RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 14 Décembre 2017
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10279
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section Commerce RG n° 12/12537
APPELANTE :
SAS TAÏS
sise [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 421 345 638 00371
représentée par Me Karine ASSANT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0413
APPELANTE :
SAS VEOLIA PROPRETE ILE DE FRANCE
sise [Adresse 2]
[Localité 1]
N° SIRET : 608 202 727 00301
représentée par Me Karine ASSANT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0413
INTIMEE :
SASU TFN PROPRETE ILE DE FRANCE
sise [Adresse 3]
[Localité 2]
N° SIRET : 339 718 421 00466
représentée par Me Séverine BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : P392 substitué par Me Camille MARTY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392
INTIME :
Monsieur [G] [Q]
né le [Date naissance 1] 1956 à PORT LOUIS (56290)
demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de M. [J] [A] (Délégué syndical ouvrier)
INTIME :
Syndicat CFDT FRANCILIEN PROPRETE SFP-CFDT
sis [Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par M. [J] [A] (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère
Madame Emmanuelle BESSONE, Conseillère
qui en ont délibéré
En présence de M. Félix GUINEBRETIERE, stagiaire avocat.
Greffier : Madame Marine BRUNIE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Marine BRUNIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [G] [Q] a été engagé pour une durée indéterminée à compter du 1er juillet 1993, par la société AMEXE PROPRETE, titulaire du marché portant sur l'enlèvement, le transport, le tri, la valorisation et le traitement des déchets du centre commercial des QUATRE TEMPS situé à la Défense. Il exerçait en dernier lieu les fonctions d'agent de service.
Son contrat de travail a ensuite été successivement transféré à plusieurs entreprises et notamment à compter du 1er avril 2010 à la société RENOSOL, devenue VEOLIA PROPRETE NETTOYAGE ET MULTISERVICES, puis devenue la société TFN PROPRETE IDF.
Le marché a ensuite été attribué le 1er janvier 2012, à effet au 1er août 2012, à une autre société, dont l'identité, à savoir la société VEOLIA PROPRETE IDF ou la société TAÏS, toutes deux appartenant au même groupe, est en litige.
La société TFN d'une part, la société TAÏS et la société VEOLIA PROPRETE IDF d'autre part, se sont opposées sur l'existence d'un transfert du contrat de travail de Monsieur [Q] à ces deux dernières sociétés.
En dernier lieu, Monsieur [Q] percevait un salaire mensuel brut de 2 189,30 euros.
Monsieur [Q] et le syndicat CFDT ont saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de [Localité 4], laquelle a, par ordonnance du 24 septembre 2012, mis hors de cause les sociétés VEOLIA PROPRETE IDF et TFN, dit que le contrat de travail de Monsieur [Q] avait été transféré à la société TAÏS à compter du 1er août 2012 et a en conséquence condamné cette dernière à lui payer une provision de 2 110,33 € au titre des salaires du mois d'août 2012.
Par arrêt du 12 décembre 2013, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance susvisée, sauf en ce qu'elle avait mis hors de cause la société VEOLIA PROPRETE IDF, a dit que le contrat de travail de Monsieur [Q] avait été transféré à la société TAÏS et à la société VEOLIA PROPRETE IDF à compter du 1er août 2012 et que la société TFN avait cessé d'être son employeur à compter de cette date et a condamné les sociétés VEOLIA PROPRETE IDF et TAÏS à :
- rembourser à la société TFN PROPRETE IDF les salaires versés postérieurement au 1er août 2012,
- à titre provisionnel, à payer à Monsieur [Q] la somme de 500 € au titre de son salaire du 1er au 18 novembre 2012,
La cour a également ordonné à Monsieur [Q] de restituer à la société TAÏS la somme de 2 110,33 € qu'elle avait réglée au titre de l'exécution provisoire et condamné les sociétés VEOLIA PROPRETE IDF et TAÏS à :
- assurer à Monsieur [Q] la contrepartie d'habillage et de déshabillage à raison de deux fois 5 minutes par jour et de douche à raison de 10 minutes par jour, du 19 novembre 2012 au 31 octobre 2013,
- payer au syndicat CFDT FRANCILIEN PROPRETE la somme provisionnelle de 1 000 € sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail,
- remettre à Monsieur [Q] un avenant à son contrat de travail,
- payer à Monsieur [Q] , à la société TFN PROPRETE IDF et au syndicat CFDT FRANCILIEN PROPRETE des indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés TAÏS et VEOLIA PROPRETE IDF ont exécuté l'ordonnance de la formation de référé et l'arrêt du 12 décembre 2013.
