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24/11/2017 | FRANCE | N°15/19637

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 24 novembre 2017, 15/19637


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 24 NOVEMBRE 2017



(n° 330 , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/19637



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Août 2015 -Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2013J2193





APPELANTE



SAS AUDIVOX

prise en la personne de ses représentants légaux



[Adresse 1]r>
[Localité 1]



représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

assistée de Me Flore FOYATIER, avocat plaidant du barreau de LYON


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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 24 NOVEMBRE 2017

(n° 330 , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/19637

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Août 2015 -Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2013J2193

APPELANTE

SAS AUDIVOX

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

assistée de Me Flore FOYATIER, avocat plaidant du barreau de LYON

INTIMEE

SARL GIBMEDIA

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Hervé LEHMAN de la SCP LEHMAN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0286

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente de la chambre

Mme Françoise BEL, présidente de chambre, chargée du rapport

M. Gérard PICQUE, magistrat honoraire en charge de fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI

ARRET :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, greffier présent lors du prononcé.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La société GIBMEDIA, est une société internet spécialisée dans la mise à disposition de contenus numériques à l'usage du grand public avec payement de contenus immatériels à la durée de la connexion directement sur la facture Internet FRANCE TÉLÉCOM, devenu ORANGE, de l'internaute, sans avoir à utiliser un autre moyen de paiement.

Elle est également éditeur de sites Internet pour son propre compte pour laquelle elle utilise ses solutions de paiement, soit directement sur les pages du site qu'elle édite, soit sur les pages de sites éditeurs partenaires.

Elle est enfin centre serveur web mettant à la disposition de ses clients éditeurs, les infrastructures dont elle dispose soit directement soit par des contrats avec FRANCE TÉLÉCOM, permettant l'acheminement des flux d'informations entre les différentes parties et notamment entre le site et l'internaute.

La société GIBMEDIA pour développer cette activité s'est appuyée sur l'offre TELETEL de FRANCE TELECOM devenue ORANGE accessible initialement uniquement par le terminal Minitel puis a développé une technologie permettant de coupler un site Internet avec un émulateur Minitel, le couplage permettant de la facturation directe sur la facture Internet.

La société AUDIVOX, édite des services en ligne payants sur internet, destinés au grand public.

Afin de monétiser ses services, elle a bénéficié du service TELETEL proposé par la société FRANCE TELECOM jusqu'au mois de novembre 2012.

Le contenu des services TELETEL édités transitaient par un réseau spécifique, le réseau TRANSPAC, qui nécessitait l'intervention technique d'un « centre serveur ».

A compter de 2006 un contrat tripartite dit ' Télétel' était conclu entre les sociétés GIBMEDIA, FRANCE TELECOM et AUDIVOX, comportant des clauses générales et des conditions particulières propres à chaque service édité.

Chaque service édité par la société AUDIVOX utilisant la solution Télétel était identifié par un code ou un numéro attribué par la société FRANCE TELECOM.

La société GIBMEDIA tenait le rôle de centre serveur pour le compte de la société AUDIVOX dans le cadre de l'exploitation de ses services par le biais de l'offre Télétel.

Le 19 juin 2012, les sociétés GIBMEDIA et AUDIVOX régularisaient un mandat exclusif de représentation par lequel la société AUDIVOX confiait à la société GIBMEDIA, l'accomplissement des opérations administratives et techniques inhérentes à la souscription et à la mise en 'uvre de l'offre CONTACT+ de l'opérateur FRANCE TELECOM, cette offre venant en remplacement de l'offre Télétel à laquelle la société FRANCE TELECOM avait mis fin.

Faisant valoir la détérioration des relations commerciales entre les parties (de nature à anéantir toute relation de confiance entre les parties) en particulier un désaccord sur la quote-part reversée à la société AUDIVOX dans le cadre de la solution CONTACT+, la société AUDIVOX a adressé à la société GIBMEDIA un courrier recommandé daté du 18 mars 2013, dans lequel elle a indiqué s'opposer à tout renouvellement automatique par tacite reconduction du contrat de mandat , respecter un délai de préavis contractuel de trois mois de sorte que ce contrat prenait fin à la date du 19 juin 2013.

Par acte du 27 juin 2013, la société GIBMEDIA a assigné la société AUDIVOX devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'obtenir des dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies.

A l'appui de sa demande, la société GIBMEDIA faisait valoir devant le tribunal de commerce qu'en application de l'article L.442-6 1 5° du code de commerce, la rupture brutale d'une relation commerciale établie est constitutive d'une faute même en cas de respect d'un préavis contractuel.

En réplique, la société AUDIVOX exposait que:

- la rupture est liée à des manquements contractuels graves dus à la société GIBMEDIA qui consistent en des détournements frauduleux au préjudice de la société AUDIVOX et d'autres fournisseurs

- cette rupture a respecté les dispositions contenues dans le contrat liant les parties,

- cette rupture n'a causé aucun préjudice indemnisable à l'encontre de la société GIBMEDIA

Par jugement rendu le 31 août 2015, non assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Lyon a:

- condamné la société AUDIVOX à verser à la société GIBMEDIA la somme de 108 000 € au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties ;

- rejeté la demande de dommages et intérêt formulé par la société GIBMEDIA à l'encontre de la société AUDIVOX au titre d'un préjudice d'image ;

- condamné la société GIBMEDIA à verser à la société AUDIVOX la somme de 40 000€ au titre du solde dû sur les règlements de septembre 2012 ;

- condamné la société GIBMEDIA à verser à la société AUDIVOX la somme de 197 593.45€ TTC correspondant aux facturations des mois de janvier à juillet 2013 ;

- rejeté la demande de désignation d'un expert judiciaire formulée par la société AUDIVOX ;

- rejeté les demandes formulées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes les autres demandes formulées par les parties ;

- condamné les parties à partager des dépens.

Le tribunal énonce que :

- la société GIBMEDIA a été victime d'une rupture brutale de relations commerciales établies qui aurait dû être matérialisée par un préavis de 12 mois, aux motifs que :

les parties avaient une relation commerciale de plus de 7 ans ;

les motifs invoqués par la société AUDIVOX ne sont pas de nature à justifier une rupture aussi rapide des relations commerciales établies entre les parties ;

le délai de préavis de 3 mois accordé par la société AUDIVOX à la société GIBMEDIA n'est pas suffisant ni raisonnable compte tenu de la nature des relations existants entre les parties ;

l'absence de dépendance économique de la société GIBMEDIA au regard de la relation commerciale la liant à la société AUDIVOX n'est pas une condition d'application de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce même si le tribunal de commerce peut en tenir compte dans son appréciation sur la durée du préavis.

- le montant du préjudice subi par la société GIBMEDIA du fait de la rupture abusive des relations commerciales établies entre les parties doit tenir compte de la marge brute dégagée par cette société dans sa relation avec son client AUDIVOX pendant la durée du préavis escompté et du préavis de 3 mois lui ayant été accordé par la société AUDIVOX, en retenant que :

les conditions économiques servant de cadre aux relations entre les parties ont fortement évolué, le très rémunérateur contrat TELETEL ayant été remplacé par le nouveau contrat CONTACT + à l'initiative de la société ORANGE nettement moins intéressant sur le plan financier ;

l'indemnité de rupture due à la société GIBMEDIA doit être calculée sur la base de ce nouveau contrat ;

les investissements considérables mais non chiffrés réalisés par la société GIBMEDIA dans le cadre de la solution CONTACT + ne l'ont pas été au seul profit de la société AUDIVOX mais également au bénéfice de GIBMEDIA et de ses autre clients ;

seul le préjudice réellement subi par la société GIBMEDIA peut être indemnisé ;

les éléments comptables fourni par la société GIBMEDIA ne permettant pas de déterminer quelle est sa marge brute dans ses rapports avec la société AUDIVOX, un pourcentage de 20 % de marge brute sera retenu pour le calcul du préjudice subi ;

le montant estimé de 130 000€ de marge brute estimé par GIBMEDIA dans ses relations futures avec la société AUDIVOX n'est pas démontré ;

un chiffre d'affaires estimé à 60000€ par mois, correspondant à une marge brute de 12 000€ pour les 9 mois de préavis supplémentaires qui auraient dû être appliqués sera retenu pour les calculs, soit la somme de 108 000€.

Enfin, le tribunal a fait droit aux demandes reconventionnelles de la société AUDIVOX et rejeté les autres demandes pour défaut de preuve.

Contestant cette décision, la société AUDIVOX a interjeté appel par acte du 5 octobre 2015 .

Vu les dernières conclusions déposées et signifiées par la société AUDIVOX le 31 août 2017, aux fins de voir la cour :

A titre principal,

Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon,

Statuant à nouveau,

Dire et juger que la société GIBMEDIA n'a pas respecté ses obligations contractuelles de reversement des fonds dus à la société AUDIVOX au titre des contrats TELETEL et CONTACT+, ou désigner tel expert qu'il lui plaira ayant pour mission de déterminer les montants qui n'ont pas été reversés et qui auraient dû être reversés par la société GIBMEDIA à la société AUDIVOX en exécution des contrats TELETEL et CONTACT+;

A titre principal,

Dire et juger que la société AUDIVOX a respecté ses engagements contractuels à l'égard de la société GIBMEDIA et a exécuté de bonne foi ses obligations contractuelles ;

dire et juger que les parties ont été liées par deux relations commerciales distinctes, d'une durée totale de 6 ans et quatre mois ayant été rompues moyennant l'octroi de deux délais de préavis d'une durée totale de 24 mois ;

Dire et juger que la première relation commerciale TELETEL a pris fin le 16 novembre 2012 par décision de la société ORANGE du 10 mars 2011, moyennant l'octroi d'un délai de préavis de vingt mois ;

Dire et juger que la seconde relation commerciale CONTACT+ a pris fin le 1er août 2013 par décision de la société AUDIVOX du 18 mars 2013, moyennant l'octroi d'un délai de préavis de plus de quatre mois ;

Dire et juger que le délai de préavis de quatre mois octroyé par la société AUDIVOX était raisonnable et suffisant pour mettre fin à la relation commerciale CONTACT+ de neuf mois ;

En conséquence,

Débouter la société GIBMEDIA de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la société AUDIVOX ;

ou désigner tel expert qu'il lui plaira ayant pour mission de déterminer les montants qui n'ont pas été reversés et qui auraient dû être reversés par la société GIBMEDIA à la société AUDIVOX en exécution des contrats TELETEL et CONTACT+ ;

A titre subsidiaire, si la Cour considérait par extraordinaire que la rupture des relations commerciales a été brutale à défaut de respect d'un préavis suffisant, d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon, et statuant à nouveau de,

Dire et juger que la société GIBMEDIA ne justifie pas d'un préjudice indemnisable du fait de la rupture brutale des relations commerciales avec la société AUDIVOX ;

