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11/12/2017 | FRANCE | N°16/22222

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 4, 11 décembre 2017, 16/22222


Copies exécutoires délivrées

aux parties le

République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 4



ORDONNANCE DU 11 DECEMBRE 2017



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/22222 auquel est joint le RG 16/22238



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Septembre 2016 du Tribunal de Commerce de PARIS



Nature de la décision : Contradictoire



NOUS, Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente de chambre, agissant par délégation du P

remier Président de cette Cour, assistée de Sonia DAIRAIN, Greffière.



Statuant sur le recours formé par :



SAS MAISON DU 13E

prise en la personne de son repr...

Copies exécutoires délivrées

aux parties le

République française

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 4

ORDONNANCE DU 11 DECEMBRE 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/22222 auquel est joint le RG 16/22238

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Septembre 2016 du Tribunal de Commerce de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Sonia DAIRAIN, Greffière.

Statuant sur le recours formé par :

SAS MAISON DU 13E

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée à l'audience par Me TOURNAIRE, avocat au barreau de Clermont Ferrand

SA BRICOMAN

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée à l'audience par Me François VERDOT de la SCP ATALLAH COLIN JOSLOVE MARQUE MICHEL et Autres, avocat au barreau de PARIS, toque : P0008

DEMANDERESSES

contre

Monsieur [R] [E] (expert)

[Adresse 5]

[Adresse 2]

Monsieur [Q] [K] (expert)

[Adresse 6]

[Adresse 7]

Monsieur [K] [Z]

[Adresse 8]

[Adresse 2]

Représentés à l'audience par Me Laurent DEVAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B 522

DEFENDEURS

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 06 Novembre 2017 :

Vu l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Paris du 12 octobre 2011 ayant désigné en qualité d'expert M. [Y] [I], remplacé par M. [R] [E] par ordonnance du 25 octobre 2011, dans un litige opposant la SA BRICOMAN à la SAS LA MAISON DU 13° et à la SA COFITEM-COFIMUR ;

Vu le rapport de l'expert M. [R] [E] déposé le 31 août 2016 et sa demande de rémunération d'un montant total de 145.833,33 € HT soit 175.000 € TTC , incluant la rémunération de ses deux sapiteurs, M. [R] [K], sapiteur technique, d'un montant de 23.077,14 € HT et M. [K] [Z], sapiteur financier, d'un montant de 57.425,55 € HT ;

Vu l'ordonnance rendue le 15 septembre 2016 par le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction au tribunal de commerce de Paris qui a fixé à 175.000€ TTC le montant de la rémunération de l'expert M. [R] [E], autorisé ce dernier à se faire remettre par le greffe la somme de 127.307,43 € prise sur la consignation versée par la SA BRICOMAN et ordonné, s'il y a lieu, la restitution de l'excédent de consignation ;

Vu le recours formé par la SAS MAISON DU 13° et enregistré au greffe de la cour d'appel le 2 novembre 2016 sous le RG 16/22222 pour contester sur le fondement de l'article 724 du code de procédure civile le montant des honoraires d'expertise et voir juger que faute de justifications dûment apportées, le nombre d'heures, hors réunions d'expertise et temps de trajet de l'expert judiciaire et de ses sapiteurs devra être réduit dans de plus justes proporitions et au moins de 50% ;

Vu le recours formé par la SA BRICOMAN et enregistré au greffe de la cour d'appel le 3 novembre 2016 sous le RG 16/22238 pour contester le montant des honoraires d'expertise et voir juger que faute de justifications dûment apportées, le nombre d'heures de l'expert M. [E] et de son sapiteur M. [Z], hors réunions d'expertise et temps de trajet sera réduit dans de plus justes proporitions et au moins de 50% ;

Vu les actes de dénonciation de ces recours aux parties ;

Vu les convocations des parties pour l'audience du 6 novembre 2017 ;

Vu les articles 714 à 718 du code de procédure civile;

Vu les observations orales des parties et de l'expert ;

A l'audience, la SAS MAISON DU 13°, représentée par son conseil, a, au visa des dispositions des articles 31, 32, 284, 724 du code de procédure civile , demandé au magistrat délégué par le Premier Président de la cour d'appel pour statuer de :

- déclarer irrecevables les demandes formées par Messieurs [K] et [Z],

- déclarer recevable et bien fondée sa demande formée à l'encontre de la décision rendue par M. le Président du tribunal de commerce de PARIS, du 15 septembre 2016, taxant les honoraires de M. [E] à la somme de 175.000 € TTC, .

