Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2017
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10393
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014023938
APPELANTE
Société CHEVROLET DEUTSCHLAND GmbH, société de droit allemand,
venant aux droits de la SAS CHEVROLET FRANCE suite à la fusion-absorption de la société CHEVROLET FRANCE par la société CHEVROLET DEUTSCHLAND GmbH
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Ayant pour avocat plaidant : Me Joseph VOGEL de la SELAS VOGEL & VOGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0151
INTIMÉE
CONSEIL NATIONAL DES PROFESSIONS DE L'AUTOMOBILE (CNPA), syndicat professionnel
Ayant son siège social : [Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Ayant pour avocat plaidant : Me Renaud BERTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J062
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur
Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère
Monsieur François THOMAS, Conseiller
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Madame Patricia DARDAS
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Chevrolet Deutschland GmbH, venant aux droits de la société Chevrolet France, est une filiale détenue à 100% par la société General Motors Korea. Elle assurait les importations en France des véhicules neufs de la marque Chevrolet.
Le Conseil National des Professions de l'Automobile (ci-après CNPA) est une organisation syndicale représentant l'ensemble des professions de l'automobile.
La vente des véhicules neufs et des pièces de rechange de la marque Chevrolet était réalisée dans le cadre de contrats de concessions par des distributeurs indépendants.
Le 5 décembre 2013, la société General Motors Korea a informé ses filiales de sa décision de cesser les ventes de véhicules neufs de la marque Chevrolet en Europe de l'ouest et centrale à partir du 31 décembre 2015.
Le 11 décembre 2013, la société Chevrolet France a notifié à chacun de ses concessionnaires la résiliation des contrats de distributeur au 31 décembre 2015, en respectant un préavis contractuel de 24 mois, conformément à l'article 21.3 du contrat de distribution. Dans ce courrier, était annoncé un programme d'incitation à une résiliation volontaire anticipée. Il était également proposé aux concessionnaires la faculté de conclure un contrat de réparateur agréé Chevrolet France pour la période postérieure au 31 décembre 2015.
Le 12 décembre 2013, la société Chevrolet France a annoncé à chacun de ses concessionnaires la désignation d'un « gestionnaire de transition » en charge d'un accord de transition et de décharge.
Par courrier du 17 décembre 2013, la société Chevrolet France exposait à ses concessionnaires son plan 2014 « Go To Market » (GTM), annoncé en deux phases :
- «la première moitié de 2014 (janvier-juin) se focalisera sur la vente des stocks réseau et Chevrolet France'» ; il était annoncé que, par l'intermédiaire d'« offres clients agressives », l'intention de Chevrolet France était de « vendre la majorité (du) stock distributeur Chevrolet d'ici la fin de juin 2014 »' ; « Chevrolet entend travailler ensemble avec vous pour liquider le stock des distributeurs de manière rapide et efficace » ;
- « lors de la deuxième moitié de 2014 (juillet-décembre), une approche et stratégie différentes s'appliqueront. Eu égard aux perspectives de volumes beaucoup plus basses pendant la deuxième moitié de l'année calendaire, nous ne planifierons plus de campagnes importantes de publicité. Notre approche se concentrera presqu'exclusivement sur le support de vos opérations de marketing local. En un mot : ne vous attendez pas à voir des campagnes de publicité et de promotion agressives pendant la deuxième moitié de 2014'».
S'agissant de « la commande et de la production de véhicules », la société Chevrolet annonçait dans ce même courrier à l'ensemble de ses distributeurs, qu'il était extrêmement difficile de prévoir la demande des consommateurs à court terme. Elle expliquait qu'elle avait décidé de reporter la production des véhicules non encore produits début décembre sur les mois de janvier-février 2014 : « cela vous permettra d'évaluer la demande des consommateurs suite à l'annonce et de nous informer si vous souhaitez que ces unités soient produites. Il est important de savoir que les véhicules produits en janvier n'arriveront pas en Europe avant mars/avril ». Il était également précisé que les commandes clients acceptées dont la production étaient reportée ne bénéficieraient pas des mesures incitatives renforcées. Les concessionnaires étaient encouragés à inciter leurs clients à prendre livraison d'un véhicule en stock distributeur ou Chevrolet France, au lieu du véhicule antérieurement commandé. Les concessionnaires étaient donc invités à annuler les commandes acceptées et à les remplacer par des véhicules en stock. Enfin, la société Chevrolet rappelait que toute nouvelle commande serait livrée dans un délai d'environ 3 à 4 mois.
