La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2017 | FRANCE | N°15/03789

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 06 décembre 2017, 15/03789


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 06 DECEMBRE 2017



(n° 470 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/03789



Décision déférée à la Cour : Décision du 27 Janvier 2015 - Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS





APPELANTE

Madame [O] [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée et plaidant par Me Léonore BOCQUILLON, a

vocat au barreau de PARIS, toque : E1085



INTIMES

Madame [D] [I] [I]

[Adresse 2]

[Localité 2]



Monsieur [J] [Q]

[Adresse 2]

[Localité 2]



Monsieur [J] [B]

[Adresse 2]

[Localité 2...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 06 DECEMBRE 2017

(n° 470 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/03789

Décision déférée à la Cour : Décision du 27 Janvier 2015 - Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS

APPELANTE

Madame [O] [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée et plaidant par Me Léonore BOCQUILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1085

INTIMES

Madame [D] [I] [I]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Monsieur [J] [Q]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Monsieur [J] [B]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Monsieur [F] [C]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentés et plaidant par Me Francis TEITGEN de la SELARL TEITGEN & VIOTTOLO, avocat au barreau de PARIS, toque : R011

Madame [E] [V]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Comparante

Assistée de Me Francis TEITGEN de la SELARL TEITGEN & VIOTTOLO, avocat au barreau de PARIS, toque : R011

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère chargée du rapport

Mme Véronique RENARD, Conseillère, appelée pour compléter la composition de la cour en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire.

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.

*****

Mme [O] [M], collaboratrice au sein du cabinet [F] depuis le 1er août 2009, a annoncé aux associés du cabinet d'avocat qu'elle attendait un enfant les 16 et 17 mai 2013.

Le 28 mai 2013 elle écrivait aux associés les options suivantes pour la fin de leurs relations:

'1/ un départ vers un nouveau cabinet qui pourrait en théorie arriver assez vite -je poursuis mes recherches activement dans ce sens- mais qui risque toutefois de ne pas aboutir compte tenu de mon état.

2/ une fin de contrat à l'issue de mon congé maternité aux environs du 1er avril 2014,

3/ une fin de contrat anticipée, non conditionnée à l'obtention d'un nouveau contrat de collaboration dans un autre cabinet, à une date et dans des conditions que nous devrons déterminer d'un commun accord.'

Estimant qu'à la suite de l'entretien annuel en janvier 2013, Mme [M] avait fait part le 11 février 2013 de sa décision de chercher une autre collaboration, le cabinet [F] a considéré que le délai de prévenance avait couru à compter de cette date avant que sa collaboratrice soit enceinte et que le contrat avait pris fin au 11 juin 2013.

Considérant que le contrat de collaboration n'avait fait l'objet d'aucune rupture avant sa déclaration de grossesse et que cette rupture était intervenue pendant la période de protection dont elle bénéficiait en application de l'article 14.4 du règlement intérieur national et 14.04 du règlement intérieur du barreau de Paris, Mme [M] a sollicité la somme de 61 919,35 € HT au titre de la rétrocession d'honoraires, celle de 22 000 € HT au titre du délai de prévenance, 20 000 € HT à titre de dommages-intérêts en raison du caractère discriminatoire, brutal et vexatoire de la rupture du contrat de collaboration et celle de 5 000 € au titre des frais irrépétibles.

Mme [O] [M] a formé le 18 février 2015 un recours contre la sentence arbitrale rendue par le délégué du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris le 27 janvier 2015 en application de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 qui a:

- jugé que Mme [M] ayant annoncé sa démission le 11 février 2013, le délai de prévenance courait à compter de cette date,

- débouté Mme [M] de l'ensemble de ses demandes relatives à la protection des collaboratrices enceintes,

- jugé que la rupture du contrat de collaboration a causé à Mme [M] un préjudice moral qui sera réparé par l'octroi de la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts et condamné Mmes et MM [I], [I], [C], [B], [V], [Q], [Q], tant en leur nom personnel qu'es-qualités de l'AARPI [F], au paiement de cette somme,

- débouté Mmes et MM [I], [I], [C], [B], [V], [Q], [Q], tant en leur nom personnel qu'es-qualités de l'AARPI [F], de leurs demandes reconventionnelles,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Dans ses conclusions du 18 octobre 2017 développées à l'audience Mme [M] demande à la cour d'infirmer la décision du 27 janvier 2015 et de :

- constater qu'elle n'a pas démissionné le 11 février 2013 et qu'aucun délai de prévenance n'a couru en conséquence,

- constater qu'elle a déclaré son état de grossesse le 16 mai 2013,

- constater que le contrat de collaboration n'a fait l'objet d'aucune rupture antérieurement à cette date, ou à tout le moins que les parties ont renoncé à cette rupture en continuant à travailler ensemble à l'issue du délai de prévenance légal applicable sans avoir trouvé d'accord sur un délai de prévenance allongé,

- constater que les associés du cabinet Vigon ont contraint leur collaboratrice par courrier du 10 juin 2013 à quitter les locaux le 11 juin 2013 sans qu'aucun manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de grossesse ne puisse lui être imputé,

- condamner Mmes et MM [I]- [I], [C], [B], [V], [Q]-[Q], tant en leur nom personnel qu'es-qualités de l'AARPI [F], à lui verser les sommes de 83 919 € HT en réparation de son préjudice financier et subsidiairement au titre de ses honoraires, celle de 33 000 € en réparation du préjudice financier et 50 000 € en réparation du préjudice moral résultant du caractère discriminatoire de la rupture, 30 000 € en réparation du préjudice moral résultant des conditions brutales et vexatoires de la rupture du contrat de collaboration, 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

- débouter les intimés de leurs demandes reconventionnelles.

Dans leurs conclusions du 18 octobre 2017 soutenues à l'audience Mmes et MM [I]- [I], [C], [B], [V], [Q]-[Q], tant en leur nom personnel qu'es-qualités de l'AARPI [F], demandent à la cour de débouter Mme [M] de ses prétentions et de la condamner à leur verser la somme de un eur à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Mme [M] soutient qu'au début de l'année 2013 elle a annoncé qu'elle allait chercher une autre collaboration mais qu'aucune rupture officielle n'a été prise en compte par le cabinet et qu'elle a naturellement annoncé sa grossesse les 16 et 17 mai suivants; que ce n'est que postérieurement, soit le 27 mai 2013, que les associés du cabinet [F] lui ont demandé d'indiquer ses modalités de départ contestant le 28 Mai 2013 sa réponse de la veille sur l'absence de délai de prévenance en cours; que le 10 juin 2013 ils ont exigé son départ immédiat en considérant ce délai, en cours depuis le 11 février du fait de sa démission, expiré.

Elle fait valoir qu'elle s'est ainsi retrouvée sans adresse e-mail, sans bureau ni locaux du jour au lendemain alors que l'accord de principe sur la recherche d'une nouvelle collaboration ne saurait constituer une démission faisant courir le délai de prévenance lequel n'a jamais été évoqué comme expirant le 11 juin 2013 à défaut de meilleur accord.

Subsidiairement elle soutient que le délai légal la concernant était de 3 mois et non de 4 mois et qu'en réalité la collaboration s'étant maintenue au delà de ce délai , les parties avaient renoncé à la rupture en continuant de travailler ensemble.

Elle fait valoir ensuite que la rupture de son contrat de collaboration est entachée de nullité en raison de son état de grossesse annoncé antérieurement à son départ et qu'elle présente un caractère discriminatoire présumé en raison de sa concomitance avec la déclaration de grossesse.

Le cabinet [F] soutient qu'à la suite de l'entretien annuel de janvier 2013 au cours duquel un certain nombre de reproches ont été émis à leur collaboratrice par ses associés, Mme [M] a décidé, le 11 février 2013, de quitter le cabinet et s'est mise à la recherche d'une autre collaboration; que les recherches n'aboutissant pas, les associés du cabinet lui ont demandé à la suite de l'annonce de sa grossesse les modalités de son départ prochain qu'elle a entendu malgré ses engagement repousser après son congé de maternité, ce qu'ils n'ont pas accepté en raison de sa démission antérieure, confirmée par sa baisse d'activité pendant le délai de prévenance, la recherche de collaboration qu'elle invoque n'étant que la conséquence de sa décision de démissionner; qu'enfin il ne saurait y avoir de discrimination s'agissant d'une décision de la collaboratrice prise trois mois avant l'annonce de sa grossesse et alors que l'exigence de son départ au 11 juin n'est que la conséquence de ce qu'aucun accord n'ayant été trouvé sur la date de départ de la collaboratrice, le délai légal de prévenance s'appliquait.

- Sur la rupture du contrat de collaboration:

Il résulte de l'ensemble des pièces versées aux débats que Mme [M], qui ne conteste pas la teneur de l'entretien du mois de janvier, aux termes duquel il lui appartenait soit de redresser la barre, soit de quitter le cabinet [F], a choisi de rechercher une autre collaboration dès le mois de février 2013.

En effet les nombreuses attestations de collaborateurs ou ex collaborateurs du cabinet [F] révèlent que l'appelante a alors décidé de ne plus collaborer au sein du cabinet d'avocats et que ce qu'elle qualifie dans ses conclusions 'd'accord de principe sur la recherche d'une nouvelle collaboration' constitue en réalité une démission de la collaboratrice qui a fait le choix de quitter le cabinet [F] en l'annonçant le 11 février 2013 .

Ainsi Mme [G] [P], qui a quitté le cabinet à la fin du mois de juin 2013 et M [N] [Y] attestent que Mme [M] leur a fait part de sa décision de quitter le cabinet à cette date en leur indiquant également qu'elle recherchait activement une autre collaboration.

Et l'attestation de Mme [L] [Z], comme celles de M [A] et de M [C] [X], qui ne sont pas avocats au sein du cabinet [F], ne concernent que les propos que leur aurait tenus Mme [M] quant à son possible départ.

C'est donc à juste titre que la sentence déférée a retenu la démission de Mme [M] clairement exprimée à la date du 11 février 2013.

En conséquence Mme [M] est mal fondée à invoquer les dispositions des articles 14.4 du règlement intérieur national et 14.04 du règlement intérieur du barreau de Paris qui ne concernent pas les ruptures de contrat de collaboration intervenues à l'initiative de la collaboratrice enceinte et antérieurement à la grossesse de cette dernière.

- Sur le délai de prévenance :

Lé délai légal applicable à la rupture du contrat de collaboration de Mme [M] dont le contrat de collaboration avait été signé le 1er août 2009 est de quatre mois et non de trois mois comme le soutient l'appelante dès lors que l'article 14-4 du RIN applicable prévoit que le délai de trois mois est augmenté d'un mois par année au delà de trois ans de présence révolus.

Il n'est pas contestable, au vu des mails échangés entre les parties, que le cabinet [F] était prêt à ne pas appliquer le délai légal et à laisser à sa collaboratrice le temps nécessaire aux démarches lui permettant de trouver une autre collaboration.

Mais il résulte également des mails échangés fin mai et début juin 2013 qu'à défaut par celle-ci de respecter ses engagements le cabinet [F] qui n'obtenait pas de réponse claire quant à la date du départ de Mme [M] et par conséquent quant à un accord possible sur la durée du délai de prévenance, a appliqué à juste titre et conformément aux dispositions du contrat de collaboration, le délai légal de quatre mois.

La renonciation du cabinet [F] d'appliquer un délai de prévenance consensuel ne résulte donc pas de l'état de grossesse de la collaboratrice mais du comportement de cette dernière qui entendait revenir sur sa démission préalable de sorte que la discrimination alléguée n'est pas démontrée.

En revanche et même si Mme [M] a bénéficié de fait d'un délai raisonnable pour préparer son départ, les conditions dans lesquelles il a été mis fin au délai de prévenance en lui interdisant pour le lendemain tout accès au cabinet d'avocat, caractérisent de la part du cabinet [F] une faute qui a causé un préjudice moral certain à Mme [M] du fait de la brutalité des conditions de la rupture, alors qu'un délai supplémentaire pouvait parfaitement lui être concédé pour organiser son départ effectif, d'autant que le cabinet [F] avait accepté à l'origine une durée du délai de prévenance négociée et que le retour au délai légal a été décidé la veille de sa mise en application.

C'est donc à juste titre que la sentence déférée a alloué à Mme [M] la somme de 10 000 € en réparation du préjudice résultant des conditions de la rupture du contrat de collaboration.

Les propos tenus par Mme [M] dans le cadre de la défense de ses intérêts dans la présente procédure ne sont pas de nature à porter atteinte à l'honneur et à la réputation du cabinet [F] et de ses associés qui seront déboutés de leur demande en dommages-intérêts de ce chef.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

- Confirme la sentence déférée en toutes ses dispositions ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Mme [O] [M] aux dépens.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/03789
Date de la décision : 06/12/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°15/03789 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-06;15.03789 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award