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30/11/2017 | FRANCE | N°16/01590

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 30 novembre 2017, 16/01590


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/01590



Décision déférée à la cour : Jugement du 13 Mars 2012 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2010007578 - Réinscription après retrait du rôle (arrêt rendu le 06 février 2014 par la Chambre 5 du Pôle 5 de la cour d'appel de PARIS)


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APPELANT



Monsieur [H] [Z] [J] [P] ([W])

demeurant [Adresse 1]

ARABIE SAOUDITE



Représenté par Maître Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/01590

Décision déférée à la cour : Jugement du 13 Mars 2012 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2010007578 - Réinscription après retrait du rôle (arrêt rendu le 06 février 2014 par la Chambre 5 du Pôle 5 de la cour d'appel de PARIS)

APPELANT

Monsieur [H] [Z] [J] [P] ([W])

demeurant [Adresse 1]

ARABIE SAOUDITE

Représenté par Maître Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Ayant pour avocat plaidant Maître Renaud THOMINETTE de l'AARPI Renault Thominette Vignaud & Reeve, avocat au barreau de PARIS, toque : P0248

INTIMÉE

SAS CENTURIA CAPITAL anciennement dénommée GROUPE FINANCIÈRE CENTURIA

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant Maître Christophe BOUCHEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C1468

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Octobre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère,

Madame Anne DU BESSET, Conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société de droit français Groupe Financière Centuria, nouvellement dénommée depuis le 6 juillet 2009 Centuria Capital (ci-après Centuria), est une société de gestion de portefeuille et de conseils en ingénierie financière et immobilière, qui est présente dans les régions du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord.

M. [H] [Z] [J] [Z] [H] [Z] [J] ([W] - ci-après M. [P]), homme d'affaires saoudien, détient 92% du capital social de la société de droit saoudien Al-Anwa Investment Holding Company (ci-après Al Anwa ou Anwa) qu'il préside par ailleurs ; il détenait en outre 99,99% du capital social de la société de droit marocain Beladi qui exerce l'activité de promoteur immobilier au Maroc.

Selon courrier à entête de la société Groupe Financière Centuria daté du 26 septembre 2007 (produit en langue anglaise et traduit en français) adressé à la société Al Anwa Holdings Company, à l'attention de son PDG, le Dr [V] [R], la société Groupe Financière Centuria, sous la plume et la signature du Dr [S] [H] (représentant légal de la société de droit émirati Centuria Capital), a indiqué à la société Al Anwa que 'Centuria et ses filiales' étaient d'accord pour proposer leur expertise à Al Anwa aux fins de vente de propriétés immobilières ; qu'elles pouvaient coopérer concernant la vente de deux sociétés, dont la société Beladi Group au Maroc ; qu'en effet, Al Anwa souhaitait vendre ces propriétés et Centuria se chargerait de les évaluer et de proposer des acheteurs; que cette lettre constituait un mandat donné à Centuria avec exclusivité pendant 3 mois à compter de sa signature, cette durée étant renouvelable par Anwa ; et qu'en contrepartie, Centuria pourrait prétendre à une commission de 3% sur le prix de vente, lors de la finalisation de la transaction et à réception du prix de vente par Al Anwa. Ce courrier a été signé par la société Al Anwa, prise en la personne Dr [V] [R].

Par courriel du 19 novembre 2007, la société de droit marocain Centuria North Africa Capital, sous la plume de son directeur général, M. [N] [C], a adressé à M. [C] [L], homme de confiance de M. [P], un premier rapport d'évaluation de la société Beladi Hadj Fatah, arrêtée à la somme de 670.000.000 dirhams, soit 87.000.000 USD. Par courriel du 22 novembre 2007, elle lui a fourni un nouveau rapport ajustant cette évaluation à 691.000.000 dirhams.

Le 10 décembre 2007, la société Centuria North Africa Capital a signé avec la société Groupe Jamai un accord de confidentialité dont l'objet était de permettre à cet acquéreur potentiel de réaliser un audit pré-acquisition de la société Beladi.

Selon lettre du 20 décembre 2007 visant la 'supervision de M. [N] [C], directeur général de Centuria North Africa Capital', M. [P] a accepté, sous une condition d'ordre fiscal, la première offre d'achat de la société Beladi par la société Jamai moyennant un prix de 650.000.000 dirhams, soit 84.400.000 USD ; ajoutant : 'Vous disposez de quarante jours, à partir de la date des présentes, de l'exclusivité du droit d'achat (...), suite à la présentation d'une lettre de garantie bancaire de la valeur de 3% du prix total de l'offre'.

Par courrier du 30 décembre 2007, la société Jamai a indiqué à M. [P], PDG du groupe Al-Anwa, sous la supervision de Centuria North Africa Capital, que son offre se situait dans une fourchette comprise entre 82.500.000 et 87.900.000 USD, sous réserve de l'obtention de l'ensemble des résultats de l'audit alors en cours. Puis, par courrier du 2 janvier 2008, elle lui a proposé d'acquérir 100% des actions de la société Beladi au prix de 650.000.000 dirhams, soit 84.400.000 USD.

Le 7 janvier 2008, la société Centuria North Africa Capital a signé un autre accord de confidentialité avec la société Groupe Addoha, par lequel celle-ci s'engageait à payer une commission de succès égale à 1,5 % de la valeur de la société Beladi, au cas où la cession serait réalisée à son profit. Le même jour, la société Groupe Addoha a offert d'acquérir « la totalité des actions » de la société Beladi au prix de 660.000.000 dirhams, soit 85.714.000 USD.

Selon courrier du 8 janvier 2008, la société Anwa, sous la plume de M. [V] [R], a indiqué à la société 'Sintoria' (lire Centuria) avoir bien reçu les deux offres des groupes Al Duha (lire Addoha) et Al Jamyie (lire Jamai) soumises par l'intermédiaire du bureau Sintoria au Maroc et l'a remerciée pour ses efforts dans l'élaboration de l'étude de l'évaluation. M. [P]

Par courrier du 9 janvier 2008, la société Groupe Jamai a amélioré son offre d'acquisition pour un prix global porté à 695.000.000 dirhams, soit 90.300.000 USD, en acceptant de prendre à sa charge une partie des impôts supportés par M. [P], auquel elle a également consenti, à la même date, une garantie bancaire égale à 3% du prix de cession.

Par deux mails du 14 janvier 2008, M. [N] [C] (Centuria North Africa Capital) a indiqué au PDG de la société Anwa que l'offre du groupe Addoha était globalement moins intéressante que celle du groupe Jamai et qu'elle lui conseillait de reporter le rendez-vous entre le cédant et Addoha, car le processus d'acquisition par Jamai était déjà entamé du point de vue juridique et compte tenu de la réputation de 'fomenteur de troubles' d'Addoha.

Selon actes du 2 février 2008, M. [P] a cédé la totalité de sa participation dans le capital social de la société Beladi comme suit : 55.055 actions à une société du groupe Jamai pour un prix de 42.184.591,93 USD, et 55.047 actions à une société du groupe Addoha pour le même prix, le prix total de cession s'élevant à 84.369.183,86 USD, auquel s'ajoutait la prise en charge par les acquéreurs de l'impôt sur la plus-value dû par le cédant, ce, à hauteur de 12.441.336,14 USD.

Le même jour, est paru un communiqué de presse selon lequel les sociétés Jamai et Addoha, décrites comme deux acteurs d'envergure du secteur immobilier au Maroc, avaient acquis à parts égales la société Beladi. Un article de presse du 5 février 2008 de l'Economiste a repris et détaillé l'information.

Par courrier du 5 février 2008, la société Centuria Real Estate Asset Management (ci-après Cream) a demandé à M. [P] de lui régler sa commission d'un montant de 3.000.000 USD correspondant à 3 % du prix de cession, se déclarant 'surprise' de ne pas avoir été conviée à la clôture de la vente de la société Beladi, qui avait eu lieu le samedi précédent au Maroc, et lui rappelant avoir accompli l'ensemble des missions dont elle avait la charge dans le cadre de l'opération de cession. Cette demande est restée lettre morte.

La société Groupe Financière Centuria a alors adressé à la société Groupe Addoha une facture à son nom datée du 18 février 2008 d'un montant de 632.768,88 USD, représentant 1,5% du prix d'acquisition, au titre de la commission de succès prévue dans leur accord du 7 janvier 2008, qui lui sera payée par chèque du 26 mars 2008 (à hauteur de 5.869.564,11 dirhams).

Puis, elle a envoyé à la société Anwa une facture à son nom datée du 19 février 2008 d'un montant de 2.904.315,60 USD, soit 1.862.575 euros, au titre de ses honoraires représentant 3% du prix de cession brut (de 96.810.520,14 USD) de la société Beladi.

Par courrier du 5 mai 2008, elle a mis en demeure M. [P] de lui payer cette facture, en vain.

Par suite, selon acte du 6 août 2008, elle a assigné M. [P] devant le tribunal de commerce de Cannes en paiement de sa créance.

Par jugement du 3 décembre 2009, cette juridiction a débouté M. [P] de son exception d'incompétence au profit de la juridiction saoudienne et s'est déclarée incompétente au profit du tribunal de commerce de Paris

Par arrêt du 2 février 2011, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré irrecevable comme tardif le contredit de M. [P] formé à l'encontre de cette décision et l'a débouté de sa demande de rectification d'erreur matérielle.

Par jugement du 13 mars 2012, le tribunal de commerce de Paris a :

' condamné Monsieur [H] [X] [J] [P] ([W]) à payer la somme de 1.862.575 euros à la société Centuria avec intérêts à taux légal à compter du 7 août 2008 ;

' ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil';

' débouté M. [H] [Z] [J] [P] ([W]) de sa demande reconventionnelle';

' condamné M. [H] [Z] [J] [P] ([W]) à payer la société Centuria la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

' débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires';

' ordonné l'exécution provisoire ;

' condamné M. [H] [Z] [J] [P] ([W]) aux dépens, en ce compris les frais des mesures conservatoires, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 82,17 euros TTC (dont 13,25 euros de TVA).

Par ordonnance du 26 septembre 2012, le premier président de la présente cour a rejeté la demande de M. [P] d'arrêt de l'exécution provisoire en contrepartie de la consignation sur le compte CARPA de son conseil du montant de la condamnation.

Vu l'appel interjeté par M. [H] [Z] [J] [P] ([W]) le 23 avril 2012 à l'encontre de cette décision';

Vu les dernières conclusions signifiées le 21 février 2017 par M. [H] [Z] [J] [P] ([W]), par lesquelles il est demandé à la cour de':

Vu l'article 784 du code de procédure civile,

- à toutes fins, révoquer l'ordonnance de clôture du 16 janvier 2014, au vu des délais entre cette ordonnance et les plaidoiries';

Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 132 et suivants du code de procédure civile,

- dire et juger que la société Centuria Capital ne communique pas les pièces en langue originale nécessaire au soutien de ses prétentions et n'en rapporte donc pas la preuve';

- la débouter de ses demandes à ce titre';

Subsidiairement,

- dire et juger la société Centuria Capital irrecevable en ses demandes, pour défaut de qualité à défendre de M. [P] et/ou pour défaut d'intérêt et de qualité à agir de la société Centuria Capital';

Très subsidiairement,

- dire et juger que la société Centuria Capital est mal fondée en ses demandes et l'en débouter, dès lors que l'accord du 26 septembre 2007 était expiré avant même la naissance du droit à commission de la société Centuria Capital';

- dire et juger que la société Centuria Capital est mal fondée en ses demandes et l'en débouter, dès lors que l'accord du 26 septembre 2007 ne met pas à la charge ni d'Al Anwa, ni de Monsieur [P], le paiement de la commission réclamée par la société Centuria Capital';

- réviser la rémunération de la société Centuria Capital et dire et juger que cette rémunération est égale à 0 euros et débouter la société Centuria Capital de ses demandes contraires';

- dire et juger que le montant réclamé par la société Centuria Capital résulte d'un calcul erroné et réduire ainsi le montant de la commission à la somme de 2.531.075,52 USD, et condamner la société Centuria Capital à rembourser la différence, soit 373.240,08 USD à M. [P], avec les intérêts de droit';

- la débouter de ses demandes contraires';

En consequence,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 mars 2012';

En tout état de cause,

- condamner la société Centuria Capital à payer à M. [P] la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions signifiées le 29 juin 2017 par la société Centuria Capital, anciennement dénommée Groupe Financière Centuria, par lesquelles il est demandé à la cour de':

Vu les articles 1134, 1154, 1371, 1835, 1994 et 1998 du code civil, dans leur rédaction alors en vigueur,

- confirmer le jugement entrepris en toutes des dispositions,

- dire et juger que la demande de nullité du mandat du 26 septembre 2007 est irrecevable,

En conséquence,

- débouter M. [H] [Z] [J] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [H] [Z] [J] [P] à payer à la société Centuria Capital, en derniers ou quittances, la somme de 1.862.575 euros, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2008,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil';

- condamner M. [H] [Z] [J] [P] à payer à la société Centuria Capital la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens, en ce compris les frais de mesures conservatoires, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP AFG, Avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2017.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs :

' Sur la demande de révocation de la clôture formée par M. [P] :

La demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 16 janvier 2014 est sans objet puisque il y a déjà été fait droit par ordonnance du 23 février 2017 et une nouvelle clôture a été prononcée le 21 septembre 2017.

' Sur la recevabilité de la demande de la société Centuria Capital :

Vu les articles 30, 31, 32 et 122 du code de procédure civile ;

M. [P] prétend en premier lieu que Centuria serait irrecevable à agir à son encontre, faute pour lui-même d'avoir 'qualité à défendre', en ce qu'il n'a pas contracté avec elle, que celle-ci ne démontrerait pas qu'elle dispose d'une action directe à son endroit en vertu d'une substitution de mandat ou, subsidiairement, que les conditions de l'action de in rem verso sont remplies. L'appelant prétend ainsi, en d'autres termes, que l'action serait mal dirigée, puisque il n'a pas contracté avec Centuria, seule la société Al Anwa l'ayant fait par la signature du mandat le 26 septembre 2007.

Or, la demande en paiement formée par Centuria est fondée, à titre principal, sur l'action directe ouverte au bénéfice du sous-mandataire à l'encontre du mandant par l'article 1994 du code civil, et, à titre subsidiaire, sur l'article 1371 du code civil au titre de l'enrichissement sans cause. Or, dans les deux cas, qu'il soit actionné en tant que mandant indirect ou en tant qu'enrichi, M. [P] a l'aptitude et la capacité juridique à discuter et combattre le bien-fondé de la prétention adverse, notamment s'agissant des conditions qui concernent sa personne. En d'autres termes, il n'apparaît pas, avant tout débat sur le fond du litige, que Centuria aurait attrait en justice le mauvais débiteur de l'obligation dont elle se prétend créancière.

Par suite, la demande de Centuria est recevable au regard de la qualité à défendre du défendeur, ici appelant.

M. [P] soutient en second lieu que Centuria serait irrecevable à agir à son encontre, faute de qualité et d'intérêt pour ce faire.

Or, Centuria objecte à bon droit qu'aux termes exprès du mandat conclu le 26 septembre 2007 entre Al Anwa et elle-même, rédigé au surplus sur son papier à entête avec indication en bas de page de ses éléments d'identification (adresse de son siège, numéro d'immatriculation au RCS...), elle est la bénéficiaire de la commission alors stipulée, dont elle demande ici le paiement (le dit mandat stipulant : 'Centuria pourra prétendre à une commission de 3% sur le prix de vente'). Elle excipe en outre avec raison que ce mandat a pu être valablement signé, comme il y est précisé, pour son compte par le Dr [S] [H] (dirigeant de la société de droit émirati Centuria Capital, dans laquelle elle détient indirectement une participation), seule elle-même étant en toutes hypothèses à même de contester le pouvoir de l'intéressé à la représenter, ce qu'elle ne fait pas, le confirmant au contraire. Par suite, il découle nécessairement de ces différents éléments que Centuria a bien tout à la fois qualité et intérêt à agir.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a implicitement déclarée recevable en son action.

' Sur le fond :

' Sur la demande de nullité du mandat de vente du 26 septembre 2007 :

Aux termes de ses dernières écritures, M. [P] ne demande plus le prononcé de la nullité du mandat de vente du 26 septembre 2007 conclu entre Al Anwa et Centuria ; par suite, la cour n'est pas saisie d'une telle prétention et la défense de Centuria sur ce point est sans objet.

' Sur le principe de la commission :

Vu les articles 1984 et suivants du code civil ;

Il est de principe qu'en application de l'article 1994 du code civil, le mandataire substitué ou sous-mandataire dispose d'une action directe et personnelle contre le mandant pour obtenir le paiement de la rétribution qui lui est due et le remboursement de ses frais, que la substitution ait ou non été autorisée par le mandant.

En l'espèce, c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli en son principe la demande de paiement de sa commission formée par Centuria à l'encontre de M. [P] sur le fondement de ce texte.

En effet, il résulte sans conteste des pièces du dossier (produites le cas échéant en version originale étrangère et en version traduite en français) :

- d'une part, que c'est nécessairement Al Anwa qui a mandaté Centuria pour évaluer Beladi et rechercher des acquéreurs, dès lors qu'Al Anwa était elle-même mandatée à cette fin,

- d'autre part, que les deux sociétés (Jamai et Addoha) au profit desquelles la cession a finalement bien eu lieu le 2 février 2008 avaient été sélectionnés et présentés à Al Anwa et au cédant par Centuria, ce dont il découle que celle-ci a accompli sa mission (le débat sur la qualité de sa prestation trouvant sa place ultérieurement).

Il s'en déduit ainsi qu'il y a bien eu un mandat principal entre le cédant et sa holding, Al Anwa, et substitution de mandat par celle-ci au profit de la banque d'affaire Centuria, peu important que ce second mandat ne fasse pas référence au premier et étant rappelé que le mandat est un contrat consensuel ne nécessitant pas d'écrit pour être valable.

En outre, il n'est à aucun moment allégué que le mandataire principal (Al Anwa) aurait déjà été rémunéré par le mandant, ce qui éteindrait sa créance et ferait obstacle à l'action directe du sous-mandataire.

De plus, c'est vainement que M. [P] soutient, pour la première fois en cause d'appel, que le droit français ne serait pas applicable à l'action compte tenu des multiples éléments d'extranéité de l'affaire, ce, sans en tirer de conséquences juridiques sur le droit saoudien qui serait applicable et sur son incidence sur la solution du litige.

De même, comme cela a été dit, il résulte des termes du mandat du 26 septembre 2007 que c'est bien la société de droit français Centuria elle-même (soit à l'époque 'Groupe Financière Centuria', dénommée depuis 'Centuria Capital'), qui est désignée comme bénéficiaire de la rémunération, peu important que le contrat ait été conclu non par elle seule, mais également au nom de ses filiales (: 'Centuria and its affiliated companies'/'Centuria et ses filiales') dont ainsi elle se portait-fort.

Il est donc indifférent que plusieurs sociétés du groupe Centuria, à savoir, Centuria North Africa (Maroc) surtout, mais aussi Centuria Capital (Emirats Arabes Unis) et Cream soient intervenues dans l'exécution du contrat, sans répondre pour autant à la définition juridique stricte de la filiale résultant de l'article L233-1 du code de commerce, d'après le schéma - non contesté - des participations capitalistiques du groupe effectué par l'appelant en page 3 de ses conclusions. Autrement dit, le statut exact de ces sociétés vis-à-vis de Centuria n'a pas d'incidence, puisque dans tous les cas, c'est cette dernière qui est créancière de la rétribution. La cour observe d'ailleurs que M. [P] n'oppose à aucun moment le risque pour lui de double paiement (à Centuria en plus, soit d'Al Anwa ainsi que cela a été dit, soit, d'une 'filiale' de Centuria).

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. [P], il a été estimé à juste titre par le tribunal de commerce que la vente est intervenue alors que le mandat était toujours en cours, par suite de son renouvellement tacite, les actes et diligences de Centuria postérieurs à son terme ayant été implicitement approuvés et ratifiés par Anwa, ceci résultant notamment du courrier de celle-ci du 8 janvier 2008 (qui remercie notamment Centuria de son action), des mails de Centuria North Africa du 14 janvier 2008 et du fait que la dite vente s'est ensuite faite au profit des acquéreurs présentés et étudiés par Centuria.

S'agissant enfin du débiteur de la commission, il est rappelé que le mandat du 26 septembre 2007 stipule : 'Centuria pourrait prétendre à une commission de 3% (trois pour cent) sur le prix de vente/placement final de la transaction immobilière. Cette commission sera payée lors de la finalisation de la transaction et à réception du prix de vente par Anwa.'

Or, il ressort de ces stipulations claires et précises que c'est bien la société Al Anwa qui est débitrice de la rétribution ainsi prévue. En outre, l'effet relatif des contrats ferait obstacle à ce que cela puisse être des tiers au contrat, que ce soit M. [P], même s'il est cédant, ou encore les acquéreurs, d'autant qu'il n'est démontré aucun usage constant les concernant. A cet égard, il est sans incidence que Centuria ait obtenu des honoraires de succès par un des deux acquéreurs (groupe Addoha).

Par suite, Centuria exerçant ici l'action directe en sa qualité de sous-mandataire, M. [P], en sa qualité de mandant, se trouve effectivement redevable à son égard de la commission prévue dans le sous-mandat au bénéfice du mandataire principal.

Le jugement entrepris sera confirmé, par motifs adoptés et propres, en ce qu'il a admis le principe du droit à commission de Centuria.

' Sur le quantum de la commission :

Vu les articles 1992 et 1994 du code civil ;

M. [P] demande à titre subsidiaire la révision de la rémunération de Centuria et de dire que cette rémunération est égale à 0 euro, en raison des fautes commises par celle-ci dans l'exercice de son mandat, qui l'ont privé de la possibilité d'obtenir un meilleur prix de vente, la moins-value étant de 5.930.816,14 euros, et ont occasionné un préjudice moral d'image à Al Anwa.

Il est rappelé que par lettre du 20 décembre 2007, M. [P] a accepté, sous condition que le pourcentage de taxes ne soit pas supérieur à 10%, une première offre d'achat de la société Beladi par la société Jamai moyennant un prix de 650.000.000 dirhams, soit 84.400.000 USD, en ajoutant : 'Vous disposez de quarante jours, à partir de la date des présentes, de l'exclusivité du droit d'achat (...), suite à la présentation d'une lettre de garantie bancaire de la valeur de 3% du prix total de l'offre'.

Or, il s'avère qu'à cette date du 20 décembre 2007, ni l'offre d'achat de Jamai - non formalisée par écrit - ni son acceptation par M. [P], n'étaient fermes. En effet, dans sa correspondance du 30 décembre 2007, Jamai précise que son offre se situe dans une fourchette de prix et qu'elle est faite sous réserve de l'audit alors en cours. Par suite, seule son offre d'achat du 2 janvier 2008 s'avère précise et ferme. Pour sa part, l'acceptation de M. [P] ne peut être considérée comme ferme, car soumise à une condition fiscale. Il est relevé au surplus que les modalités de l'exclusivité de 40 jours évoquée par le cédant au profit de Jamai étaient peu claires (pouvant être interprétées comme faisant partir ce délai du jour-même ou comme soumettant l'octroi de l'exclusivité à la fourniture d'une caution bancaire, qui ne sera fournie par Jamai que le 9 janvier 2008).

De plus, s'il résulte de la nouvelle et dernière offre (pour un montant total de 90,3 millions USD) en date du 9 janvier 2008 de Jamai (par laquelle elle maintient le prix antérieur offert, mais y ajoute une prise en charge par elle-même d'une part de 5% de la taxe pesant sur le vendeur), que son offre du 30 décembre 2007 avait été entre-temps acceptée par le cédant, le courrier en cause ne permet pas dater cette seconde acceptation. Le courrier du 6 janvier 2008 de Anwa au [W] n'établit pas non plus la date de sa seconde acceptation.

Par suite, au vu de ces éléments et notamment de cette chronologie, c'est non fautivement que le 7 janvier 2008, Centuria, continuant ses recherches d'acquéreurs potentiels, a signé un accord de confidentialité avec Addoha et reçu de celle-ci une offre d'achat, qu'elle n'a pas alors pour autant acceptée contrairement à ce qui est prétendu, puisque à cette date, aucun n'accord ferme de volontés du cédant et de Jamai n'était acquis. D'ailleurs, au 7 janvier 2008, l'offre équivalente à 90,3 millions USD de Jamai que M. [P] prétend avoir indûment manquée, n'avait pas encore eu lieu, ayant été formulée pour la première fois le 9 janvier 2008.

De même, le caractère fautif des conseils prodigués par Centuria dans ses deux mails du 14 janvier 2008 n'est pas établi.

Il apparaît par suite que la polémique qui a entouré - à tort ou à raison - les conditions de la cession tripartite in fine intervenue, mis en exergue par l'article de l'Economiste, n'est pas imputable à Centuria, laquelle avait été, en toutes hypothèses, évincée de la finalisation de la cession, dont elle n'a eu connaissance qu'a posteriori.

Enfin, la cour relève que M. [P] a perçu in fine des acquéreurs une somme totale de 96.810.520 USD, comprenant le strict prix et la prise en charge de la taxe sur la plus-value due par le vendeur, ce qui à l'évidence est mieux que l'offre de 90,3 millions USD prétendument manquée.

Par suite, ni la faute de Centuria, ni le préjudice corrélatif du cédant n'étant prouvés, il n'y a pas lieu à révision du montant des honoraires convenus.

Enfin, l'appelant prétend, à titre plus subsidiaire, de façon également vaine, que le calcul de la commission de 3% sollicitée serait erroné, en ce que son assiette doit se limiter au prix de vente (qui est de 84.369.183,86 USD) et exclut donc l'impôt sur la plus-value (de 12.441.336,14 USD) auquel était tenu le vendeur, mais que les acquéreurs se sont engagés à payer.

En effet, le contrat stipule que la commission est calculée sur 'le prix de vente/placement final de la transaction immobilière', ce qui révèle une conception large de son assiette, comprenant toute la contrepartie financière exigée de l'acheteur pour lui céder la chose, contrepartie qui ne se limite donc pas au prix stricto sensu. Il s'avère par conséquent que l'impôt pris en charge par les cessionnaires alors qu'il était à la charge légale du cédant constituait bien un des éléments, négociés, du prix convenu et a été inclus avec raison dans l'assiette de la commission.

Le jugement dont appel sera donc entièrement confirmé, par motifs adoptés et propres.

M. [P] qui succombe supportera les dépens de l'appel. L'équité commande d'allouer à Centuria la somme supplémentaire de 15.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [P] à payer à la société Centuria Capital la somme de 15.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE M. [P] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP AFG, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président

Hortense VITELA Patrick BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 16/01590
Date de la décision : 30/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°16/01590 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-30;16.01590 ?
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