Par mail adressé à tous les distributeurs le 18 décembre 2013, il était demandé aux concessionnaires d'indiquer à Chevrolet les « commandes contremarquées clients au 5 décembre 2013 non encore produites » qu'ils ne souhaitaient pas conserver. Il était précisé : « sans réponse de votre part, ces commandes seront produites en priorité, livraison concession estimée sur fin mars 2014 ». Il était également rappelé que ces commandes bénéficiaient du plan commercial en vigueur à la date de la contre marque.
Il résulte d'une attestation du 22 mai 2014 de Monsieur [A], président de Chevrolet France, que sur les 2037 commandes passées par le réseau de concessionnaires à la date du 5 décembre 2013, 1660 avaient fait l'objet d'une annulation par le réseau.
Par la suite, la société Chevrolet France, dès le 15 janvier 2014, a recherché avec les distributeurs un accord pour une cessation anticipée d'activité. À ce titre, elle a proposé des compensations financières, avec, notamment, le bénéfice d'une indemnité fixe pour la perte d'exploitation par véhicule. L'indemnité de perte d'exploitation proposée par Chevrolet France en cas de départ anticipé était déterminée de la façon suivante : la moyenne annuelle des Véhicules Neufs vendus par chaque concessionnaire en 2010, 2011 et 2012 multipliée par un montant forfaitaire dégressif dans le temps ; schématiquement, plus tôt était signé le protocole, plus importante était l'indemnisation ; ce montant, par véhicule, s'élevait à :
- 600 € si le protocole était signé avant le 31 mars 2014 avec départ effectif au 30 juin 2014,
- 400 € si le protocole était signé avant le 30 juin 2014 avec départ effectif au 30 septembre 2014,
- 200 € si le protocole était signé avant le 30 septembre 2014 avec départ effectif au 31 décembre 2014,
- 0 € pour un départ entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015.
Prévue initialement pour durer jusqu'au 30 juin 2014 (PC n° 11), la campagne de déstockage « jusqu'à épuisement des stocks » mise en place par Chevrolet France à compter du 2 janvier 2014 a pris fin dès la mi-mars 2014 (PC n° 16 : procès-verbal de constat d'huissier du 8 mars 2014). Si cette campagne à « prix cassés » de liquidation des stocks a certes permis de maintenir un niveau de vente satisfaisant au cours du seul mois de janvier 2014, celui-ci a baissé dès le mois de février 2014 pour s'effondrer à compter du mois de mars et sur les mois suivants.
Avant avril 2014, la société Chevrolet France a obtenu la signature de 93 protocoles transactionnels (dits « TARA »), ayant pour objet un arrêt d'activité échelonné entre mars et juin 2014.
Par lettre du 6 janvier 2014, le Conseil National des Professions de l'Automobile (CNPA) a fait part à la société Chevrolet France du caractère insuffisant des indemnisations proposées aux concessionnaires.
Certains concessionnaires se sont plaints auprès de Chevrolet France de l'absence d'une exécution normale du contrat par la société Chevrolet France. Au regard de l'absence de proposition d'évaluation annuelle de ventes, du recul des supports commerciaux, de la suppression des plans volumes, et des supports pour les véhicules de démonstration, et d'autres modifications dans l'exécution du contrat, ils s'interrogeaient sur la capacité de Chevrolet à continuer d'exécuter ses obligations et lui demandait de leur faire connaître ses intentions sur la poursuite du contrat, ainsi qu'une visibilité sur le bulletin de production des prochains mois.
Certains ont dénoncé, en mars 2014, « une pression inadmissible, assimilable à une tentative d'extorsion » exercée sur eux par Chevrolet, les montants dégressifs alloués ne les satisfaisant pas. Les concessionnaires reprochaient à Chevrolet, notamment, d'avoir lancé immédiatement une campagne de liquidation des stocks jusqu'à épuisement, « condamnant d'emblée la poursuite normale (du) préavis de résiliation jusqu'à son terme », mais également d'avoir fait pression au moyen de toute une série de mesures restrictives pour les contraindre « à quitter au plus vite le réseau et abusivement renoncer à notre préavis tout en (') proposant une compensation financière dérisoire et dégressive ». Ils précisaient que, par ses agissements fautifs, la société Chevrolet avait très lourdement engagé sa responsabilité contractuelle à leur préjudice sur le fondement des articles 1134 alinéas 1 et 3 du code civil et que la société Chevrolet ne les approvisionnait plus directement en véhicule neufs, se rendant ainsi responsable d'un rupture brutale des relations commerciales établies. Certains demandaient enfin à être totalement libérés de la clause de non-concurrence concernant l'interdiction de représenter une autre marque que celles de General Motors dans leur show room.