- dire et juger que faute de justifications dûment apportées, le nombre d'heures, hors réunions d'expertise et temps de trajet, de l'expert judiciaire et de ses sapiteurs devra être réduit dans de plus justes proportions et au moins de 50% ;

Au soutien de ses demandes, elle a notamment fait valoir :

- que les deux sapiteurs n'ont pas qualité à agir et qu'ils sont irrecevables en leur contestation ;

- que le cumul des heures de travail de M. [K] avec celles de M. [E] parait hors de proportion avec la technicité et la difficulté technique posées dans ce dossier,

- qu'aucune démonstration ou recherche n'est possible sur le chiffrage du nombre d'heures de travail décomptées,

- que le coût de la location d'une salle de réunion fixée à 3.974 € parait, sauf meilleur justificatif, quelque peu élevé pour deux réunions,

- que sauf justification, étayée de pièces, apportée par les experts, il conviendra de considérer que le nombre d'heures de travail facturé n'est pas en rapport avec le présent dossier, sa complexité et la nature du problème posé,

- qu'en tout état de cause, et quelle que soit la décision rendue, aucune somme au titre des frais irrépétibles ne saurait être mise à la charge des parties requérantes ;

La SA BRICOMAN, représentée par son conseil, a demandé au magistrat délégué par le Premier Président de la cour d'appel pour statuer au visa des dispositions des articles 233, 278, 284 et 724 du code de procédure civile de :

- déclarer recevable et bien fondée sa requête formée à l'encontre de l'ordonnance rendue le 15 septembre 2016 par M. le président du tribunal de commerce de PARIS taxant les honoraires de M. l'expert [R] [E] à la somme de 175.000 € ;

- dire et juger que faute de justifications dûment apportées, le nombre d'heures de M. l'expert [R] [E] et de M. le sapiteur [K] [Z], hors les heures de réunion et de trajet, seront réduits à de plus justes proportions et au moins de 50% ;

-condamner in solidum M. l'expert [R] [E] et M. le sapiteur [K] [Z] à lui payer la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum M. l'expert [R] [E] et M. le sapiteur [K] [Z] aux dépens de l'instance ;

La SA BRICOMAN a précisé qu'elle ne conteste pas les honoraires demandés par le sapiteur technique M.[Q] [K] et a notamment soutenu à l'appui de sa contestation :

- que l'expert [E] s'est totalement déchargé de sa mission technique sur M. [K], en contravention flagrante avec les dispositions du code de procédure civile,

- que le nombre d'heures facturées par l'expert [E] apparaît excessif compte-tenu de la problématique technique de l'expertise qui a été en majorité déléguée à M. le sapiteur [K] et de la problématique financière de l'expertise qui a été déléguée à M. le sapiteur [Z],

- que certains frais facturés manquent de justification (Timbre et téléphone : 561 €, Secrétariat : 5.158 €, Ouverture dossier ' Copies ' CD ' Photos : 1.291 €,

- que la location d'une salle de réunion à deux reprises (coût total 3.974 €) aurait pu être évitée alors même qu'il aurait pu solliciter les Parties, et notamment la société BRICOMAN et de son Conseil, basé à PARIS, pour obtenir la mise à disposition gracieuse de salles de réunion adéquates,

- que les honoraires de M. le sapiteur financier [K] [Z] estimés à la somme de 68.910,00 € TTC, soit 40% du coût total des frais d'expertise pour un total de 395 heures ou vacations est également contestable ,

- que la rédaction de sa note aux parties n°4 du 21 janvier 2015 a nécessité 5 vacations alors qu'une note n°3 avait d'ores et déjà été établie le 17 novembre 2014 et qu'aucun document n'avait été transmis par les parties postérieurement à cette date,

- que le sapiteur financier fait état de 45 vacations pour l'étude de documents entre le 22 janvier 2015 et 13 mars 2015 et que cette étude de documents a donné lieu à l'émission d'une note n°5 le 2 mai 2015, elle-même ayant nécessité 32 vacations de rédaction,

- qu'au total, l'élaboration de cette note n°5 aurait nécessité 77 vacations ce qui parait très excessif au regard de l'analyse développée par M. le sapiteur financier [K] [Z], notamment dans la mesure où il rejette la majeure partie de la documentation transmise par la société BRICOMAN au motif principal que celle-ci serait anonyme,