Par arrêt du 4 novembre 2015, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt.
Entre-temps, le 16 novembre 2012, les société TAÏS et VEOLIA PROPRETE IDF ont saisi au fond le conseil de prud'hommes de [Localité 4] afin qu'il soit jugé qu'aucun transfert conventionnel, légal ou volontaire ne pouvait leur être imposé, que seule la société TFN était l'employeur de Monsieur [Q] et ont formé des demandes en paiement afférentes.
Par jugement du 17 juin 2014 notifié le 18 septembre 2014, le conseil de prud'hommes de [Localité 4] a débouté les société TAÏS et VEOLIA PROPRETE IDF de l'ensemble de leurs demandes et la société TFN, ainsi que le syndicat CFDT FRANCILIEN PROPRETE de leurs demandes reconventionnelles.
Les société TAÏS et VEOLIA PROPRETE IDF ont interjeté appel de cette décision le 26 septembre 2014.
Lors de l'audience du 26 octobre 2017, les sociétés VEOLIA PROPRETE IDF et TAÏS demandent à la cour de
- 'prononcer l'annulation du transfert du contrat de travail Monsieur [Q]' ordonné par la formation de référé du conseil de prud'hommes,
- de déclarer que la société TFN PROPRETE IDF est l'unique employeur de Monsieur [Q]
- d'ordonner à la société TFN PROPRETE IDF, sous astreinte de 500 € par jour de retard, la reprise immédiate de ce contrat de travail à compter rétroactivement du 1er août 2012
- d'ordonner à la société TFN PROPRETE IDF, sous astreinte de 100 € par jour de retard, de rembourser à la société TAÏS les sommes correspondant aux salaires versés à Monsieur [Q] postérieurement au 1er août 2012, en exécution de l'arrêt du 12 décembre 2013
- d'ordonner à la société TFN PROPRETE IDF de payer à la société TAÏS la somme de 45 863,56 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier
- d'ordonner à la société TFN PROPRETE IDF de payer à la société TAÏS et à la société VEOLIA PROPRETE IDF la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil
- d'ordonner à Monsieur [Q] de rembourser à la société TAÏS, sous astreinte de 20 € par jour de retard, la somme provisionnelle de 500 € allouée dans le cadre de l'exécution de l'arrêt du 12 décembre 2013, correspondant aux salaires du 1er au 18 novembre 2012
- d'ordonner à Monsieur [Q] de rembourser à la société TAÏS, sous astreinte de 20 € par jour de retard, la somme provisionnelle de 150,56 € correspondant à la contrepartie d'habillage, déshabillage et douche pour la période du 19 novembre 2012 au 31 octobre 2013, allouée dans le cadre de l'exécution de l'arrêt du 12 décembre 2013
- d'ordonner au syndicat CFDT FRANCILIEN PROPRETE de rembourser à la société TAÏS, sous astreinte de 20 € par jour de retard, la somme de 1 000 €, allouée dans le cadre de l'exécution de l'arrêt du 12 décembre 2013 sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail
- de condamner solidairement Monsieur [Q], le syndicat CFDT FRANCILIEN de PROPRETE et la société TFN PROPRETE IDF à payer à la société VEOLIA PROPRETE IDF et à la société TAÏS une indemnité de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens
- d'ordonner le paiement des intérêts au taux légal.
Au soutien de leurs demandes, les sociétés VEOLIA PROPRETE IDF et TAÏS exposent :
- que le contrat de travail de Monsieur [Q] ne leur a pas été transféré, car la société TFN PROPRETE IDF, entreprise sortante, dépend de la convention collective des entreprises de propreté, alors que la société TAÏS, entreprise entrante, n'exerce pas la même activité et dépend de la convention collective des activités du déchet
- que la société VEOLIA PROPRETE IDF, qui n'est pas co-employeur avec la société TAÏS, dépend en tout état de cause également de la convention collective des activités du déchet
- que les intimés confondent la société VEOLIA PROPRETE IDF avec la société VEOLIA PROPRETE NETTOYAGE ET MULTISERVICES, entreprise sortante, qui est devenue la société TFN PROPRETE IDF
- que seul doit être pris en compte le critère de l'activité principale exercée par l'entreprise pour déterminer la convention collective applicable
- que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'appliquent pas en l'espèce car aucun élément d'exploitation n'a été transféré lors du changement de prestataire
- que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'ont pas fait l'objet d'une application volontaire
- que la société TFN PROPRETE IDF a eu une attitude fautive à leur égard
- que les demandes formées par Monsieur [Q] à leur encontre ne sont pas fondées.
La société TFN PROPRETE IDF demande à la cour de confirmer le jugement et de lui 'allouer' une indemnité de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir :
- que c'est en réalité à la société VEOLIA PROPRETE IDF que le marché en cause a été attribué et qu'elle a été co-employeur de Monsieur [Q] avec la société TAÏS
- que la société VEOLIA PROPRETE IDF relève de la convention collective des entreprises de propreté
- qu'en tout état de cause, le contrat de travail de Monsieur [Q] a été transféré par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail
- que les demandes pécuniaires formées à son encontre par les sociétés VEOLIA PROPRETE IDF et TAÏS ne sont en tout état de cause pas fondées.
Monsieur [Q] demande la condamnation de la société VEOLIA PROPRETE IDF à :
- poursuivre son contrat de travail, sous astreinte de 400 € par jour de retard
- lui fournir un avenant à son contrat de travail, conforme aux dispositions de l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté, sous astreinte de 400 € par jour de retard
- lui payer la somme de 7 382,43 €, congés payés compris, à titre de rappel de salaires
- lui payer la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail
- lui remettre des bulletins de paie conformes, sous astreinte de 200 € par pièce et par jour de retard
- lui payer la somme de 5 593,62 € à titre de la contrepartie d'habillage et de déshabillage
- lui payer une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, Monsieur [Q] fait valoir que les dispositions de la convention collective des entreprises de propreté doivent s'appliquer et que la société VEOLIA PROPRETE IDF, à qui le marché en cause a été attribué, lui avait alors frauduleusement proposé la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée sans reprise de son ancienneté, proposition qu'il a refusée.
Le syndicat CFDT FRANCILIEN de PROPRETE soutient une argumentation similaire à celle de Monsieur [Q] et demande la condamnation de la société VEOLIA PROPRETE à lui payer la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail, ainsi qu'une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la détermination de l'entreprise attributaire du marché
La société TAÏS produit un extrait du contrat conclu le 1er février 2012 avec le syndicat de copropriété du centre commercial 'LES QUATRE TEMPS', la désignant comme seule attributaire du marché.
Cependant, tous les courriers envoyés par la société TAÏS à la société TFN PROPRETE IDF ou à la CFDT et relatifs au sort des salariés employés au traitement des déchets du centre commercial en cause, mentionnent également la société VEOLIA PROPRETE IDF en en-tête.
Par lettre du 9 août 2012 ces deux sociétés expliquaient à la société TFN PROPRETE IDF que le marché avait été attribué à la société VEOLIA PROPRETE IDF, que cette dernière n'avait aucune obligation de reprise du personnel mais qu'elle serait néanmoins disposée à les embaucher à ses propres conditions contractuelles.
Les sociétés VEOLIA PROPRETE IDF et TAÏS produisent des contrats de travail à durées indéterminées conclus entre cette dernière et plusieurs salariés ayant accepté de nouvelles conditions d'embauches.
Cependant, les bulletins de paie établis à la suite de l'ordonnance de référé du 24 septembre 2012 mentionnent à la fois le nom de la société TAÏS et de la société VEOLIA PROPRETE IDF et les salariés concernés portaient des vêtements de travail portant le logo 'VEOLIA Propreté'.
Il résulte de ces considérations que les sociétés VEOLIA PROPRETE IDF et TAÏS, d'ailleurs dirigées par la même personne, dont les sièges sociaux sont situés à la même adresse et qui appartiennent au même groupe, doivent toutes deux être considérées comme attributaires du marché en cause.
Sur la détermination de la convention collective applicable à la société VEOLIA PROPRETE IDF
Aux termes de l'article L. 2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur.
L'extrait du registre du commerce et des sociétés de la société VEOLIA PROPRETE IDF mentionne comme objet social : 'débarquement marchandises, fabrication engrais, fumur (sic) , enlèvement DI et OM, exploitation de décharges, commissionnaire de transport'
Le code d'activité de la société VEOLIA PROPRETE IDF est le 3811Z, correspondant à la 'collecte des déchets non dangereux'. Il en est d'ailleurs de même de la société TAÏS.
Le marché en cause est relatif à l'enlèvement, au transport, au tri, à la valorisation et au traitement des déchets du centre commercial.
C'est ainsi que la société VEOLIA PROPRETE IDF (comme la société TAÏS) revendique l'application de la convention collective du déchet, laquelle, aux termes de son article 1.1, relatif au champ d'application, prévoit que :
'La présente convention [...] règle sur le territoire métropolitain [...] les rapports et les conditions de travail entre employeurs et salariés dans les entreprises exerçant une ou plusieurs des activités du déchet et de la propreté urbaine ainsi définies :
a) Tous types de collecte, d'enlèvement et d'acheminement de déchets de toute nature (déchets ménagers et assimilés, déchets industriels banals ou spéciaux, déchets des activités de soins, déchets ménagers spéciaux, boues ...) ;
b) Toutes opérations de tri, de regroupement des déchets visés ci-dessus (exploitation de déchetteries, d'unités de tri en vue de valorisation, de transferts, de centres de regroupement ..) ;
c) Toutes opérations pratiquées sur les déchets visés ci-dessus en vue de leur valorisation, de leur traitement ou de leur élimination (exploitation d'unités de broyage, de compostage, de traitement biologique, d'incinération, de stabilisation, de décharge, de stockage...) ;
d) Tous services de nettoiement de voirie, d'infrastructures urbaines, de places, d'espaces verts, de sites naturels, de curage des fossés et des égouts (1) (par aspiration, balayage, lavage, salage, sablage et déneigement ...).
Ces activités sont référencées entre autres dans la nomenclature d'activités française (NAF), et pour l'essentiel dans les classes 90.0 A, 90.0 B et 90.0 C. Sont exclues notamment les classes 37.1.Z et 37.2.Z.'.
Cependant, la société VEOLIA PROPRETE IDF produit elle-même les rapports d'activité au conseil d'administration de son président, qui mentionnent en 2011 : '[...] Veolia Propreté occupe en 2011 le premier rang sur le marché de la propreté et du recyclage [...]' et en 2012 : '[...] Veolia Propreté occupe en 2012 le deuxième rang sur le marché de la propreté et du recyclage [...]'.
L'article 1.1 de la convention collective des entreprises de propreté, relatif au champ d'application, prévoit que :
'La présente convention collective s'applique aux employeurs et aux salariés des entreprises et établissements :
-exerçant sur le territoire français [...]
- ayant une activité de nettoyage de locaux classée dans la nomenclature NAF, sous le code 74-7Z, y compris les activités de nettoyage à l'occasion de remise en état
- et/ou de nettoyage à domicile de moquettes, tapis, tentures et rideaux relevant du code 93-0A
En conséquence son exclus du champ d'application les établissements ou entreprises ayant pour activité :
- la désinfection, la désinsectisation et la dératisation
- le ramonage'.
L'article 5 - chapitre II de l'annexe 1 relative aux classifications d'emploi, de cette même convention collective des entreprises de propreté dresse une 'liste des activités' ainsi libellée :
' La liste suivante présente à titre indicatif les grands types d'activités présentes dans les entreprises de propreté et qui servent de support au positionnement sur la grille des rémunérations.
Activités classées dans la propreté :
Activité de propreté des locaux, espaces et moyens de transport, à titre d'exemple : locaux administratifs, tertiaires, industriels, commerciaux et d'habitation et d'hôtellerie, vitres intérieures-extérieures, balcons, enseignes, façades d'immeubles, stades, équipements collectifs, foires, expositions, voiries, signalétiques, matériel urbain, parkings, gares et aérogares (hors champ d'application de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes), ramassage, tri et collecte de déchets sur site, environnement, propreté des moyens de transport [...]'.
Cette disposition, même expressément qualifiée d'indicative et ne figurant pas dans le chapitre relatif au champ d'application de la convention collective, manifeste néanmoins la volonté des partenaires sociaux d'inclure le ramassage, le tri et la collecte de déchets sur site parmi les activités qu'elle vise.
Il résulte de ces considérations que l'activité principale exercée par la société VEOLIA PROPRETE IDF relève de l'application des deux conventions collectives.
En application des dispositions des articles L. 2251-1 et suivants du code du travail, Monsieur [Q] est donc fondé à demander l'application de la convention collective de son choix, soit en l'espèce, celle des entreprises de propreté.
Sur le transfert du contrat de travail de Monsieur [Q]
Il résulte des dispositions des articles 7-1 et suivants de la convention collective de la propreté, qu'en cas de succession, sur un même site, de prestataires entrant dans le champ d'application de cette convention, le transfert des contrats de travail des salariés remplissant des conditions, notamment d'ancienneté, s'effectue de plein droit.
En l'espèce, le fait que Monsieur [Q] remplisse ces conditions n'est pas contesté.
Par conséquent, le contrat de travail de Monsieur [Q] a été transféré le 1er août 2012, date d'effet du nouveau contrat de prestation de service conclu avec la société TAÏS et le jugement du conseil de prud'hommes doit être confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés VEOLIA PROPRETE IDF et TAÏS de leurs demandes tendant à voir juger qu'aucun transfert ne pouvait leur être imposé et que seule la société TFN était l'employeur de Monsieur [Q] et en ce qu'il a débouté ces deux sociétés de leurs demandes de remboursement de salaires versés.
Les sociétés VEOLIA PROPRETE IDF et TAÏS doivent donc également être déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts formées en cause d'appel.
Sur les demandes formées par Monsieur [Q]
Il convient de débouter Monsieur [Q] de sa demande tendant à ordonner la poursuite de son contrat de travail sous astreinte, dès lors que cette poursuite s'est exécutée en exécution de l'ordonnance de référé, confirmée par la cour d'appel et qu'il a démissionné à effet au 31 mars 2016.
Il convient de le débouter de sa demande de remise d'un avenant à son contrat de travail conforme aux dispositions des articles 7-1 et suivants de la convention collective de la propreté, cette demande ne présentant plus aucun intérêt, puisqu'il a quitté l'entreprise le 31 mars 2016.
