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16/11/2017 | FRANCE | N°16/02510

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 16 novembre 2017, 16/02510


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 16 Novembre 2017

(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/02510



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section encadrement RG n° F 14/02059





APPELANTE



Madame [R] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1958 à [L

ocalité 1]

comparante en personne, assistée de Me Nicole BENSABATH, avocat au barreau de PARIS, toque : D0835





INTIMEE



SA EDF

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 552 081 317

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 16 Novembre 2017

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/02510

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section encadrement RG n° F 14/02059

APPELANTE

Madame [R] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Nicole BENSABATH, avocat au barreau de PARIS, toque : D0835

INTIMEE

SA EDF

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 552 081 317

représentée par Me Antonio ALONSO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0074

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme E. BESSONNE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente,

Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller,

Madame Emmanuelle BESSONNE, Conseillère,

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Chantal HUTEAU, lors des débats

En présence de M. Félix GUINEBRETIERE, élève avocat

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente, et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DU LITIGE

Madame [R] [W] a été embauchée par la société EDF à compter du 12 janvier 1998, dans le cadre d'un échange de personnel avec le Commissariat à l'Energie Atomique.

Elle a été classée cadre, en GF 12, selon le Statut du personnel des industries électriques et gazières, et titularisée après une période probatoire d'une année.

Après un passage à la Direction de la stratégie mission Europe et à la Direction des affaires publiques, elle a été affectée de 2000 à 2009 à l'USI Ouest, puis à l'USI Ile-de-France en position 'Etoffement Extinction' (EE), c'est-à-dire en position d'attente d'affectation.

En 2009, elle était affectée à un poste intitulé 'relais expertise' et classée en groupe fonctionnel GF13, à la Direction des services partagés, nouvelle forme de l'USI Ile de France.

Le 18 avril 2014, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de solliciter l'indemnisation, principalement sous forme de rappel de salaires, et subsidiairement sous forme de dommages-intérêts, du préjudice de carrière qu'elle dit avoir subi du fait de l'exécution fautive par l'employeur du contrat de travail.

Par jugement du 04 février 2016, le conseil de prud'hommes de Bobigny l'a déboutée de toutes ses demandes.

Par déclaration du 17 février 2016, Mme [W] a interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée le 08 février 2016.

Aux termes de ses conclusions du 21 septembre 2017, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des prétentions et des moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, Mme [W] demande à la cour :

à titre principal,

- d'ordonner son positionnement statutaire en plage B, au groupe fonctionnel (GF)16, et au niveau de rémunération (NR) 265

- de condamner la SA EDF à lui payer les sommes suivantes :

* 100.178,52 euros représentant la différence entre les salaires qu'elle a perçus entre 2011 et 2016, et ceux qu'elle aurait dû percevoir si elle avait eu une évolution de carrière normale

* 10.107,85 euros au titre du rappel de congés payés y afférents

* 90.457 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier et de carrière résultant de la perte de chance d'avoir obtenu une évolution de carrière normale,

* 4.818,34 euros à titre de rappel de prime RPCC 2011 (prime de performance contractualisée représentant 10 % de la rémunération annuelle, qu'elle a perdu la chance de percevoir, en l'absence d'objectifs fixés par l'employeur)

* 4.818,34 euros à titre de rappel de prime RPCC 2012

* 4.960,98 euros à titre de rappel de prime RPCC 2013

* 6.242,00 euros à titre de rappel de prime RPCC 2014

* 6.633,25 euros à titre de rappel de prime RPCC 2015

* 6.672,90 euros à titre de rappel de prime RPCC 2016

* 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, du fait du harcèlement moral subi,

- de condamner EDF à lui délivrer les bulletins de paie mentionnant son repositionnement en plage B au niveau de rémunération NR 265

à titre subsidiaire

- de condamner la SA EDF à lui payer la somme de 190.635,80 euros à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail, préjudice de carrière et absence d'évolution, outre la somme de 100.000 euros pour préjudice moral

- de condamner la SA EDF à lui payer au titre de solde des primes RPCC (calculées sur son niveau de rémunération actuel)

* 3.413,00 euros à titre de rappel de prime RPCC 2011 (échelon 7)

* 3.413,00 euros à titre de rappel de prime RPCC 2012 (échelon 7)

* 3.413,00 euros à titre de rappel de prime RPCC 2013 (échelon 7)

* 3.453,00 euros à titre de rappel de prime RPCC 2014 (échelon 7)

* 3.576,38 euros à titre de rappel de prime RPCC 2015 (échelon 8)

* 4.828,20 euros à titre de rappel de prime RPCC 2016 (échelon 8)

en tout état de cause,

- de condamner la SA EDF à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- de dire que les condamnations seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes du 18 avril 2014

- d'ordonner la capitalisation des intérêts, en application de l'article 1154 du code civil

- d'ordonner la publication aux frais de la société EDF du dispositif du présent arrêt dans la revue interne 'Vivre EDF'

- de condamner la SA EDF aux dépens.

Mme [W] rappelle en premier lieu que l'employeur doit fournir du travail au salarié, et qu'en application de l'article L1222-1 du code du travail, le contrat doit être exécuté de bonne foi.

