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22/11/2017 | FRANCE | N°16/08412

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 22 novembre 2017, 16/08412


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 22 NOVEMBRE 2017



(n° 447 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08412



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2016 -Cour de Cassation de PARIS - RG n° 14-22730





APPELANTE



SARL OCEAN BRUN représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adre

sse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Ayant pour avocat plaidant Me Bernard PUYCAYARDE, avocat au...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 22 NOVEMBRE 2017

(n° 447 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08412

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2016 -Cour de Cassation de PARIS - RG n° 14-22730

APPELANTE

SARL OCEAN BRUN représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Ayant pour avocat plaidant Me Bernard PUYCAYARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : K83

INTIMES

Maître [J] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (Algérie)

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Denis TALON de l'AARPI TALON MEILLET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0428

SARL IMMONA agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité

audit siège,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 785 788 7955

Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Ayant pour avocat plaidant Me Marion CREQUAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0772

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre, chargé du rapport

Mme Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.

*****.

Par acte sous seing privé du 13 avril 2010, la société Immona, qui était assistée de Me [J] [R], avocat, a donné à bail à la société Océan Brun, un moment représentée par la Selafa MJA, ès-qualités de commissaire au plan et de mandataire judiciaire, des locaux à usage commercial en vue d'une activité de restauration haut de gamme, vente et fabrication de chocolats fins et tous produits de luxe s' y rattachant, situés 4,6,8, cour du Commerce [Localité 2], passage se trouvant entre la [Adresse 4], accessible par un porche au niveau du [Adresse 5].

Le 23 mai 2011, après un courrier de mise en demeure du 11 mai 2011 adressé à la société Océan Brun, le syndic de la copropriété du [Adresse 6] a fait procéder à la dépose de l'enseigne en drapeau installée, sans autorisation du syndicat des copropriétaires, sur la façade de l'immeuble donnant sur ce boulevard.

Le 23 décembre 2011, la société Océan Brun a fait assigner à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Paris, en diminution du loyer, la société Immona, laquelle a, le 24 janvier 2012, fait assigner en responsabilité Me [J] [R], rédactrice du contrat de bail.

Par jugement rendu le 5 avril 2012, le tribunal de grande instance de Paris a :

- ordonné la jonction des procédures ;

- dit qu'en autorisant la société Océan Brun à apposer une enseigne dans le cadre métallique situé à l'entrée du porche de la cour du Commerce [Localité 2], la société Immona a commis envers elle une faute engageant sa responsabilité ;

- avant dire droit sur l'évaluation du préjudice, ordonné une mesure d'expertise et désigné Mme [H] pour y procéder ;

- fixé à titre provisoire le montant du loyer annuel commercial à la somme de 300 000 euros à compter de son prononcé ;

- condamné la société Immona à restituer à la société Océan Brun la somme de 45 000 euros sur les loyers déjà perçus au titre du préjudice déjà subi au jour de son prononcé ;

- réservé l'éventuelle application de I'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

L'expert [H] a été remplacé par M.[G], qui a déposé son rapport, le 31 mai 2013.

Par arrêt rendu le 11 septembre 2013, la cour d'appel de Paris a rectifié I'erreur matérielle affectant le jugement et dit qu'au dispositif serait portée la mention suivante :

"Condamne Maître [J] [R] à garantir la SARL Immona de toutes les condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci " ;

Par arrêt du 14 mai 2014, la cour d'appel a notamment débouté la Selafa MJA, ès-qualités de commissaire au plan de redressement judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Océan Brun, de la totalité de ses demandes et dit n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie formé par la société Immona à l'encontre de Mme [R].

Par arrêt du 4 janvier 2016, la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt précité, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

La Cour de cassation a retenu que :

- pour rejeter la demande de la société Océan Brun, I'arrêt de la cour d'appel a retenu qu'il résulte de la lecture combinée de la clause 9.3.2 du bail et du paragraphe inséré en fin de bail, intitulé "conditions particulières" que, pour pouvoir apposer une enseigne sur la façade extérieure du boulevard Saint-Germain, la société Océan Brun avait la double obligation de recueillir, d'une part, l'accord préalable et écrit du bailleur, d'autre part, toute autorisation administrative ou autre nécessaire à cette fin et que, n'ayant entrepris aucune démarche auprès du syndicat des copropriétaires de I'immeuble afin d'être autorisée à poser son enseigne, la société Océan Brun s'est, de son seul fait, exposée à sa dépose ;

- qu'en statuant ainsi, alors que les deux clauses du bail étaient distinctes et que I'article 9,3,2 concernait exclusivement les enseignes à l'extérieur ou dans I'immeuble où étaient situés les locaux donnés à bail, tandis que, par la clause intitulée "conditions particulières", le bailleur

autorisait le preneur, sans aucune restriction, "à utiliser à usage d'enseigne le cadre métallique situé à l'entrée du porche donnant sur le boulevard", ce dont il résultait que ces deux clauses n'avaient pas le même objet et n'étaient pas assorties des mêmes conditions, la cour d'appel, qui les a dénaturées, a violé le texte susvisé .