En conséquence,

Débouter la société GIBMEDIA de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la société AUDIVOX ;

A titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait par extraordinaire que la rupture des relatons commerciales a été brutale à défaut de respect d'un préavis suffisant, d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon et statuant à nouveau de,

Dire et juger que la société AUDIVOX aurait dû accorder un délai de préavis de six mois et que la période d'insuffisance de préavis de deux mois porte sur les mois d'août et de septembre 2013 ;

Dire et juger que la marge brute que la société GIBMEDIA aurait réalisée aux mois d'août et de septembre 2013, aurait été de 4.000 euros par mois, soit 8.000 euros au total ;

En conséquence,

Evaluer le préjudice de la société GIBMEDIA à hauteur de 8.000 euros ;

En tout état de cause, de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a :

- jugé que la société GIBMEDIA n'a pas payé dans son intégralité la note de crédit N°12-08-014 éditée au titre du mois de septembre 2012 et qu'il reste à devoir sur cette note la somme de 40.000 euros TTC ;

- jugé que la société GIBMEDIA n'a pas respecté ses obligations contractuelles de reversement des fonds dus à la société AUDIVOX au titre du contrat CONTACT+, pour les mois de janvier à juillet 2013.

Et en conséquence,

Condamner la société GIBMEDIA à payer à la société AUDIVOX la somme de 40.000 euros TTC, due au titre de la note de crédit N°12-08-014 éditée au titre du mois de septembre 2012 ;

Condamner la société GIBMEDIA à payer à la société AUDIVOX la somme de 197.593,45 euros TTC, en exécution des obligations contractuelles de la société GIBMEDIA au titre du contrat CONTACT+ .

En tout état de cause,

Condamner la société GIBMEDIA au paiement d'une somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société GIBMEDIA aux entiers dépens de l'instance.

L'appelante fait valoir

Sur la rupture brutale des relations commerciales, la société AUDIVOX demande à la cour d'infirmer les dispositions du jugement attaqué aux motifs que :

les parties n'avaient pas une relation « de plus de sept ans », mais il s'agissait de deux relations commerciales distinctes d'une durée totale de 6 ans et 4 mois ;

le délai de préavis accordé par la société AUDIVOX n'était pas de trois mois mais de quatre mois ;

les motifs invoqués par la société AUDIVOX, du fait de leur extrême gravité, justifiaient une rupture immédiate des relations commerciales entre les parties ;

l'octroi d'un délai de préavis de douze mois n'était absolument pas justifié.

La société expose qu'elle a scrupuleusement respecté la clause de résiliation du contrat disposant un délai de préavis de trois mois; que la société GIBMEDIA n'était pas dans un état de dépendance économique qui aurait justifié l'octroi d'un délai de préavis supérieur à quatre mois .

Elle ajoute que la société GIBMEDIA s'est rendue coupable à son encontre du délit d'abus de confiance et a détourné à son détriment plus de deux millions d'euros, ce qui a conduit la société AUDIVOX à rompre les relations commerciales, puis à déposer une plainte pénale.

La société AUDIVOX souligne qu'un arrêt rendu le 10 mars 2017 par la Cour d'appel de Paris, a considéré que la rupture des relations commerciales sans préavis par la société DISPOFI opposée à la société GIMEDIA était justifiée en raison des manquements contractuels graves, - et plus particulièrement le non reversement d'une part significative de rémunération -, commis par la société GIBMEDIA.

Elle rappelle que les caractéristiques de la relation commerciale ayant lié la société GIBMEDIA à la société DISPOFI et les raisons qui ont provoqué sa rupture sont quasiment identiques aux caractéristiques et causes de rupture de la relation commerciale ayant lié la société GIBMEDIA à la société AUDIVOX puisque les sociétés DISPOFI et AUDIVOX ont bénéficié de services identiques de la société GIBMEDIA, dans des conditions identiques mais que les causes et circonstances de la rupture des relations commerciales par la société AUDIVOX sont encore plus justifiées.

Sur la durée des relations commerciales, la société AUDIVOX précise qu'il convient de distinguer d'une part la relation commerciale dite TELETEL (22 novembre 2006 au 16 novembre 2012) pour laquelle un préavis de 20 mois a été donné et d'autre part, la relation commerciale dite CONTACT+ (19 juin 2012 à fin juillet 2013) pour laquelle un préavis de 4 mois a été donné, et estime que ces délais ne sauraient, au regard des dispositions de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce et de la jurisprudence, être considérés comme insuffisants et déraisonnables.

Elle ajoute que ces deux relations doivent aussi être distinguées par le fait que :

la relation TELETEL était matérialisée par un contrat tripartite alors que la relation CONTACT+ était matérialisée par un contrat bilatéral,

le rôle technique tenu par la société GIBMEDIA au titre de la solution TELETEL était très différent de celui qu'elle a tenu au titre de la solution CONTACT+,

les recettes générées par la solution CONTACT+ sont environ 20 fois moins importantes que celles générées au titre de la solution TELETEL,

les obligations contractuelles de la société GIBMEDIA au titre de la solution CONTACT+ étaient complètement différentes de celles qui lui étaient imparties au titre de la solution TELETEL.

La société AUDIVOX soutient par conséquent que puisqu'en application de l'article 1134 du code civil et de la jurisprudence, le contrat est la loi des parties et qu'à l'article 4 du mandat exclusif de représentation confié le 19 juin 2012, par la société AUDIVOX à la société GIBMEDIA, il est contractuellement stipulé qu'un préavis de 3 mois suffirait pour y mettre un terme, et que de plus, un délai de préavis de 4 mois a été donné en l'espèce, il ne saurait y avoir de rupture brutale des relations commerciales établies.

Sur la prétendue dépendance économique liée à l'exclusivité liant la société GIBMEDIA, rappelant que la jurisprudence retient le critère de la dépendance économique pour déterminer le caractère suffisant du délai de préavis, la société AUDIVOX oppose que le contrat de mandat contenait bien une clause d'exclusivité mais que cette dernière était stipulée au profit de la société GIBMEDIA qui était libre de contracter avec autant d'éditeurs qu'elle le souhaitait mais liait la société AUDIVOX qui était interdite, pendant toute la durée du contrat, de confier un mandat analogue à un tiers. Elle ajoute que la société GIBMEDIA bénéficie d'une situation financière prospère, possède une grande diversité d'activités et de métiers et a pu effectuer des acquisitions et optimisation de ses activités pendant la période de préavis.

Sur les prétendus investissement effectués spécifiquement pour les besoins de la relation commerciale, la société AUDIVOX oppose que la société GIBMEDIA n'en justifie aucun.

Sur les manquements contractuels de la société GIBMEDIA, la société AUDIVOX rappelle que contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, la société FRANCE TELECOM versait chaque mois à la société GIBMEDIA une rémunération que cette dernière reversait ensuite à la société AUDIVOX, pour chaque service édité, et que début 2013, la société AUDIVOX s'est rendue compte que la société GIBMEDIA détournait des fonds à son insu depuis de nombreuses années.

Elle fait valoir qu'il ressort de la jurisprudence que la rupture sans préavis d'une relation commerciale établie en cas de manquement contractuel grave est justifiée..

Sur l'absence de préjudice, la société AUDIVOX oppose tout d'abord que la société GIBMEDIA, agit dans une autre instance visant à réclamer à la société DISPOFI la réparation d'un préjudice qu'elle évalue à hauteur de 2.438.336,55 euros, pour avoir « perdu » son client AUDIVOX, au profit de la société DISPOFI; qu'elle ne peut de jurisprudence constante y compris en invoquant des fondements légaux distincts, obtenir deux fois réparation du même préjudice, de sorte que les demandes de la société GIBMEDIA sont injustifiées.

Elle fait valoir ensuite l'absence de communication d'élément comptable permettant de chiffrer le préjudice subi pour rupture brutale des relations commerciales établies, ; elle soutient que c'est en considération des recettes Contact+ que devrait être appréciée la marge brute de la société GIBMEDIA, durant la période d'insuffisance de préavis et non au regard des recettes générées au titre du contrat TELETEL.

La société AUDIVOX oppose que la société GIBMEDIA n'a subi aucun préjudice d'image; que cette société ne rapporte pas la preuve de la prétendue concertation de ses victimes.

Enfin, sur ses demandes reconventionnelles la société AUDIVOX sollicite la confirmation du jugement du tribunal et soutient la reconnaissance de la dette de 40.000 euros ; que la société GIBMEDIA n'a réglé que les montants dus au titre de la note de crédit du mois de décembre 2012 (CONTACT+) mais pas ceux dus aux titres des mois de janvier, février, mars, avril, mai, juin et juillet 2013, de sorte qu'elle est redevable de la somme totale de 197.593,45 euros TTC.

Vu les dernières conclusions déposées et signifiées le 1er septembre 2017 par la société GIBMEDIA tendant à voir la cour :

confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a considéré que la société AUDIVOX s'était rendue coupable d'une rupture brutale des relations commerciales qui l'unissait à la société GIBMEDIA depuis plus de 7 années ;

le réformer pour le surplus ;

En conséquence,

condamner la société AUDIVOX à payer à la société GIBMEDIA la somme de 2,438 millions d'€ à titre de dommages intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales ;

au cas où la Cour estimerait que l'obligation de la société GIBMEDIA est de reverser une quote-part sur l'intégralité des temps de connexion enregistrés par la société France TELECOM devenue ORANGE au titulaire du code, condamner la société AUDIVOX à payer à la société GIBMEDIA la somme de 2.144.456,01 € au titre des sommes perçues sur les codes dont la société AUDIVOX n'est pas titulaire ;

débouter la société AUDIVOX de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner la société AUDIVOX à payer à la société GIBMEDIA la somme de 50.000 € à titre de dommages intérêts ;

condamner la société AUDIVOX à payer à la société GIBMEDIA la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Hervé LEHMAN, Avocat, en application de l'article 699 du même code.

L'intimée réplique :

Sur la rupture brutale et fautive des relations commerciales établies, qu'est fautive la rupture qui a été faite sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale, que le seul respect du préavis contractuel ne suffit pas à exonérer l'auteur de la rupture de la responsabilité, le délai du préavis suffisant s'appréciant en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture ;

les relations commerciales ont débuté en 2006 et la lettre notifiant la rupture reçu le 21 mars 2013 à effet au 19 juin 2013, lui laissait ainsi moins de trois mois pour trouver une alternative.

Les motifs évoqués dans la lettre de rupture ne sont pas de nature à justifier une rupture brutale et la durée de préavis raisonnable ne pouvait être inférieure à 18 mois.

Les investissements réalisés exclusivement par elle au profit des éditeurs doivent être pris en compte dans l'appréciation de la durée raisonnable du préavis car elle a investi en premier lieu pour maintenir le service TELETEL aussi longtemps que possible, puis pour permettre l'existence de la nouvelle offre CONTACT+ et enfin pour assurer l'adaptabilité de l'offre CONTACT+ ainsi que son développement. Elle ajoute que ces investissements ont profité à la société AUDIVOX qui sans eux, aurait été privée de l'intégralité de son chiffre d'affaire relatif aux contrats TELETEL et CONTACT+ depuis le 30 septembre 2011.

La société GIBMEDIA oppose que le fait qu'il y ait deux ou des contrats successifs est indifférent au regard de l'article L.442-6 du code de commerce est brutale de toute relation commerciale établie qu'elle soit précontractuelle, contractuelle ou post-contractuelle de sorte entre dans le champ d'application de cet article la relation commerciale revêtant un caractère suivi, stable et habituel, comme l'était la relation entre les sociétés GIBMEDIA et AUDIVOX que le tribunal a retenu avoir été établie pendant une durée de plus de 7 ans.

L'intimée soutient que plus que la rupture à l'initiative de la société AUDIVOX a été brutale et fautive en exposant que ce fut un acte délibéré et prémédité depuis juin 2012 par cette dernière qui a donc eu un comportement déloyal et a mené une action concertée avec les autres éditeurs. Elle ajoute que la déloyauté du comportement de la société AUDIVOX prouvé par ces circonstances, confrontée aux investissements réalisés par GIBMEDIA pour maintenir plus de 90 % du chiffre d'affaires de la société AUDIVOX de septembre 2011 à novembre 2012 et assurer le maintien de l'activité du paiement à la durée de connexion, démontre le caractère abusif de la rupture.

Sur les manquements contractuels, la société GIBMEDIA oppose que les motifs évoqués ne sont pas ceux qui l'ont été dans la lettre de résiliation puisque au moment de la résiliation, la société AUDIVOX s'est contentée d'évoquer deux motifs qui étaient une détérioration des relations commerciales et un désaccord sur la quote-part lui étant reversée par l'intimée dans le cadre de la solution CONTACT+, en indiquant que ces difficultés feraient l'objet d'un courrier séparé qui n'a jamais été adressé à la société GIBMEDIA. Par conséquent, la société GIBMEDIA estime que la société AUDIVOX ne peut aujourd'hui prétendre justifier une résiliation brutale en invoquant des motifs nouveaux et sans lien avec ceux indiqués dans la lettre de résiliation.

La société GIBMEDIA soutient que la société AUDIVOX fait preuve de déloyauté et de man'uvres mensongères dans les débats et qu'il est établi qu'elle a reçu de la société GIBMEDIA plus que ce qu'elle estime lui être dû puisqu'elle a perçu sur les codes pour lesquels elle n'est pas fournisseur de service une somme totale HT de 2.144.456,01€ alors qu'elle prétend que la société GIBMEDIA lui doit la somme de 2.357.298,55€ TTC soit 1.970.985,41€ HT.

Sur le préjudice subi, la société GIBMEDIA soutient avoir subi un préjudice considérable découlant de cette rupture brutale. Elle démontre que concernant le calcul du préjudice, il est de jurisprudence que les juges déterminent le montant de la marge brute dégagée au cours du préavis qui aurait dû être appliqué lorsque celui-ci a été insuffisant, et estime que on préjudice correspond non seulement à la marge directe qu'elle aurait réalisée avec le trafic de AUDIVOX si la faute n'avait pas été commise, mais également aux investissements réalisés pour développer la nouvelle technologie et aux pertes de bénéfice découlant de l'impact de la diminution globale du trafic sur les conditions tarifaires consenties.

Elle ajoute qu'ayant démontré que la durée de préavis raisonnable aurait dû être de dix-huit mois sa marge réalisée sur les dix-huit derniers mois, soit du 1er novembre 2011 au 1er avril 2013 s'élève à la somme de 2,438 millions d'euros ainsi que l'a attesté son expert-comptable le 18 juin 2013. Par conséquent, cette marge constituant bien la marge brute au sens de la jurisprudence, puisqu'il s'agit du chiffre d'affaires encaissé par la société GIBMEDIA moins ce qu'elle a reversé sur ce chiffre d'affaires à son partenaire éditeur, elle soutient que la somme de 2,438 millions doit lui être payée par la société AUDIVOX.

Concernant la contestation de la société AUDIVOX selon laquelle seuls les reversements effectués au titre du contrat CONTACT+ doivent être pris en considération, soit les quatre premiers mois de la nouvelle solution technique, la société GIBMEDIA oppose qu'aucune règle juridique, ni aucune logique économique, ne justifient de calculer le préjudice sur les seuls quelques mois entourant la rupture, le principe étant précisément d'indemniser la rupture d'une relation contractuelle longue de plusieurs années, étant précisé qu'il s'agit de huit années en l'espèce.

Concernant l'allégation relative à l'instance en cours contre la société DISPOFI, la société GIBMEDIA oppose que selon la jurisprudence faussement interprétée par la société AUDIVOX, l'on peut obtenir la condamnation de l'ensemble des responsables du préjudice que l'on subit, en revanche, il n'est pas possible de demander réparation d'un préjudice déjà indemnisé. Elle précise que le litige entre les sociétés DISPOFI et GIBMEDIA ne porte pas sur l'indemnisation d'un préjudice identique, et que même si tel était le cas, la société GIBMEDIA n'ayant pas été indemnisé de son préjudice est en droit d'en poursuivre la réparation à l'encontre des auteurs.

Concernant le préjudice d'image subi, la société GIBMEDIA soutient être fondée à en réclamer la réparation au motif que la société AUDIVOX a adopté un comportement déloyal et proféré des allégations mensongères à son encontre en présence de la société FRANCE TELECOM, ayant de ce fait souhaité anéantir le développement de l'activité de la société GIBMEDIA avec la société FRANCE TELECOM détenant un monopole de fait sur cette activité.

Enfin, sur les demandes reconventionnelles de la société AUDIVOX, la société GIBMEDIA oppose que :

sur les prétendues sommes dues au titre du contrat TELETEL (septembre 2012), la société AUDIVOX demande le paiement de la note de crédit NC-12-09-015 du montant de 468 480,35€. Or, un règlement d'un montant de 414 373,27€ a été effectué pour le mois de septembre et la différence de 49 422,28€ ne correspond pas à une absence de règlement mais à la note de débit ND 12-10-029 du 31 octobre 2012 d'un montant de 49 422,28€, de sorte qu'aucun solde n'est dû.

sur les prétendues sommes dues au titre du contrat CONTACT +, la société AUDIVOX réclame le paiement de sommes pour des périodes postérieures à la résiliation , juin et juillet 2013. Elle ajoute que les règlements des notes de crédit émises pour les mois de janvier et février à échéance au 31 mars 2013 et postérieurement ont été mis en suspens en raison de la mention dans la lettre de résiliation du 18 mars du désaccord sur la quote-part à reverser à la société AUDIVOX dans le cadre de la solution CONTACT+.

sur la demande d'expertise, la société AUDIVOX sollicite une expertise pour chiffrer des sommes dont elle ne demande pas le paiement et qui n'ont pas été invoquées dans la lettre de rupture. Elle ajoute que ces prétendues sommes dues ne sont pas justifiées par la société AUDIVOX.

MOTIFS

La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

1.Sur les relations commerciales établies :

Aux termes de l'article L442-6 I 5° du Code de commerce : 'Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commercant, industriel ou artisan :() 5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels'.

L'application de ces dispositions suppose l' existence d'une relation commerciale, qui s'entend d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et habituel laissant raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine pérennité dans la continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux; en outre la rupture doit avoir été brutale, soit sans préavis écrit, soit avec un délai depréavis trop court ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de pouvoir trouver des solutions de rechange et de retrouver un partenaire commercial équivalent.

En l'espèce les parties ne contestent pas que les relations commerciales entre elles ont commencé en 2006 donnant lieu à la signature courant 2006 d'un contrat TELETEL tripartite avec France Télécom, suivis d'autres contrats entre AUDIVOX et GIBMEDIA les années suivantes, puis d'un contrat de mandat de représentation le 19 juin 2012 entre ces deux parties.

Pour combattre l'établissement de relations économiques stables résultant d'un flux d'affaires initié depuis l'année 2006 ayant donné lieu à reversement de sommes à AUDIVOX justifiées à compter de 2008 jusqu'à 2012 en exécution des contrats TELETEL puis CONTACT+, la société AUDIVOX soutient qu'il convient de distinguer d'une part la relation commerciale dite TELETEL et d'autre part, la relation commerciale dite CONTACT+.

Elle ajoute que la première relation commerciale a pris fin le 16 novembre 2012, sur décision unilatérale de la société ORANGE du 10 mars 2011 et que dès lors la société GIBMEDIA avait bénéficié d'un préavis de 20 mois.

Or il résulte du contrat signé le 19 juin 2012 entre AUDIVOX et GIBMEDIA que les parties entendent, à la suite de l'annonce par France Télécom d'une nouvelle offre de service désignée sous le nom de CONTACT+, laquelle doit également permettre de facturer à la durée les internautes et se substituer à l'offre TELETEL, de 'poursuivre leur coopération à l'occasion du lancement de l'offre CONTACT+ et de l'ouverture de nouveaux codes de service, les parties convenant ainsi de la poursuite de leurs relations commerciales dans les conditions convenues, pour une durée irrévocable de 12 mois , quelque soit le nombre de codes de service ouverts ensuite renouvelable par tacite reconduction, pour des périodes de même durée, sauf dénonciation avec un préavis de trois mois avant la fin de la période en cours'.

La poursuite des relations commerciales expressément convenue dans le contrat du 19 juin 2012 en toute connaissance de cause de l'évolution technologique et fondée sur la nouvelle solution de monétisation s'oppose au moyen de relations contractuelles distinctes et dépourvues d'effet sur la durée des relations économiques établies entre AUDIVOX et GIBMEDIA de sorte qu'est vaine la prétention à la prise en compte d'une relation contractuelle à compter du mois de juin 2012 qui justifierait la délivrance d'un bref préavis contractuel.

L'examen du moyen de différences techniques dans la mise en oeuvre de la solution de payement et de la perte de recettes à l'occasion du changement de solution est devenu sans objet.

La circonstance que la société GIBMEDIA n'était pas dans un état de dépendance économique qui aurait justifié l'octroi d'un délai de préavis supérieur à quatre mois est indifférente, celui qui se plaint d'une rupture brutale n'ayant pas à établir qu'il se trouve dans un état de dépendance économique pour établir le caractère brutal de la rupture.

Ensuite, le dépôt d'une plainte par la société AUDIVOX à l'encontre de la société GIBMEDIA pour des faits d'abus de confiance par détournement de plus de deux millions d'euros au détriment de la société AUDIVOX, objet d'une enquête préliminaire en cours, n'est pas susceptible en elle-même de priver du caractère brutal une rupture opérée sans un préavis suffisant par le cocontractant.