Il ne résulte pas des bulletins de salaire produits par Monsieur [Q] que celui-ci ait subi une perte de salaire à la suite du transfert de son contrat de travail auprès des sociétés TAÏS et VEOLIA PROPRETE IDF. Il doit donc être débouté de sa demande de rappel de salaires, de congés payés afférents et de remise de bulletins de paie conformes formée en cause d'appel.
Monsieur [Q] ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de la société VEOLIA PROPRETE IDF, alors que cette dernière a exécuté l'ordonnance de référé du 24 septembre 2012. Il doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à cet égard.
Aux termes de l'article L. 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière
Aux termes de l'article R. 3121-2 du même code, en cas de travaux insalubres et salissants, le temps passé à la douche est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être pris en compte dans le calcul de la durée du travail effectif.
En l'espèce, la société TAÏS versait à ses salariés, dont Monsieur [Q] , une prime 'HDD' (habillage, déshabillage, douche), correspondant à 15 minutes par jour.
Elle ne peut donc prétendre, ainsi qu'elle le fait, que Monsieur [Q] n'était pas tenu de revêtir une tenue de travail et qu'il n'effectuait pas des travaux insalubres et salissants et ce d'autant moins qu'il produit des photographies de salariés revêtus d'une parka et d'un pantalon portant le logo 'VEOLIA PROPRETE'.
L'enfilage de la tenue en début de journée de travail ne nécessitant pas un déshabillage complet, le temps total consacré à la douche, à l'habillage et au déshabillage doit être fixé à 20 minutes par jour, soit 5 minutes par jour travaillé de plus que ce qu'il a perçu.
A titre de la période du 19 novembre 2012 au 31 mars 2016, il est donc fondé à percevoir la somme de 763 euros ([11,59 € x 5 mn : 60 mn] x 158 semaines x 5 jours
Il convient donc de faire droit à cette demande formée en cause d'appel.
Sur la demande de remboursement formée par les sociétés VEOLIA PROPRETE IDF etTAÏS au titre de la douche, de l'habillage et du déshabillage
Les sommes accordées dans le cadre de l'instance en référé correspondant à 20 minutes quotidiennes, ces sociétés doivent être déboutées de cette demande.
Sur la demande du syndicat CFDT
Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
En l'espèce, le refus injustifié de la société VEOLIA PROPRETE IDF d'accepter le transfert du contrat de travail de Monsieur [Q] pose un problème général d'application de la convention collective de la propreté et cause au syndicat CFDT un préjudice qu'il convient d'évaluer à 1 000 euros, somme déjà accordée dans le cadre de l'instance en référé.
Sur les frais hors dépens
Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société VEOLIA PROPRETE IDF à payer des indemnités destinées à couvrir les frais non compris dans les dépens que les intimés ont dû engager pour assurer la défense de leurs intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 500 euros pour la société TFN PROPRETE IDF, 500 euros pour Monsieur [Q] et 200 euros pour le syndicat.
L'équité ne commande pas qu'il soit plus amplement fait application de ces dispositions
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au secrétariat-greffe,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la société VEOLIA PROPRETE IDF à payer à Monsieur [G] [Q] la somme de 763 euros au titre de la contrepartie de la douche, habillage et déshabillage
Condamne la société VEOLIA PROPRETE IDF à payer au syndicat CFDT FRANCILIEN de PROPRETE la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et dit que cette condamnation se substitue à celle de même montant, prononcée le 12 décembre 2013 à titre provisionnel par la cour d'appel de Paris, statuant en référé.
Condamne la société VEOLIA PROPRETE IDF à payer, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, des indemnités de 500 euros à la société TFN PROPRETE IDF, de 500 euros à Monsieur [G] [Q] et de 200 euros au syndicat CFDT FRANCILIEN de PROPRETE.
Déboute les parties de leurs plus amples demandes
Condamne in solidum les société VEOLIA PROPRETE IDF et TAÏS aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT