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17/11/2017 | FRANCE | N°16/11880

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 17 novembre 2017, 16/11880


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6



ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2017



(n° - 2017, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/11880



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - 7ème chambre 1ère section - RG n° 14/18462





APPELANTE



SARL VIATER

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1

]

prise en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Claude VAILLANT de la SCP VAILLANT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P025...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2017

(n° - 2017, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/11880

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - 7ème chambre 1ère section - RG n° 14/18462

APPELANTE

SARL VIATER

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Claude VAILLANT de la SCP VAILLANT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0257

INTIMES

Monsieur [L] [L]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 2], de nationalité française, architecte

domicilié [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

Assisté de Me Denis PARINI, avocat au barreau de PARIS, toque : G706

SCI MARNIS

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Alexandra AUMONT de l'AARPI GRINAL KLUGMAN AUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : R026

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2017, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Madeleine HUBERTY, conseillère, conformément aux articles 785, 786 et 907 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Annie DABOSVILLE, présidente de chambre

Madame Madeleine HUBERTY, conseillère

Madame Marie Josée DURAND, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement et par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Annie DABOSVILLE, présidente de chambre et par Monsieur Bruno REITZER, greffier présent lors du prononcé auquel a été remis la minute par le magistrat signataire.

PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE

La SCI MARNIS a entrepris la transformation en 8 logements d'une maison sise [Adresse 4].

La SOCIETE DICI était l'entreprise principale chargée de la réalisation de ces travaux.

En octobre 2013, la SOCIETE DICI a consulté la SOCIETE VIATER pour que celle-ci réalise les travaux de VRD et espaces verts.

Le 30 octobre 2013, la SOCIETE VIATER a transmis à la SOCIETE DICI un devis d'un montant de 107639,99€ TTC.

Le 8 novembre 2013, elle lui a, en outre, transmis un devis relatif à la location d'une pelle avec chauffeur pour un montant total de 3769€ TTC.

Le 15 novembre 2013, la SOCIETE DICI lui a fait parvenir la lettre d'intention de commande, ainsi que les pièces contractuelles et les documents relatifs à la sous-traitance.

Le 22 décembre 2013, la SOCIETE VIATER a adressé à l'entreprise principale une situation n°1 d'un montant de 25 855,70€ TTC et la facture de location de la pelle avec chauffeur pour un montant de 3769,79€ TTC.

Par jugement rendu le 9 septembre 2014, le tribunal de commerce de PARIS a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire pour la SOCIETE DICI. Le 22 septembre 2014 le mandataire judiciaire a informé la SOCIETE VIATER que le débiteur avait fait état de sa créance pour un montant de 29 625,49€.

La SOCIETE VIATER a produit sa créance au passif du redressement judiciaire pour ce montant.

N'ayant pas obtenu le paiement de sa créance, la SOCIETE VIATER a, par exploit d'huissier en date du 11 décembre 2014, assigné la SCI MARNIS devant le tribunal de grande instance de PARIS pour obtenir le paiement de sa créance sur le fondement des dispositions de la loi sur la sous-traitance. La SCI MARNIS a appelé Monsieur [L], maître d'oeuvre, en garantie.

Dans son jugement rendu le 9 mai 2016, le tribunal de grande instance de PARIS a statué en ces termes :

- Condamne la SCI MARNIS à payer à la SOCIETE VIATER les sommes suivantes :

* 12 835,13€ à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

* 3500€ par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Monsieur [L] [L] à garantir la SCI MARNIS de ces condamnations à concurrence de 50% ;

- Prononce l'exécution provisoire ;

- Condamne la SCI MARNIS et Monsieur [L] [L] aux dépens.

La SOCIETE VIATER a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 27 mai 2016.