La société AUDIVOX ne peut valablement soutenir un préavis suffisant de 20 mois de l'envoi par Orange à GIBMEDIA d' un courrier du 10 mars 2011 pour la rupture de la première relation commerciale TELETEL, alors que la lettre de fin de l'offre Télétel n'est pas adressée par elle-même à la société GIBMEDIA et qu'un flux d'affaires continu est démontré entre les parties depuis 2006.

C'est dès lors à bon droit que le tribunal a retenu l'existence de relations commerciales établies entre les sociétés AUDIVOX et GIBMEDIA à compter de l'année 2006 et de l'insuffisance du préavis de trois mois donné par AUDIVOX à GIBMEDIA dans son courrier de résiliation.

L'absence de date certaine sur le commencement des relations entre les sociétés, contraires en fait, conduit à fixer celle-ci au vu des productions des parties à la date du premier contrat tripartite soit à la date d'édition du contrat le 26 novembre 2006.

La cour n'est pas liée par le préavis contractuellement fixé pour un contrat unique mais doit rechercher la durée de la relation établie entre les parties.

La société GIBMEDIA n'établit pas l'insuffisance du préavis de 9 mois supplémentaires, retenu par le tribunal qu'elle fonde sur la spécificité de l'activité exercée et des investissements réalisés par elle-même, alors que ces investissements n'ont pas été réalisés à son seul profit mais également au bénéfice de GIBMEDIA et de ses autres clients ainsi qu'à bon droit retenu par le tribunal, pour justifier un préavis d'une durée de 18 mois qu'elle sollicite.

La société GIBMEDIA n'établit pas davantage un comportement déloyal de son cocontractant en ce qu'il aurait tenté de contracter directement avec France Télécom ni une concertation fautive entre les divers éditeurs, dont la société AUDIVOX à l'origine de la rupture.

2. Sur les manquements contractuels de reversement des fonds dus à la société AUDIVOX pour justifier le préavis de trois mois délivré :

Il appartient à la société AUDIVOX de faire la preuve des manquements qu'elle allègue de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande d'expertise.

Aux termes de l'article l'article 442-6 1,5° du Code de commerce 'Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d' inexécution par l' autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

Il se déduit de ces dispositions que la rupture des relations commerciales sans préavis ou en délivrant un préavis insuffisant peut être justifée par des manquements d'une partie à ses obligations contractuelles,manquements d'une gravité certaine.

L'absence de communication à GIBMEDIA des manquements détaillés relativement à la solution CONTACT + ne fait pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis.

Toutefois la société AUDIVOX doit justifier que les motifs de la résiliation prononcée sont ceux d'une inexécution contractuelle de GIBMEDIA susceptibles de la dispenser d'un préavis conforme aux dispositions légales.

En l'espèce, elle doit établir la détérioration des relations commerciales, en particulier le désaccord sur la quote-part versée par GIBMEDIA dans le cadre de la solution CONTACT+ imputable à GIBMEDIA et d'une gravité suffisante.

Or elle soutient un grief de fraude , contesté par GIBMEDIA, par le dépôt d'une plainte du chef d'abus de confiance le 14 novembre 2013 auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse, toujours en enquête préliminaire, non mentionné à la lettre de résiliation, le dépôt d'une plainte n'étant pas en lui-même susceptible de constituer une preuve des détournements allégués et un motif dispensant la société du respect du préavis.

Elle fait valoir selon une attestation de son expert-comptable que les quotes-parts non-reversées constituent bien les détournements qu'elle allègue.

L'expert-comptable exposant la méthodologie employée, a procédé à des vérifications à partir d'éléments communiqués par la société , relatifs aux montants non-reversés par GIBMEDIA au titre des années 2010,2011 et 2012, en rémunération des connexions par les utilisateurs France télécom des services édités par AUDIVOX.

Il a effectué les rapprochements nécessaires entre les notes de crédit et les factures, vérifié les écarts entre les temps de connexion, les tarifs communiqués, a conclut à la cohérence des informations figurant au document joint, lequel est établit par AUDIVOX et porte son cachet ainsi que la mention 'détournement' que le professionnel ne s'est pas appropriée, avec les éléments comptables et faisant ressortir les régularisations de reversement

Or la solution CONTACT + n'étant entrée en vigueur qu'après la signature du contrat du 19 juin 2012 il s'ensuit, au vu de l'ensemble des éléments ci-dessus, que les insuffisances versements de sommes au titre des années 2010 à 2012 ne peuvent constituer des manquements exonératoires du respect du préavis.

Au delà de juin 2012, si les rapprochements effectués font ressortir des écarts entre les temps de connexion et les payements réalisés en fonction des tarifs, il ne peut être déduit pour autant que de tels écarts sont constitutifs de détournements revêtant une qualification pénale et autorisant dès lors une rupture sans préavis suffisant.

Ainsi, GIBMEDIA qui ne conteste pas les écarts les justifie par un procédé de 'mutualisation' auquel les parties ont recours entre elles, que ne conteste pas réellement et valablement AUDIVOX, cette société reconnaissant avoir perçu de l'argent sur des codes pour lesquels elle n'était pas éditeur de service au sens du contrat tripartite, que GIBMEDIA évalue à 2.144.456,01 € au titre des sommes perçues sur les codes dont la société AUDIVOX n'est pas titulaire.

Bien que la société AUDIVOX soutienne dans ces cas l'existence de circonstances particulières et l'accord exprès du tiers éditeur du service, la réalité et le bien-fondé du procédé dont AUDIVOX a largement bénéficié ne sont pas contestés et en tout état de cause les contestations de GIBMEDIA, suffisamment étayées, s'opposent à ce que des contestations élevées dans ces circonstances portant sur des factures après le 19 juin 2012 entre des parties qui entretiennent des relations depuis près de sept ans, constituent des manquements suffisamment graves qu'ils justifient une résiliation sans préavis suffisant des relations établies entre ces parties.

3. L'indemnisation du préjudice

La cour dispose d'éléments permettant de fixer la durée du préavis, à raison de la durée des relations commerciales établies entre les parties et des circonstances au moment de la notification de la rupture, à sept mois qu'elle juge suffisante.

La cour estime dès lors qu'AUDIVOX est tenue à indemniser la société GIBMEDIA pour l'insuffisance de préavis pendant quatre mois.

La société AUDIVOX n'est pas fondée à solliciter le rejet de la demande aux motifs que la société GIBMEDIA formerait devant une autre juridiction une demande en indemnisation contre un tiers, ce qui constituerait une double indemnisation d'un même préjudice, étant tenue à la réparation intégrale du préjudice subi par son cocontractant du fait de la faute par elle commise dans la rupture des relations contractuelles établies.

L'indemnisation est opérée sur la marge brute du chiffre d'affaires réalisé entre les deux sociétés antérieurement à la rupture pendant le cours de leurs relations.

Le moyen tendant à l'évaluation du préjudice sur le seul chiffre d'affaires réalisé sur le contrat CONTACT+ est en conséquence écarté.

Le tribunal relevant que les éléments comptables produits par GIBMEDIA ne permettent pas de calculer quelle est la marge brute de cette société dans ses rapports avec AUDIVOX, et l'intimée ne produisant pas davantage d'éléments en cause d'appel, c'est à bon droit que le premier juge a retenu un pourcentage de 20% de marge brute pour le calcul du préjudice subi d'une part ainsi qu'un chiffre d'affaires estimé à 60.000 euros par mois correspondant à une marge brute de 12.000 euros par mois.

Dès lors le préjudice subi est indemnisé au titre des 4 mois de préavis complémentaires à la somme de 48 000 euros.

L'intimée ne justifie pas davantage en cause d'appel l'existence d'un préjudice d'image dont elle sollicite l'indemnisation de sorte que c'est exactement que le tribunal a rejeté la demande.

4.Les demandes reconventionnelles en payement :

La société AUDIVOX faisant valoir que grâce aux éléments communiqués par la société FRANCE TELECOM en exécution d'une ordonnance du juge des référés de Paris, elle a ainsi eu connaissance de l'omission de prendre en compte divers temps de connexion, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande d'expertise aux fins de déterminer les montants qui n'ont pas été reversés .

L'appelante demande un solde de règlement sur le payement d'une note de crédit NC-12-09-015 d'un montant total de 468.480,25 euros.

Elle ne produit aucune pièce au soutien de sa demande se limitant à solliciter la confirmation du jugement appelé alors que l'intimé soutient ne pas devoir cette somme et justifie d'une note de débit, non-contestée,d'un montant de 49.422,28 euros de sorte que le jugement est infirmé et la demande en payement est rejetée.

C'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande d'expertise aux fins de déterminer les montants qui n'ont pas été reversés et qui auraient dû être reversés par la société GIBMEDIA à la société AUDIVOX en exécution des contrats Télétel et Contact.

Il est fait droit aux demandes en payement fondées sur des notes de crédit, non contestées par GIBMEDIA, intéressant le mois de décembre 2012, le mois de janvier 2013, le mois de février 2013, les tableaux de sommes dues jusqu'au mois de juin 2013, à l'exclusion de la période postérieure à la résiliation de sorte qu'il est alloué la somme de 197.593,45 euros T.T.C dont à déduire les montants de 60700€ /2 et 8044,53€ soit la somme de 159.198,92euros TTC.

5.La demande en restitution de sommes formée par GIBMEDIA :

GIBMEDIA soutenant l'existence de mutualisation des codes entre les éditeurs cocontractants n'est pas fondée à solliciter la condamnation de la société AUDIVOX au payement de sommes versées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'article L442-6 I 5° du Code de commerce,

CONFIRME le jugement dont appel sauf en ce qu'il a condamné :

- la société AUDIVOX à payer à la société GIBMEDIA la somme de 108.000 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies,

- la société GIBMEDIA à payer à la société AUDIVOX la somme de 40.000 euros au titre du solde dû sur les règlements de septembre 2012,

- la société GIBMEDIA à payer à la société AUDIVOX la somme de 197.593,45 euros T.T.C correspondant aux facturations de janvier 2013 à juillet 2013,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

CONDAMNE la société AUDIVOX à payer à la société GIBMEDIA la somme de 48 000 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ;

DÉBOUTE la société AUDIVOX de sa demande en condamnation de la société GIBMEDIA à payer la somme de 40.000 euros au titre du solde dû sur les règlements de septembre 2012 ;

CONDAMNE la société GIBMEDIA à payer à la société AUDIVOX la somme de 159.198,92 euros TTC au titre des facturations de janvier 2013 à juin 2013 ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties,

DÉBOUTE les parties de plus amples conclusions,

DIT que chacune des parties conserve les dépens par elle exposés.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 15/19637
Date de la décision : 24/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°15/19637 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-24;15.19637 ?
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