Elle souligne qu'en l'affectant à des postes sans consistance et hors organigramme, en se contentant de lui confier des missions temporaires sans autonomie ni responsabilité, et sans rapport avec ses diplômes et son statut de cadre, et ne la mettant jamais en situation d'être évaluée sur ses capacités, EDF a fait obstruction à l'évolution de sa carrière.

Elle reproche ainsi à l'employeur :

- de l'avoir positionnée depuis plusieurs années en position « Etoffement Extinction », c'est-à-dire en surnombre, sans poste fixe à l'organigramme, ce qu'il a reconnu selon elle dans de multiples comptes rendus d'entretien, et ce qui se traduit par les sigles 9S et EE apposés sur ses fiches de carrière

- de ne lui avoir fait passer aucun entretien d'évaluation de 1998 à 2004

- d'avoir mené au cours des dernières années les entretiens d'évaluation d'une manière qui lui était systématiquement défavorable, et sans faire état de sa situation réelle,

- de l'avoir affectée à partir de 2009 à un poste intitulé 'relais d'expertise', créé pour elle, mais sans aucune consistance, sans domaine et sans moyens

- d'avoir fait obstruction lorsqu'elle s'est portée candidate en décembre 2011 à un véritable poste 'relais d'expertise' qui était publié,

- de façon générale, d'avoir émis des réserves ou des avis négatifs sur toutes ses candidatures à des postes publiés,

- de lui avoir transmis en septembre 2013 une proposition de poste 'Appui d'Etat major' restant à créer, non paramétré selon la réglementation l'article 3 du Statut des IEG (c'est à dire créé puis publié), et dont le contenu semblait être celui d'un poste de secrétaire ou d'assistante.

Sur ce point, elle précise que par la circulaire Pers 946 impose :

- la description de l'emploi (méthode M3E),

- la description et l'évaluation des activités de l'emploi afin d'en déterminer le positionnement sur une plage d'emploi, et de fixer son niveau de rémunération (NR) conformément à la note du CE RH-E 08-034

- une validation du poste par les institutions représentatives du personnel et l'employeur.

Elle conteste avoir refusé de se porter candidate sur certains postes au prétexte qu'ils ne correspondaient pas à ses aspirations (Poste à la DOAAT comme chargée de conseil RH, à la Direction Commerce comme chargée de conseil RH également).

Elle considère avoir fait l'objet d'une 'placardisation' constitutive d'un harcèlement moral au sens de l'article L1152-1 du code du travail, auquel l'employeur n'a jamais mis fin malgré les multiples alertes qu'elle lui a adressées sur sa souffrance au travail, ce qui constitue de surcroît selon elle une violation par l'employeur de son obligation de sécurité.

S'agissant de son avancement, Mme [W] fait valoir qu'elle n'a bénéficié d'aucun avancement de grade ou d'échelon (avancement de groupe fonctionnel -GF- et de niveau de rémunération -NR-) depuis 1999, à l'exception de deux 'NR' qui lui ont été accordés en 2009 sous la pression syndicale, de sorte qu'elle est toujours placée dans le groupe fonctionnel (GF) 13, avec un niveau de rémunération 200, alors qu'elle devrait être au GF 16 avec un NR 265.

A ce titre, elle estime que la SA EDF a méconnu :

- l'article 3231 de l'accord de Branche IEG relatif aux avancements au choix du 1er janvier 2008, qui prévoit que la situation des agents dont le temps d'activité dans leur niveau de rémunération est égal ou supérieur à 4 ans, est examinée en priorité,

- le paragraphe 5221 de l'Accord National de Branche sur les évolutions salariales dans les IEG en 2006 et 2007 signé le 26 février 2006, disposition reconduite dans l'accord de branche relatif aux avancements au choix.

Soulignant que les femmes cadres avancent en moyenne d'un NR, par période d'un an et demi à deux ans, elle se plaint d'une inégalité de traitement avec les autres cadres.

Mme [W] fait valoir en troisième lieu que l'article L6321-1 du même code oblige l'employeur à assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail, et à veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Elle rappelle qu'il s'agit d'une obligation de résultat, dont le respect n'est pas subordonné à un demande de formation préalable du salarié.

Elle reproche à cet égard à l'employeur de n'avoir jamais appliqué l'accord d'entreprise sur la formation (« Formation tout au long de la vie professionnelle ») .

Sur ce point, elle indique :

- que depuis novembre 2010, date à laquelle elle a obtenu à sa propre demande et dans le cadre du Congé Individuel Formation (conformément aux articles L. 6322-1 à L. 6322-3 du Code du travail) l'inscription dans un master 2 de droit social à l'Université [Établissement 1], elle ne s'est vue proposer qu'une demi-journée de formation sur

« la sécurité routière », et sur les « risques psycho-sociaux », en avril 2016

- qu'elle a accepté de signer en 2011 une convention d'immersion de 3 mois renouvelable trois fois au Pôle National de Droit Social d'EDF (PNDS), alors même que cette convention sans garantie d'emploi comportait une clause vexatoire, mais qu'il a été mis fin à l'immersion au bout de trois semaines à l'initiative d'EDF.

