La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2017 | FRANCE | N°14/10866

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 29 novembre 2017, 14/10866


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 29 Novembre 2017

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10866



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Juillet 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 11/00072





APPELANTE :

SAS TAÏS

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Emmanuelle SAPENE, a

vocat au barreau de PARIS, toque : R047 substitué par Me Sophie ELIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0074





INTIMÉE :

Madame [G] [P]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

comparante en personne...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 29 Novembre 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10866

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Juillet 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 11/00072

APPELANTE :

SAS TAÏS

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS, toque : R047 substitué par Me Sophie ELIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0074

INTIMÉE :

Madame [G] [P]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

comparante en personne, assistée de Me Lionel PARIENTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0372 substitué par Me Lucie-Lou PIGNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0921

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Benoît DE CHARRY, Président de chambre

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Martine JOANTAUZY, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, Président de chambre et par Madame Martine JOANTAUZY, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame [G] [P] a été engagée par la SAS TAIS par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er octobre 2007, avec une reprise d'ancienneté au 1er juillet 2007, en qualité de chauffeur PL, niveau II, position III, coefficient 110.

La SAS TAIS occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des activités du déchet .

Madame [G] [P] percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle correspondant à un coefficient 110, sur la base de la convention collective nationale applicable.

Madame [G] [P] était titulaire d'un certificat de formation pour les conducteurs de véhicules transportant des marchandises dangereuses, dit'«'ADR'» depuis le 19 octobre 2006, renouvelé du 1er juillet 2011 jusqu'au 3 octobre 2016.

Un protocole de fin de conflit conclu le 22 septembre 2006 était applicable au sein de l'entreprise TAIS à compter du 1er octobre 2006. Cet accord fixait notamment la rémunération des chauffeurs de la SAS TAIS en fonction d'un coefficient.

Par lettre du 24 septembre 2010 Madame [G] [P] par l'intermédiaire de son conseil, a mis en demeure la société TAIS de l'affecter, en tant que titulaire du certificat «'ADR'», au positionnement coefficient 114, en application du protocole de fin de conflit du 22 septembre 2006 et de lui verser les rappels de salaire correspondant à cette qualification depuis l'embauche.

Le 31 mars 2011 était signé un accord d'entreprise relatif à la rémunération des conducteurs, portant révision du protocole de fin de conflit du 22 septembre 2006.

Revendiquant le bénéfice des dispositions du protocole de fin de conflit du 22 septembre 2006, Madame [G] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny d'une demande de rappels de salaires et congés payés afférents pour la période allant du 1er juillet 2007 au 14 janvier 2013, rémunération correspondant à un coefficient 114.

Le conseil de prud'hommes de Bobigny par jugement de départage en date du 31 juillet 2014, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

-condamné la société TAIS a payer à Madame [G] [P] la somme de 3128,49 euros à titre de rappel de salaire pour la période allant du 1er juillet 2007 au 14 janvier 2013, ainsi qu'à la somme de 312,84 euros au titre des congés payés afférents ;

-ordonné à la société TAIS de remettre à Madame [G] [P] les bulletins de paie conformes à la présente décision ;

-condamné la société TAIS a payer à Madame [G] [P] la somme de 1000 euros à titre d'indemnisation de son préjudice pour non respect du protocole du 22 septembre 2006 ;

-débouté les parties du surplus de leur demandes ;

-condamné la société TAIS à payer à Madame [G] [P] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-ordonné l'exécution provisoire de la décision conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;

-condamné la SAS TAIS aux dépens de la première instance.

La SAS TAIS a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 3 octobre 2014.

La SAS TAIS soutient avoir fait une exacte application des dispositions du protocole de fin de conflit du 22 septembre 2006 en ce que le coefficient 114 doit seulement être attribué aux chauffeurs dont les fonctions effectives nécessitent le certificat ADR et que le simple fait d'être un chauffeur titulaire de ce certificat ne donne pas accès au coefficient 114 et à la rémunération afférente.

En conséquence, la SAS TAIS sollicite que la cour :

-la déclare recevable et bien fondée son appel,

-infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 31 juillet 2014;

-déboute Madame [G] [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions

-condamne Madame [G] [P] à rembourser les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement de première instance;

-dise et juge que les prétentions salariales formées par la salariée pour la période du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2007 sont irrecevables à l'encontre de la société TAIS,

-condamne Madame [G] [P] à payer à la société TAIS la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

-condamne Madame [G] [P] en tous les dépens.

