RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 22 Novembre 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/04615
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 mars 2016 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU -section activités diverses- RG n° 14/01075
APPELANTE
SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 381 162 197
représentée par Me Pauline LE GUINIO, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, P0345
INTIMÉ
Monsieur [I] [H]
[Adresse 2]
[Localité 2]
né le [Date naissance 1] 1977 au MALI
représenté par Me Nathalie LEHOT, avocat au barreau de l'ESSONNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/023081 du 17/05/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller faisant fonction de président
Madame Christine LETHIEC, Conseillère
Madame Laure TOUTENU, Vice-présidente placée
Greffier : Madame Marine POLLET, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller faisant fonction de président, et par Madame Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [I] [H] a été engagé par contrat à durée indéterminée à compter du 6 avril 2011 par la société NEO SECURITY en qualité d'agent de sécurité confirmé, statut agent d'exploitation, niveau 3, échelon 1, coefficient 130. La relation de travail était régie par la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.
Le contrat de travail du salarié a été transféré à la SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY à compter du 1er septembre 2012.
Par lettre du 7 novembre 2013, la société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY, rappelant à M. [H] que les salariés exerçant les activités de sécurité privée devaient être titulaires d'une carte professionnelle délivrée par le préfet de la région administrative de leur domicile, a demandé au salarié, soit de lui communiquer son numéro de carte professionnelle, soit de l'informer de la décision de refus lui ayant été opposé, sa réponse étant attendue dans les huit jours.
Par lettre du 19 novembre 2013 la société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY a enjoint M. [H] de lui fournir dans un délai de huit jours, le récépissé de dépôt de sa carte professionnelle ou la décision de refus de la préfecture.
Par lettre du 19 décembre 2013, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, qui s'est tenu le 6 janvier 2014.
Par courriel du 10 janvier 2014, M. [H] a adressé à son employeur l'accusé de réception de la demande qu'il avait déposée auprès du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).
Par courriel en réponse du 11 janvier, la société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY accordait à M. [H] quinze jours supplémentaires afin d'effectuer les démarches nécessaires à l'obtention d'une carte professionnelle.
Le salarié a été licencié pour motif personnel par lettre du 4 février 2014.
A la date de la rupture, la SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY employait plus de dix salariés.
Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau, le 6 août 2014, de demandes en paiement à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de solde d'indemnités de rupture.
Par jugement de départage rendu le 18 mars 2016, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a :
* condamné la SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY à payer à M. [H] les sommes suivantes :
- 9 116,70 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 3 038,90 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 303,89 € au titre des congés payés afférents ;
- 46,23 € à titre de solde de l'indemnité de licenciement ;
- 1 500 € au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile ;
* débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
* ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
* condamné la SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY aux dépens.
Par déclaration du 29 mars 2016, la SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience du 22 juin 2017, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, et, statuant à nouveau, de :
- juger le licenciement de M. [H] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes ;
- ordonner le remboursement par M. [H] de la somme totale de 14 273,31€ perçue dans le cadre de l'exécution provisoire ;
- en tout état de cause :
- juger que la rémunération moyenne de M. [H] s'élève à la somme de 1.461,22 € ;
- condamner M. [H] à verser à la SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Reprenant oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier, M. [H] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il lui a alloué les sommes visées supra à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, de solde d'indemnité de licenciement et en application de l'article 700 2° du code de procédure civile ;
- infirmer le jugement quant au quantum alloué au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau, condamner la société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY à lui verser à ce titre la somme de 12 155 € ;
- subsidiairement, confirmer le jugement dans le quantum alloué ;
- condamner la société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY au paiement de la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants :
" ... Comme vous 1e savez, l'article 6 de la loi N*fl3-629 du 12 juillet 19B3 modifiée réglementant les activités de sécurité privée prévoit que les salariés des entreprises exerçant ces activités doivent impérativement être titulaires d'une carte professionnelle dématérialisée délivrée par la préfecture du domicile du demandeur.