- que le 16 mars 2015, le sapiteur financier indique 4 vacations sans mentionner d'autres détails au titre du « Dire de Maitre Tournaire Note n°2 MMB »,

- qu'elle s'interroge sur les prestations accomplies le 22 mai 2015 par le sapiteur [Z] quant au descriptif « Dire de Me Tournaire note n°3 MMB », qui a nécessité 3 vacations et sur la préparation le 25 mai 2015 de la réunion d'expertise du 27 mai suivant, qui a nécessité 4 vacations supplémentaires étant entendu que l'étude des documents et la rédaction de la note n°5 avaient d'ores et déjà nécessité 77 vacations, en ce non compris les 7 vacations pour « Dire de Me Tournaire Note n°2 et Note n°3 MMB » dont rappelons pour ce dernier point, l'on ignore la teneur des diligences accomplies,

- qu'entre le 12 octobre 2015 et le 28 octobre 2015, 54 vacations ont été consacrées par le sapiteur financier [K] [Z] à la rédaction d'une note n°7 adressée le 26 octobre 2015, étant entendu que celle-ci n'est qu'une synthèse des notes précédentes n°5 et 6,

- qu'entre le 14 décembre 2015 et le 23 décembre 2015, c'est encore sans la moindre explication que M. le sapiteur Financier [K] [Z] a consacré 42 vacations à l'analyse des documents transmis par la société demanderesse BRICOMAN pour n'en tirer aucune autre conclusion pertinente, refusant d'ailleurs et encore d'en procéder à l'analyse pour certains d'entre eux aux motifs qu'ils seraient « anonyme »,

- qu'enfin, la rédaction de la note de synthèse établie entre les 4 janvier et 15 janvier 2016 aurait nécessité 69 vacations, de sorte qu'en prenant en compte les 42 vacations pour l'étude des documents transmis par BRICOMAN, cette note aurait nécessité au total 111 vacations alors même que les conclusions de M. le sapiteur Financier [K] [Z] n'ont pas été profondément modifiées puisqu'il s'agit de la reprise de la note n°7 avec quelques détails en plus,

- qu'en outre, après rédaction de sa note de synthèse valant rapport, le sapiteur financier [Z] a encore facturé 63 vacations en deux semaines, sur la période du 15 au 29 février 2016, dont :

- 24 vacations pour « Examen du Dire du Cabinet MMB » et 14 vacations pour « Examen du Dire du cabinet FRANKLIN », soit au total 38 vacations, soit près de 5 jours entiers de travail, pour l'examen de deux Dires et alors que son rapport avait déjà été déposé,

- 16 vacations pour « Rédaction d'un complément de rapport » qui reprend en réalité dans sa quasi-totalité l'examen des Dires cités plus haut et déjà facturés (cf. Note aux Parties n°37 et annexes),

- que le temps consacré par le sapiteur financier [K] [Z] à cette expertise présente donc de nombreux doublons ainsi que des incohérences patentes,

- qu'en conséquence, elle souhaite obtenir une justification plus détaillée sur les temps consacrés par M. l'expert [E] et M. le sapiteur Financier [K] [Z] sur ce dossier et à défaut d'explications objectives, la modification par votre juridiction du montant des honoraires de chacun, voire leur suppression lorsque les compétences de l'expert par rapport à la mission ne sont pas rapportées ;

Les experts M. [R] [E], M. [K] [Z] et M. [Q] [K] tous trois intimés et assistés par leur conseil, ont demandé au magistrat délégué par le Premier Président de la cour d'appel de:

- prononcer la jonction des dossiers RG n°16/22222 et 16/22238 ;

- débouter les sociétés MAISON DU TREIZIEME et BRICOMAN de l'ensemble de leurs prétentions,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fixé le montant de la rémunération de l'Homme de l'Art à la somme de 175.000 € TTC ,

- condamner la société MAISON DU TREIZIEME à leur payer la somme de 1.500,00 € à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société BRICOMAN à leur payer la somme de 1.500,00 € à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamner les sociétés BRICOMAN et MAISON DU TREZIEME en tous les dépens.

Au soutien de leur défense, Messieurs [R] [E], [K] [Z] et [Q] [K] représentés par leur conseil ont notamment indiqué :

- que la difficulté du dossier qui provenait de la coexistence de plusieurs difficultés techniques (chauffage et fissuration du sol) a été augmentée du fait l'absence de communication de certaines pièces par les parties,

- qu'ainsi, la société MAISON DU TREIZIEME s'est toujours opposée à la communication des plans des bâtiments et des notes de calculs d'origine, de sorte qu'ils ont été contraints de réaliser des investigations qui auraient été inutiles si les pièces avaient été transmises et qui ont pris du temps,

- qu'elle a tout fait pour tenter d'imposer une méthode de reprise des désordres (fissures) innovante (et non classique comme elle le prétend aujourd'hui), qui ne rencontrait pas leur accord de sorte qu'ils ont dû s'atteler à l'étude de cette technique, à sa mise en 'uvre et ses conséquences, dans la mesure où l'une des parties n'évoquait que cette technique et qu'il leur revenait d'y répondre,

- qu'il est également délicat de mener l'étude du volet financier et comptable d'une expertise, lorsque les pièces justificatives du préjudice invoqué ne sont pas transmises, ou le sont de manière anonyme ou lorsqu'une partie (BRICOMAN) invoque le secret des affaires pour refuser de transmettre certains éléments justifiant des coûts annoncés,

- que le travail est également compliqué lorsque certains éléments techniques sont transmis par les parties après la diffusion de la note de synthèse des sapiteurs et sont de nature à modifier ses conclusions (il en a été ainsi pour la situation financière et comptable), alors même que, naturellement, ils auraient pu être transmis en cours d'expertise,

- que c'est grâce au travail de l'expert qu'une solution aux désordres a pu être validée, ce que les parties n'étaient pas parvenues à faire,

- que concernant les fissurations (et affaissement du sol), il ne s'agissait pas uniquement d'en déterminer la cause, mais également et surtout de déterminer le mode réparatoire,

- que si l'on additionne le nombre de pages du rapport d'expertise de M. [E], le nombre de pages du rapport de M. [Z] et le nombre de pages du rapport de M. [K], ce sont alors plus de 200 pages de rapport qui ont été rédigées, auxquelles s'ajoutent les 38 notes aux parties de M. [E], les 17 notes aux parties de M. [K] et les 6 notes aux parties de M. [Z] ainsi que pour l'expert et chacun de ses sapiteurs une note de synthèse, M. [Z] étant même contraint de rédiger un rapport complémentaire - les parties adressant de nouvelles pièces comptables après la rédaction de son rapport ' pour émettre un avis sur les observations de la MAISON DU TREIZIEME sur les pièces communiquées par BRICOMAN à la suite de la note de synthèse,

- que chacune des heures décomptées par les trois techniciens a été consacrée à ce dossier,

- que ce temps important est justifié par l'analyse de l'ensemble des éléments transmis (plus de 4.000 pages techniques) et les explications des parties,

- que les détails journaliers démontrent le temps passé par les Hommes de l'Art, réparti sur 4 années,

- qu'en aucune façon il se serait agi de passer plusieurs semaines d'affilée sur ce dossier,

- que le coût de la location de salle évoqué pour 3.974 € ne concerne pas uniquement la location d'une salle (pour 7 réunions), mais également les frais de déplacement de M. [E] pour 5 réunions à Sausheim (train AR Paris - Strasbourg, puis la location d'un véhicule pour le trajet Strasbourg ' Sausheim),

- que la société MAISON DU TREIZIEME a refusé que les réunions se tiennent dans une salle mise à disposition par la société BRICOMAN ce qui l'a contraint à louer une salle de réunion,

- qu'au-delà du secrétariat de l'expert de justice, les techniciens sont seuls pour réaliser la mission,

- qu'eu égard au nombre d'éléments échangés dans ce dossier (38 notes, une note de synthèse, un rapport), les convocations, les innombrables mails et lettres, les frais de timbres et de téléphone (parfaitement justifiés par M. [E] dans son état journalier de diligences) est parfaitement limité ;

MOTIFS

Considérant qu'il convient tout d'abord, sur le fondement de l'article 367 du code de procédure civile, de prononcer la jonction des procédures connexes enregistrées sous les numéros 16/22222 et 16/22238 sous le premier numéro ;

Considérant que la recevabilité du recours de la société MAISON DU TREIZIEME et de la société BRICOMAN n'est pas discutée ;

Sur le fond, vu les articles 714 à 718 et 724 du code de procédure civile, considérant qu'en vertu de l'article 284 du code de procédure civile, le juge fixe la rémunération de l'expert en fonction notamment des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni ;

Que la qualité technique du rapport d'expertise et sa pertinence relèvent de l'appréciation de la juridiction appelée à statuer sur le fond du dossier et non du juge chargé de l'évaluation du coût de l'expertise ;

Considérant qu'au moment de sa désignation, la société BRICOMAN invoquait des problèmes de chauffage ainsi que l'apparition de fissures au sol du magasin ; qu'il ne saurait dès lors être fait grief à l'expert M. [E], ingénieur qui s'est spécialisé en thermique et qui a de ce fait examiné le désordre affectant le chauffage, d'avoir choisi d'une part un sapiteur dans le domaine du génie civil pour examiner les fissurations du sol et d'autre part un sapiteur expert-comptable chargé de donner un avis surle préjudice financier important invoqué ; que sa démarche est conforme à l'article 278 du code de procédure civile ;

Considérant que la société MAISON DU TREIZIEME et la société BRICOMAN font valoir que le nombre d'heures total décompté dans ce dossier par l'expert M. [R] [E] et ses sapiteurs n'est pas justifié ;

Considérant qu'il résulte des pièces produites aux débats que :

- M. [E] a décompté un total de 340,75 heures uniquement pour l'étude du dossier, hors réunions (147,75 heures) et la rédaction du rapport de 88 pages (193 ) ;

- M. [Z] a décompté 395 h sans compter le temps de déplacement et les réunions d'expertise ;

- et M. [K] a décompté 131,25 heures sans compter le temps de déplacement et du secrétariat, étant précisé que le montant de ses honoraires n'est pas contesté par la société BRICOMAN ;

Considérant que le travail effectué en l'espèce est réel ; que M. [E] fait valoir sans être contesté que :

- pour la réalisation de cette mission, 12 réunions contradictoires ont été organisées et tenues (5 réunions à Sausheim, 7 à Paris) ,

- qu'il a rédigé 38 notes aux parties, outre une note de synthèse,

- que son sapiteur, M. [K], en charge de la question de la fissuration des sols et des moyens d'y remédier, à rédigé 17 notes, outre une note de synthèse et un rapport de sapiteur,

- que son sapiteur financier, M. [Z] a rédigé 6 notes aux parties, outre une note de synthèse, un rapport de sapiteur et un rapport complémentaire,

- que 151 pièces (certaines se subdivisant elles-mêmes en plusieurs dizaines d'éléments) ont été communiquées par les parties, représentant plusieurs milliers de pages qu'ils ont été amenés à examiner, contrôler, commenter, analyser ;

- que sans prendre en considération les mails ou lettres qui ont été adressées à l'expert de justice et aux sapiteurs, 58 dires leur ont été adressés tout au long des opérations d'expertise (et jusqu'après l'expiration du délai accordé aux parties pour faire valoir leurs observations à la suite de la note de synthèse) ;

Considérant qu'en raison de l'opposition d'une partie à la tenue des réunions chez l'autre partie, M. [E] a été contraint de louer une salle de réunion pour organiser ses réunions d'expertise ; que la somme décomptée pour un montant de 3.974 € comprend non seulement le coût de la location de cette salle de réunion mais également le prix du voyage en train jusqu'à Strasbourg et d'une voiture pour rejoindre la ville de Sausheim ;

Que par ailleurs , les frais facturés correspondent aux dépenses supportées par l'expert dans un dossier de cette importance ;

Qu'en revanche, M. [E] a certes eu à gérer l'ensemble de l'expertise en prenant connaissance du litige et en organisant l'intervention de ses sapiteurs ; que cependant, à titre personnel, il n'a traité qu'un seul problème technique, le chauffage (en pages 34 à 43 puis 70 à 72 de son rapport) qui ne présentait au mieux pas plus de difficultés que la fissuration du sol, laquelle nécessite des travaux de très grande ampleur chiffrés selon deux propositions au choix soit à 1.380.000 € TTC soit à 2.114.000 € TTC ;

Que le nombre d'heures total que M. [E] a décomptées pour mener à bien son expertise apparaît dès lors excessif au regard du nombre d'heures décomptées par son sapiteur M. [K] qui a étudié le problème technique le plus important de ce dossier, à savoir la fissuration du sol et qui n'a personnellement décompté qu'un peu plus de 131 heures de travail ;

Qu'en prenant en compte le temps nécessaire à la gestion de l'intervention de ses sapiteurs, il convient de retenir un temps de travail pour M. [E] (étude du dossier et rédaction du rapport) de 210 heures soit au prix de la vacation décomptée de 140 € la somme totale de 29.400 € (au lieu de 340,75 heures X 140 = 47 705 € décomptée) ;

Qu'en conséquence, le montant de la rémunération personnelle de M. [E] à ce titre doit être réduit de 65.689 € HT à 47.384 € HT (soit 65.689 - 47.705 + 29.400 ) ce qui représente la somme de 56.860,80 € TTC (47.384 € HT+ TVA 9.476,80 €) ;

Considérant que concernant les honoraires des sapiteurs, M. [K] [Z] a tenu 5 réunions et adressé 8 notes aux parties puis rédigé un rapport de 75 pages, complété d'un rapport complémentaire de 16 pages, suite aux observations reçues après diffusion de son rapport ; qu'il s'est longuement expliqué pour répondre aux observations des parties, en particulier de la société BRICOMAN et il appartiendra à la juridiction saisie d'apprécier le fond du litige ; qu'il apparaît à la lecture de son rapport, qu'il a motivé son avis avec sérieux ; qu'au vu des éléments du dossier, il convient dans ces conditions de confirmer son chiffrage de 395 heures de travail ;

Que son travail a été compliqué car le secret des affaires lui a été opposé pour refuser de lui transmettre certains éléments justifiant des coûts annoncés ; qu'il ne saurait lui être fait grief d'avoir refusé de se rendre dans les locaux de la société BRICOMAN pour examiner l'ensemble de ses pièces comptables dont la société BRICOMAN entendait pour ce motif soustraire une partie au regard de la bailleresse en violation du principe du contradictoire ;

Qu'il n'a été destinataire de certains éléments techniques qu'après la diffusion de sa note de synthèse ce qui l'a conduit à établir un rapport complémentaire après nouvelle étude ce qui au final justifie le nombre des vacations qu'il a décomptées ;

Considérant en définitive que le montant total de l'ordonnance de taxe est réduit de 175.000 € TTC à 127.886,69 € HT (47.384 € HT + 23.077,14 € HT + 57.425,55 € HT) = soit 153.464,028 € TTC (soit 127.886,69 € HT+ TVA 20% 25.577,338 €) ;

Considérant que sur la recevabilité de la demande reconventionnelle de M. [K] [Z] et de M. [Q] [K], si en qualité de sapiteurs, Messieurs [K] et [Z] n'ont effectivement pas qualité pour défendre le montant de leurs honoraires que M. [E], expert désigné qui les a choisis leur a payés, ils sont néanmoins recevables en leur demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile dès lors qu'ils ont été personnellement attraits à la procédure par la société BRICOMAN ;

Que néanmoins, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce ;

PAR CES MOTIFS

PRONONÇONS LA JONCTION des procédures enregistrées sous les numéros 16/22222 et 16/22238 sous le premier numéro;

DECLARONS RECEVABLES les recours formés par la SAS LA MAISON DU 13° et la SA BRICOMAN à l'encontre de l'ordonnance de taxe rendue le 15 septembre 2016 par le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction au tribunal de commerce de Paris ;

INFIRMONS l'ordonnance de taxe rendue le 15 septembre 2016 par le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction au tribunal de commerce de Paris ;

STATUANT à nouveau,

FIXONS le montant de la rémunération de l'expert M. [R] [E] à la somme totale de 153.464,028 € TTC et autorisons l'expert à se faire remettre par la Régie à due concurrence le montant de la somme consignée ;

ORDONNONS à la société BRICOMAN de payer directement à l'expert M. [R] [E] la somme complémentaire ;

DECLARONS M. [K] [Z] et M. [Q] [K] recevables en leur demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile mais mal fondés ;

DÉBOUTONS les parties de leurs autres demandes ;

CONDAMNONS l'expert M. [R] [E] aux dépens du recours ;

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La Greffière

La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 16/22222
Date de la décision : 11/12/2017

Références :

Cour d'appel de Paris A4, arrêt n°16/22222 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-11;16.22222 ?
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