Par plusieurs courriers en réponse, la société Chevrolet France a répondu et contesté chacun de ces griefs, assurant n'avoir commis aucune faute dans l'exécution du contrat de nature à engager sa responsabilité.
Le 7 mai 2014, la société Chevrolet France a adressé une mise en garde analogue à tous les distributeurs n'ayant pas signé le protocole additionnel de résiliation anticipée, leur rappelant leur obligation de commander des véhicules neufs.
Le 23 septembre 2014, la société Chevrolet France a adressé à chacun de ses distributeurs restant dans le réseau, une mise en demeure visant la clause résolutoire relatif à l'exécution des obligations du contrat pour le 15 octobre 2014 au plus tard.
Le 16 octobre 2014, la société Chevrolet France a adressé à chacun de ses distributeurs, une lettre de résiliation partielle du contrat de distributeur par application de l'article 21-6 du contrat, à effet au 31 octobre 2014 relatif à l'activité de vente de véhicules neufs Chevrolet, le terme de l'activité de services étant fixé au 31 décembre 2015.
Dans le même temps, autorisé par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 4 avril 2014, le CNPA a assigné, par acte du 9 avril 2014, la société Chevrolet France sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil et L. 442-6, I, 5° du code de commerce.
Aux termes de cette assignation du 9 avril 2014, le CNPA a notamment demandé au tribunal de commerce de Paris de :
- constater que la société Chevrolet France avait manqué gravement de loyauté envers son réseau de concessionnaires lors de l'annonce puis de la mise en 'uvre du retrait de la marque Chevrolet du marché automobile français,
- constater qu'à cette occasion, elle avait fautivement privé le préavis de résiliation notifié le 11 décembre 2013 de tout effet utile en cessant unilatéralement et brutalement d'exécuter ses obligations contractuelles essentielles,
- dire et juger que ces fautes commises envers ses partenaires contractuels constituaient un manque de respect et une atteinte inadmissible à l'image et à la considération de la profession de concessionnaire automobile toute entière représentée par le CNPA.
Par jugement du 23 mars 2015, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la SAS Chevrolet France de sa demande de nullité de l'assignation,
- reçu le CNPA en ses demandes,
- débouté le CNPA de ses demandes de dommages et intérêts et de publication du jugement,
- débouté la société Chevrolet France de sa demande tendant à voir le CNPA condamné pour dénigrement, de ses demandes de dommages et intérêts à ce titre et de publication du jugement,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Chevrolet France aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.
LA COUR
Vu l'appel interjeté par la société Chevrolet France et ses conclusions, déposées et notifiées le 15 mars 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :
vu l'article 1134 du code civil,
vu l'article 1315 du code civil,
vu l'article 9 du code de procédure civile,
- constater que la société Chevrolet Deutschland vient aux droits de la société Chevrolet France suite à la fusion-absorption intervenue,
- infirmer le jugement du 23 mars 2015 rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
* débouté la société Chevrolet France de sa demande de nullité de l'assignation,
* reçu le CNPA en ses demandes,
* débouté la société Chevrolet France de sa demande tendant à voir le CNPA condamné pour dénigrement, de ses demandes de dommages et intérêts à ce titre et de publication du jugement,
* rejeté la demande de la société Chevrolet France au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Chevrolet France aux dépens,
- confirmer le jugement du 23 mars 2015 rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté le CNPA de ses demandes de dommages et intérêts et de publication du jugement,
statuant à nouveau :
à titre principal,
vu l'article 117 du code de procédure civile :
-
dire et juger nulle l'assignation du 9 avril 2014 délivrée à la société Chevrolet France car le CNPA - Branche concessionnaires VP ne démontrait nullement sa capacité d'agir en justice,
- dire également nulle l'assignation du 9 avril 2014 délivrée à la société Chevrolet France car le représentant légal du CNPA - Branche concessionnaires VP, qui n'est d'ailleurs pas désigné dans l'assignation, ne démontre pas qu'il avait le pouvoir de représenter le CNPA - Branche concessionnaires VP dans la présente instance.
à titre subsidiaire, vu l'article 122 du code de procédure civile,
- dire et juger irrecevable l'action du CNPA - Branche concessionnaires VP, faute pour lui de démontrer son intérêt et sa qualité pour agir en justice,
- dire que le CNPA - Branche concessionnaires VP n'avait aucune qualité pour représenter les distributeurs Chevrolet dans la présente instance,
- dire que le CNPA - Branche concessionnaires VP n'avait aucune qualité pour représenter les intérêts collectifs de la profession de distributeur Chevrolet, la preuve de l'atteinte à l'intérêt collectif n'étant pas rapportée,
- dire que le CNPA - Branche concessionnaires VP n'avait aucun intérêt à agir car le jugement qu'il entendait obtenir sur les prétendues fautes commises par la société Chevrolet France n'aurait eu aucune autorité de la chose jugée à l'égard des distributeurs Chevrolet,
plus subsidiairement encore,
vu l'article 1382 du Code civil,
- dire que la société Chevrolet France aux droits de laquelle vient désormais la société Chevrolet Deutschland n'a commis aucune faute,
- débouter le CNPA - Branche concessionnaires VP de l'ensemble de ses demandes et notamment de ses demandes incidentes,
sur les demandes de la société Chevrolet Deutschland venant aux droits de la société Chevrolet France,
- dire que les propos, écrits ou déclarations du CNPA ou publiés par lui lors de l'émission Internet 7pm du 19 février 2014, dans le communiqué de presse du CNPA du 1er avril 2014, dans un article autoactu.fr du 2 avril 2014, dans la revue auto-info.fr n° 1331 de mai 2014 et dans la revue Concessionnaires n° 111 sont constitutifs de dénigrement à l'encontre de la société Chevrolet Deutschland et de ses produits,
en conséquence,
- condamner le CNPA à payer à la société Chevrolet venant aux droits de la société Chevrolet Deutschland la somme de 150.000 Euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi par cette dernière,
- condamner le CNPA à publier, à ses frais, dans les 10 jours suivant la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 5.000 Euros par jour de retard, le dispositif du jugement relatif à la condamnation du CNPA pour dénigrement aux frais de ce dernier dans la revue Concessionnaires (revue du CNPA à destination de ses adhérents), le site Internet auto-info.fr et les quotidiens Les Echos et Le Figaro,
- condamner le CNPA à afficher le dispositif de la décision relative à sa condamnation pour dénigrement sur la page d'accueil de son site Internet pendant un mois à compter de la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 5.000 Euros par jour de retard,
- se réserver la liquidation des différentes astreintes,
en tout état de cause,
- condamner le CNPA - Branche concessionnaires VP à verser à la société Chevrolet Deutschland venant aux droits de la société Chevrolet France la somme de 20.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le CNPA - Branche concessionnaires VP en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Bolling [A] Lallement conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions de la CNPA, intimée, déposées et notifiées le 28 avril 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :
vu les articles 1134 alinéa 1 et 3 (devenus 1103 et 1104) du code civil,
vu l'article 1382 (devenu 1240) du code civil,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation du CNPA, a déclaré celui-ci recevable en son action, et débouté la société Chevrolet France de ses demandes,
- déclarer la société Chevrolet Deutschland GmbH venant aux droits de la SAS Chevrolet France SAS recevable mais mal fondée en son appel,
- la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- l'infirmer pour le surplus de ses dispositions.