En réponse, Madame [G] [P] fait valoir que les dispositions du protocole de fin de conflit du 22 septembre 2006 n'ont pas été respectées par la SAS TAIS depuis son embauche.

En conséquence, elle demande à la cour de :

-dire et juger la société TAIS recevable mais mal fondée en son appel ;

-dire et juger Madame [P] recevable et bien fondé en ses demandes ;

-dire et juger qu'elle devait bénéficier du coefficient 114 depuis le 1er juillet 2007, prévu par l'accord collectif d'entreprise du 22 septembre 2006 ;

-dire et juger que la Société TAIS a violé les stipulations de l'accord d'entreprise du 22 septembre 2006, en conséquence que la cour :

''confirme le jugement rendu le 31 juillet 2014 par le conseil de prud'hommes de Bobigny en son principe ;

''réforme le jugement entrepris et condamne la société TAÏS au paiement des sommes suivantes :

- 6 485,83 euros à titre de rappel de salaire de base du 1er octobre 2007 au 17 octobre 2017 et 648,58 euros au titre des congés payés afférents,

-5 000 euros à tire de dommages intérêts pour inexécution fautive de l'accord du 22 septembre 2006,

''condamne la société TAÏS au paiement de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

''ordonne le positionnement de Madame [P] au coefficient 118 à compter du 1er juillet 2017 ;

''ordonne la remise des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir pour la période courant jusqu'au 17 octobre 2017 ;

''condamne enfin la Société TAIS aux dépens comprenant éventuellement les frais d'exécution de la décision à intervenir.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur l'application de l'accord d'entreprise du 22 septembre 2006 depuis l'embauche

La SAS TAIS fait valoir que pour la période située entre l'embauche de Madame [P] et le 1er avril 2011, les parties signataires du protocole de fin de conflit du 22 septembre 2006, en se référant aux coefficients 110 ou 114, avaient entendu se référer aux fonctions effectivement exercées par les salariés.

La société ainsi estime avoir fait une exacte application des dispositions du protocole en attribuant le coefficient 114 uniquement aux chauffeurs dont les fonctions effectives nécessitent le certificat «'ADR'» et non pas aux chauffeurs qui seraient simplement titulaires d'un certificat «'ADR'» sans pour autant que l'exécution de leurs missions nécessite la détention d'un tel certificat.

Au soutien de sa prétention la société produit notamment le compte rendu d'une réunion du comité d'entreprise du 23 octobre 2008 lors de laquelle «'il est été rappelé que les chauffeurs sont embauchés au coefficient 114 lorsque leur poste nécessite l'ADR, le permis Grue ou SPL. Sinon le passage au coefficient supérieur est étudié au bout de 5 ans'»'. La société produit en outre une lettre du 5 mai 2010 par laquelle elle rappelait à l'inspecteur du travail que «'la volonté des parties était de valoriser par un coefficient supérieur, en les différenciant des autres, les chauffeurs qui conduisent des remorques par exemple qui nécessitent le SPL ou utilisent une grue ou enfin collectent des déchets dangereux et donc doivent avoir l'habilitation ADR'»

S'agissant de la période postérieure au 1er avril 2011, la SAS TAIS soutient que cette commune intention des parties, d'attribuer un coefficient 114 uniquement aux chauffeurs dont les fonctions effectives nécessitent une habilitation ADR, à été confirmée dans le cadre d'un accord d'entreprise relatif à la rémunération des conducteurs signé le 30 mars 2011 et que par conséquent Madame [G] [P] ne peut en aucun cas prétendre au coefficient 114 à compter de l'entrée en vigueur de cet accord.

La société ajoute en outre qu'il n'est pas établi que la salariée ait fait état, lors de son engagement, de ce qu'elle était titulaire d'un certificat ADR et que ce certificat dont la validité est de 5 ans est aujourd'hui périmé.

Enfin la société estime que si la cour devait entrer en voie de condamnation, aucun rappel de salaire ne peut être accordé à Madame [P] pour la période du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2007 puisque celle-ci était une salariée intérimaire, mise à disposition de la SAS TAIS par une entreprise de travail temporaire au cours de cette période et n'a donc intégré les effectifs de la société que le 1er octobre 2007.

En réponse Madame [G] [P], fait valoir qu'étant détentrice d'un certificat «'ADR'» lors de son embauche en tant que chauffeur, elle aurait dû bénéficier du coefficient 114 et non du coefficient 110 qui lui a été attribué.

Madame [P] estime en effet qu'en matière d'interprétation d'un accord collectif le texte prime l'intention et que le juge ne peut ajouter une nouvelle condition à l'attribution d'un niveau donné de la classification conventionnelle. Que le texte de l'article 3.3.1 de l'accord ne subordonne pas l'attribution du coefficient 114 à l'affectation du salarié chauffeur PL mais uniquement à la détention de l'habilitation «'ADR'», en conséquence elle soutient que les dispositions du protocole d'accord conclu le 22 septembre 2006 n'ont pas été appliquées par la société TAIS.

Au soutien de sa prétention Madame [P] produit deux courriers de l'inspection du travail adressés à l'entreprise TAIS. Une lettre du 18 mars 2010 par laquelle l'inspecteur du travail constate «'que la rédaction claire et non équivoque de l'article 3.3.1 ne subordonne aucunement l'attribution de ce coefficient à l'affectation du salarié mais uniquement à la possession de l'habilitation requise'». Une lettre du 25 mai 2010 par laquelle l'inspection du travail rappelle notamment que « que l'interprétation restrictive que fait l'entreprise de l'article 3.3.1 de l'accord du 22 septembre 2006 n'a en tant que telle pas de portée juridique particulière. Il appartiendra, le cas échéant, au juge de trancher la difficulté en interprétant lui-même la clause litigieuse sans qu'elle soit liée, pour se faire, par l'interprétation de l'une ou de l'autre des parties'».

L'article 3.3.1 du protocole de fin de conflit TAIS conclu le 22 septembre 2006, applicable à compter du 1er octobre 2006 à l'ensemble des salariés de la SAS TAIS, stipule :

«Sans attendre l'issue des travaux du groupe du travail paritaire, la direction s'engage dès à présent sur les quatre points suivants :

'3.3.1 - Grille de classification Chauffeurs

Les parties conviennent :

que le coefficient 110 est le coefficient d'un chauffeur PL ;

que le coefficient 114 est le coefficient d'un chauffeur habilité ADR, Grue, SPL.»

L'accord d'entreprise conclu le 31 mars 2011 relatif à la rémunération des conducteurs, portant révision du protocole de fin de conflit du 22 septembre 2006, applicable à compter du 1er avril 2011 à l'ensemble du personnel conducteur de matériel de collecte et d'enlèvement de la société TAIS dispose :

«'Article 2 ' Objet de l'accord

2.1- Grille de classification des chauffeurs PL

Les parties conviennent qu'à compter de la date d'application du présent accord, l'article 3.3.1 du protocole d'accord de fin de conflit du 22 septembre 2006 est modifié comme suit :

-le coefficient 110 est le coefficient d'embauche d'un chauffeur PL

-le coefficient 114 est le coefficient d'embauche d'un chauffeur PL dont le poste nécessite un certificat ADR, un CACES grue ou un permis SPL'»

Il ressort des dispositions conventionnelles applicables au sein de l'entreprise TAIS que depuis 1er octobre 2006, date d'entrée en vigueur du protocole de fin de conflit conclu le 22 septembre 2006, tout chauffeur titulaire d'une habilitation ADR, Grue ou SPL doit automatiquement bénéficier du coefficient 114 et ce indépendamment du fait que son habilitation soit ou non utilisée dans le cadre des ses fonctions, et que les chauffeurs non habilités, ADR, Grue ou SPL peuvent toutefois évoluer dans la grille de coefficient en fonction de leur expérience et de critères déterminés par l'accord.

Au cas d'espèce, au vu des éléments produits aux débats, la cour constate que lors de son entrée dans l'entreprise, le 1er octobre 2007, Madame [G] [P], était bien titulaire d'un certificat de formation «'ADR'» et ce depuis le 19 octobre 2006.

En revanche pour la période située entre le 1er juillet 2007 et le 30 septembre 2007, la cour relève qu'il n'est pas démontré que Madame [P] était bien salariée de la SAS TAIS.

La cour retient donc que c'est à compter du 1er octobre 2007, que Madame [P], aurait dû se voir attribuer un coefficient 114 en tant que chauffeur habilité ADR, et la rémunération correspondant au coefficient 114 et non 110.

S'agissant de la période courant à compter du 1er avril 2011, les dispositions de l'accord conclu le 31 mars 2011 portant révision des dispositions du protocole conclu le 22 septembre 2006 relatives à la classification et à la rémunération des chauffeurs, n'étant applicables qu'aux embauches effectuées à compter du 1er avril 2011, la SAS TAIS ne peut soutenir que Madame [P] ne peut prétendre à un coefficient 114 dès lors que son embauche a eu lieu antérieurement à l'entrée en vigueur de l'accord du 31 mars 2011.

En revanche c'est à bon droit que la SAS TAIS a relevé que le certificat ADR de Madame [G] [P] n'a été renouvelé que jusqu'au 3 octobre 2016 et donc périmé depuis cette date.

En conséquence, Madame [G] [P] est fondée à revendiquer le bénéfice du coefficient 114, à compter du 1er octobre 2007, date de son entrée dans les effectifs de l'entreprise TAIS, et la condamnation de la SAS TAIS à des rappels de salaires et congés payés afférents correspondant à un coefficient 114, jusqu'au 3 octobre 2016, date de péremption de son certificat ADR.

Il convient de faire droit aux demandes de Madame [P] qui s'élèvent, compte tenu des calculs présentés par cette dernière et non contestés par la société, à la somme de 5 506,65 euros euros à titre de rappels de salaire et 550,66 euros à titre de congés payés afférents, avant déduction des sommes déjà versées par la SAS TAIS au titre de l'exécution provisoire.

Sur le positionnement au coefficient 118 à compter du 1er juillet 2017

Madame [G] [P] demande à la cour d'ordonner son positionnement au coefficient 118 à compter du 1er juillet 2017, en application de l'article 3.3.2 du protocole de fin de conflit conclu le 22 septembre 2006 au motif qu'elle a acquis 10 ans d'ancienneté à cette date.

La SAS TAIS demande le rejet de cette prétention au motif que le positionnement au coefficient supérieur n'est pas automatique et intervient seulement après un examen opéré par l'employeur, avec l'intervention des représentants du personnel, au cours duquel le respect des critères déterminés dans l'accord est étudié. Elle estime par ailleurs qu'aux termes du protocole de fin de conflit du 22 septembre 2006, la promotion annuelle pour le passage au coefficient supérieur est fixée au 1er avril de chaque année et non pas à la date d'anniversaire de l'embauche.

Au soutien de sa prétention la société produit une note d'explication d'évolution de coefficient, document interne à la société au sein duquel il est exposé que les critères à prendre en compte pour «'l'évolution d'un salarié ne sont pas automatiques et que l'évolution est en revanche soumise au respect de critères objectifs et des possibilités de l'entreprise'»

L'article 3.3 du protocole de fin de conflit TAIS conclu le 22 septembre 2006, applicable à compter du 1er octobre 2006 à l'ensemble des salariés de la SAS TAIS, dispose :

«Sans attendre l'issue des travaux du groupe du travail paritaire, la direction s'engage dès à présent sur les quatre points suivants :

3.3.2- Évolution de coefficient

Les parties entendent permettre aux Chauffeurs d'évoluer au sein de la classification au regard de l'expérience et du professionnalisme acquis dans ce poste :

-Passage du coefficient 110 à 114 après 5 ans d'expérience

-Passage au coefficient 118, après 10 ans d'expérience

Les critères à prendre en compte pour l'évolution d'un salarié sont les suivants :

-critères de technicité, d'exécution du travail, de qualité du travail et du service et de sécurité (individuelle, collective, et tiers), fixés dans la CCNAD (annexe II)

-respect des dispositions du Code du travail et du règlement intérieur de l'établissement

-prise en considération de la formation initiale ou du parcours qualifiant.

L'ensemble de ces critères doit permettre d'apprécier le degré de connaissance, de responsabilité et d'autonomie atteint au sein de l'entreprise (critères classants de la CCNAD).

Cette disposition est applicable à compter du 1er octobre 2006.

Par la suite il est convenu de fixer une promotion annuelle pour le passage au coefficient supérieur le 1er avril de chaque année.'»