Par courrier recommandé avec accusé de réception n° 1A 091 SD9 5448 2 du 07 novembre 2013 et par courrier recommandé avec accusé de réception n° 1A 091 609 9136 4 du 19 novembre dernier, nous vous avons mis en demeure de nous transmettre le numéro et la copie de votre carte professionnelle qui doit vous être personnellement délivré par la préfecture, soit le refus de délivrance de la préfecture, ou enfin le récépissé de dépôt délivré par la préfecture.
Lors de l'entretien, vous ne nous avez communiqué aucune information sur l'état d'avancement de votre dossier.
Par courriel du 10 janvier 2014, vous avez demandé un délai supplémentaire. Monsieur [M] a accepté de vous laissé encore 15 jours.
A ce jour, soit 3 semaines après votre courriel de 10 janvier dernier, vous ne nous avez pas communiqué votre numéro de carte professionnelle.
Or, l'article 26 du décret 2012-870 portant Code de Déontologie de notre activité précise que « les salariés ont l'obligation d'informer sans délai leur employeur des modifications, suspension ou retrait de leur carte professionnelle ».
Par ailleurs, cette situation nous expose à d'importantes sanctions pénales (article 14 de la loi du 12 juillet 1983).
Compte tenu du fait que vous avez refusé de justifier de votre situation au regard des dispositions légales, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif personnel.
Votre licenciement prend donc effet à l'issue d'un préavis de deux mois qui ne vous sera pas rémunéré compte tenu de votre impossibilité à l'exécuter ...".
La société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY demande l'infirmation du jugement déféré en soutenant qu'il résulte des dispositions des articles L. 611-1, L. 612-20 du code de la sécurité intérieure que la détention d'une carte professionnelle obligatoire est obligatoire en vue d'exercer la profession d'agent privé de sécurité dans le domaine de la surveillance dite « humaine », et de l'article L. 612-21 du même code, que le contrat de travail du salarié qui cesse de remplir les conditions nécessaires à l'obtention de la carte professionnelle est rompu de plein droit. La société appelante, qui relève les deux lettres de relance adressées au salarié et le délai de quinze jours qu'elle lui a laissé pour effectuer les démarches nécessaires, fait valoir que ce dernier ne rapporte pas la preuve, contrairement à ce qu'il prétend, de démarches sérieuses entreprises auprès du CNAPS en janvier 2014. Elle conteste l'affirmation du salarié selon lequel elle aurait été informée de sa situation dès la reprise du contrat de travail, en soulignant que, lors de cette reprise, M. [H] a attesté remplir les conditions légales en vigueur en s'engageant à informer son employeur de tout événement susceptible de remettre en cause la détention de sa carte professionnelle, et soutient qu'en application de l'article L. 612-21 susvisé elle n'avait pas la possibilité de suspendre le contrat de travail de l'intéressé dans l'attente de l'obtention par ce dernier de ladite carte. Enfin elle affirme que les motifs du jugement déféré, ayant retenu que le simple dépôt par M. [H] le 8 janvier 2014 d'une demande de carte professionnelle était suffisant, sont contraires aux dispositions de l'article 6 du décret n° 2009-137 du 9 février 2009 en vertu desquelles seule la délivrance de la carte professionnelle ou à défaut d'un récépissé justifiant du dépôt par le salarié d'un dossier complet au CNAPS autorise l'exercice des fonctions d'agent de sécurité dans une entreprise de sécurité privée.
M. [H] demande la confirmation du jugement entrepris qui a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse, en faisant valoir que le 7 janvier 2014 il a adressé à son employeur des « équivalences de la carte professionnelle » lui permettant d'exercer la fonction d'agent de sécurité, qu'il lui a adressé le lendemain la relance envoyée au CNAPS, puis le 10 janvier l'avis de réception de sa demande de carte au CNAPS. Il affirme que la société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY, lorsqu'elle a repris son contrat de travail, savait qu'il n'avait pas la carte professionnelle mais a continué à le faire travailler, qu'elle lui a fait remplir l'attestation sur le contrat de travail sans lui demander sa carte, que l'employeur, informé de la réception de sa demande par le CNAPS le 8 janvier 2014, aurait pu suspendre la procédure de licenciement, et en tout état de cause suspendre son contrat de travail dans l'attente de l'obtention de la carte. Soulignant enfin la longueur des délais d'instruction du CNAPS, M. [H] indique qu'à la suite de sa demande du 8 janvier 2014, il a obtenu sa carte professionnelle le 27 juillet 2016.