statuant à nouveau,
- dire le CNPA recevable et fondé en son appel incident,
- constater que la société Chevrolet France a porté une atteinte inadmissible à la considération professionnelle de ses distributeurs et de la profession de concessionnaires automobiles toute entière en diffusant une information mensongère assimilable à la divulgation d'une fausse nouvelle selon laquelle elle continuerait à commercialiser les véhicules de sa marque en France jusqu'au 1er janvier 2016 alors qu'elle avait dès le 5 décembre 2013, date de cette annonce, décidé d'y mettre fin au plus tard le 31 octobre 2014, voire dès le 30 juin 2014, et ce afin d'écouler ses stocks auprès de consommateurs qui ont ainsi été dolosivement trompés,
- constater que la société Chevrolet France a décidé de se soustraire dès sa notification à la bonne exécution jusqu'à son terme du préavis de résiliation, de vingt-quatre mois qu'elle a notifié à ses concessionnaires le 11 décembre 2013 à effet du 31 décembre 2015 en application de l'article 21.3 du contrat de distributeur Chevrolet,
- constater que la société Chevrolet France a fallacieusement laissé croire à ses concessionnaires entre le 11 décembre 2013 et courant mars 2014 qu'ils pourraient poursuivre l'exécution normale de leur préavis au moins jusqu'au 30 juin 2014 et négocier librement leur départ anticipé à cette échéance à des conditions équitables,
- constater que la société Chevrolet France a en réalité déloyalement privé ses distributeurs de toute possibilité de poursuivre l'exécution normale de leur préavis dès la mi-mars 2014 en provoquant, à leur insu, une soudaine et définitive rupture de stock, tout en cessant dans le même temps d'exécuter plusieurs de ses obligations contractuelles essentielles et indispensables à la poursuite normale du préavis, ou en s'abstenant de les exécuter de façon satisfaisante, le tout afin d'imposer à ses cocontractants la cessation anticipée de leur contrat à effet du 30 juin 2014 à des conditions financières qui n'étaient ni librement acceptables ni équitables, notamment en raison des modalités de leur calcul et de leur dégressivité prorata temporis,
- constater enfin que la société Chevrolet France a résilié par courrier du 16 octobre 2014 à effet du 31 octobre 2014 les contrats de ses concessionnaires pour faute, et ce de façon abusive dès lors que les griefs invoqués résultaient de ses propres manquements à l'exécution normale et de bonne foi des contrats, en sachant pertinemment qu'il était matériellement impossible de satisfaire à sa mise en demeure du 23 septembre 2014 du fait de la suppression de son stock et des délais de livraison de plus de 6 mois imposés pour chaque commande usine de véhicule neuf,
- dire que ces fautes commises envers ses partenaires contractuels constituent une atteinte inadmissible aux droits des concessionnaires Chevrolet adhérents du CNPA ainsi qu'à l'image et à la considération de la profession de concessionnaires automobiles toute entière représentée par le CNPA.
en conséquence,
- condamner la société Chevrolet Deutschland GmbH venant aux droits de la société Chevrolet France au paiement, à titre de dommages et intérêts, de la somme de 1 euro symbolique,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir et tout au moins de son dispositif aux entiers frais de la société Chevrolet France dans le journal l'Argus de L'Automobile,
- informer pour le surplus de ses dispositions et statuant à nouveau,
- condamner la société Chevrolet France à payer la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- la condamner en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau conformément à l'article 699 du code de procédure civile';
SUR CE
Sur l'assignation du CNPA
La société Chevrolet Deutschland GmbH soutient que l'assignation du CNPA est nulle, au visa de l'article 117 du code de procédure civile, faute de capacité à agir en justice, l'action étant menée par la « Branche concessionnaires VP » du CNPA (subdivision interne du CNPA), et non par le CNPA lui-même et la personne physique supposée représenter le CNPA, à savoir le président de la branche des concessionnaires VP, n'ayant justifié d'aucun pouvoir.
Le CNPA prétend que l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la société Chevrolet doit être rejetée. En effet, il souligne que :
- l'assignation indique clairement que l'action est menée par le CNPA,
- l'assignation mentionne que le CNPA est représenté par son représentant légal, ce qui suffit, et, en tout état de cause, le CNPA a prouvé la délégation de pouvoir consentie par le président national du CNPA au profit du président de la branche des concessionnaires VP pour introduire et poursuivre l'instance.
La cour approuve les premiers juges d'avoir constaté que le CNPA a capacité à agir en justice, en sa qualité de syndicat, et que la mention selon laquelle l'instance est introduite par la branche concessionnaires du CNPA, non dotée d'une personnalité morale distincte du CNPA n'était pas de nature à induire en erreur les défendeurs sur l'identité de l'auteur de l'action, le CNPA. Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a relevé la qualité à agir de Monsieur [B], président de branche, habilité par le président du CNPA.
Il y a donc lieu de rejeter l'exception de nullité de l'assignation.
Sur la recevabilité de l'action du CNPA
La société Chevrolet Deutschland GmbH soutient que le CNPA ne peut agir au nom et pour le compte des distributeurs Chevrolet au motif que, selon l'adage « nul ne plaide par procureur », une partie ne peut donner mandat à un tiers pour le faire. Elle relève également que le CNPA ne peut agir dans l'intérêt collectif des distributeurs automobiles dans la mesure où il doit justifier d'une atteinte à toutes les catégories d'adhérents qu'il représente et non pas seulement d'une catégorie d'adhérents.
Le CNPA réplique qu'il n'a pas agi au nom et pour le compte des distributeurs Chevrolet mais à la demande de ses adhérents et dans l'intérêt collectif de la profession de concessionnaires automobiles.
L'action du CNPA est fondée sur l'article L.2132-3 du code du travail qui dispose : « Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ».
