La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2017 | FRANCE | N°14/16600

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 06 décembre 2017, 14/16600


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 06 DÉCEMBRE 2017



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/16600 ayant absorbé le 14/16741



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mai 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/08496





APPELANTE :



Madame [Y] [F] [E]

Née le [Date naissance 1] 1952 à [L

ocalité 1] ([Localité 1])

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Appelante dans le dossier RG 14/16741 ayant été joint au dossier RG 14/16600



Représentée par Maître Jean-Claude CHEVILLER, avoca...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 06 DÉCEMBRE 2017

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/16600 ayant absorbé le 14/16741

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mai 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/08496

APPELANTE :

Madame [Y] [F] [E]

Née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1] ([Localité 1])

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Appelante dans le dossier RG 14/16741 ayant été joint au dossier RG 14/16600

Représentée par Maître Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945, avocat postulant

Ayant pour avocat plaidant Maître Dominique BERTON-MARECHAUX de la SCP GUILLEMAIN SAINTURAT PANEPINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : P102

INTIMÉE :

LA VILLE DE PARIS prise en la personne de ses représentants légaux

Domiciliée à la Direction des affaires juridiques

[Adresse 2]

[Localité 3]

Intimée dans le dossier RG 14/16741 ayant été joint au dossier RG 14/16600

Représentée par Maître Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant

Ayant pour avocat plaidant Maître Jean-François JOFFRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0047

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

Madame Sandrine GIL, conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Agnès THAUNAT dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Julie PERRETIN, greffière à laquelle la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Aux termes d'un acte sous seing privé du 31 juillet 1981, LA VILLE DE PARIS a donné à bail à M. [Q] aux droits duquel se trouve Mme [E] divers locaux commerciaux d'une surface de 133,50 m²P accessibles par la cour d'honneur d'un hôtel particulier du 17e siècle couvert de végétation, sis à [Adresse 1], à destination du commerce d'antiquaire-décorateur; et pour une durée de 9 années à compter du 1er août 1981, moyennant un loyer annuel en principal de 5 945,51 €.

Ce bail a été l'objet d'un avenant au 1er juillet 1984 afin d'ajouter deux locaux complémentaires, puis d'un renouvellement judiciaire à compter du 15 février 1994 au prix annuel en principal de 25 134,65 €, puis enfin d'une demande de renouvellement notifiée le 8 juin 2005 à effet au 1er juillet 2005 suivie d'un refus le 15 juillet 2005.

Un jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 16 septembre 2008 a dit que le refus de renouvellement notifié le 15 juillet 2005 par la VILLE DE PARIS du bail commercial sur les locaux sis à [Adresse 1], ouvre droit au profit de Mme [E] au paiement de l'indemnité d'éviction prévue par l'article L145-14 du code de commerce et au maintien dans les locaux jusqu'au versement de celle-ci'; et au profit du propriétaire au paiement d'une indemnité d'occupation due à compter du 1er juillet 2005'; et enfin a nommé en qualité d'expert Mme [J] remplacée par M. [K] [U] pour parvenir à l'évaluation de ces deux indemnités.

Dans son rapport déposé le 18 janvier 2012, l'expert estime l'indemnité d'éviction globale à 497 840 € et l'indemnité d'occupation annuelle à 51 364,13 €.

Par jugement en date du 6 mai 2014, le tribunal de grande instance de Paris a':

- Fixé à la somme de 467 000 € le montant de l'indemnité d'éviction globale qui incombe à LA VILLE DE PARIS.

- Fixé le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle imputable à Mme [E] au dernier loyer en cours à compter du 1er juillet 2005 et jusqu'à la complète libération des locaux.

- Condamné Mme [E] à payer à LA VILLE DE PARIS la somme de 8.579,30€ au titre de régularisation de charges des exercices de 2007 à 2010 inclus avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2013 et capitalisation.

- Rejeté le surplus des demandes.

- Condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui comprennent le coût de la mesure d'expertise.

Mme [Y] [F] [E] a interjeté appel de la décision par déclaration du 31 juillet 2014 puis par déclaration du 1er août 2014.

Les deux procédures ont été jointes.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 12 septembre 2017, Mme [Y] [F] [E] demande à la cour de':

- Recevoir Mme [E] en son appel régulièrement interjeté de la décision entreprise.

- L'y déclarer fondée.

- Infirmer le jugement du 6 mai 2014 en toutes ses dispositions lui faisant grief.

Statuant à nouveau,

- Juger du caractère contradictoire de la position de la VILLE DE PARIS, selon les besoins de ses seuls intérêts, au mépris de la règle de l'estoppel.

- Fixer l'indemnité d'éviction due par la VILLE DE PARIS au profit de Mme [E] à la somme de 760 000 €, outre frais de remploi de 91 200 €.

- Fixer les indemnités accessoires dues par la VILLE DE PARIS au profit de Mme [E] comme suit :

- 65 210 € HT au titre de frais de déménagement, outre 57 600 € HT, sauf à parfaire, au titre de frais de garde-meubles sur une durée d'une année,

- 96 000 € à titre de frais de réinstallation,

- 33 000 €, sauf à parfaire, à titre d'indemnité pour séparation entre local commercial et appartement,

- 50 000 € à titre de frais divers, mailing et autres.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la VILLE DE PARIS prescrite en sa demande de fixation de l'indemnité d'occupation.

- Juger que conformément aux dispositions de l'article L145-60 du Code de Commerce, la prescription de l'action en fixation de l'indemnité d'occupation due par le locataire court à compter de la date d'effet de la demande de renouvellement dès lors que le principe même de l'indemnité d'éviction n'est pas contesté par le bailleur.

- Constater que la VILLE DE PARIS a refusé le renouvellement du bail consenti à Mme [E] tout en lui offrant le bénéfice d'une indemnité d'éviction, et ce à effet au 1er juillet 2005.

- Constater que la VILLE DE PARIS a demandé la fixation de l'indemnité d'occupation par conclusions du 6 novembre 2007, soit plus de deux ans après le 1er juillet 2005.

- Juger en conséquence que Mme [E] est tenue au paiement d'une indemnité d'occupation annuelle de 25 134,65 € correspondant au montant du dernier loyer acquitté.

- Déclarer la VILLE DE PARIS prescrite en sa demande de paiement des charges afférentes aux années 2006 et 2007 au visa des dispositions de l'article 2224 du Code civil.

- La débouter purement et simplement de ses demandes pour les années 2008 à 2015.

- Déclarer la VILLE DE PARIS irrecevable en sa demande de fixation de date d'incident, et ce au visa des dispositions de l'article 771 du code de procédure civile.

- Condamner la VILLE DE PARIS au paiement d'une somme de 12 000 € HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront les honoraires de l'expert judiciaire.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 14 août 2017, la VILLE DE PARIS demande à la cour de':

- Fixer la date d'incident de plaidoiries d'incident de communication de pièces sur le fondement des articles 15, 16, 138, 139 et 142 du Code de Procédure Civile, à fin d'obtenir de Mme [E]':

- La communication en copie des livres de police et de dépôt exigés selon les articles

R 312-1 et suivants du Code Pénal de la société EOLIA et des livres de police et de dépôt de Mme [E], de l'acte d'inventaire de biens dressé entre la société EOLIA et Mme [E] lors de la cession qui comportent la liste précise des biens concernés (achetés et vendus par comparaison) faisant partie du fonds de commerce d'antiquités et de décoration de Mme [E], ainsi que la copie intégrale des contrats d'assurances des biens meubles assurés de Mme [E] et de la société EOLIA,

- La communication d'une attestation d'un expert-comptable précisant pour les bilans ou déclarations contrôlées des exercices 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et bientôt 2015 avant le 30 juin 2015,

- Les bilans et comptes de résultat de 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 2015 et 2016 de Mme [E].

- Sur le fond, infirmer la décision du 6 mai 2014,

- Concernant la demande d'indemnité d'éviction, pour la fixation du droit au bail, fixer le coefficient de situation à 5.

En conséquence,

- Dire que l'évaluation du droit au bail ne saurait être supérieure à la somme de :

(82 436,25 ' 31 362,70) x 5 = 274 981,50 €.

- Rejeter les demandes, fins et conclusions de Mme [E] exorbitantes et infondées,

- Fixer l'indemnité d'éviction due à Mme [E] pour les locaux sis [Adresse 1] à la somme de 274 981,50 €,

- Fixer l'indemnité de remploi à la somme de 27 489,15 €,

- Rejeter la demande d'indemnité de déménagement,

- Rejeter la demande d'indemnité pour séparation entre local commercial et local d'habitation comme n'étant pas de la compétence du présent Tribunal et subsidiairement ne pesant pas sur le locataire commercial à qui congé a été donné et qui n'a rien à payer,

- Fixer le montant de l'indemnité d'occupation annuelle due par Mme [E] depuis la résiliation du bail en date du 1er juillet 2005 à compter du 1er juillet 2005 qui n'est pas prescrite selon une jurisprudence constante de la cour de cassation rappelée ci-dessus, comme le Tribunal de céans l'a jugé le 18 septembre 2008 à la somme de 51 364,13 € jusqu'à son départ des lieux; et à titre subsidiaire au seul cas où la prescription aurait joué à la somme de 31 362,70 €, correspondant au loyer revalorisé selon les indices du coût de la construction depuis le 15 février 1994, date du renouvellement jusqu'au 1er juillet 2005,

- Condamner Mme [E] à payer la quote-part des charges récupérables des lots commerciaux loués et qu'elle occupe au titre des années 2006 à 2015 s'élevant à la somme de 22 174,55 € arrondis à 22 175 €, ainsi que sa quote-part de charges des exercices suivants pour les exercices suivants jusqu'à libération effective des locaux et restitution à la Ville de Paris, avec intérêts au taux légal et application de l'article 1154 du code civil pour chaque année entière passée en justice au titre de l'anatocisme jusqu'à parfait paiement.

A titre subsidiaire,

- Condamner Mme [E] à payer à la Ville de Paris une somme forfaitaire annuelle qui au vu des décomptes communiqués ne pourrait être inférieure à 2 000 € par an au titre de la durée d'occupation des lieux et ce, jusqu'à la libération totale des lieux et la remise des clés.

En tout état de cause,

- Condamner Mme [E] à payer à la VILLE DE PARIS la somme de 12 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire qu'elle a sollicitée, dont distraction au profit de la SELARL RECAMIER, représentée par Maître Christophe PACHALIS, Avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 septembre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'incident

Par conclusions au fond notifiées le 14 août 2017, la ville de Paris a formé un incident tendant à la communication de pièces. Ces conclusions n'ayant pas été adressées au juge de la mise en état ces demandes sont irrecevables.

Sur la règle de l'estopel

Mme [E] se plaint de l'attitude de la ville de [Localité 1] laquelle varierait selon les besoins de ses seuls intérêts au mépris de la règle de l'estopel. Il est ainsi soutenu que la ville de [Localité 1] retenait une description flatteuse des locaux dans la procédure en fixation du loyer, dont elle ne se prévaut plus actuellement.

Il est constant que la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non recevoir. En l'espèce, les actions en fixation du loyer du bail renouvelé le 15 février 1994, qui a donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 avril 2004 n'est pas de même nature que la présente instance en fixation de l'indemnité d'éviction, si bien qu'il importe peu que le bailleur ait fait une description opposée des lieux loués.

SUR LE MONTANT DE L'INDEMNITÉ D'ÉVICTION

Les locaux sont situés à [Adresse 1].

L'expert a relevé que le numéro 10 était situé entre la [Adresse 3] et était à proximité de l'[Établissement 1], l'[Établissement 2] et l'[Établissement 3].

Il a estimé que la commercialité des lieux était moyenne dans cette portion de la rue de Seine, mais particulièrement bien adaptée à l'activité d'antiquaire-décorateur exercée dans les lieux.

Les locaux dépendent d'un hôtel particulier, construit au XVIIe siècle.

Selon l'expert ils sont constitués de la façon suivante :

* au rez-de-chaussée accessible depuis la cour par une porte à double battant, en contrebas de deux marches, une galerie avec entrée en profondeur (sol moquette, murs peints, plafond peint, éclairage par rampes de spots)

- à gauche de l'entrée un couloir distribuant :

l'escalier menant à l'étage,

une réserve située à droite dans le couloir,

une chambre (ne relevant pas du bail commercial)

- sur la gauche dans la galerie accès à un local chaufferie (commun à l'appartement et aux locaux commerciaux) et à l'escalier d'accès au sous-sol (partie habitation)

Aux trois quarts de la profondeur de la galerie accès par une volée de quatre marches à un jardin (fenêtres barreaudées sur jardin).

* Partie indépendante à droite sur cour

- un petit bâtiment élevé sur rez-de-chaussée d'un étage (lot n°201)

au rez-de-chaussée :

une réserve et une salle de bains

au premier étage :

une chambre éclairée par deux fenêtres (volets bois ; sol moquette ; faible hauteur sous plafond)

- accessible directement depuis la cour :

une pièce (ancien garage) sur cour éclairée par une fenêtre (sol carrelé) et un placard (ballon d'eau chaude) (lot n°6) (état médiocre ; l'accès direct depuis la rue a été condamné).

SUR L'INDEMNITÉ PRINCIPALE

Aux termes de l'article L 145-14 du code de commerce, l'indemnité d'éviction est destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l'entier préjudice résultant du défaut de renouvellement.

Il est usuel de mesurer les conséquences de l'éviction sur l'activité exercée afin de déterminer si cette dernière peut être déplacée sans perte importante de clientèle auquel cas l'indemnité d'éviction prend le caractère d'une indemnité de transfert ou si l'éviction entraînera la perte du fonds, ce qui confère alors à l'indemnité d'éviction une valeur de remplacement.

Cette distinction peut, toutefois, se révéler d'un moindre intérêt si le fonds est déficitaire ou s'il ne dégage qu'une faible rentabilité, puisqu'il est de principe que sa valeur marchande est au moins égale à la valeur du droit au bail qui est également retenue pour déterminer la valeur de l'indemnité d'éviction lorsqu'elle prend le caractère d'une indemnité de transfert.

Les parties ne contestent pas, au regard des calculs faits par l'expert que la valeur du fonds est nettement inférieure à la seule valeur du droit au bail.

Il résulte des bilans produits que l'exploitation est déficitaire depuis plusieurs exercices. En effet, les résultats nets étaient déficitaires pour l'année 2006 de 54.364€, pour l'année 2007 de 47.296€, pour l'année 2008 de 42.888€ pour l'année 2009 de 36.598€.

En conséquence l'expert a estimé, à juste titre, que la valeur marchande du fonds devait être appréciée en fonction de la valeur du droit au bail.

La valeur du droit au bail se calcule par la différence entre le montant de la valeur locative et le loyer qui aurait été perçu si le bail avait été renouvelé, cette différence étant elle-même affectée d'un coefficient multiplicateur au regard de l'intérêt des locaux pour l'activité exercée.

Les superficies réelles retenues par l'expert [U] à partir des plans dressés par géomètre-expert ne sont pas discutées.

L'expert a retenu à juste titre la surface pondérée des locaux de 133,50m²P telle que figurant dans l'arrêt de cette cour du 28 avril 2004, fixant le montant du loyer. La ville de Paris accepte cette pondération. La locataire qui retient une surface de 133,40m²P, sans préciser cependant quel coefficient de pondération elle critique, ne peut être suivie. La surface pondérée de 133,50m² sera en conséquence retenue.

L'expert relève une référence de 610€ le m²P (pour une galerie d'arts [Adresse 4] au 1er octobre 2004) pour une fixation judiciaire et des termes de comparaison évoluant de 1384€ le m²P (pour une galerie d'arts 40 rue de Seine au 1er novembre 2007) à 1622€ le m²P(pour une galerie d'arts [Adresse 5] au 25 octobre 2007) pour des locations nouvelles et de 557€ le m²P (pour un antiquaire [Adresse 6] au 1er juillet 2007) à 589€ le m²P (pour une activité de décoration-brocante au 1er juillet 2007) pour des renouvellements amiables.

Mme [E] propose de retenir une valeur locative de 950€ après une décote de 40% compte tenu de la situation des locaux sur cour.

L'expert propose de retenir une valeur locative de 1300€, diminuée d'un abattement de 50% compte tenu de la situation sur cour et d'un abattement de 5% compte tenu d'une chaufferie commune à l'appartement et aux locaux commerciaux. La ville de Paris admet les propositions de l'expert.

Compte tenu des références produites, des obligations respectives résultant du bail, de la destination des lieux, de la qualité de l'immeuble, de l'intérêt de l'emplacement et des caractéristiques des locaux sur lesquels porte le bail renouvelé, il convient de retenir un prix unitaire de 1300€ le m².

L'abattement de 50% est justifié compte tenu du fait que le commerce est situé dans une cour avec aucun moyen d'appeler l'attention de la clientèle qui passe dans la rue et que Mme [E] ne reçoit que sur rendez vous. Par ailleurs, l'abattement de 5%, lié à la présence d'une chaudière commune, qui avait été retenu lors de la fixation du loyer commercial, n'est pas critiqué par Mme [E], il doit dès lors être retenu.

La valeur locative est dans ces conditions de 82.436,25€ par an.

Les lieux loués, si le bail avait été renouvelé, à défaut de motif de déplafonnement invoqué par le bailleur, auraient vu leur loyer fixé à la somme de 31.362,70€.

Le différentiel par an s'établit dès lors à la somme de 82.436,25€-31.362,70€ soit 51.073,55€.

Le bailleur critique le coefficient de 7 retenu par l'expert au motif que les locaux sont situés sur cour et ne servent que de stockage d'objets personnels. La locataire sollicite un coefficient de 8 s'agissant de locaux à usage de galerie bénéficiant d'ouvertures sur cour et sur jardin.

Le coefficient de 7 retenu par l'expert correspond à la qualité de l'adresse pour une activité d'antiquaire-décorateur, la [Adresse 7] étant dévolues à ce type de commerce. Contrairement à ce qu'indique le bailleur, il ne s'agit pas lieux servant au stockage de biens personnels, ainsi que le montrent les photographies des lieux réalisées par l'expert judiciaire.

La valeur du droit au bail doit par conséquent être estimée à la somme de 51.073,55€x7 soit 357.514,85€ arrondi à 357.000€.

SUR LES INDEMNITÉS ACCESSOIRES

Frais de remploi

Ces frais sont destinés à permettre au locataire évincé de faire face aux frais qu'il devra débourser à l'occasion de l'achat d'un fonds d'une valeur équivalente à celui dont il est évincé et comprennent notamment les droits de mutation et les frais d'agence et de rédaction d'acte.

Le bailleur n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que la locataire n'a pas l'intention de se réinstaller.

La proposition de l'expert de voir chiffrer à hauteur de 12 % du montant de l'indemnité principale le montant de ces frais de remploi n'est pas conforme aux usages, il lui sera préféré un taux de 10% conforme aux usages.

Il en résulte une indemnité de frais de remploi de 35.700€.

Frais de déménagement et de garde meuble

Cette indemnité doit permettre dans l'hypothèse d'un transfert du fonds de couvrir les frais de déménagement du mobilier et du matériel en sus des effets personnels et du stock.

La locataire produit un devis de déménagement pour la somme de 65.210€HT les frais de garde meubles étant évalués à 4.800€HT par mois soit pour douze mois une somme de 57.600€HT.

Mme [E] s'est toujours refusée à communiquer ses livres de police ainsi que la liste des biens composant le stock de marchandises dépendant du fonds. En cause d'appel, elle verse aux débats un constat d'huissier qu'elle a fait dresser le 3 juin 2016, auquel sont jointes des photographies de son stock.

Le devis produit tant pour le déménagement que les frais de gardiennage est manifestement surévalué. Compte tenu des éléments produits, il convient d'accorder à la locataire évincée tant pour ses frais de déménagement que de gardiennage une somme de 15.000€.

Indemnité de réinstallation

Cette indemnité doit permettre au locataire de réinstaller son local d'activité à l'identique c'est à dire suivant les mêmes agencements, les mêmes commodités et le même état d'entretien que les locaux quittés.

Mme [E] sollicite une somme de 96.000€ au titre de ses frais de réinstallation dans des locaux d'une surface réelle de 160m².

En l'espèce, l'expert a noté que l'agencement des locaux était correct mais ancien. Aucun devis n'a été communiqué, c'est à donc à juste titre que les premiers juges ont décidé qu'en l'absence de réinstallation effective et d'agencement non amortis aucune indemnité n'était due de ce chef.

Indemnité de séparation entre le local commercial et l'appartement

En l'espèce, Mme [E] est locataire d'un appartement, appartenant à la ville de [Localité 1].

Elle demande la prise en charge d'un devis de 33.000€ établi par le cabinet [R], architecte au titre des études préliminaires préalables aux travaux de séparation.

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le coût de la séparation entre les locaux d'habitation et les locaux commerciaux incombera au propriétaire des locaux d'habitation dans l'hypothèse où Mme [E] conservera son bail d'habitation. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à cette demande d'indemnité.

Frais divers, de mailing et autres

L'éviction nécessitera des frais d'impression d'un nouveau papier à lettres, éventuellement d'un mailing pour changement d'adresse.

Mme [E] sollicite de ce chef une somme de 50.000€.

Compte tenu de la faiblesse de son activité professionnelle, une somme de 500€, lui sera accordée de ce chef.

L'indemnité d'éviction est donc constituée, outre l'indemnité principale, de la somme des différentes indemnités précitées soit 35.700€+15.000€+500€ soit 51.200€ pour les indemnités accessoires.

L'indemnité d'éviction totale due à Mme [E] s'élève par conséquent à la somme de 357.000€+51.200€ soit 408.200€.

SUR L'INDEMNITÉ D'OCCUPATION

Sur la prescription

Mme [E] soulève la prescription de la demande en paiement d'une indemnité d'occupation au motif que plus de deux années se sont écoulées entre la date d'effet du congé au 1er juillet 2005 et les conclusions du 6 novembre 2007, par lesquelles le bailleur a formé sa demande en paiement.

La ville de Paris s'oppose à cette demande en faisant valoir que le tribunal dans sa décision du 16 septembre 2008 s'est déjà prononcé sur ce point et qu'en toute hypothèse le droit au paiement d'une indemnité d'occupation ne commence à courir qu'au jour où le droit au paiement d'une indemnité d'éviction est reconnue dans son principe.

En l'espèce, un jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 16 septembre 2008 a dans son dispositif, dit que le refus de renouvellement notifié le 15 juillet 2005 par la VILLE DE PARIS du bail commercial sur les locaux sis à [Adresse 1], ouvre droit au profit de Mme [E] au paiement de l'indemnité d'éviction prévue par l'article L145-14 du code de commerce et au maintien dans les locaux jusqu'au versement de celle-ci'; et au profit du propriétaire au paiement d'une indemnité d'occupation due à compter du 1er juillet 2005'; et institué une mesure d'instruction.

Ce jugement qui n'a pas été frappé d'appel est aujourd'hui définitif.

Dès lors, le principe du droit au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2005 ayant déjà été reconnu par cette décision devenue définitive, la locataire ne peut plus actuellement soulever la prescription de cette demande.

En application de l'article L145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction calculée d'après la valeur locative, tout en corrigeant cette dernière de tous éléments d'appréciation.

Il résulte de l'examen de la valeur du droit au bail que le montant de la valeur locative des lieux loués s'élève à la somme de 650€ par an diminuée d'un abattement pour la chaufferie commune de 5%.

Cependant, l'indemnité d'occupation doit être fixée non pas au regard de la valeur locative de marché mais au regard des conditions spécifiques de la situation des parties.

En l'espèce, la bailleresse depuis la date d'effet du congé jusqu'à la libération par la locataire des locaux, n'a à procéder à aucun investissement en vue de la mise sur le marché des lieux loués contrairement à la situation qui aurait été la sienne dans le cas d'une location nouvelle, et n'a à faire face à aucun frais de transaction ou de négociation, et ne subit bien évidemment aucune vacance des locaux.

En outre la possibilité d'un paiement de cette indemnité d'occupation par compensation avec l'indemnité d'éviction supprime tout risque d'impayé et constitue un facteur de minoration de la valeur locative.

Il convient donc de fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 450€ diminuée d'un abattement de 5% compte tenu de la chaufferie commune.

Il y a lieu par ailleurs de tenir compte de la précarité des conditions d'occupation de Mme [E] depuis la date d'effet du congé et des difficultés qui en résultent pour l'exploitation du fonds qui justifie un abattement de 10 %.

L'indemnité d'occupation due par Mme [E] depuis la date d'effet du congé soit du 1er juillet 2005 s'établit dès lors à la somme annuelle de 51.364,13€.

SUR LE PAIEMENT DES CHARGES

La ville de Paris sollicite la condamnation de Mme [E] à lui payer une somme de 22.174,55€ arrondie à 22.175€ au titre de sa quote part des charges des locaux commerciaux qu'elle occupe pour les années 2006 à 2015.

Pour s'opposer à cette demande Mme [E] soulève la prescription des demandes en paiement de charge pour la période antérieure au 5 février 2008, la demande en paiement ayant été faite pour la première fois dans ses écritures du 5 février 2013.

La ville de Paris ne s'explique pas sur cette prescription.

L'action en prescription des charges étant fixée à cinq ans par l'article 2277, ancien, du code civil, et par l'article 2224 du code civil, c'est à juste titre que la locataire soulève la prescription pour les charges antérieures au 5 février 2008.

Pour la période postérieure, elle fait notamment valoir que selon un document intitulé 'bordereau de situation de la totalité des produits locaux dus à la trésorerie' elle serait à jour du paiement de ses loyers et de ses charges, ce que conteste la ville de [Localité 1] qui fait observer que les charges figurant sur ce bordereau ne concernent que l'appartement et non le local commercial, ainsi que l'indique la référence.

La cour observe que sur le bordereau produit, il est fait mention de régularisations de charges pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014. Ces régularisations portent la référence 06270002D, alors que sur le même document sur lequel figurent également les loyers appelés pour l'appartement et les indemnités d'occupation pour le local commercial, ces dernières portent la référence 06270010D. Il en résulte que les charges réclamées pour le local commercial ne figurent pas sur le bordereau produit par la locataire.

La ville de Paris communique le détail des charges appelées pour les lots 1, 6 et 201 correspondant au local commercial. Ces charges correspondent aux quote parts des lots commerciaux occupés par Mme [E].

Il est dû :

- pour l'année 2008 : 1692,58€

- pour l'année 2009 : 1765,87€

- pour l'année 2010 : 2156,88€

- pour l'année 2011 : 2266,86€

- pour l'année 2012 : 2428,95€

- pour l'année 2013 : 3112,61€

- pour l'année 2014 : 3196,29€

- pour l'année 2015 : 2590,53€

soit une somme totale de 19210,57€

L'instance et l'expertise ont eu pour cause la délivrance par la ville de [Localité 1] d'un refus de renouvellement. Il lui appartient en conséquence d'en supporter les dépens, en ce compris le coût de l'expertise ainsi que le montant de l'indemnité allouée à Mme [E] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris,

statuant à nouveau et y ajoutant,

FIXE à la somme de 408.200€ le montant de l'indemnité d'éviction toutes causes confondues dû par la ville de [Localité 1] à Mme [E],

DIT que la demande en fixation et paiement d'une indemnité d'occupation fixée selon les critères de l'article L.145-28 du code de commerce, n'est pas prescrite,

FIXE le montant de l'indemnité d'occupation due à compter du 1er juillet 2005 à la somme annuelle de 51.364,13€ outre les taxes et charges,

DÉCLARE prescrite la demande en paiement des charges antérieures au 5 février 2008,

CONDAMNE Mme [E] à payer à la ville de Paris la somme de 19210,57€ au titre des charges du local commercial pour les années 2008 à 2015 incluse,

CONDAMNE la ville de Paris à payer à Mme [E] une somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la ville de Paris aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.

LA GREFFI'RE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/16600
Date de la décision : 06/12/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°14/16600 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-06;14.16600 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award