Elle souligne que l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée par EDF pour se défendre de ses manquements à ses obligations, ne repose sur aucun grief sérieux, précis et vérifiable.

Enfin, en ce qui concerne sa demande de rappel de primes RPCC, Mme [W] fait valoir que dès lors qu'il ne lui a fixé aucun objectif contractuel, l'employeur est tenu de verser l'intégralité des primes RPCC.

Aux termes de ses conclusions reprises oralement à l'audience du 21 septembre 2017, , sans ajout ni retrait, la SA ELECTRICITE DE FRANCE (EDF) sollicite la confirmation du jugement entrepris, le rejet de la demande de publication de l'arrêt présentée par l'appelante, et la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait tout d'abord valoir, s'agissant du travail fourni à Mme [W] :

- que le fait que celle-ci soit en surnombre ne signifie pas pour autant qu'elle est privée de travail ou sans emploi,

- que la position 'Etoffement-Extinction' (EE) qui implique qu'elle n'est pas rattachée à un emploi décrit dans le référentiel de l'entreprise, permet de lui confier des missions ponctuelles prenant en charge des activités transverses de la vie de son agence

- que le métier 'EXPERT RH/RELAIS' figure bien sur sa fiche C01

- que le poste 'relais expertise' n'a pas été supprimé lors de la réorganisation du service des ressources humaines en 2012, de sorte qu'EDF n'avait aucune obligation de reclassement à son égard,

- que ce poste ne constitue pas une coquille vide, puisque des lettres de missions utiles pour l'agence sont adressées à Mme [W],

- qu'elle est chargée du suivi des délégations de pouvoir lors des changements de manager, de la production hebdomadaire pour le compte de l'agence d'un mémo d'actualité du groupe, et de missions transversales à l'Etat Major de l'agence

-que le poste de 'relais-expertise' classé en plage C, sur lequel elle s'est portée candidate en 2011 nécessitait une longue pratique de la gestion du contrat de travail, de solides connaissances en droit du travail, mais aussi des dispositions spécifiques et réglementaires EDF, alors que Mme [W] a un diplôme de droit social

- qu'elle exprime des exigences professionnelles disproportionnées par rapport aux aptitudes dont elle a fait preuve dans l'exercice de ses fonctions

- qu'à plusieurs reprises ses compétences ont été jugées comme insuffisantes s'agissant du respect des règles, de l'investissement personnel, de la coopération avec les collègues, du respect des valeurs, et de sa capacité à développer ses connaissances

- que nombre de ses travaux doivent être repris

- qu'elle a tendance à refuser les dossiers qui lui semblent sans intérêt

- qu'elle a du mal à communiquer avec ses collègues, et à faire preuve d'autonomie et d'initiative

- qu'elle ne parvient pas à se remettre en cause,

- qu'elle a adopté un comportement virulent et incorrect lors des entretiens annuels

Sur l'obligation de formation, la SA EDF indique :

- que lors de son recrutement, Mme [W] n'avait aucune qualification sur un métier spécifique,

- que toutes les mesures de formation possibles ont cependant été déployées pour lui permettre d'en acquérir une, et l'accompagner dans ses démarches de recherche de postes pérennes,

- que c'est après l'échec de toutes les tentatives qui ont été faites pour répondre à ses attentes souvent irréalistes qu'elle a été affectée à la DSP sur un poste de 'relais expertise', moyennant un reclassement en GF13, avec attribution de deux NR supplémentaires,

- qu'après avoir obtenu en 2009-2010 son master 2 en droit social, à l'issue d'un congé individuel de formation, Mme [W] n'envisageait qu'un poste de juriste en droit social,

- qu'il lui a donc été proposé un stage d'immersion de 6 mois au sein du centre d'expertise du Pôle National de Droit Social d'EDF, que pour autant, elle a refusé de se soumettre aux conditions exigées, et plus particulièrement à la première période probatoire de trois mois du stage, alors même que cette clause était justifiée par son absence d'expérience,

- que c'est dans ces circonstances qu'il a été mis fin à l'immersion, la rupture ne pouvant toutefois être imputée qu'à Mme [W],

- que l'immersion fait partie des actions de professionnalisation prévues par l'accord d'entreprise 'Formation tout au long de la vie professionnelle',

- que la salariée a été suivie par le service 'Intégration Régionale' afin de l'accompagner dans ses recherches d'emploi,

- qu'en 2013, elle a refusé de se porter candidate à certains postes au prétexte qu'ils ne correspondaient pas à ses aspirations, et plus particulièrement à deux postes de chargée de conseil RH à la DOAAT et à la Direction Commerce,

- que le 18 septembre 2013, lui a été proposé un emploi d'Appui à l'Etat-Major, restant à créer au sein de l'agence fonction centrale du CSP RH de la DSP, qu'une fiche de poste lui a été communiquée, qu'elle a eu des entretiens avec la Directrice de l'agence de [Localité 2], et la Responsable de l'intégration régionale, mais qu'elle a refusé ce poste au motif qu'il correspondait à une plage D alors qu'elle aspirait à la plage C au regard de son Master 2 en droit social, qu'il ne correspondait pas à sa qualification et à ses diplômes, et qu'il relevait des fonctions d'une assistante-secrétaire, et non pas à celles d'une juriste RH,

- que lors de l'entretien du 11 octobre 2013, il a été répondu à l'ensemble de ses questions sur le poste,

- que si le poste n'a effectivement jamais vu le jour, c'est parce que la direction souhaitait le créer uniquement pour répondre à la situation et aux attentes spécifiques de Mme [W],

- que ce n'est face à l'obstination de salariée qu'elle a dû lui proposer un emploi en surnombre.

En ce qui concerne l'inégalité de traitement invoquée par Mme [W], la SA EDF rappelle

- qu'il appartient à la salariée de soumettre au juge des éléments susceptibles de caractériser une telle inégalité, alors qu'elle se contente d'affirmations,

- qu'il n'existe aucun droit légal ou conventionnel à la promotion au sein d'EDF en fonction de l'ancienneté, puisque les agents ne peuvent bénéficier d'une augmentation de leur rémunération que grâce à un avancement au choix, soit par changement de groupe fonctionnel au sein du même emploi ou par changement d'emploi, et que le changement de groupe fonctionnel loin d'être automatique, dépend de l'évaluation du salarié

- que les évaluations de Mme [W] ne permettaient pas de justifier un avancement au choix, et qu'elle s'est abstenue de tout recours en commission paritaire alors qu'elle avait la possibilité de le faire, conformément à la circulaire PERS 212

- que la référence à des éléments statistiques pour démontrer une inégalité de traitement lui apparaît dès lors comme inopérante

- que l'employeur peut individualiser les salaires sous réserve de tenir compte de critères objectifs, au premier rang desquels les capacités et les compétences professionnelles du salarié, et que Mme [W] ne peut comparer son évolution de carrière qu'à celle de salariés placés dans une situation identique que la sienne, en termes de diplômes, de fonctions, d'expérience, et de capacités.

La SA EDF fait enfin valoir que lorsque la demande de dommages-intérêts fondée sur l'inégalité de traitement répare pour partie la perte de salaires en résultant, elle est soumise à la prescription de trois ans de l'article L3245-1 du code du travail.

MOTIFS

- Sur l'obligation de formation de l'employeur

L'article L6321-1 du code du travail oblige l'employeur à assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail, et à veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

La loi du 04 mai 2004 a rendu obligatoire, tous les deux ans, un entretien professionnel pour définir les besoins de formation et de professionnalisation des salariés.

L'accord d'entreprise 'Formation tout au long de la vie professionnelle' du 24 février 2006 a rendu cet entretien obligatoire tous les ans à EDF.

Mme [W] a bénéficié d'entretiens annuels de progrès le 14 septembre 2004, le 15 décembre 2005, le 09 mars 2007, le 03 juillet 2012, le 23 avril 2013, le 1er avril 2014, et le 16 février 2016, et le 22 février 2017.

Mme [W] a été recrutée en 1998 dans le cadre d'un échange de personnel entre EDF et le Commissariat à l'Energie Atomique, où elle avait travaillé de 1983 à 1998 à la Direction de la sécurité, où elle était chargée de délivrer des habilitations (selon les termes de son curriculum vitae). Elle était titulaire d'une maîtrise en droit privé.

Elle ne disposait d'aucune qualification particulière pour les métiers de l'entreprise EDF, et dans ces conditions, l'obligation de formation de l'employeur devait porter sur le développement des compétences de la salariée.

Il ressort des pièces du dossier que l'appelante a bénéficié :

- en 1998 et 1999, alors qu'elle était déjà employée par EDF, d'une formation diplômante à la sécurité des entreprises dispensée par l'IERSE ([Établissement 2])

- en 1999, d'une formation à la langue anglaise

- en 2002 d'un bilan de compétence, qui a fait ressortir comme axes d'orientation, la veille et la communication, les relations avec les collectivités territoriales, (cf. Entretien annuel du 14.09.2004, pièce 53)

- début 2003, d'une immersion de six mois à la mission Communication

- de mars à décembre 2008 d'une immersion de dix mois à la direction des Combustibles nucléaires

- de novembre 2009 à novembre 2010, du suivi d'un Master 2 de droit social à l'Université [Établissement 1], dans le cadre d'un congé individuel de formation

- en 2011, d'une immersion de trois mois renouvelable au Pôle National de Droit Social

- le 18 juin 2012, d'un rendez-vous exploratoire avec Mme [F] de la DRH, pour une éventuelle postulation sur les emplois d'appuis MOA-RH

- en 2012, d'une demi-journée de formation à la sécurité routière

- en mars 2017 d'un rendez-vous exploratoire avec Mme [L] [B], pour un éventuel poste 'relais d'expertise' à [Localité 2].

Ainsi la carrière de Mme [W] au sein d'EDF a commencé par une formation longue et qualifiante, qui aurait dû déboucher sur des emplois liés à la sécurité de l'entreprise. La salariée n'indique pas pour quelles raisons elle n'a pas poursuivi dans cette voie. Elle ne justifie d'aucune candidature dans ce domaine sur la suite de sa carrière.

Elle a ensuite bénéficié d'un bilan de compétence qui devait lui permettre de s'orienter, en fonction de ses appétences, et de ses capacités, vers un ou plusieurs secteurs d'activités de l'entreprise.

L'immersion de six mois au service Communication correspondait au résultat du bilan de compétence de l'année précédente. Toutefois, aux termes du compte rendu d'entretien annuel de 2004, à l'issue de cette immersion, l'employeur relevait qu''aucune possibilité d'emploi n'a pu être envisagée'.

Lors de l'entretien annuel de 2004, il lui a été suggéré d'envisager une remise à niveau sur son domaine de formation initiale : le domaine juridique. Il était toutefois noté qu'elle souhaitait rejoindre une activité de la tête du groupe autre que du domaine tertiaire, du type 'développement durable'.

Lors de son entretien annuel de 2007, il est indiqué que son projet professionnel dans le domaine juridique était jugé 'irréaliste' par sa direction.

Il ne résulte d'aucune pièce du dossier que son stage d'immersion de dix mois, de mars à décembre 2008, à la direction des Combustibles Nucléaires, ait donné lieu de la part de Mme [W] à des candidatures à des postes de ce secteur d'activité.

Ainsi, jusqu'en 2010, alors qu'elle a pu suivre un certain nombre de formations longues et approfondies dans des domaines différents, Mme [W] n'a pas exprimé de projet professionnel précis et particulier.

En novembre 2010, après un an de formation universitaire dans le cadre du CIF, elle a obtenu un Master 2 en droit social à l'Université [Établissement 1].

La SA EDF lui a donc permis de suivre une formation universitaire d'une durée d'un an, qui a débouché sur un diplôme de troisième cycle.

A partir de cette date, elle a exprimé le souhait d'obtenir un poste de cadre juriste dans le domaine des ressources humaines.

Toutefois, dans la mesure où elle n'avait exercé jusqu'ici que des missions peu qualifiées, sans autonomie, et sans prise en charge de dossiers clients, la SA EDF a légitimement exigé qu'elle complète par une période d'immersion cette formation universitaire, dont le caractère largement théorique ne permet guère de connaître les capacités concrètes d'un diplômé à exercer à un poste de travail, dans les conditions contraignantes d'un service, au sein d'une équipe, en lien avec ses partenaires.

Le fait d'avoir obtenu un diplôme de troisième cycle en droit social ne conférait à Mme [W] aucun droit acquis à obtenir un poste de juriste à un niveau d'expert dans l'entreprise, l'employeur restant décisionnaire dans le recrutement.

L'employeur pouvait donc, sans méconnaître l'accord d'entreprise relatif à la formation, et sans adopter un comportement vexatoire, demander à la salariée de respecter dans le cadre de la convention d'immersion qui lui était proposée au Pôle National de Droit Social, une première période probatoire de trois mois destinée à valider ses capacités et son choix à évoluer vers les métiers de la fonction RH.

Or Mme [W] n'a pas accepté de façon complète cette convention d'immersion, puisqu'elle y a apposé sa signature accompagnée de la mention :'Acceptation avec exception et réserve sur le point 2-1", soit sur la période probatoire.

M. [V], Responsable du PNDS, considérant à juste titre que Mme [W] n'acceptait pas les conditions de la convention, a demandé à la salariée de revenir sur cette position, lui a donné un délai de réflexion, et face à sa réponse négative, a rompu la convention, ainsi qu'il l'a expliqué dans un mail à M. [X], DRH.

En résumé, la SA EDF a, par les différentes actions de formation et d'immersion qu'elle a acceptées ou organisées, donné les moyens à Mme [W] de développer ses compétences professionnelles, et de s'adapter aux exigences et mutations des métiers liés à la gestion des ressources humaines. Ces formations se sont révélées infructueuses en termes d'évolution professionnelle pour [W] en raison d'abord d'une absence de projet professionnel précis et réaliste, malgré le bilan de compétence réalisé en 2002, et dans un second temps par une difficulté de l'intéressée à accepter son besoin d'adaptation concrète aux métiers des ressources humaines.

La responsabilité de l'employeur n'est donc pas engagée de ce premier chef.

- Sur le harcèlement moral

Par application de l'article 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi, ou refusé de subir, des actes de harcèlement moral.

L'article L1152-4 du même code oblige l'employeur à prendre toute disposition nécessaire en vue de prévenir ces agissements.

Il résulte de l'article L1154-1 du code du travail, que lorsque survient un litige relatif à l'application de ces dispositions, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant suspecter un harcèlement moral.

Il revient au juge d'apprécier si ces éléments sont établis, et si pris dans leur ensemble, ils permettent de suspecter un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur doit fournir du travail au salarié. D'autre part, en application de l'article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Il résulte d'un certain nombre d'éléments que le contenu effectif des différents postes de travail occupés par Mme [W] depuis son entrée dans l'entreprise en 1998, ne correspondent pas à un métier particulier, qu'ils n'ont pas de consistance pérenne, et qu'ils n'ont pas gagné en intérêt, ni responsabilité, ni en autonomie au fil des années, alors même que l'intéressée dispose d'un statut de cadre depuis son embauche.

En effet, Mme [W] a été à compter de 2001, affectée en surnombre (EE) à l'US Ile de France, au service ressources humaines, où elle a été chargée successivement de missions telles que la gestion des fiches d'amélioration de la qualité, le suivi de la ligne de services RH, et la gestion des stagiaires scolaires et universitaires, l'aide au recrutement des apprentis, la rédaction de fiches descriptives dites 'M3E' pour la direction des ressources humaines.

Y compris après 2009, où elle a été nommée à un poste intitulé 'relais expertise' créé pour elle, ses missions toujours temporaires lui étaient communiquées par lettres ou mail, pour des durées de trois mois à un an, et consistaient à rédiger des fiches méthodologiques sur divers thèmes de gestion des ressources humaines, à destination des directeurs, tels que 'enfant malade', 'compensation heures de trajet', 'la capitalisation des heures alternants', 'les missions de l'intégration régionale'.....

Ces missions ne correspondent pas au niveau de responsabilité et d'autonomie qui peut être attendu d'un statut de cadre. Mme [W] n'était pas autorisée à diffuser son travail avant qu'il ne soit validé par son supérieur hiérarchique, et attendait parfois longtemps cette validation.

La salariée s'est plainte à de multiples reprises par mails et courriers, tant auprès de son responsable hiérarchique direct, que de la direction des ressources humaines dont elle dépendait, ou des représentants syndicaux, de n'occuper aucun poste référencé et reconnu dans l'entreprise, ce qu'elle vivait comme une dévalorisation.

Elle n'a pas bénéficié d'entretien annuel d'évaluation de 2008 à 2011.

Ces faits, établis par les pièces du dossier, et pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il convient toutefois d'examiner les éléments et circonstances qui expliquent cette situation qui a perduré dans le temps, et ce quels que soient les directeurs des ressources humaines et responsables ayant eu à prendre position sur le dossier de Mme [W].

Ainsi qu'il a été exposé, lorsqu'elle a été recrutée en 1998 dans le cadre d'un échange de personnel entre EDF et le Commissariat à l'Energie Atomique, Mme [W] ne disposait d'aucun qualification particulière pour exercer un métier à EDF.

Le compte-rendu de son entretien annuel de 2004 mentionne que lorsqu'elle est arrivée à la direction 'LS-RH' en janvier 2003, son chef de service a fait un point sur son parcours dans l'entreprise, au vu notamment des constats faits par ses précédents supérieurs hiérarchiques, qui ont été notifiés par écrit à la salariée. Le bilan de ses précédentes missions manifestement négatif, a conduit à lui confier la prise en charge des stages scolaires, activité qu'elle a réalisée de façon satisfaisante selon le compte-rendu, et la gestion de l'archivage. Il est toutefois précisé que cette dernière activité a demandé un 'cadrage continu, et un accompagnement important'.

Le compte-rendu insistait en conclusion sur 'l'importance d'un investissement personnel de Mme [W], et sa capacité à démontrer ses compétences', ce qui impliquait que l'intéressée n'avait pas montré un investissement et des capacités permettant en l'état de lui proposer d'autres postes. Il était également noté qu'au travers de ses deux missions, elle n'avait 'pas démontré qu'elle pouvait couvrir l'ensemble des missions attendues'.

Le caractère peu qualifié des tâches initialement confiées à Mme [W] s'expliquait donc par les comptes-rendus de déroulement de ses précédentes missions, mais aussi par l'expérience de sa première période à la direction LS - RH.

Un constat similaire était fait lors de l'entretien annuel du 09 mars 2007, au cours duquel son supérieur hiérarchique estimait, qu'elle ne 'mettait en oeuvre aucune compétence de niveau cadre'. Il était fait mention de deux retours négatifs de responsables qui n'avaient pas souhaité la prendre dans leur service.

De mars 2008 au 31.12.2008, Mme [W] était en détachement auprès de la Division Combustible Nucléaire dans le cadre d'une convention d'immersion.

Le 1er décembre 2008, soit à la fin de cette période de formation, elle demandait à son employeur quelle serait son affectation à compter du 1er janvier 2009. Elle exprimait le souhait de quitter l'US Ile de France (la DSP/RH3), et de rejoindre 'la direction de la communication, la DCRGx, la DIRSEC, ou un emploi dans le droit ou les relations sociales'.

Lors d'une réunion du 23 décembre 2008, une mission s'intégrant dans la démarche qualité lui était proposée à la DSP/RH3. Tout en reconnaissant que ce secteur d'activité était intéressant, elle refusait cette proposition par mail du 05 janvier 2009, au motif qu'il manquait pour un tel poste une formation méthodologique, et une formation sur la norme ISO 9001, que cet emploi demeurait fixé à la RH3 qu'elle souhaitait quitter, et que ces fonctions de contrôle qualité risquaient d'envenimer ses relations déjà tendues avec son supérieur hiérarchique. Elle exigeait un 'emploi ferme hors RH3".

Puis par mail du 16 janvier 2009, le syndicat CFE-CGC demandait à la direction, après une rencontre avec celle-ci, de 'créer ou pourvoir un emploi ferme et pérenne dans l'organigramme' de 'relais d'expertise' sur le site RH de [Localité 3] ou de [Localité 4].

Afin de répondre à cette demande, Mme [T] Directrice de l'agence RH sollicitait alors la création immédiate pour Mme [W] d'un poste intitulé 'relais expertise', classé en plage D, code métier 113, mais non rattaché à la RH3. Deux niveaux de rémunérations supplémentaires étaient accordés à Mme [W].

Ce poste était encore classé en 'étoffement extinction' (EE), c'est-à-dire en surnombre.

Mme [W] n'exerçait cependant que quelques mois, puisque de novembre 2009 à novembre 2010, elle commençait son master II de droit social à l'université [Établissement 1].

En juin 2010, elle ne donnait pas suite à une offre d'emploi de cadre RH confirmé à la DOAAT, à [Localité 3], qui lui était transmise par M. [I], en poste dans cette direction. (Pièce n°128).

En mai 2011, elle commençait une immersion de trois mois au Pôle National de Droit Sociale de l'entreprise, immersion qui devait être interrompue car elle n'en n'acceptait pas complètement les conditions.

Le 25 juillet 2011, M. [X], Directeur des ressources humaines, validait son inscription à l'intégration régionale, mais aucune proposition de poste ne lui était adressée.

En décembre 2011, elle postulait sur un poste 'Relais expertise' au sein de l'agence ACTHYIN, nouvelle forme de l'agence RH3 de la Direction des services partagés, alors qu'elle avait émis le souhait de quitter cette structure. Sa hiérarchie émettait un avis défavorable sur cette candidature, au motif que le poste requérait de solides connaissances et une longue pratique dans le domaine 'contrat de travail', qu'elle ne possédait pas.

Le Master II qu'elle avait obtenu en 2010 ne contraignait pas l'employeur à lui proposer une catégorie de poste qui ne lui paraissait pas compatible avec les appréciations portées par les différents chefs de service, sur ses aptitudes.

Le compte-rendu de son entretien annuel du 03 juillet 2012 soulignait la difficulté de Mme [W] à prendre compte les contraintes des acteurs avec lesquels elle devait travailler, à écouter, à avoir des liens plus constructifs avec les managers au service desquels elle devait se placer, à cerner les compétences d'appui RH afin de se préparer à un tel poste.

Des lettres de mission détaillées lui étaient adressées pour des périodes de 3 à 6 mois au cours des années 2012, 2013.

Le 18 juin 2012, elle avait un rendez-vous exploratoire avec Mme [F], en vue d'une éventuelle postulation sur des emplois d'appui-RH.

En septembre 2013, la direction lui proposait un poste 'd'appui Etat-Major', accompagné d'une fiche de poste qui lui était communiquée, et qui prévoyait les missions suivantes :

- l'appui réglementaire à destination des managers

- la prévention santé-sécurité

- le suivi du plan de formation de l'agence

- le suivi du plan d'action My-EDF

- la communication interne

- le suivi de l'intérim d'un point de vue juridique.

A la suite de cette proposition, Mme [W] posait par mail de nombreuses questions sur les tâches à effectuer dans chacune des missions, mais également sur l'expérience professionnelle attendue et les outils à maîtriser. Elle souhaitait également savoir quand la création officielle du poste, selon les critères applicables à l'entreprise, serait effectuée.

Le poste n'était créé que pour elle, puisqu'il n'avait pas été publié ni diffusé sur les canaux internes à l'entreprise. Il n'en n'était pas moins adapté aux compétences et qualifications de l'intéressée telles qu'elles avaient été évaluées au cours des dernières années.

Le compte rendu d'entretien annuel du 16 février 2016 décrivait la salariée comme peu encline à prendre des initiatives, et ne communiquant pas avec ses collègues. Elle avait refusé une tâche au motif que celle-ci lui était confiée par un salarié qui n'était pas son supérieur hiérarchique.

Enfin elle se montrait très peu motivée par le poste 'relais d'expertise' situé à [Localité 2], pour lequel elle avait un entretien exploratoire avec Mme [L] [B] en février 2017.

Ainsi, Mme [W] n'avait jusqu'en 2010 pas de projet professionnel arrêté, mais n'avait pas donné satisfaction dans les mission simples qui lui avaient été confiées au sein de la direction des ressources humaines. A compter de 2010, considérant que son Master II de droit social lui donnait droit à des postes RH relevant de la plage C, elle a refusé des propositions de poste ou des candidatures à des postes qui étaient adaptés à ses capacités, pour se porter candidate à des postes qui ne l'étaient pas, alors même que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de formation.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est pour des motifs objectifs, étrangers à tout harcèlement moral, que l'employeur a confié à Mme [W] des missions ne correspondant pas à un poste de cadre référencé en matière de ressources humaines dans l'entreprise, et qu'il ne lui a pas confié de poste impliquant un degré supérieur de responsabilité.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [W] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

- Sur la demande de repositionnement statutaire au regard des règles d'avancement, et du principe d'égalité de traitement

* Le défaut d'avancement statutaire

L'accord d'entreprise relatif aux avancements au choix du 13 décembre 2007 prévoit dans son paragraphe 3231 que la situation des agents dont le temps d'activité dans leur niveau de rémunération est égal ou supérieur à quatre ans, est examinée en priorité, sauf choix négatif qui doit être clairement exprimé et motivé.

Ces dispositions conventionnelles obligent donc l'employeur à examiner prioritairement la situation des salariés concernés, mais non pas à leur faire bénéficier d'un avancement automatique d'échelon.

En octobre 2008, les délégués du personnel ont interrogé la direction sur la situation de Mme [W] qui entrait dans cette catégorie. Il leur a été répondu le 16 octobre 2008 que la salariée avait été informée par mail du 10 avril 2008, après plusieurs entretiens avec son supérieur hiérarchique, qu'elle pouvait envisager une évolution salariale en cas de réussite du stage d'immersion dans lequel elle se trouvait alors jusqu'en décembre 2008.

De fait en 2009, Mme [W] s'est vue attribuer deux niveaux de rémunération supplémentaires.

Lors des entretiens annuels de 2012, 2013 et 2014, il a été décidé de ne pas lui accorder d'avancement, compte tenu de ses faibles performances. Elle n'a pas formé de recours en commission secondaire contre ces décisions, comme le lui permettait pourtant la circulaire 'PERS. 212".

* Sur l'inégalité de traitement

Des salariés dont la situation ne se distingue pas objectivement doivent percevoir le même salaire, et, en cas de contestation, l'employeur doit pouvoir justifier que la différence de traitement repose sur des éléments objectifs et vérifiables dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

L'avancement à EDF n'étant pas uniquement lié à l'ancienneté, Mme [W] ne peut valablement comparer sa rémunération avec celle de salariés disposant de la même ancienneté qu'elle, mais dont elle ne justifie ni des compétences, ni des diplômes, ni de l'évaluation, ni d'une identité de fonctions avec les siennes.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté Mme [W] de ses demandes de repositionnement statutaire en plage B au niveau de rémunération GF16 - (NR) 265, de rappel de salaires et de dommages-intérêts pour inégalité de traitement et préjudice de carrière.

- Sur la demande de rappel de primes RPCC

La circulaire 'PERS 969" du 29.11.1999 relative à la rémunération de la performance contractualisé des cadres (RPCC) prévoit que les cadres 'peuvent bénéficier d'une rémunération supplémentaire forfaitaire fixée annuellement, assise sur l'appréciation de leur performance contractualisée préalablement avec leur hiérarchie, et fondée sur le degré de réalisation d'objectifs fixés et évalués annuellement lors d'un entretien individuel'.

'Le montant de cette rémunération, qui peut aller de 0% à 10% de la rémunération principale annuelle de chaque bénéficiaire, est déterminé, chaque année, par les directeur d'unités ou leurs délégués'.

Les bulletins de paie du mois de décembre de chaque année produits par Mme [W] ne font pas mention d'une telle prime.

Elle indique cependant avoir perçu la somme de 1000 euros chaque année au titre de la RPCC entre 2011 et 2016, à l'exception de l'année 2014 où elle a perçu 960 euros, ce qui est confirmé par son compte rendu d'entretien du 1er avril 2014.

Dans la mesure où la SA EDF ne justifie pas avoir fixé chaque année à Mme [W], en entretien, ses objectifs pour l'année à venir, ni le taux de rémunération fixé pour ces objectifs, il convient de faire droit à la demande de la salariée tendant au paiement d'une RPCC de 10 % de ses rémunérations, sous déduction des sommes déjà perçues, et de condamner à ce titre l'employeur à lui payer la somme totale de 22.096,58 euros bruts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2014, date de la saisine du conseil de prud'hommes.

En application de l'article 1154 du code civil, et conformément à l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts sera ordonnée.

- Sur les frais et dépens

Partie succombante en appel, la SA EDF devra supporter les dépens de première instance, et d'appel.

Il n'est pas inéquitable de condamner l'employeur, partie tenue aux dépens, à payer à l'appelante la somme de 1.800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucune circonstance de l'espèce ne justifie la publication de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement :

- CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 19 novembre 2015, sauf en ce qu'il a débouté Mme [R] [W] de sa demande de prime 'RPCC' ;

- Statuant à nouveau du chef infirmé, CONDAMNE la SA EDF à payer à Mme [R] [W] la somme de 22.096,58 euros bruts outre intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2014 ;

- DIT que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés, et produiront eux-mêmes intérêts au taux légal ;

- CONDAMNE la SA EDF à payer à Mme [R] [W] la somme de 1.800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- CONDAMNE la SA EDF aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 16/02510
Date de la décision : 16/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°16/02510 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-16;16.02510 ?
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