La société Océan Brun, désormais redevenue in bonis, qui a saisi la cour de renvoi, lui demande, aux termes de ses dernières conclusions du 28 septembre 2017, au vu des articles 1149, 1719 et 1723 du code civil, de :

- confirmer le jugement rendu le 5 avril 2012 en ce qu'il a jugé que le bailleur, en autorisant le preneur à utiliser à usage d'enseigne le cadre métallique situé à l'entrée du porche donnant sur le boulevard, a commis une faute engageant sa responsabilité ;

- fixer son préjudice au titre de la diminution du montant du loyer à la somme de 390 000 euros depuis la suppression de son enseigne et ce, jusqu'au terme contractuel du bail ;

- fixer son préjudice financier lié à la perte de chiffre d'affaires à la somme de 1 560 000 euros ;

- fixer son préjudice global à la somme de  1 950 000 euros et condamner la société Immona au paiement de cette somme ;

- débouter la société Immona et Me [J] [R] de l'ensemble de leurs demandes;

- subsidiairement, désigner un collège d'experts ou un expert avec la mission d'évaluer :

- le préjudice lié au niveau du loyer qu'elle a dû régler et devra régler jusqu'au terme contractuel de son bail, depuis la disparition de son enseigne ;

- le préjudice financier correspondant aux conséquences de la dépose de l'enseigne sur le chiffre d'affaires ;

- dans l'attente de la décision qui sera rendue après expertise, confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé le montant du loyer annuel à titre provisoire à la somme de 300 000 euros en principal ;

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a ordonné la restitution de la somme de 45 000 euros ;

- condamner solidairement la société Immona et Me [R] à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, faisant distraction au profit de la Selarl Guizard & Associés par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 2 octobre 2017, la société Immona demande à la cour :

- de la recevoir en son appel du jugement rendu le 5 avril 2012 par la 18ème chambre 2ème section du tribunal de grande instance de Paris, rectifié par l'arrêt du 11 septembre 2013;

- de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la jonction des dossiers enrôlés sous les numéros 12/470 et 12/1103 ;

- d'infirmer le jugement :

- en ce qu'il a jugé qu'en autorisant la SAS Océan Brun à apposer une enseigne dans le cadre métallique situé à l'entrée du porche de la cour du commerce Saint André, elle a commis envers cette dernière une faute engageant sa responsabilité ;

- en ce qu'il a fixé provisoirement le montant du loyer annuel pour les locaux commerciaux du [Adresse 7] à la somme de 300 000 euros à compter du prononcé du jugement et I'infirmer également en ce qu'il l'a condamnée à restituer à la société Océan Brun la somme de 45 000 euros sur les loyers déjà perçus au titre d'un soi-disant préjudice subi ;

- d'une manière générale, en toutes ses dispositions concernant une quelconque responsabilité de sa part à l'égard de la société Océan Brun et une quelconque condamnation financière de la société Immona à l'égard de son locataire, la société Océan Brun ;

- en conséquence, de débouter la société Océan Brun de toutes ses demandes ;

- subsidiairement, si par extraordinaire était retenue à son égard une quelconque faute, de débouter en tout état de cause la société Océan Brun de toutes ses demandes indemnitaires, totalement mal fondées ;

- de débouter la société Océan Brun de sa demande d'expertise ;

- de confirmer le jugement du 5 avril 2012, rectifié par l'arrêt rectificatif du 11 septembre 2013, en ce qu'il a condamné Maître [R] à la garantir de toutes condamnations prononcées contre elle ;

- de juger que Me [J] [R], en sa qualité de professionnel du droit et de rédactrice du bail consenti par la société Immona à la société Océan Brun, a commis des fautes et des manquements manifestes à son devoir de conseil, engageant sa responsabilité;

- en conséquence, de condamner Me [J] [R] à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

- de débouter Me [J] [R] de toutes ses demandes à son encontre ;

- de la recevoir en ses demandes indemnitaires à l'égard de Me [J] [R] et de condamner celle-ci à lui payer, en tout état de cause en réparation du préjudice subi du fait de la procédure intentée par la société Océan Brun, des dommages et intérêts d'un montant de 20 000 euros ;

- de condamner Me [J] [R] à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société Océan Brun et Me [J] [R] en tous les dépens dont recouvrement au profit de Me Buret, avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 8 septembre 2017, Me [R] demande à la cour:

- de la juger recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu le 5 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Paris ;

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à relever et garantir la SARL Immona de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

- de débouter la SARL Immona de son appel incident en tant que dirigé contre elle, ainsi que de toutes ses demandes la concernant ;

- de condamner tout succombant à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE,

Considérant que la société Océan Brun, appelante, soutient que :

- la hauteur de la potence de dimension importante (1,20m x 0,70m), située à quatre mètres de hauteur permettant une visibilité des piétons et des voitures sur le boulevard [Localité 3], le nom évocateur d' «un dimanche à [Localité 4]», les activités cumulées mentionnées (la boutique, la pâtisserie, le restaurant, le salon de chocolat) et la notation complémentaire nécessaire « dans le passage », démontrent l'importance d'obtenir la visualisation de son commerce ;

- la clause autorisant le preneur à utiliser à usage d'enseigne le cadre métallique situé à l'entrée du porche ne pouvait pas ne pas être validée par le bailleur du fait de ce que les trois derniers projets intégraient cette condition particulière, sans aucune contestation;

- la Cour de cassation a précisé qu'il n'y avait pas lieu de retenir une lecture combinée de la clause 9.3.2 du bail et du paragraphe litigieux inséré en fin de bail, intitulé « Conditions particulières » relatif à l'utilisation d'une enseigne ;

- le bailleur a contractuellement accordé au preneur l'autorisation d'utiliser une enseigne, alors même qu'il ne disposait pas de cette autorisation, il a contrevenu à son engagement premier de faire bénéficier le fonds de commerce d'une visibilité dont il ne dispose plus ; dès lors, il est établi qu'il y a eu violation des dispositions du bail, reposant sur le fondement des articles 1719 et 1723 du code civil, qui obligent le bailleur à délivrer au preneur la chose louée et empêchent le bailleur, pendant la durée du bail, de changer la forme de la chose louée ;

- en perdant l'utilisation de cette enseigne, elle a pour le moins, comme cela a été reconnu par le tribunal et par l'expert judiciaire désigné, subi un préjudice par rapport au loyer qui avait été fixé conventionnellement entre les parties et qui devait, de ce fait, immédiatement être minoré ; elle a également subi un préjudice lié à la conséquence directe de la suppression de cette enseigne sur son chiffre d'affaires ;

- les expertises amiables qu'elle a fait réaliser permettent de chiffrer ce double préjudice ; à défaut, il convient de recourir à une nouvelle mesure d'expertise ;

Considérant que la société Immona, intimée, réplique que :

- dans la lettre d'intention du principal associé de la société Océan Brun il n'a pas été question d'une quelconque demande concernant une enseigne ou un élément signalétique sur le boulevard ;

- il est dès lors inexact de prétendre, comme l'a fait la société Océan Brun dans son assignation introductive d'instance, que sa décision de louer aurait été provoquée par la possibilité d'utiliser, à usage d'enseigne, un cadre métallique sur un porche donnant sur le boulevard, qui aurait été une condition essentielle du bail, puisque ce point n'a jamais été évoqué avant la conclusion du bail en avril 2010 ;

- l'adjonction de la clause litigieuse aura lieu, sans avertissement, postérieurement au 30 mars 2010, date de la réunion générale des parties et de leurs conseils, au cours de laquelle une telle clause n'a jamais été évoquée, et encore moins discutée, et aucun texte de cette nature ne lui a été soumis ;

- la société Océan Brun était informée de l'existence d'autres commerces similaires, dont notamment des restaurants, alors que son activité principale était «restaurant haut de gamme avec licence IV, salon de thé, chocolat '' ;

- les expertises amiables de M.[W] et de Mme [L] lui sont inopposables ;

- la société Océan Brun dispose d'une signalétique à I'entrée de la Cour du Commerce Saint André, comme le démontrent les photos prises, notamment par Me [E], huissier, selon procès-verbaux de constat dressés à trois reprises en janvier 2013 (16, 22 et 28 janvier 2013), signalétique apposée sur les cadres métalliques à l'entrée du passage tant sur la rue de l'Ancienne Comédie que sur le Boulevard Saint Germain ;

- sa responsabilité ne saurait donc être recherchée d'une manière quelconque, alors qu'elle a délivré les locaux loués situés [Adresse 8] à sa locataire, la société Océan Brun, autorisée à apposer des enseignes sur les locaux eux-mêmes, loués à l'adresse susvisée ;

- la société Océan Brun ne justifie pas d'un lien de causalité entre l'absence d'enseigne sur le boulevard et un quelconque préjudice ;

- la société Océan Brun sera déboutée de ses demandes au titre d'un quelconque préjudice locatif car les conditions financières locatives qu'elle avait acceptées, voire revendiquées depuis février 2010, l'ont été avant toute signature du bail et sans la moindre condition quelle qu'elle soit, si ce n'est la location des locaux du 4, 6 et 8 Cour du Commerce Saint André à [Localité 4] 6ème ; le loyer conventionnel, inférieur à la valeur locative, ne peut être l'objet d'une réfaction, sans justifier d'un quelconque préjudice ;

- s'agissant du chiffre d'affaires, préjudice écarté par M.[G], les tendances sont stables et le chiffre d'affaires global n'a cessé de croître entre 2011 et 2014, tout comme n'a cessé de croître le chiffre d'affaires de la boutique et du salon de thé ;

- en cas de condamnation, elle est fondée à se retourner contre son conseil, Me [J] [R], chargée de l'assister dans la négociation et de procéder à la rédaction intégrale et définitive du bail qui sera signé avec le candidat locataire ; il résulte en effet de sa facture d'honoraires en date du 5 août 2010 qu'elle a :

- participé au rendez-vous de négociation,

- étudié le bail adverse,

- repris et procédé à la rédaction finale du bail commercial (12h),

- sa responsabilité est d'autant plus engagée que dans le bail qui avait été discuté le 30 mars 2010, il n'existait aucune clause concernant une quelconque utilisation à usage d'enseigne, d'un quelconque cadre métallique qui aurait été situé à I'entrée du porche donnant sur le boulevard Saint Germain ;

- elle a subi un préjudice du fait de la présente procédure et, quelle qu'en soit l'issue, elle est fondée à réclamer à son ancien conseil, pour l'indemnisation de son préjudice moral, des dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité pour frais irrépétibles ;

Considérant que Me [R] soutient que :

- il n'est pas établi que la clause litigieuse sur l'autorisation d'apposer une enseigne figurait dans la version approuvée du 13 avril 2010, d'autant que la première version rédigée par l'avocat du preneur ne la mentionnait pas ;

- elle n'était pas présente au rendez-vous de signature et avait prévenu de son indisponibilité, de sorte qu'il existe une forte présomption, sinon une certitude, que la clause, au demeurant confuse à la différence des autres, a été rajoutée à la dernière minute en dernière page de l'acte sans les réserves habituelles en matière d'autorisations, les parties étant en relation directe se rencontrant hors la présence de leurs avocats ;

- la société Immona, bailleresse, a entendu se passer de la présence de son avocat au moment de la signature du bail et doit assumer les conséquences de son choix ;

- le local étant vide depuis deux ans, la bailleresse voulait à tout prix signer, vraisemblablement dès le 13 avril, le bail à un preneur qui allait faire procéder à des travaux somptuaires, tout en payant un loyer conséquent ;

- la pose d'une enseigne sur le boulevard St Germain ne constituait en tout état de cause qu'un petit plus et n'avait d'ailleurs pas fait l'objet d'échanges dans les mails entre parties, agent immobilier et avocats ; elle n'a commis aucune faute en voulant laisser le maximum de latitude au preneur ;

- en tout état de cause, il n'est pas rapporté la preuve d'une baisse de chiffre d'affaires en liaison directe avec la faute invoquée et l'absence d'enseigne, eu égard à l'importance des travaux réalisés dans les lieux, à la présence d'une importante signalétique des locaux en cause, à la situation très fréquentée des lieux et à l'installation postérieure d'un concurrent très actif dans l'immeuble donnant sur le boulevard ;

- le montant du loyer prévu au bail (345 000 euros) étant très inférieur à la valeur locative des lieux, selon l'expert judiciaire (380 000 euros), aucun préjudice particulier ne saurait être retenu entraînant une diminution de loyer de l'ordre de la différence des valeurs ;

- rien ne justifie qu'il soit alloué à la société Immona des dommages et intérêts, alors qu'elle-même a été appelée en garantie in extremis et n'a commis aucun abus de procédure;

Considérant que le bail signé entre la société Immona et la société Océan Brun, qui constitue la loi des parties, comprend au dernier paragraphe 'conditions particulières', intitulé qui attire nécessairement particulièrement l'attention, une clause selon laquelle le bailleur autorise le preneur à utiliser à usage d'enseigne le cadre métallique situé à l'entrée du porche donnant sur le boulevard (Saint Germain) ;

Considérant que cette clause, indépendante d'autres clauses du bail qui régissent des situations différentes, ne comprend aucune restriction, à la différence de celle qui la suit immédiatement portant sur l'autorisation d'utiliser le trottoir de la voie privée qui prend le soin de la conditionner à l'obtention de toutes autorisations qui pourraient être nécessaires, apparaît garantir sans réserve au locataire le droit d'utiliser le cadre métallique pour y loger une enseigne ;

Considérant cependant que le syndic de l'immeuble sur lequel le cadre métallique était apposé a fait déposer l'enseigne qui avait été apposée par la société Océan Brun, au motif qu'aucune autorisation d'utiliser ce cadre n'avait été donnée par la copropriété, de sorte qu'en réalité la clause litigieuse du bail comportait un engagement du bailleur qui ne reposait sur rien, la société Immona ayant donné à son locataire une autorisation dont elle ne disposait pas ;

Considérant que la société Immona, qui ne pouvait pas ignorer l'existence de cette clause figurant un peu au dessus de sa signature, a manqué à ses obligations contractuelles en donnant une autorisation alors qu'elle ne disposait pas du droit correspondant, engageant ainsi sa responsabilité envers sa locataire ; qu'il importe peu que cette question de l'enseigne n'ait pas été envisagée d'emblée dans les relations entre les parties, puisqu'avant la signature du contrat, elle y a été intégrée, chacune des parties ayant été assistée par son propre avocat, tout au long de l'élaboration des clauses de ce contrat et que l'on se doit de relire un contrat avant de le signer ;

Considérant que l'enlèvement de cette enseigne, destinée à attirer l'attention des nombreux chalands déambulant sur le boulevard Saint Germain, sur l'existence de l'établissement portant le nom original d'UN DIMANCHE A PARIS avec les mentions écrites en très petits caractères 'Le chocolat', puis 'La boutique, puis La Pâtisserie, puis Le Restaurant, puis Le [Localité 5] de Chocolat et l'indication 'Dans le passage' a fait perdre une chance à la société Océan Brun d'attirer des curieux dans la voie, peu attractive et confidentielle selon l'expert judiciaire, où se trouve l'établissement, lequel n'est pas à la vue du public depuis le boulevard ou une autre rue ;

Considérant que la société Immona a cependant fait constater par huissier que la société Océan Brun avait tenté de pallier l'absence de l'enseigne en apposant à l'entrée des issues menant à la voie des panonceaux mobiles avec les mêmes indications ; qu'il ne peut toutefois être considéré que ces dispositifs soient tout à fait aussi efficaces que le système fixe et permanent qui existait ;

Considérant que l'expert judiciaire [G], dont seuls les travaux, menés contradictoirement et qui prennent en compte tous les facteurs, y compris l'installation d'un établissement concurrent à proximité, doivent être retenus, a estimé que le loyer du bail consenti à la société Océan Brun, 345 000 euros HT par an, était inférieur à la valeur locative des locaux, estimé à 380 000 euros ; que la dépose de l'enseigne justifiait, selon les usages, une minoration de 10 % du prix du loyer pendant la période du bail comprise entre la date de dépose, le 23 mai 2011 et le terme du bail, le 30 juin 2019, ce qui correspondait à une somme de 280 000 euros ; qu'il convient de retenir ce chiffre au titre de la baisse du loyer que doit entraîner l'absence de l'enseigne qui pouvait être accrochée selon le bail ;

Considérant sur la perte de chiffre d'affaires alléguée que l'expert [G] n'en a pas reconnue, au motif que les clients se rendent dans l'établissement dirigé par M.[P] [C], cité dans de nombreux guides, dont le Michelin, en raison de sa notoriété plutôt qu'en suivant une signalétique, celle enlevée étant en outre jugée par lui peu parlante en raison d'une appellation 'Un dimanche à Paris' dont le lien avec le chocolat n'est pas évident ; qu'il estime par ailleurs que la très courte période entre la date d'ouverture de l'établissement au public, du 25 novembre 2010 et l'enlèvement de l'enseigne, le 23 mai 2011, puis l'apparition presque concomitante de l'ouverture à proximité d'un établissement concurrent (Maison Larnicol) ne permettent pas d'apprécier l'incidence de l'un ou l'autre de ces événements sur le chiffre d'affaires de l'entreprise ;

Considérant qu'il reste que l'enseigne enlevée mentionnait même si c'était discrètement qu'il s'agissait d'un établissement en rapport avec la vente, la fabrication et la consommation de chocolat, de sorte, que par cet enlèvement même compensé en grande partie par la mise en place, même temporaire de panonceaux, la société Océan Brun, qui a vu ses ventes diminuer même si cela n'a pas duré à compter de l'enlèvement de l'enseigne, justifie d'un préjudice correspondant à la perte d'une chance de réaliser un meilleur chiffre d'affaires sur l'activité de la boutique et de restaurant/salon de thé, liée pour une part au chalandage ; que ce préjudice est toutefois limité puisque les chiffres d'affaires réalisés pour ces postes ont en définitive connu une hausse en 2012, 2013 et 2013, de sorte que la cour l'indemnisera par une somme de 20 000 euros ;

Considérant que, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une nouvelle mesure d'expertise judiciaire que rien ne justifie, il convient de fixer, compte tenu de ce qui précède, le préjudice global de la société Océan Brun à la somme de 300 000 euros que la société Immona devra lui payer, déduction faite de la somme de 45 000 euros, déjà versée ;

Considérant que la société Immona doit être condamnée à verser à la société Océan Brun la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en équité, il n'y a pas lieu de condamner Me [Z] [R] sur ce fondement à payer une indemnité à l'appelante ;

Considérant sur l'appel en garantie de la société Immona contre Me [Z] [R] que l'avocat rédacteur d'un acte est garant de sa validité et de son efficacité ;

Considérant que la clause litigieuse a été introduire dans la version du 9 avril 2010 ; que jusqu'à la signature de l'acte, il était possible de modifier le bail, ce qui a encore été le cas dans les derniers jours sur d'autres points ;

Considérant qu'il appartenait à Me [Z] [R] qui a facturé à ses clients son assistance dans l'élaboration du bail jusqu'à sa version finale, de prendre toutes dispositions pour être présente ou se faire substituer lors du rendez vous de signature ou pouvoir rester jointe pour prodiguer ses conseils jusqu'au dernier moment ; qu'ayant manqué de vigilance sur la question de la clause litigieuse, elle a engagé sa responsabilité contractuelle vis à vis de sa cliente, la société Immona ; qu'elle doit dès lors être condamnée à garantir la société Immona des condamnations prononcées à son encontre en faveur de la société Océan Brun, le jugement, rectifié par l'arrêt du 11 septembre 2013, étant confirmé sur ce point;

Considérant que la société Immona a subi du fait de la faute commise par son conseil un préjudice tenant à la nécessité de suivre une procédure judiciaire longue et délicate ; qu'il convient de condamner Me [Z] [R] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre ; que cette dernière devra également lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supporter les dépens d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de la Selarl Guizard & Associés, ainsi que de Me Buret, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, la cour,

- confirme le jugement du 5 avril 2012 rectifié par l'arrêt du 11 septembre 2013 en ce qu'il a:

- ordonné la jonction des procédures ;

- dit que en l'autorisant à apposer une enseigne dans le cadre métallique situé à l'entrée du porche de la cour du Commerce Saint André, la société Immona avait commis une faute engageant sa responsabilité envers la société Océan Brun ;

- avant dire droit ordonné et organisé une expertise ;

- condamné Me [Z] [R] à garantir la société Immona de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

- l'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

- dit n'y avoir lieu à nouvelle expertise judiciaire ;

- fixe le préjudice global subi par la société Immona à la somme de 300 000 euros, dont à déduire la somme déjà versée de 45 000 euros ;

- y ajoutant :

- condamne la société Immona à verser à la société Océan Brun la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- dit n'y avoir lieu de condamner Me [Z] [R] sur ce fondement au bénéfice de la société Océan Brun au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- condamne Me [Z] [R] à verser à la société Immona la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- la condamne à lui verser également la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- la condamne à supporter les dépens d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de la Selarl Guizard & Associés, ainsi que de Me Buret, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/08412
Date de la décision : 22/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°16/08412 : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-22;16.08412 ?
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