*********************

Dans ses conclusions régularisées le 18 août 2016, la SOCIETE VIATER sollicite l'infirmation du jugement, uniquement sur le montant de l'indemnisation accordée. Elle fait valoir que :

' le préjudice, qui doit être réparé en application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, est la perte de la garantie de paiement, qui doit couvrir l'intégralité du marché. Le principe posé par l'article 14-1 n'est pas un substitut de l'action directe mettant en oeuvre les articles 12 et 13 de la loi sur la sous-traitance qui limite le quantum des sommes dues à l'entreprise sous-traitante.

Le préjudice subi ne doit donc pas être limité aux sommes qu'elle aurait pu percevoir au titre de l'action directe. Il doit être évalué au jour des travaux demeurés impayés au sous-traitant et non à l'entrepreneur principal. C'est donc la somme de 29 625,49€ qui doit être réglée.

' les pénalités de retard prévues par l'article L 441-6 du code de commerce doivent être appliquées et peuvent être appliquées cumulativement avec les intérêts de retard.

**********************

Dans ses conclusions régularisées le 13 octobre 2016, la SCI MARNIS sollicite la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il a limité son recours en garantie contre le maître d'oeuvre. Elle fait valoir que :

' le tribunal a bien pris en considération l'entier préjudice subi par l'entreprise sous-traitante. En cas de chantier réalisé partiellement, les sommes dues au sous-traitant par le maître d'ouvrage sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 peuvent être calculées en proportion des travaux réalisés. La somme allouée par le tribunal correspond aux prestations qui ont effectivement été réalisées par la SOCIETE VIATER. Le décompte général définitif établi par le maître d'oeuvre démontre que cette société n'a réalisé que 70% des travaux de terrassement lui incombant, ce qui est confirmé par les photographies produites.

' le devis de location de pelle doit être écarté car il a été établi le 8 novembre 2013 alors qu'il aurait été accepté le 5 novembre 2013. Les pièces produites n'ont aucun caractère contradictoire à l'égard du maître de l'ouvrage.

' la responsabilité du maître d'oeuvre est engagée, car il n'a pas alerté le maître d'ouvrage sur les obligations résultant de la loi du 31 décembre 1975, ni sur les conséquences financières du non-respect de ces obligations. Or, le maître d'ouvrage est une SCI familiale qui est profane en matière de construction. Monsieur [L] a failli à son obligation de renseignement et de conseil. La connaissance éventuelle par le maître de l'ouvrage de l'existence du sous-traitant n'est pas de nature à dispenser le maître d'oeuvre de son obligation d'information. Sa garantie doit être intégrale et non partielle, car le maître d'ouvrage n'aurait pas commis de faute si le maître d'oeuvre avait parfaitement respecté les obligations lui incombant.

**********************

Dans ses conclusions régularisées le 30 septembre 2016, Monsieur [L] [L] sollicite l'infirmation partielle du jugement. Il fait valoir que :

' la SOCIETE VIATER ne peut pas réclamer la somme de 29 625,49€ au titre de ses travaux car elle n'a pas effectué de travaux pour ce montant. Elle ne peut réclamer que la somme de 10731,71€ HT, car elle récupère la TVA et les dommages intérêts alloués ne peuvent qu'être HT.

' il n'a pas été défaillant dans ses obligations. La SCI MARNIS savait que la SOCIETE VIATER intervenait sur le chantier et elle a été saisie d'une demande d'agrément de cette société à laquelle elle a décidé de ne pas donner suite. La SCI MARNIS connaissait parfaitement l'existence des procédures d'agrément puisqu'elle avait elle-même établi des délégations de paiement pour les autres sous-traitants. Le maître d'oeuvre doit donc être mis hors de cause.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le jeudi 28 septembre 2017.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Par application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance 'le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 (agrément du sous traitant et de ses conditions de paiement) ou à l'article 6 (paiement direct par le maître de l'ouvrage), ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations... si le sous traitant accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution...'.

A défaut de respect de ces obligations par le maître de l'ouvrage, celui-ci engage sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de l'entreprise sous-traitante.

En l'occurrence, la SCI MARNIS, maître d'ouvrage, ne conteste pas l'engagement de sa responsabilité civile à l'égard de la SOCIETE VIATER, entreprise sous-traitante, faute d'avoir veillé à la mise en oeuvre de garanties de paiement (délégation ou cautionnement) au profit de cette entreprise.

La SCI MARNIS ne conteste donc pas son obligation de réparer le préjudice subi par la SOCIETE VIATER, qui n'a pu obtenir le règlement de ses prestations auprès de la SOCIETE DICI, entreprise principale, laquelle a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure collective, par jugement du tribunal de commerce de PARIS en date du 9 septembre 2014.

Par lettre recommandée avec AR en date du 9 octobre 2014, la SOCIETE VIATER a procédé à une déclaration de créance, d'un montant de 29 625,49€ (pièce 7 VIATER), auprès de Maître [G] mandataire judiciaire de la SOCIETE DITI. Ce montant correspond à la situation de travaux n°1 émise le 22 décembre 2013 par la SOCIETE VIATER pour le lot VRD ESPACE VERT (25 855,70€ TTC) et à une facture émise à la même date, pour la location d'une pelle avec chauffeur (3769,79€ TTC). Par courrier préalable en date du 22 septembre 2014, le mandataire judiciaire avait indiqué à la SOCIETE VIATER que le débiteur avait déjà fait état d'une dette de 29 625,49€ à son égard (pièce 6 VIATER).

Le 12 août 2015, le mandataire judiciaire a émis un certificat d'irrecouvrabilité de la créance déclarée par la SOCIETE VIATER (pièce 19 VIATER).

Du fait de l'absence de garantie de paiement imputable au maître de l'ouvrage, la SOCIETE VIATER a donc subi un préjudice concrétisé dans son principe, dès l'automne 2014, par le non-paiement des deux factures émises le 22 décembre 2013.

La SOCIETE VIATER soutient que le préjudice est constitué par la privation de la garantie qui lui aurait permis d'obtenir le paiement intégral de son marché par le biais de l'action directe ou du cautionnement. Elle fait valoir qu'elle a droit à la réparation intégrale du préjudice subi et que ce préjudice correspond exactement au montant des deux factures émises.

S'il est de principe que la victime d'une faute a droit à la réparation intégrale du préjudice, qui a été causé par cette faute, le préjudice réparable doit toujours être certain et caractérisé. La garantie de paiement a pour objet de permettre à l'entreprise sous-traitante d'obtenir le règlement des prestations qu'elle a effectuées. La délégation de paiement ou le cautionnement n'a donc pour objet que de garantir les sommes dues à l'entreprise sous-traitante en contrepartie de ses prestations. La faute est caractérisée par l'absence de garanties de paiement, mais le préjudice résulte des prestations réalisées qui n'ont pas été payées. En effet, la faute ne permet pas à elle seule d'évaluer le préjudice, puisqu'il peut ne pas y avoir de préjudice en l'absence de garanties de paiement, si l'entreprise sous-traitante a néanmoins obtenu le règlement de ses prestations par l'entreprise principale.

L'absence de garanties de paiement ne dispense donc pas de vérifier si les prestations, dont le paiement est réclamé, ont bien été réalisées, car c'est l'absence du paiement dû pour ces prestations réalisées, qui est seul de nature à caractériser le préjudice subi par l'entreprise. S'il avait existé un cautionnement, celui-ci n'aurait pu être mis en oeuvre que pour le paiement garanti, c'est à dire pour le paiement effectivement dû en raison des prestations réalisées, la garantie ne résultant pas du seul montant du cautionnement.

Il importe donc de déterminer au vu des éléments communiqués, si la SOCIETE VIATER est fondée à évaluer son préjudice à la somme de 29 625,49€, ce qui équivaut à ce que toutes les prestations visées dans la situation n°1 du 22 décembre 2013 soient considérées comme réalisées, avec la facture de location de pelle.

A titre liminaire, il y a lieu de noter que le jugement a évalué les prestations réalisées par la SOCIETE VIATER à la somme de 12 835,13€ TTC, en précisant que ce montant correspondait à 70% de la situation n°1, ce qui constitue une inexactitude évidente (non relevée par les parties), puisque la situation n°1 s'élève à 25 855,70€ TTC, la fraction de 70% de ce montant représentant une somme de 18098,99€ TTC. L'analyse de la situation n°1 (pièce 7 VIATER) révèle, qu'en réalité, la somme de 12 835,13€ TTC correspond à 70% du poste 'évacuation des déblais', poste qui figure, pour ce pourcentage, sur la situation en litige.

Si la SCI MARNIS évoque dans ses conclusions (page 7) l'existence d'un décompte général définitif établi par le maître d'oeuvre, qui montre que seulement 70% des travaux de terrassement ont été réalisés par la SOCIETE VIATER, ce décompte ne correspond qu'à la décomposition du prix global et forfaitaire de chaque lot (dont le lot VRD), qui ne comporte pas le visa du maître d'oeuvre, mais uniquement des annotations manuscrites clairsemées et à peine visibles (pièce 11 MARNIS).

La comparaison de ce décompte pour la partie afférente au lot VRD avec la situation n°1 émise par la SOCIETE VIATER révèle des similitudes avec cette situation, en ce que la SOCIETE VIATER ne sollicite aucune somme pour les postes de son marché correspondant aux :

- voirie et cheminement piéton,

- assainissement parc de stationnement,

- cheminement piéton,

- drainage,

- tranchée complète,

- ouvrages divers,

- cuve de rétention EP enterrée,

- nivellement en engazonnement.

Il y a, en revanche, discordance entre la présentation des comptes figurant dans la situation n°1 et la présentation des comptes du lot VRD ESPACE VERT établie à l 'en tête de la SOCIETE MARNIS (pièce 11 MARNIS). En effet, le poste installation de chantier ne figure pas sur le décompte du maître d'ouvrage et le poste terrassements pris en compte par le maître d'ouvrage ne correspond qu'à une partie des terrassements figurant sur la situation n°1 (intégrant l'évacuation des déblais).

L'absence de décompte effectivement revêtu du visa du maître d'oeuvre doit être rapprochée d'un courrier en date du 26 juin 2014, qui a été adressé par celui-ci à l'entreprise principale DICI, dans lequel il indique 'je vous demande à nouveau de procéder au paiement de l'entreprise de VRD... le lot VRD doit intervenir au plus vite, le terrassement photo 3 ne peut pas rester tel qu'il est...' (Pièce 8 MARNIS).

Dans le compte rendu de chantier n°22 (non daté mais postérieur au 24 avril 2014, date qui correspond au compte rendu de chantier n°20), il est encore indiqué que la livraison du chantier est reportée au 19 juin 2014, sans mentionner que le chantier est interrompu, puisqu'il est simplement précisé que les opérations de pré-réception commenceront le 29 mai 2014 et que le lot VRD (notamment) est en retard (pièce 12 VIATER). Il en résulte que les éléments figurant dans le constat d'huissier dressé le 4 mars 2014 sur l'initiative du maître d'ouvrage (pièce 1) ne peuvent démontrer l'état des travaux réalisés par la SOCIETE VIATER, puisque les travaux ont continué postérieurement à cette date (ce qui résulte également des conclusions de Monsieur [L] qui indique en page 6 que les terrassements ont 'à peine' commencé en avril 2014). Dans un courriel en date du 9 juillet 2014 (pièce 10 MARNIS), Monsieur [L], maître d'oeuvre, a précisé à l'entreprise principale qu'il allait procéder à une réception des travaux inachevés, tout en indiquant que 'les entreprises sous-traitantes doivent finir les travaux pour cette réception', ce qui conduit, de nouveau, à retenir que les travaux se poursuivaient, même partiellement.

Les travaux inachevés ont fait l'objet d'une réception-constat contradictoire entre l'entreprise principale et Monsieur [L], maître d'oeuvre, le 17 juillet 2014 (pièce 10 MARNIS). Ce procès verbal de réception-constat assorti de photographies ne fait pas mention du sous-traitant chargé du lot VRD, mais fait expressément état des éléments suivants :

- les deux parkings à l'ouest (9 places) et à l'est (3 places) ainsi que les cheminements piétons ne sont pas réalisés ;

- en façade nord les remblais ne sont pas réalisés,

- aucuns travaux de VRD à l'angle nord est.

L'avancement chaotique du chantier en raison des problèmes de paiement des sous-traitants et le procès verbal de réception des travaux inachevés, lequel n'a fait l'objet d'aucune contestation par la SOCIETE VIATER, permettent de retenir que les travaux prévus dans la situation n°1 n'ont effectivement pas tous été réalisés, ce qui ne signifie aucunement que le décompte invoqué par la SCI MARNIS (pièce 11) puisse être retenu, étant souligné que ce décompte est forcément basé sur le marché conclu entre l'entreprise principale et le maître d'ouvrage (non communiqué aux débats) et non sur le marché conclu entre l'entreprise principale et la SOCIETE VIATER (pièce 1 VIATER), ce qui explique les différences notées entre certains postes de travaux (désignations et prix unitaires).

La situation n°1 du 22 décembre 2013 présentée par la SOCIETE VIATER doit donc être retenue pour un montant de 16 689,31€ TTC ce qui correspond au calcul suivant :

Montant HT de la situation n°1 avant rabais................................................. 22 676,42€

A DEDUIRE

parking arrière et allée piétonne..................................................................- 5399,63€

parking avant et allée piétonne................................................................... - 1318,35€

façade nord partie basse.............................................................................. - 1122€

remblais façade nord partie haute.................................................................- 199,50€

---------------

Montant HT avant rabais............................................................................. 14 636,94€

Rabais (15,50% de la somme de 4404,32€).................................................. - 682,66€

----------------

Montant HT après rabais............................................................................. 13 954,28€

soit 16 689,31€ TTC (avec une TVA à 19,60%).

Ce montant ne comprend pas la facture du 22 décembre 2013 portant sur la location d'une pelle avec chauffeur pour un montant de 3152€ HT soit 3769,79€ TTC (pièce 5 VIATER). Contrairement à ce qui est soutenu par la SCI MARNIS, le devis de location n'a pas été accepté par l'entreprise générale le 5 novembre 2013 mais bien le 8 novembre 2013, c'est à dire le jour de l'établissement du devis et non quelques jours avant, ce qui mettrait en cause la sincérité du document. Il n'est pas nécessaire que le document ait été établi au contradictoire du maître de l'ouvrage, puisque le préjudice est seulement évalué par rapport à la créance dont la SOCIETE VIATER peut se prévaloir par rapport à l'entreprise générale. C'est ce rapport contractuel qui constitue la base de l'évaluation du préjudice dans les rapports entre l'entreprise sous-traitante et le maître de l'ouvrage, lorsque celui-ci n'a pas veillé aux garanties de paiement du sous-traitant.

Aucun élément ne permet d'écarter cette facture (pièce 5 VIATER), dès lors qu'elle a été acceptée par l'entreprise générale et que les travaux de terrassement, même réalisés très partiellement, ont bien été engagés par des prestations de décapage de terres végétales, de fouille en pleine masse et d'évacuation des terres (pièce 11 MARNIS).

Au titre de son préjudice, la SOCIETE VIATER sollicite, en outre, l'intégration des indemnités de retard prévues par l'article L 441-6 du code de commerce. Aux termes de cet article, les pénalités de retard exigibles de plein droit au cas où le règlement n'intervient pas à la date d'exigibilité convenue sont égales au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne pour son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points. Aucun rappel ou mise en demeure n'est nécessaire pour leur application. Comme la SOCIETE VIATER le soutient elle-même, c'est donc de façon maladroite que le dispositif des conclusions fait apparaître une demande d'application des intérêts de retard au visa de l'article L 441-6 du code de commerce. De même, les pénalités de retard ne pouvant pas être appliquées directement au maître d'ouvrage, qui est débiteur de la réparation d'un préjudice et pas des pénalités prévues par l'article L 441-6 du code de commerce, leur montant réclamé aurait dû être précisé ou liquidé, car l'indemnité allouée ne peut produire des intérêts de retard que conformément aux dispositions de l'article 1153 -1 du code civil, ainsi qu'il a été relevé par le jugement, qui a rappelé la nature indemnitaire de l'obligation pesant sur le maître de l'ouvrage (jugement page 9).

Pour que les pénalités prévues par l'article 441-6 du code de commerce puissent être prises en compte dans l'évaluation du préjudice, il faut toutefois qu'elles aient été induites par la faute commise par le maître d'ouvrage, c'est à dire par l'absence de garanties de paiement. Or, précisément ces garanties de paiement (délégation ou cautionnement) avaient pour objet d'assurer le règlement du prix convenu en temps utile, indépendamment de tout retard de paiement pouvant résulter de la carence de l'entreprise principale débitrice. Les pénalités de retard, qui auraient pu être applicables à l'entreprise principale n'ont donc pas vocation à constituer un préjudice indemnisable pour la faute commise du fait de l'absence de garantie de paiement, puisque cette garantie de paiement permet de substituer un autre débiteur que l'entreprise principale défaillante. Aucun lien de causalité n'est donc caractérisé entre la faute du maître de l'ouvrage et les pénalités de retard qui auraient pu être réclamées par le sous-traitant dans le cadre de sa relation exclusive avec l'entreprise principale.

Le solde dû à la SOCIETE VIATER au titre de ses travaux s'élève donc à 17 106,28€ HT (soit 13954,28€ HT + 3152€ HT) ou 20 459,10€ TTC (soit 16689,31€ TTC + 3769,79€), ce qui constitue le préjudice effectivement subi par elle, du fait de l'absence de garantie de paiement.

Monsieur [L] soutient que, s'agissant d'une somme allouée à titre d'indemnité, elle n'est pas soumise à l 'application de la TVA. Le principe est effectivement que les indemnités s'entendent HT pour la victime, étant relevé que le montant TTC ou HT alloué à la SOCIETE VIATER ne modifie pas la situation de cette société, puisqu'une indemnité TTC impliquera le reversement de la TVA au TRÉSOR PUBLIC, puisque la TVA ne bénéficie pas à l'entreprise.

L'indemnité ne peut être soumise à la TVA que si elle correspond à une somme constituant la contrepartie d'une prestation individuellement rendue à celui qui la verse, car elle relève alors d'un circuit économique ou commercial classique. En revanche, l'indemnité n'est pas soumise à la TVA lorsqu'elle a pour objet exclusif de réparer un préjudice.

En l'occurrence, le préjudice correspond exclusivement aux conséquences financières de l'absence de garanties de paiement de l'entreprise sous-traitante. Cette absence de garanties ne caractérise pas une prestation individualisée rendue par la SOCIETE VIATER à la SCI MARNIS, puisqu'en tant qu'entreprise sous-traitante, la SOCIETE VIATER ne réalisait des prestations que pour la SOCIETE DITI entreprise principale.

L'indemnisation ne doit donc pas être soumise à l'application de la TVA.

La SCI MARNIS doit donc être condamnée à lui payer la somme de 17106,28€ en réparation du préjudice subi. Le jugement doit donc être infirmé sur le montant du préjudice (et sur l'application de la TVA). Conformément à l'article 1153-1 du code civil, cette somme produira intérêts au taux légal depuis la date du jugement.

La SCI MARNIS sollicite la garantie complète de Monsieur [L], maître d'oeuvre, tandis que celui-ci soutient que cette demande de garantie doit être rejetée, car il a parfaitement rempli son obligation de conseil et d'information à l'égard du maître de l'ouvrage. Monsieur [L] soutient que la SCI MARNIS connaissait parfaitement l'existence de la SOCIETE VIATER comme entreprise sous-traitante et que c'est elle seule qui a décidé de ne pas donner suite à la demande d'agrément.

Il n'est, en fait, aucunement reproché au maître d'oeuvre d'avoir, d'une quelconque façon, dissimulé l'existence de la SOCIETE VIATER à la SCI MARNIS. Il est, en effet, parfaitement établi par un courrier de demande d'agrément en date du 28 janvier 2014 (pièce 8 VIATER) et par les comptes rendus de chantier (pièces 9,10,12 VIATER) que la SCI MARNIS connaissait, depuis le mois de janvier 2014 au moins, l'existence de la SOCIETE VIATER en qualité de sous-traitant pour le lot VRD ESPACE VERT. Il est seulement reproché au maître d'oeuvre de ne pas avoir attiré l'attention du maître d'ouvrage sur les conséquences financières de sa connaissance de l'existence d'un sous traitant sur le chantier (VIATER) sans veiller à ses garanties de paiement.

Monsieur [L], n'établit pas qu'il aurait attiré l'attention du maître de l'ouvrage sur le risque encouru par celui-ci à l'égard du sous-traitant du fait de l'absence de garanties. Ce risque était d'autant plus avéré que des difficultés notables de paiement sont survenues avec l'entreprise principale à l'égard de ses sous-traitants, dès la fin du mois de janvier 2014 (pièces 6 et 7 MARNIS).

Le fait que le maître d'ouvrage ait régularisé la situation d'autres sous-traitants que la SOCIETE VIATER, avec l'établissement de délégations de paiement, ne démontre pas que la SCI MARNIS était parfaitement informée du risque financier encouru. Il s'ensuit que le maître d'oeuvre ne démontre pas avoir parfaitement satisfait à son obligation de conseil à l'égard du maître d'ouvrage.

Même si le maître d'ouvrage n'est pas un professionnel de la construction, la référence à la loi du 31 décembre 1975 dans la demande d'agrément de la SOCIETE VIATER en date du 28 janvier 2014 et la pratique d'autres agréments avec des garanties de paiement lui permettaient de s'interroger sur les conséquences du non-respect de la loi et d'apprécier ou de se faire préciser ces conséquences. S'agissant d'une opération purement juridique destinée à la protection des sous-traitants, il ne peut être considéré qu'il aurait été dépourvu de tous moyens d'envisager le risque encouru.

C'est pourquoi, la demande de garantie à l'encontre du maître d'oeuvre ne peut être admise qu'à hauteur de 50%, ainsi qu'il a été retenu par le jugement.

Il est équitable de condamner la SCI MARNIS à payer à la SOCIETE VIATER une somme de 5000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile, Monsieur [L] devant garantir la SCI MARNIS à hauteur de 50% de cette condamnation.

Il n'y a pas lieu de faire droit aux autres prétentions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté la SOCIETE VIATEL de ses prétentions au paiement de pénalités de retard ;

Statuant à nouveau ;

CONDAMNE la SCI MARNIS à payer à la SOCIETE VIATEL une somme de 17106,28€ à titre de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal depuis 9 mai 2016 ;

CONDAMNE Monsieur [L] [L] à garantir la SCI MARNIS à hauteur de 50% de cette condamnation ;

CONDAMNE la SCI MARNIS à payer à la SOCIETE VIATEL une somme de 5000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [L] [L] à garantir la SCI MARNIS à hauteur de 50% de cette condamnation ;

DEBOUTE la SCI MARNIS et Monsieur [L] [L] de leurs prétentions respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI MARNIS et Monsieur [L] [L] aux dépens avec distraction au profit de Maître Claude VAILLANT de la SCP VAILLANT & ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 16/11880
Date de la décision : 17/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°16/11880 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-17;16.11880 ?
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