La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2017 | FRANCE | N°17/07153

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 23 novembre 2017, 17/07153


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 23 Novembre 2017



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/07153 (jonction avec S 17/07305)



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 27 Avril 2017 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 16/02730





APPELANT

Monsieur [Z] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Jean GADET, a

vocat au barreau de TOULON





INTIMEE

SAS SAINT DUPONT

N° SIRET : 572 230 829

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me J.-frédéric NAQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 23 Novembre 2017

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/07153 (jonction avec S 17/07305)

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 27 Avril 2017 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 16/02730

APPELANT

Monsieur [Z] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SAS SAINT DUPONT

N° SIRET : 572 230 829

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me J.-frédéric NAQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0386

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller appelé à compléter la chambre par ordonnance de roulement en date du 31 août 2017

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.

**********

Statuant sur les appels (RG n° 17/07153 et 17/07305) interjetés par M. [Z] [L] d'une ordonnance de référé rendue le 27 avril 2017 par le conseil de prud'hommes de Paris en sa formation de départage qui, saisi par l'intéressé de demandes tendant essentiellement à la nullité de la convention de mise à disposition du 16 octobre 2015, à la délivrance sous astreinte de nouveaux bulletins de paie par la société ST DUPONT en remplacement de ceux réputés illicites et inexistants délivrés par la société CHALHOUB, à la remise sous astreinte de l'attestation CPAM et de l'information de la caisse complémentaire, à la nullité de la rupture et à l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, a dit n'y avoir lieu à référé et condamné M. [Z] [L] aux dépens,

Vu les conclusions transmises à la cour le 26 juillet 2017 et soutenues à l'audience du 15 septembre 2017 pour M. [Z] [L], qui demande à la cour de':

- réformer l'ordonnance querellée,

statuant à nouveau,

PREMIERE DEMANDE':

- dire la mise à disposition illicite,

- prononcer la nullité de l'avenant au contrat de travail le liant à la société ST DUPONT,

- prononcer la nullité du contrat le liant à la société CHALHOUB,

- écarter les bulletins de paie délivrés par la société CHALHOUB,

- dire que la société ST DUPONT, pour se libérer de sa dette de salaire à son égard, ne peut se prévaloir des sommes qu'il a perçues de la société CHALHOUB,

- dire que pour la période du 1er janvier au 30 juin 2016, l'élément matériel du délit de prêt de main d'oeuvre illicite est incontestable,

- dire que pour la même période, l'élément matériel du délit de marchandage est incontestable,

- condamner la société ST DUPONT à lui payer à titre provisionnel la somme de 10 000 € en réparation des préjudices subis,

DEUXIEME DEMANDE':

au principal,

- dire que le lien contractuel entre la société ST DUPONT et lui-même est incontestable pour la période du 1er janvier au 30 juin 2016,

- dire que pendant cette période il a incontestablement fourni une prestation de travail d'ordre et pour le compte de la société ST DUPONT,

- dire que pour la même période, nonobstant la nullité de l'avenant de mise à disposition, la société ST DUPONT était incontestablement tenue de lui payer chaque mois le salaire selon les modalités stipulées à l'article 9 dudit avenant,

- constater que la société ST DUPONT n'a pas satisfait à son obligation de faire déterminer les objectifs à atteindre pour bénéficier du bonus de 40 %,

- condamner la société ST DUPONT à lui payer à titre provisionnel la somme de 45 310,30 € au titre du salaire net pour la période du 1er janvier au 30 juin 2016,

- ordonner la délivrance de six bulletins de paie conformes pour les mois de janvier à juin 2016 inclus,

- ordonner la rectification de l'attestation destinée à Pôle emploi,

à titre subsidiaire,

- retenir, à titre provisoire, un taux de change DIRHAM AED / EURO de 0,236,

- ordonner à la société ST DUPONT de lui délivrer des bulletins de paie faisant apparaître les salaires nets payés suivants':

- 6 234,41 € en janvier 2016,

- 5 961,24 € en février 2016,

- 5 932,33 € en mars 2016,

- 7 275,65 € en avril 2016,

- 5 940,59 € en mai 2016,

- 5 936,46 € en juin 2016,

soit au total la somme de 37 280,68 €,

- ordonner à la société ST DUPONT de lui délivrer une attestation Pôle emploi faisant apparaître les salaires bruts qui justifieront des salaires nets susvisés,

en toute hypothèse,

- condamner la société ST DUPONT à lui payer à titre provisionnel la somme de 5 000 € en réparation du préjudice subi,

TROISIEME DEMANDE':

- dire que les faits établis par l'administration permettent d'établir sans aucune contestation possible qu'il peut prétendre avoir été victime de discrimination à raison de son mandat et qu'il est certain qu'il a été victime de multiples entraves à l'exercice de ses mandats,

- constater que la société ST DUPONT ne verse pas plus au débat judiciaire qu'elle ne l'a fait lors des enquêtes administratives la moindre preuve de nature à laisser supposer que ses décisions ont été justifiées par des éléments étrangers à toute discrimination,

- condamner la société ST DUPONT à lui payer à titre provisionnel la somme de 3 000 € en réparation du préjudice subi,

QUATRIEME DEMANDE':

- constater que la preuve de la suppression de son poste au 31 décembre 2016 n'est pas rapportée,

- dire que la suppression d'un poste occupé par un salarié sous contrat à durée indéterminée constitue incontestablement une modification de la structure de l'emploi qui doit être portée comme telle à la connaissance du comité d'entreprise,

- dire qu'à supposer que la preuve de la suppression de son poste soit rapportée, cette suppression est incontestablement illicite, tout comme les six propositions de reclassement qui lui ont été faites et qu'en présence de ses refus explicites, est fautif «'le fait de n'y pas avoir renoncé ni engagé une nouvelle procédure de licenciement'»,

- dire que ce comportement illicite est incontestablement équipollent à un licenciement nul,

à titre subsidiaire, s'il n'est pas dit que le refus de le réintégrer effectivement était incontestablement équipollent à un licenciement nul,

- dire que la déloyauté de la société ST DUPONT est incontestable et a fait obstacle à la poursuite du contrat de travail,

- prononcer la nullité de la prise d'acte,

- dire que du prononcé de cette nullité s'évince le caractère incontestable des créances inhérentes à la rupture,

en toute hypothèse,

- condamner la société ST DUPONT à lui payer à titre provisionnel les sommes suivantes':

- 20 923,61 € à titre d'indemnité de préavis,

- 2 092,36 € au titre des congés payés afférents,

- 8 926,73 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 251 083,40 € à titre d' «'indemnité spécifique salarié protégé'»,

- 55 330,98 € à titre de dommages-intérêts «'LSCRS'»,

CINQUIEME DEMANDE':

- ordonner la rectification de l'attestation Pôle emploi afin que figure au cadre 7.3 la somme de 2 079 € payée au titre de la prime de 13ème mois,

- dire qu'il est incontestablement déloyal de déclarer qu'il a perçu pour la période de janvier à juin 2016 une rémunération brute de 31 705,14 € alors qu'il a incontestablement perçu un total de salaires nets de 37 280,68 € au cours de cette période,

- dire que ce fait constitue incontestablement l'élément matériel du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi,

- dire qu'il est incontestablement déloyal de payer aux organismes sociaux la somme de 7 404,98 € au titre de la part salariale des cotisations sociales sans avoir préalablement pratiqué aucune retenue pour dissimuler le délit susvisé,

- dire que ce fait constitue incontestablement une nouvelle fois l'élément matériel du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié,

- ordonner à la société ST DUPONT de lui délivrer un bulletin de paie récapitulatif faisant figurer au titre du salaire brut la somme de 7 404,98 € et de lui verser le net correspondant,

- condamner la société ST DUPONT à lui payer une provision de 5 000 € en réparation du préjudice spécifique né de ces multiples turpitudes,

SIXIEME DEMANDE':

- condamner la société ST DUPONT à lui payer à titre provisionnel la somme de 23 359,89 € en réparation du préjudice né des défauts de déclaration et d'assurance,

- condamner en tout état de cause la société ST DUPONT à lui payer la somme de 4 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais qu'il a dû engager tant en première instance qu'en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens,

Vu les conclusions transmises par le RPVA le 05 septembre 2017 par la société par actions simplifiée ST DUPONT, intimée, qui demande à la cour de':

- confirmer dans l'ensemble de ses dispositions l'ordonnance entreprise,

- dire n'y avoir lieu à référé et renvoyer M. [Z] [L] à mieux se pourvoir,

- condamner M. [Z] [L] aux dépens,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 septembre 2017,

Les parties ayant précisé oralement qu'une procédure au fond venait à l'audience du bureau de jugement du 20 octobre 2017 et que le tribunal correctionnel était saisi,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 02 décembre 2011, la société ST DUPONT a engagé M. [Z] [L] à compter du 02 janvier 2012 sous contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en qualité de «'Area Manager Export'», statut cadre, niveau 6, pour lui confier le développement des marchés Moyen Orient et Europe du sud au sein de la direction EXPORT.

A la fin de l'année 2014, la société ST DUPONT a souhaité renégocier son partenariat commercial avec la société MICHEL A. CHALHOUB INC (CHALHOUB) domiciliée dans les Emirats Arabes Unis à Dubaï, afin de relancer la distribution de ses produits au Moyen Orient en mettant en place une équipé dédiée sur zone dont M. [Z] [L] serait le responsable.

Le 03 avril 2015, M. [Z] [L] a été élu délégué du personnel titulaire et membre suppléant du comité d'établissement, puis le 23 avril 2015 il a été élu membre du comité central d'entreprise.

Après de nombreux mois de négociation, la société ST DUPONT et M. [Z] [L] ont signé le 16 octobre 2015 un avenant au contrat de travail du salarié en vue de sa mise à disposition auprès de la société CHALHOUB en qualité de «'Middle East Department Manager'», pour une durée de treize mois du 1er décembre 2015 au 31 décembre 2016 renouvelable une fois avec l'accord exprès des parties.

L'avenant prévoyait notamment que':

- le salarié aurait un lien fonctionnel pendant la durée de sa mise à disposition avec M. [H] [U], directeur export de la société ST DUPONT,

- le salarié serait soumis à une période probatoire d'une durée de trois mois,

- pendant la durée de sa mise à disposition, le salarié percevrait annuellement une rémunération versée en totalité aux Emirats en dirham par la société d'accueil se décomposant comme suit':

- une partie fixe de 264 000 AED équivalant à 64 729 €, les cotisations sociales concernant la retraite et les ASSEDIC étant prises en charge par la société ST DUPONT,

- un bonus pouvant aller jusqu'à 40 % de sa rémunération annuelle de base, conditionné à sa performance individuelle et à la réalisation de ses objectifs annuels, définis au début de l'année, les modalités du versement de ce bonus étant précisées dans le contrat local entre le salarié et la société d'accueil,

- le salarié bénéficierait en outre de divers avantages pris en charge par la société d'accueil,

- pendant la durée de sa mise à disposition, le salarié resterait affilié au régime français de sécurité sociale et d'assurance chômage et également couvert par les régimes de retraite complémentaire français, les charges sociales liées au statut d'employé français étant à la charge de la société ST DUPONT.

Dans le même temps étaient signés un contrat d'agence commerciale entre la société ST DUPONT et la société CHALHOUB, daté du 16 septembre 2015, ainsi qu'un contrat entre la société CHALHOUB et M. [Z] [L], daté du 22 septembre 2015.

Comme l'avenant au contrat de travail en réservait la possibilité aux parties, la mise à disposition auprès de la société CHALHOUB a été effective à compter du 1er janvier 2016.

Le 11 avril 2016, la société CHALHOUB et M. [Z] [L] sont convenus de prolonger la période probatoire d'une durée de trois mois.

Par courrier du 23 juin 2016 intitulé «'Subject': Non Confirmation of Employment'», la société CHALHOUB a notifié à M. [Z] [L] qu'elle mettait fin à sa mise à disposition.

Par lettre du 27 juin 2016, la société ST DUPONT a indiqué à M. [Z] [L] que sa mise à disposition prenant fin le 30 juin, il était réintégré en son sein à partir du 1er juillet 2016, que compte tenu du caractère soudain de la rupture de sa mise à disposition elle n'était pas en mesure de l'accueillir dans l'immédiat dans ses locaux et qu'il était donc mis en disponibilité à partir du 1er juillet 2016 sans suspension de sa rémunération, l'employeur précisant avoir besoin de faire un point avec la société CHALHOUB «'afin de connaître les raisons et les conséquences de cette rupture'» et s'engageant à revenir vers le salarié avant le 25 juillet 2016.

Par lettre du 26 juillet 2016, la société ST DUPONT a convoqué M. [Z] [L] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour faute grave, en lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire.

Par décision du 1er septembre 2016, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement.

Le 05 septembre 2016, l'employeur faisant état de l'impossibilité matérielle de le réintégrer au poste qu'il occupait a proposé à M. [Z] [L] une dispense d'activité avec reprise de sa rémunération dans l'attente de lui retrouver un autre poste.

Les jours suivants, plusieurs postes ont été proposés au salarié.

Le 21 septembre 2016, M. [Z] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris au fond d'une procédure tendant en particulier à la résiliation judiciaire de son contrat de travail emportant les effets d'un licenciement nul, procédure à laquelle il aurait renoncé.

Le 16 novembre 2016, M. [Z] [L] a fait l'objet d'un arrêt de travail jusqu'au 30 novembre 2016 pour «'syndrôme anxio-dépressif réactionnel suite harcèlement au travail'».

Par lettre du 19 novembre 2016, M. [Z] [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

C'est dans ces conditions que M. [Z] [L] a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Paris le 12 décembre 2016 de la procédure qui a donné lieu à l'ordonnance entreprise.

Ultérieurement, par décision du 20 avril 2017 le ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 1er septembre 2016 et dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement dans la mesure où le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 19 novembre 2016.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour observe que M. [Z] [L] ne cite dans ses conclusions aucun des textes ' les articles R 1455-5, R 1455-6 et R 1455-7 du code du travail ' déterminant les pouvoirs de la juridiction prud'homale des référés et ne fait pas davantage référence à ces pouvoirs.

Sur la jonction des deux procédures d'appel':

Pour une bonne administration de la justice, il convient d'ordonner la jonction des procédures enrôlées sous les numéros de répertoire général 17/07153 et 17/07305.

Sur les prétentions formant la première demande':

Ces prétentions sont fondées sur l'illicéité de la mise à disposition.

Contrairement à l'argumentation de la société ST DUPONT, les dispositions de la loi CHERPION du 28 juillet 2011 n'ont pas été respectées en l'espèce.

L'article L 8241-2 alinéa 3 du code du travail dispose en effet que le prêt de main d'oeuvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert notamment «'une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l'identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse'».

Or au cas présent, si le contrat d'agence commerciale entre la société ST DUPONT et la société CHALHOUB daté du 16 septembre 2015 prévoit la mise en place d'une équipé dédiée sur zone afin de relancer la distribution des produits de l'entreprise prêteuse au Moyen Orient, en revanche il ne mentionne nullement l'identité et la qualification des salariés concernés.

Mais à supposer que cette irrégularité soit susceptible d'entacher de nullité l'avenant de mise à disposition signé le 16 octobre 2015, la juridiction des référés n'a pas le pouvoir de prononcer une telle nullité et M. [Z] [L], dont les courriels échangés au cours de la négociation montrent qu'il avait parfaitement conscience que sa mise à disposition avait pour support le contrat d'agence commerciale conclu entre les deux sociétés, n'établit pas que l'irrégularité considérée soit constitutive d'un trouble manifestement illicite au sens des dispositions de l'article R 1455-6 du code du travail, lequel trouble n'est pas même allégué.

L'intéressé n'est par ailleurs pas recevable à solliciter, qui plus est en référé, la nullité du contrat qu'il a signé avec la société CHALHOUB alors que celle-ci n'a pas été appelée dans la cause.

S'agissant des demandes indemnitaires, il ressort des productions qu'un contrat de travail local a également été conclu avec la société CHALHOUB qui a réglé à l'intéressé ses salaires et les avantages associés pendant la durée de la mise à disposition, tels qu'ils avaient été négociés et contractualisés dans l'avenant de mise à disposition (sauf l'allocation de logement à laquelle se sont substitués des frais d'hôtel acquittés par la société ST DUPONT), mais que le lien de subordination juridique avec la société ST DUPONT a été maintenu.

En outre, M. [Z] [L] n'indique pas la nature des avantages individuels dont il aurait été privé du fait de sa mise à disposition.

Dans ces conditions et en cet état de référé, M. [Z] [L] ne justifie pas des préjudices subis dont il fait état sans autrement les expliciter dans le cadre des délits de prêt de main d'oeuvre illicite et de marchandage invoqués, de sorte que sa demande de provision à ces titres est sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R 1455-7 du code du travail.

En conséquence, il sera dit n'y avoir lieu à référé, l'ordonnance entreprise étant confirmée en ce que le premier juge a statué dans le même sens pour ce qui concerne les demandes dont il était saisi.

Sur les prétentions formant la deuxième demande':

Ces prétentions tendent essentiellement à obtenir le paiement par la société ST DUPONT de ses salaires pour la période de mise à disposition ainsi que la délivrance de nouveaux bulletins de paie conformes et la rectification en ce sens de l'attestation destinée à Pôle emploi.

La cour fait observer que M. [Z] [L] fonde ses demandes sur l'avenant de mise à disposition dont il demande par ailleurs l'annulation.

Surtout, M. [Z] [L] lui-même reconnaît dans ses écritures que la société CHALHOUB lui a bien réglé ses salaires et avantages accessoires durant la période du 1er janvier au 30 juin 2016.

L'intéressé ne saurait dès lors obtenir une seconde fois paiement de ses salaires.

Quant aux objectifs à atteindre pour bénéficier du bonus de 40 %, dont il n'est effectivement pas démontré qu'ils aient été fixés et communiqués au salarié, l'avenant au contrat de travail en vue de la mise à disposition temporaire de celui-ci stipule que les modalités du versement de ce bonus sont précisées dans le contrat local entre le salarié et la société d'accueil, à laquelle il appartient de le régler (comme le reste de la rémunération), de sorte que toute demande à ce titre nécessite la mise en cause de la société CHALHOUB.

Les bulletins de paie afférents édités par la société CHALHOUB ont été produits dans le cadre de la présente instance (pièces n° 22 de l'intimée).

Ils font bien mention des avantages accessoires (allocation de transport, allocation de téléphone, «'ticket'»).

La société ST DUPONT justifie avoir pris en charge les cotisations sociales afférentes comme elle s'y était engagée, M. [Z] [L] lui reprochant d'ailleurs, dans le cadre de son argumentaire sur l'existence d'un travail dissimulé, d'avoir versé à ce titre aux organismes sociaux la somme de 7 404,98 € «'sans avoir préalablement pratiqué aucune retenue'».

A titre subsidiaire, M. [Z] [L] sollicite pour la période du 1er janvier au 30 juin 2016 la délivrance par la société ST DUPONT de bulletins de paie faisant apparaître les salaires nets payés à hauteur de la somme globale de 37 280,68 € ainsi que d'une attestation destinée à Pôle emploi conforme à ce montant.

Toutefois et ainsi qu'il a été dit, ces bulletins de paie ont déjà été remis par la société CHALHOUB.

Enfin, M. [Z] [L] sollicite paiement d'une provision de 5 000 € en réparation du «'préjudice subi'», lequel n'est pas autrement documenté.

Il s'ensuit que ses demandes tant principales que subsidiaires se heurtent à une contestation sérieuse et ne peuvent prospérer.

Il sera dit n'y avoir lieu à référé.

Sur les prétentions formant la troisième demande':

A l'appui de ces prétentions, M. [Z] [L] produit les décisions rendues par l'autorité administrative à la suite de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société ST DUPONT et soutient avoir été victime de discrimination à raison de l'exercice de ses mandats pour solliciter à ce titre une provision de 3 000 €.

Aux termes de l'article L'1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L'3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi du 27'mai'2008 susvisée':

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

S'agissant de l'exercice d'une activité syndicale, l'article L 2141-5 dispose qu' «'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail'».

Dans tous les cas, l'article L'1134-1 prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application du principe de non-discrimination, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par les dispositions susvisées, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles, la procédure de référé excluant toutefois le recours à une telle possibilité.

Au cas présent, les éléments préalables communiqués par le salarié apparaissent suffisants au regard en particulier des avis motivés de l'administration qui a retenu un lien entre la procédure de licenciement initiée et l'exercice des mandats, du refus de le réintégrer à son poste le 1er juillet 2016 à la fin de la période de mise à disposition, voire à un poste équivalent et ce en violation des dispositions contractuelles liant les parties, et des propositions de poste en vue de son «'reclassement'», inappropriées et pour certaines dérisoires, qui lui ont été soumises au mois de septembre 2016.

Confronté à ces éléments, l'employeur ne prouve pas que ses décisions successives aient été justifiées par des éléments étrangers à toute discrimination, la seule circonstance que la mise à disposition de M. [Z] [L] ait été envisagée dès la fin de l'année 2014 étant à cet égard très insuffisante.

Il convient en conséquence d'allouer à M. [Z] [L] une provision de 3 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la discrimination subie.

Sur les prétentions formant la quatrième demande':

M. [Z] [L] se prévaut de la circonstance que la preuve de la suppression de son poste au 31 décembre 2016 n'est pas rapportée et qu'en tout état de cause elle est illicite, tout comme les six propositions de reclassement qui lui ont été faites. Il en conclut que le comportement illicite de l'employeur est équipollent à un licenciement nul, à titre subsidiaire que la déloyauté de celui-ci a fait obstacle à la poursuite du contrat de travail, pour demander à la cour tout à la fois de prononcer la nullité de la prise d'acte et de condamner la société ST DUPONT à lui payer par provision diverses indemnités liées à la rupture de son contrat.

Si ainsi que le soutient à bon droit l'intéressé la preuve de la suppression du poste qu'il occupait avant sa mise à disposition n'est pas rapportée, poste qu'il aurait donc dû retrouver dès la fin de sa mise à disposition conformément aux dispositions contractuelles liant les parties, et si les postes qui lui ont été proposés au mois de septembre 2016 aux fins de «'reclassement'» sont à l'évidence sans commune mesure avec sa rémunération et sa classification précédentes ou sans rapport avec ses qualifications, il n'en demeure pas moins que M. [Z] [L] n'a en définitive pas été licencié dans la mesure où il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 19 novembre 2016.

Non seulement la cour, statuant de surcroît en référé, ne peut pas prononcer la nullité de la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat, mais en outre, il appartient au seul juge du fond de d'apprécier si le comportement de l'employeur rendait impossible le maintien de la relation contractuelle.

Il sera dit n'y avoir lieu à référé de ces chefs.

Sur les prétentions formant la cinquième demande':

M. [Z] [L] sollicite essentiellement la rectification de l'attestation destinée à Pôle emploi afin que figure au cadre 7.3 la somme de 2 079 € payée au titre de la prime de treizième mois, la délivrance d'un bulletin de paie rectificatif faisant apparaître au titre du salaire brut la somme de 7 404,98 € correspondant aux cotisations sociales réglées aux organismes sociaux, ainsi que le versement du net correspondant et d'une provision de 5 000 € en réparation du préjudice spécifique né de ces «'multiples turpitudes'».

La première demande est sérieusement contestable dès lors que la somme de 2 079 € payée au titre de la prime de treizième mois figure à la rubrique 7.2 de l'attestation destinée à Pôle emploi établie par l'employeur.

La deuxième demande est fondée, le salarié étant en droit d'obtenir un bulletin de paie matérialisant les cotisations sociales acquittées par la société ST DUPONT pendant la période de mise à disposition, qui ne sont évidemment pas mentionnées dans les bulletins de paie édités par la société CHALHOUB puisque celle-ci n'était pas tenue contractuellement de les régler.

M. [Z] [L] ne saurait en revanche obtenir une seconde fois paiement des salaires correspondant à ces cotisations sociales.

C'est aussi de façon dénuée de pertinence qu'il reproche à son employeur, dans le cadre du paiement des cotisations sociales afférentes, d'avoir déclaré au titre de la période de mise à disposition une rémunération «'brute'» globale de 31 705,14 € au lieu de 37 280,68 € correspondant à la somme nette qui lui a été payée, alors qu'il ressort expressément de l'avenant du 16 octobre 2015 au contrat de travail liant les parties que «'la base de cotisation pour les droits ASSEDIC et les droits RETRAITE en France'» serait la rémunération constituée de la partie fixe et du bonus, à l'exception des allocations allouées au titre des avantages accessoires (allocation de transport, allocation de logement et «'ticket'»).

La troisième demande (en dommages-intérêts) se heurte à une contestation sérieuse, M. [Z] [L] ne justifiant pas du préjudice allégué.

Il sera donc ordonné à la société ST DUPONT de remettre à M. [Z] [L] un bulletin de paie récapitulatif faisant mention des cotisations sociales acquittées pendant la période de mise à disposition et il sera dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus.

Sur les prétentions formant la sixième demande':

Ces prétentions sont relatives à l'absence prétendue de déclaration de l'arrêt maladie du 16 novembre 2016, étant rappelé que la rupture du contrat de travail date du 19 novembre 2016.

Cependant, le préjudice invoqué n'est pas démontré et les propres pièces de l'intéressé (ses pièces n° 35 et 36) établissent que la caisse primaire d'assurance maladie comme l'organisme de prévoyance complémentaire (la société MUTEX) sont saisis de son dossier et lui ont versé des indemnités journalières.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur ce point et il sera statué dans le même sens pour ce qui concerne le surplus de la demande présentée en cause d'appel.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens':

La décision entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irréptibles et les dépens de première instance.

Il apparaît en revanche équitable d'allouer à M. [Z] [L] la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles qu'il a dû exposer devant la cour.

La société ST DUPONT qui succombe partiellement en restant débitrice de son ex-salarié supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros de répertoire général 17/07153 et 17/07305';

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions';

Y ajoutant,

Condamne la société ST DUPONT à payer par provision à M. [Z] [L] la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la discrimination subie';

Condamne la société ST DUPONT à remettre à M. [Z] [L] un bulletin de paie récapitulatif faisant mention des cotisations sociales acquittées par elle-même pendant la période de mise à disposition du 1er janvier au 30 juin 2016';

Dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes';

Condamne la société ST DUPONT à payer à M. [Z] [L] la somme de

2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'il a dû exposer devant la cour';

Condamne la société ST DUPONT aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/07153
Date de la décision : 23/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°17/07153 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-23;17.07153 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award