieurs alors que le retard pris était uniquement dû selon elles, à une mauvaise gestion des équipes.

Par courrier du 18.01.2010, les déléguées syndicales FO de l'entreprise dénoncent de mauvaises conditions de travail, des cadences infernales, des actes d'intimidation sur les délégués syndicaux.

Le 10 juillet 2010, Mme [L] dépose une main courante.

Le 18 août 2010, elle est convoquée à un entretien préalable du 30 août 2010 pour des faits du 03 juillet 2010, et fait l'objet d'une mise à pied d'une journée pour défaut de réponse aux appels du régulateur, et dépassement du temps d'intervention. Mme [L] conteste ces faits par courrier, au motif qu'elle devait ce jour là former un intérimaire.

Le 18 août 2011, elle est convoquée à un entretien disciplinaire du 25.08.2011, pour des faits du 27 juillet 2011, consistant à avoir laissé une poubelle dans un avion. Cet entretien n'est pas suivi d'une sanction disciplinaire. Mme [L] conteste toute faute dans un écrit du 26 septembre 2011, affirmant que M. [N] son chef de service, s'est montré agressif à son égard, donnant injustement raison contre elle, au superviseur.

Du 25.08.2011 au 01.10.2011 Mme [L] est en arrêt de travail pour dépression, et hospitalisée. Elle fait une tentative de suicide le 26.08.2011.

En mars 2013, elle ne se voit pas autorisée à conduire un véhicule sur l'aéroport d'[Localité 2]. Elle conteste cette décision par courriers des 03.03.2013 et 02.05.2013 et le comportement selon elle agressif et méprisant à son égard de Mme [W] et de M. [T], ses chefs de service. Elle dénonce une discrimination à son égard.

Le 02.04.2013 : La CPAM reconnaît sa maladie (dépression) comme professionnelle

Le 17.10.2013, elle dépose plainte pour harcèlement moral

Du 04.06.2014 au 19.11.2014, elle est en arrêt de travail pour dépression nerveuse.

Le 20 juin 2014, elle dépose plainte contre ses responsables hiérarchiques M. [F], Mme [A], Mme [W], Mme [E], et M. [T], pour harcèlement moral.

Elle reprend le travail à mi-temps thérapeutique à compter du 09.12.2014

A compter du 08.03.2016, elle a plusieurs arrêts maladie et reprend à mi-temps thérapeutique à compter du 01.09.2016.

Ces faits et notamment la multitude de sanctions disciplinaires prises à l'encontre de Mme [L] et non suivies de licenciement, conjuguées à son statut de déléguée syndicale et son mauvais état de santé psychique, pris dans leur ensemble, sont de nature à faire présumer un harcèlement moral.

Il convient néanmoins d'examiner les justificatifs fournis par l'employeur pour expliquer ses décisions.

L'ensemble des avertissements et mises à pied disciplinaires ont été motivés de façon précise, et ont été pris après que la salariée eut été entendue dans ses explications.

Ils ont tous été pris pour des faits d'insubordination, d'insolence, de non-respect des consignes par Mme [L], et du fait qu'elle s'abstient très régulièrement de répondre aux appels qui lui sont passés sur l'appareil de communication 'Storno', comme de faire fonctionner son appareil de jalons, ces appareils lui étant attribués en sa qualité de chef d'équipe.

Les écrits multiples et virulents de Mme [L] traduisent une contestation systématique de sa part non seulement des faits reprochés, mais aussi de la pertinence des instructions données, et de l'autorité de ses chefs d'équipe principaux, des régulateurs, superviseurs depuis 2005, en les accusant tous d'agressivité, et de manque de respect à son égard : Mme [G], M. [F], M. [Q], M. [T], M. [H], M. [L], Mme [U], Mme [W], Mme [A] (assistante opération).

Dès le 24 mai 2005, le comité d'établissement saisi par la direction de l'entreprise, a réalisé une enquête interne sur les faits de menaces de mort du 12 avril 2005 reprochés par Mme [G] à l'appelante. Les accusations de Mme [G] étaient accréditées par un certain nombre d'éléments, au rang desquels le témoignage d'une autre salariée Mme [V], qui a ensuite rétracté son témoignage suite aux pressions qu'elle avait reçue.

M. [Q] adjoint du directeur a témoigné le 03.12.2008, que lors de l'entretien préalable du même jour, Mme [L] n'a cessé d'interrompre le directeur M. [R] [I] qui lui indiquait d'un ton neutre ce qui lui était reproché, et qu'elle l'a qualifié 'd'insolent', alors qu'il lui faisait remarquer qu'elle était insolente.

Un certain nombre de régulateurs, superviseurs ou encadrants (M. [X] superviseur, M. [P] régulateur, M. [H] assistant opération, M. [T] agent de maîtrise régulation, Mme [W] superviseur) et de nombreux salariés témoignent dans des courriers adressés à la direction, et dans des attestations qui si elles ne respectent pas toutes les formes prescrites par l'article 202 du code de procédure civile, n'en demeurent pas moins, compte tenu de leur caractère concordant, précis et circonstancié, des éléments probants, de l'opposition systématique par Mme [L] aux règles de travail et aux instructions données : retards dans le début des tâches, refus de communication avec les régulateurs, absence de jalonnage.

Mme [D] [G], Mme [M] [I], Mme [U] [Q], Mme [J] [A] Mme [K] [P], M. [S] [L] décrivent la tension et le stress générés et entretenus en permanence par le comportement de l'appelante.

Mme [X] [Z], Mme [V] [Y], Mme [W] témoignent des menaces qu'elles ont reçues de la part de Mme [L] sur le lieu de travail, et de la tendance de celle-ci à se déclarer agressée et blessée, et à solliciter une prise en charge médicale urgente, dès lors qu'un reproche lui est fait.

Mme [A] a fait un rapport en ce sens à la direction le 04 juin 2014, à propos d'un incident au cours duquel elle a demandé à Mme [L] pourquoi elle était la seule à avoir des problèmes de jalon ou de storno, alors que ses collègues n'en n'avaient pas, et indique que l'intéressée s'est immédiatement déclarée agressée, et s'est rendue à l'infirmerie. L'ensemble des personnes présentes ce jour là, (M. [R], M.[O], Mme [HH], M. [BB], M. [KK], M. [P], Mme [F]) confirment que Mme [A] n'a ni élevé la voix ni agressé Mme [L].

Il résulte par ailleurs des courriers adressés à M. [SS] directeur, par Mme [B] [W] et M. [UU] [M], que le 28 octobre 2015, Mmes [K] et [D] [L] ont gravement insulté M. [S] [II] délégué syndical, à la sortie d'une réunion relative aux élections des représentants du personnel.

L'ensemble de ces éléments permet d'établir que les avertissements et mises à pied disciplinaires prononcés contre Mme [L] étaient justifiés de façon objective par son comportement.

Le fait que la salariée n'ait pas été licenciée ne permet pas de considérer ces sanctions comme injustifiées, puisque le 03 juin 2005, l'employeur a saisi l'Inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement, qui lui a été implicitement refusée.

Si Mme [L] s'est vue retirer son autorisation de conduire dans l'aéroport d'[Localité 2] malgré son statut de chef d'équipe, c'est parce que le médecin du travail l'a dispensée de conduite dans ses certificats d'aptitude à la reprise, le 17.10.2011 pendant deux mois. Cette interdiction de conduire des véhicules sur la piste a été reprise dans les certificats des 01.09.2016, 01.12.2016, 23.01.2017, et 03.08.2017. En mars 2013, Mme [L] a eu un nouvel arrêt de travail de 8 jours, suite à un malaise sans perte de connaissance dont elle s'est plainte après une altercation avec sa supérieure hiérarchique, mais prenait déjà à cette date un traitement médicamenteux anti-dépresseur dont elle justifie elle même. C'est donc cet état de santé, et les prescriptions du médecin du travail qui ont justifié la décision de l'employeur de ne pas lui permettre de conduire un véhicule dans l'enceinte aéroportuaire, y compris en 2013.

En octobre 2011, lorsque Mme [L] a repris le travail après une période d'arrêt de 5 semaines, les membres du CHSCT ont émis des propositions de reclassement pour elle, qu'elle a refusées.

L'ensemble des éléments du dossier ne permettent pas de considérer que l'état de santé défaillant de Mme [L] est la conséquence de ses conditions de travail.

L'employeur justifie enfin de ce qu'en 2014, il a dû modifier le planning de toutes ses équipes à [Localité 2] après la perte des marchés EASYJET, AIR PORTUGAL et CORSAIR. Il a été proposé à Mme [L] de faire connaître ses préférences parmi les nouveaux horaires. Elle a refusé ceux-ci. L'employeur lui a notifié par courrier du 28 mai 2014, qu'elle commencerait désormais à 13H30 et non plus à 15H30, et ce à compter du 16 juin 2014. Mme [L] a refusé ces nouveaux horaires, qui étaient imposés à tous les salariés, pour des motifs économiques, et liés à l'organisation de l'entreprise.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'employeur justifie que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il convient de débouter Mme [L] de toutes ses demandes.

Partie succombante, Mme [L] devra supporter les dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de condamner l'appelante, partie tenue aux dépens, à payer à l'employeur lasomme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement :

- INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges du 10 septembre 2015 ;

- DECLARE Mme [L] [AA] recevable en ses demandes ;

Evoquant les points non jugés,

- L'en DEBOUTE intégralement ;

- CONDAMNE Mme [D] [L] à payer à la SA ACNA la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE Mme [D] [L] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/10225
Date de la décision : 14/12/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/10225 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-14;15.10225 ?
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