*
Selon l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable, nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité privée de surveillance ou de sécurité, mentionnée l'article L. 611-1 ['], s'il ne justifie pas remplir plusieurs conditions, dont le respect est attesté par la détention d'une carte professionnelle. Cette carte professionnelle peut être retirée notamment lorsque le titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues aux 1°, 2° et 3° de ce texte.
Aux termes de l'article L. 612-21 du même code, le contrat de travail du salarié qui cesse de remplir les conditions posées aux 1° à 3° de l'article 612-20 est rompu de plein droit. Cette rupture ouvre droit au versement, par l'employeur, de l'indemnité légale de licenciement dans les conditions prévues à l'article L. 1234-9 du code du travail, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. Le salarié a également droit au revenu de remplacement dans les conditions prévues à l'article L. 5421-1 de ce code.
L'article 6 du décret n° 2009-137 du 9 février 2009 relatif à la carte professionnelle, alors applicable, dispose:
'La demande de renouvellement de la carte professionnelle est présentée, trois mois au moins avant sa date d'expiration, dans les mêmes conditions que celles prévues par le présent chapitre pour une demande de délivrance de la carte, à l'exception, pour les ressortissants étrangers, de la production du document prévu au 3° de l'article 4. Lorsque la demande est complète, la commission régionale ou interrégionale d'agrément et de contrôle en délivre récépissé.
Ce récépissé permet, jusqu'à l'intervention d'une décision expresse, une poursuite régulière de l'activité professionnelle'.
Il résulte de ces dispositions que seule une carte professionnelle ou un récépissé de demande de renouvellement de cette carte permet d'exercer l'activité professionnelle visée à l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure alors en vigueur.
En l'espèce M. [H] produit une lettre du 8 janvier 2014, par laquelle le CNAPS accusait réception de sa demande de carte professionnelle, reçue le 8 janvier 2014, soit deux mois après la première lettre de mise en demeure de l'employeur, lui demandant d'adresser les pièces manquantes afin que sa demande de carte professionnelle puisse être instruite.
Le salarié affirme qu'il a communiqué à son employeur le 7 janvier 2014 des 'équivalences de la carte professionnelle' mais n'en justifie pas.
En tout état de cause, seul un récépissé de demande délivré par le CNAPS lorsque le dossier est complet, permet de palier l'absence de carte professionnelle en cours de validité.
Or il est constant qu'à la date du licenciement le salarié n'était détenteur ni d'une carte professionnelle en cours de validité, ni d'un récépissé de renouvellement de carte, qui n'est délivré que lorsque la demande est complète.
Dès lors le licenciement de M. [H] notifié le 4 février 2014, qui ne pouvait plus exercer son activité professionnelle d'agent de sécurité à cette date, est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a alloué au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il le sera également en ce qu'il lui a alloué une indemnité compensatrice de préavis dès lors que M. [H] ne pouvait exécuter son préavis faute de carte professionnelle ou de récépissé de demande de renouvellement de cette carte.
En application de l'article L. 1234-9 du code du travail, M. [H] a droit à une indemnité de licenciement calculée en prenant en compte l'ancienneté à la date d'expiration du préavis, peu important en l'espèce que le salarié n'ait pu l'exécuter.
Cette ancienneté étant de trois années, préavis de deux mois inclus, l'indemnité de licenciement s'élève à la somme de 911,67 €. M. [H] ayant reçu la somme de 865,44 €, il est bien fondé en sa demande en paiement de la somme de 46,24 € à titre de solde d'indemnité de licenciement. Le jugement qui a condamné la société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY au paiement de cette somme sera donc confirmé.
Sur les autres demandes
L'employeur demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'il a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire.
Cependant le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, étant rappelé que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.
Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution.
M. [H] qui succombe principalement à l'instance, supportera les dépens d'appel. Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la SAS FIDUCIAL PRIVATE SECURITY à payer à M. [I] [H] la somme de 46,23 € à titre de solde d'indemnité de licenciement et celle de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
DIT le licenciement de M. [H] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
DEBOUTE M. [I] [H] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis ;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [I] [H] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT