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29/11/2017 | FRANCE | N°15/03019

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 29 novembre 2017, 15/03019


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 29 Novembre 2017

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03019



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 12/11910





APPELANTE

SAS ADVERLINE

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 428 723 266

représentée par Me Joëlle HANN

ELAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R210







INTIME

Monsieur [B] [C]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 3]

comparant en personne, assisté de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 29 Novembre 2017

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03019

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 12/11910

APPELANTE

SAS ADVERLINE

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 428 723 266

représentée par Me Joëlle HANNELAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R210

INTIME

Monsieur [B] [C]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Aymeric HAMON, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 1702

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Catherine SOMMÉ, Présidente de chambre

M. Benoît HOLLEAUX, Conseiller

Mme Laure TOUTENU, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Claudia CHRISTOPHE, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par convention en date du 21 juillet 2006, prenant effet au 7 juin 2006 et dont le terme était prévu au 7 septembre 2007, la SARL Groupe MW s'est vu confier par la SARL CKFD, actionnaire majoritaire de la SAS ADVERLINE, une mission de conseil et d'assistance, rémunérée 267 200 € hors taxes pour l'ensemble de la période, facturée par provisions mensuelles de 16 700 € hors taxes, et réglée par la remise d'actions ADVERLINE évaluées à la moyenne des cours cotés pendant le mois facturé sur le marché Alternext d'Euronext Paris SA.

Cette convention prévoyait également que le gérant de la SARL Groupe MW, M. [B] [C], serait désigné directeur général délégué de la SAS ADVERLINE au plus tard le 30 juin 2006, sans que ce mandat ne soit rémunéré de manière disctincte. Une attribution gratuite d'actions au profit de M. [C] était toutefois prévue.

Le 9 juin 2006, M. [C] a été nommé directeur général délégué de la SAS ADVERLINE. Il a en outre été nommé, le 2 août 2006, président de la SAS SOCIETE, puis ultérieurement, le 2 février 2010, président de la SAS KP MEDIA, toutes deux filiales de SAS ADVERLINE.

Bien que la mission de conseil et d'assistance de la SARL Groupe MW, prévue par convention du 21 juillet 2006, n'ait pas été renouvelée au terme prévu à la date du 7 septembre 2007, cette mission s'est néanmoins poursuivie.

Par lettre du 19 décembre 2008, la société ADVERLINE a informé la société Groupe MW de sa volonté de mettre fin à la mission de celle-ci au 31 mars 2009.

Un protocole transactionnel a été conclu le 17 avril 2009 entre la société Groupe MW, M. [C] et la société ADVERLINE.

Une nouvelle convention de conseil et d'assistance a été conclue entre la société Groupe MW et la société ADVERLINE le 17 mars 2009, pour une durée indéterminée à compter du 1er avril 2009, fixant les honoraires de la société Groupe MW à 196 800 € hors taxes annuels, payables mensuellement à concurrence de 16 400 € hors taxes mensuels, outre un honoraire exceptionnel au titre de l'année 2009.

Des avenants à cette convention ont été conclus les 1er avril 2010, 9 février 2011 et 22 juin 2012, fixant les honoraires de la société Groupe MW au titre de chacune de ces années.

La société ADVERLINE a été cédée à la SAS MEDIAPOST HOLDING en juin 2012.

Par lettre du 10 juillet 2012, la société ADVERLINE a informé la société Groupe MW qu'elle mettait fin à la convention de conseil et d'assistance à l'expiration du délai contractuel de préavis de trois mois, soit au 10 octobre 2012.

M. [C] a été révoqué de ses fonctions de directeur général délégué de la société ADVERLINE le 19 octobre 2012. Il a par ailleurs été révoqué de ses mandats sociaux au sein des deux filiales, la SAS SOCIETE et la SAS KP MEDIA, les 22 octobre et 8 novembre 2012.

M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS le 25 octobre 2012 d'une demande de requalification de sa prestation de conseil et assistance en contrat de travail à durée indéterminée et de demandes en paiement à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Par jugement rendu le 31 octobre 2014, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- requalifié le contrat de prestations en contrat à durée indéterminée ;

- dit la rupture abusive ;

- condamné la SAS ADVERLINE à payer à M. [C] les sommes suivantes :

* 66.970 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 192.213 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [C] du surplus de ses demandes ;

- débouté la SAS ADVERLINE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS ADVERLINE aux dépens.

Par déclaration du 13 mars 2015, la société ADVERLINE a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience du 6 septembre 2017, la société ADVERLINE demande à la cour de :

* à titre liminaire :

- constater que la SARL CKFD n'a pas été mise dans la cause et en conséquence déclarer irrecevables les demandes formulées par M. [C] au titre de la convention de conseil et d'assistance conclue le 21 juillet 2006 entre la société Groupe MW et la SARL CKFD ;

- vu la transaction conclue le 17 avril 2009, déclarer irrecevables les demandes formulées par M. [C] à l'encontre de la société ADVERLINE au titre des prestations fournies par Groupe MW sur cette période ;

* sur le fond et à titre principal :

- constater que M. [C] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de subordination à l'égard de la société ADVERLINE ;

- constater en conséquence que les prestations de services fournies par Groupe MW à ADVERLINE, du 1er avril 2009 (ou du 7 juin 2006 si toutes les demandes de M. [C] étaient jugées recevables) au 10 octobre 2012, sont exclusives de tout contrat de travail entre la société ADVERLINE et M. [C] ;

- débouter M. [C] de sa demande de requalification des prestations de conseil et d'assistance fournies à la société ADVERLINE en un contrat de travail à durée indéterminée et de l'ensemble de ses demandes en découlant ;

* à titre subsidiaire, si la cour devait requalifier la prestation de M. [C] à l'égard d'ADVERLINE en contrat de travail ;

- constater que le cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social par M. [C] était impossible en l'absence de l'exercice de fonctions techniques salariées distinctes de celles du mandat social ;

- juger par conséquent que le contrat de travail n'a pas existé et s'est confondu avec l'exercice du mandat social ;

- débouter M. [C] de ses demandes au titre de la rupture de ce contrat de travail et du travail dissimulé ;

- condamner M. [C] au paiement de la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses conclusions visées par le greffier et oralement soutenues à l'audience du 6 septembre 2017, M. [C] demande à la cour de :

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- requalifié la prestation de conseil et d'assistance en un contrat de travail à durée indéterminée ;

- jugé la rupture abusive ;

- condamné la société ADVERLINE à lui verser la somme de 66 970 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* réformer le jugement entrepris pour le surplus et, statuant à nouveau, condamner la société ADVERLINE à lui payer les sommes de :

- 770 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- 192 263 € à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;

- 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité des demandes au titre de la période antérieure au 1er avril 2009

Le jugement déféré n'a pas répondu au moyen d'irrecevabilité soulevé par la société ADVERLINE pour la période antérieure au 1er avril 2009.

Suivant protocole transactionnel signée le 17 mars 2009, la société Groupe MW, représentée par son gérant M. [C], M. [C] et la société ADVERLINE, ont mis fin au litige les opposant relatif à la mission de conseil et d'assistance fournie par la société Groupe MW, conclue le 21 juillet 2006 à effet du 7 juin 2006 pour une durée de seize mois venant à terme le 7 septembre 2007 et qui s'est poursuivie suivant contrat verbal à durée indéterminée, jusqu'à sa résiliation le 19 décembre 2008 à effet du 31 mars 2009 par la société ADVERLINE.

Cet accord, qui prévoit expressément, au visa des articles 2044 et 2052 du code civil, qu'il vaut transaction définitive ayant autorité de la chose jugée, précise que :

- les sociétés ADVERLINE et Groupe MW reconnaissent que plus aucune contestation ne les oppose qui aurait pour cause la conclusion, l'exécution ou le terme de la mission de conseil et d'assistance ;

- la société ADVERLINE et M. [C] reconnaissent que plus aucune contestation ne les oppose qui aurait pour cause l'attribution d'actions gratuites à M. [C] au titre de son mandat de directeur général délégué de la société ADVERLINE.

Ainsi que le soutient la société ADVERLINE, M. [C] a renoncé définitivement à toutes action et prétentions relatives à la mission de conseil et d'assistance confiée à la société Groupe MW par la société ADVERLINE pour la période antérieure au 1er avril 2009, date d'effet de la seconde convention de prestations conclue entre les parties le 17 mars 2009.

Les demandes de M. [C], en ce qu'elles portent sur la période antérieure au 1er avril 2009, sont irrecevables par l'effet de l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction du 17 avril 2009.

Sur l'existence du contrat de travail à compter du 1er avril 2009

Pour solliciter la confirmation du jugement déféré, M. [C] se prévaut de son intégration dans la collectivité de travail de la société ADVERLINE, en faisant valoir qu'il a été nommé comme directeur général délégué de celle-ci, avec des pouvoirs limités, qu'il a exercé ses activités de prestataire au sein de la société ADVERLINE sous la double tutelle de ses fondateurs, MM. [H] [J] et [R] [W], respectivement président directeur général et directeur général délégué, qui contrôlaient la plupart des agissements et validaient les décisions importantes de la société, qu'il était présent tous les jours dans les locaux de la société ADVERLINE, qu'il utilisait le matériel de celle-ci, une adresse électronique au nom de la société, qu'il bénéficiait d'une voiture de fonction, que ses frais de carburant et de téléphone portable lui étaient remboursés à titre personnel. M. [C] soutient également qu'il était soumis au contrôle et à l'autorité des deux dirigeants, dont il suivait les instructions, et auxquels il soumettait les dossiers pour validation et rendait compte. Il affirme qu'il exerçait une activité technique distincte de celle de son mandat social. M. [C] soutient enfin que la structure de sa rémunération était celle d'un salarié, avec un fixe et un variable sur objectifs, qu'il a reçu parfois des bulletins de paie pour justifier du paiement de ses honoraires, que dans les relations entre les parties le vocable de "salaire" ou de "primes" était utilisé et qu'il était sous la dépendance économique de la société ADVERLINE, travaillant exclusivement pour celle-ci.

La société ADVERLINE, pour infirmation du jugement entrepris, fait valoir que l'intégration de M. [C] au sein de la collectivité de la société ADVERLINE se justifiait pleinement dans le cadre de l'exercice de son mandat social de directeur général adjoint, confié à compter du 9 juin 2006 jusqu'au 19 octobre 2012, mandat qu'il a effectivement exercé au delà des limitations de pouvoirs fixées, les décisions qu'il a prises en cette qualité ne s'inscrivant pas dans les missions d'analyse, de conseil et de proposition qui étaient celles de la société Groupe MW. La société ADVERLINE conteste que des objectifs aient été fixés à M. [C], l'existence d'ordres, d'instructions et d'un quelconque contrôle à son égard et souligne que les échanges relatifs à l'accomplissement des missions de conseil et d'assistance s'inscrivent seulement dans l'exécution de la convention de prestations. La société appelante soutient encore que M. [C] n'avait ni plannings ni horaires de travail, ne rendait pas compte de son temps de présence dans l'entreprise, conteste "l'habillage" invoqué de la rémunération de M. [C], observant qu'un seul bulletin de salaire est produit pour novembre 2007 qui mentionne un emploi de directeur général n'ayant aucun lien avec la prestation de services fournie par la société ADVERLINE. Elle conteste également la dépendance économique alléguée. A titre subsidiaire la société appelante soulève l'absence de cumul possible de prétendues fonctions salariées consistant dans les missions d'analyse, de conseil et de proposition, en raison de l'absence de technicité particulière de celles-ci et donc de caractère technique distinct de celles du mandat social.

L'article L. 8221-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :

"I. - Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;

2° [...]

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

4° [...]

II. - L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L. 8221-5 [...]".

Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement de travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il appartient à M. [C], qui invoque l'existence d'un contrat de travail avec la société ADVERLINE, d'en rapporter la preuve.

Au préalable il doit être relevé que toutes les pièces produites par M. [C] portant sur la période antérieure au 1er avril 2009 sont sans portée quant à la démonstration d'une relation de travail salariée, qui ne peut en effet concerner que la période ayant couru à compter du 1er avril 2009, les demandes relatives à la période antérieure ayant été jugées irrecevables.

M. [C] exerçant le mandat social de directeur général délégué de la société ADVERLINE, il ne peut être déduit de l'occupation par celui-ci d'un bureau, partagé avec les autres dirigeants de l'entreprise, de l'utilisation d'une adresse électronique au nom de la société ADVERLINE, du matériel de la société, de l'attribution d'une voiture de fonction et du remboursement des frais de carburant et de téléphone de M. [C], l'existence d'une relation salariée.

Les pouvoirs de M. [C] en qualité de directeur général délégué de la société ADVERLINE ont certes été limités lors de sa nomination, le procès-verbal de délibération du conseil d'administration du 9 juin 2006 précisant en effet que l'interessé ne pourra sans y être autorisé par une décision du conseil d'admnistration, effectuer un certain nombre d'opérations au nombre desquelles, notamment, "l'acquisition ou l'aliénation, la prise à bail ou la mise à disposition à titre onéreux ou gratuit de tous immeubles, fonds de commerce ..., la conclusion, la résiliation de tous contrats d'une durée supérieure à trois années ..., le recrutement ou le licenciement de tout cadre pour un salaire annuel brut de 45 000 €, l'engagement de toute dépense prévue dans un budget initialement approuvé par le conseil d'admnistration, supérieur à 10 000 € par opération". Toutefois il ressort des échanges entre les dirigeants de la société ADVERLINE, dont M. [C], que celui-ci a exercé pleinement son mandat, participant aux décisions essentielles de la direction de l'entreprise, portant notamment sur les attributions d'actions au sein de la société et aux objectifs commerciaux de celle-ci, étant observé à cet égard que le courriel du 22 mai 2009 de M. [J], président directeur général, adressé à M. [C] fait mention des objectifs non pas assignés à ce dernier, mais bien de la stratégie des objectifs de l'entreprise, comme d'ailleurs précisé en objet ("stratégie objectif Adverline pour les 3 mois") de ce courriel. Ces mêmes échanges montrent une concertation entre M. [C], M. [J] et M. [B] [W], s'agissant des décisions à prendre relatives aux salariés de l'entreprise, ainsi notamment concernant le licenciement envisagé de l'un d'eux, sans qu'il puisse se déduire du fait que M. [B] [W] se soit opposé à ce licenciement en ces termes : "ce n'est pas le moment de virer [F]", par courriel du 25 novembre 2011, qu'il donnait des instructions et consignes à M. [C]. L'existence de telles instructions ne ressort pas davantage en matière budgétaire, les courriels produits mettant seulement en évidence des discussions entre M. [J], M. [B] [W] et M. [C] sur ce point, ainsi que le niveau élévé de responsabilités de M. [C] à cet égard, dont tous les courriels sont signés le plus souvent en qualité de directeur général délégué.

Les missions confiées par la société ADVERLINE à la société Groupe MW dont l'intimé est le gérant, étaient les suivantes :

- analyser régulièrement l'évolution de la situation du GROUPE ADVERLINE et des secteurs d'activité sur lesquels il intervient ;

- proposer une stratégie de développement du GROUPE ADVERLINE ... et les plans d'action s'inscrivant dans cette stratégie ... ;

- proposer l'organisation adaptée et ... ses évolutions souhaitables, et la mise en place des outils de contrôle de gestion ... ;

- conseiller le GROUPE ADVERLINE sur toutes opérations de croissance externe ou de désinvestissement ... ;

- conseiller le GROUPE ADVERLINE en matière de politique financière et de communication financière."

L'ensemble des pièces produites montre en réalité une forte imbrication entre les fonctions de mandataire social de M. [C] et les missions confiées par la société ADVERLINE à la société Groupe MW, dont M. [C] est le gérant, exécutées par ce dernier en toute autonomie et sans qu'il ne ressorte en définitive d'aucun élément versé aux débats l'exercice par ce dernier de fonctions techniques distinctes de son mandat social au sein de la société ADVERLINE.

Le courriel adressé par M. [B] [W] à M. [C] le 22 mars 2012 en ces termes : ""je répète ce que je viens de te dire je trouve ta démarche inqualifiable", n'est nullement l'expression d'un pouvoir de sanction à l'égard d'un salarié, mais celle de la forte désaprobation du premier quant à ce qu'il considérait être un non-respect par le second de la confidentialité indispensable sur le projet, en cours à l'époque, de cession des parts de la société ADVERLINE à une société tierce, parts dont M. [C] était également détenteur en sa qualité d'actionnaire.

Par ailleurs, étant rappelé que lorsque celui qui prétend avoir été salarié d'une société exerçait un mandat social au sein de celle-ci, la production de bulletins de salaire est à elle seule insuffisante à créer l'apparence d'un contrat de travail, la cour relève que le seul bulletin de salaire produit par M. [C], du mois de novembre 2006, porte sur la période antérieure au 1er avril 2009, soit sur une période couverte par la transaction conclue entre les parties. En tout état de cause ce bulletin de salaire ne fait nullement mention de fonctions d'assistance et de conseil, à propos desquelles la requalification en contrat de travail est sollicitée, mais d'un emploi de "directeur général".

Quant à l'utilisation du terme "primes", il n'est pas déterminant quant à la preuve de l'existence d'un contrat de travail, dans la mesure où les courriels produits montrent que ce vocable était utilisé tant pour M. [C] que pour MM. [H] [J] et [B] [W], mandataires sociaux, ainsi qu'il ressort des échanges de courriels entre M. [C], M. [O] [M], responsable comptable et financier et M. [R] [B] [W], ce dernier demandant ainsi au précédent le 25 juillet 2011, "peux-tu nous faire à [H] et moi une prime semestrielle net de 5 000 € à fin juillet.

La structure de la rémunération de la société Groupe MW, prestataire de la mission de conseil et d'assistance, composée d'honoraires et d'honoraires de résultat, n'est pas davantage déterminante, en l'absence de démonstration de consignes et instructions.

Enfin la dépendance économique alléguée n'est pas établie, dès lors notamment qu'en 2013, soit postérieurement à la résiliation de la convention de prestations conclue avec la société ADVERLINE, la société Groupe MW est devenue associée et directeur général de la SAS Learnorama, M. [C] étant nommé membre du comité stratégique de celle-ci, étant précisé que le chiffre d'affaires de cette société qui était de 1 220 940 € en 2011, n'est pas communiqué pour les années postérieures.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, M. [C] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de subordination avec la société ADVERLINE et partant d'un contrat de travail.

Le jugement déféré doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [C] partie perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel. Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

DECLARE irrecevables les demandes formées par M. [B] [C] à l'encontre de la SAS ADVERLINE pour la période antérieure au 1er avril 2009 ;

DEBOUTE M. [B] [C] de l'ensemble de ses demandes pour la période postérieure ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [C] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/03019
Date de la décision : 29/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/03019 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-29;15.03019 ?
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