Il ressort des dispositions conventionnelles que l'évolution des salariés au coefficient supérieur n'est pas automatique et n'est possible qu'une fois l'expérience acquise par le salarié ainsi qu'à la prise en compte des critères de l'article 3.3.2 du protocole de fin de conflit du 22 septembre 2002 soumis à l'appréciation de l'employeur. En outre il résulte de ces même dispositions que l'évolution au coefficient supérieur a été fixée par les parties au protocole d'accord, au 1er avril de chaque année.

Au cas d'espèce, la SAS TAIS ne rapporte toutefois pas la preuve que Madame [G] [P], ayant exercé des fonctions de chauffeur au sein de la société depuis le 1er juillet 2007, ne remplit pas les critères, peu précis, posés par l'article 3.3 du protocole de fin de conflit conclu le 22 septembre 2006.

Par ailleurs la cour observe que la note d'explication d'évolution de coefficient produite par l'employeur, qui est une note interne, non datée et non signée, n'a pas de valeur conventionnelle et ne saurait aller à l'encontre des dispositions du protocole de fin de conflit du 22 septembre 2006.

Dès lors il convient d'ordonner le positionnement de Madame [G] [P] au coefficient 118 à compter du 1er avril 2018, sous réserve que cette dernière soit toujours salariée de la SAS TAIS à cette date.

Sur les dommages et intérêts pour non respect de l'accord du 22 septembre 2006

Madame [G] [P] fait valoir que la condamnation de la SAS TAIS aux rappels de salaires qui lui sont dus ne suffit pas à réparer la totalité des préjudices qu'elle a subi du fait de l'inexécution fautive des dispositions de l'accord d'entreprise du 22 septembre 2006. Elle soutient en outre avoir été privée des droits liés au salarié qu'elle aurait dû percevoir en terme de retraite et que le préjudice moral résultant de cette situation est important.

En réponse la SAS TAIS demande le rejet des prétentions de la salariée au motif qu'elle a fait une stricte application des dispositions conventionnelles applicables au sein de l'entreprise et que dès lors, aucune violation de l'accord d'entreprise du 22 septembre 2006 n'est caractérisée.

Au cas d'espèce, il est démontré que Madame [G] [P] a subi un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation d'intérêts moratoires qui ne courent qu'à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, sa demande est donc être accueillie à hauteur de 100 euros.

Le jugement déféré est infirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 (anciens) du code civil, recodifiés sous les numéros 1231-6 et 1231-7 du code civil, les rappels de salaire et congés payés afférents seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 28 janvier 2011.

Sur la remise de documents

Il sera ordonné à la SAS TAIS de remettre à Madame [G] [P] des bulletins de salaire conformes à la présente décision.

Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à assortir cette disposition d'une mesure d'astreinte.

Sur les frais irrépétibles

Partie succombante, la SAS TAIS est condamnée à payer à la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Partie succombante, la SAS TAIS est condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions ayant :

- condamné la SAS TAIS à payer à Madame [G] [P] la somme de 3128,49 euros à titre de rappels de salaire pour la période allant du 1er juillet 2007 au 14 janvier 2013, ainsi qu'à la somme de 312,84 euros au titre des congés payés afférents,

- condamné la SAS TAIS à payer à Madame [G] [P] la somme de 1 000 euros à titre d'indemnisation de son préjudice pour non respect du protocole du 22 septembre 2006,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

CONDAMNE la SAS TAIS à payer à Madame [G] [P] la somme de 5 506,65 à titre de rappels de salaires pour la période allant du 1er octobre 2007 au 17 octobre 2017, ainsi qu'à la somme de 550,66 euros au titre des congés payés afférents; en complément des sommes déjà versées à Madame [P] au titre de l'exécution provisoire du jugement de première instance, avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2011 ;

CONDAMNE la SAS TAIS a payer à Madame [P] la somme de 100 euros de dommages et intérêts au titre de la violation du protocole de fin de conflit du 22 septembre 2006, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus';

Ajoutant,

ORDONNE à la SAS TAIS de positionner Madame [G] [P] au coefficient 118 à compter du 1er avril 2018, sous réserve de sa présence dans l'entreprise à cette date ;

ORDONNE la remise des bulletins de paie conformes à la présente décision pour la période courant jusqu'au 17 octobre 2017 ;

CONDAMNE la SAS TAIS à payer à Madame [G] [P] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

CONDAMNE la SAS TAIS au paiement des dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 14/10866
Date de la décision : 29/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°14/10866 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-29;14.10866 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award