L'action introduite par le CNPA vise la défense de l'intérêt de « la profession de concessionnaires automobiles », donc la défense de l'intérêt collectif de la profession qu'il représente. Son action est donc recevable.
Il y a également lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
Sur le bien fondé de l'action du CNPA
La société Chevrolet France expose que les fautes alléguées par le CNPA ne portent atteinte qu'aux intérêts individuels des concessionnaires Chevrolet qui n'ont pas accepté d'entrer dans le processus de sortie anticipée du réseau.
Le CNPA soutient que les pratiques de la société Chevrolet France ont jeté le discrédit sur la profession de concessionnaires dans son ensemble, certains clients ayant reproché aux concessionnaires Chevrolet de leur avoir caché la fin du réseau et d'être malhonnêtes. Par ailleurs, le non respect, par la société Chevrolet France, du préavis de 24 mois, constituerait la violation d'un droit fondamental pour la profession de concessionnaires automobiles, en ce qu'il protège les investissements réalisés et facilite les reconversions.
Il est donc demandé à la cour de dire que « ces fautes commises par Chevrolet France envers ses partenaires contractuels constituent un manque de respect et une atteinte inadmissible à l'image et à la considération de la profession de concessionnaires automobiles toute entière ici représentée par le CNPA » et, sur ce fondement, de lui allouer un euro de dommages-intérêts.
***
Il appartient au CNPA de démontrer que les fautes prétendues de la société Chevrolet dans l'exécution du préavis de 24 mois ont causé un préjudice moral à l'ensemble de la profession.
Or, si cette inexécution contractuelle, à la supposer avérée, cause effectivement un préjudice aux concessionnaires qui ont choisi de rester dans le réseau et se sont vus dans l'impossibilité de l'exécuter jusqu'à son terme, il ne peut en être inféré une atteinte à la profession des concessionnaires dans son ensemble. Il ne s'agit que d'affaires individuelles. En outre, les quelques courriers de plaintes de clients ne sauraient établir un discrédit d'ensemble jeté sur la profession de concessionnaires automobiles.
Faute de justifier d'un préjudice moral ou d'image en lien direct avec les faits reprochés, le CNPA sera débouté de sa demande. Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.
Sur le prétendu dénigrement de la société Chevrolet France par le CNPA
La société Chevrolet Deutschland GmbH prétend que le CNPA s'est rendu coupable d'actes de dénigrement répétés à son encontre, qui auraient causé un préjudice à son image ainsi qu'un préjudice économique important.
Le CNPA rappelle qu'il n'est pas un concurrent de la société Chevrolet France mais un syndicat professionnel qui dispose, à ce titre, d'un droit d'expression étendu. De plus, le CNPA soutient que les propos incriminés ont visé exclusivement les agissements de Chevrolet France envers son réseau et non les produits ou services dont elle assurait l'importation et la commercialisation en France. Par ailleurs, il considère que la société Chevrolet France ne peut se prévaloir ni d'un préjudice d'image, ni d'un préjudice commercial dans la mesure où elle n'a subi aucun préjudice.
***
La loyauté des affaires doit être conciliée avec le principe constitutionnel de la liberté d'expression et seuls les abus de ce droit peuvent être sanctionnés.
Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique admissible dans la mesure où il émane d'un acteur économique qui cherche à bénéficier d'un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier.
Il convient, au regard de ces principes, d'examiner un à un les actes qualifiés de pratiques de dénigrement par la société Chevrolet France, commis par le CNPA.
Une émission Internet du 19 février 2014 (pièces n° C17 et C18 : http://www.dailymotion.com/video/x1cm6rs-quel-avenir-pour-les-distributeurs-chevrolet-auto )
Les propos tenus par le CNPA au cours de cette émission imputent à la société Chevrolet France les qualificatifs de "Manque de respect", "pas sincère", "mépris", "manque de loyauté", "dissimulation". Par ailleurs, au cours de cette émission, le CNPA a déclaré que la société Chevrolet France prendrait, "(') les clients pour des gogos" : "Je veux bien le rêve américain sur des voitures qui sont d'anciennes DAEWOO fabriquées en Corée, on peut prendre les clients pour des gogos".
Ces propos, tenus sur des sites spécialisés et destinés aux professionnels, émanent d'un syndicat, dont la liberté d'expression ne peut être indûment limitée et qui n'est pas un acteur économique en situation de concurrence avec la société Chevrolet. Ils ne portent pas sur les véhicules et services Chevrolet, mais sur l'attitude de la société Chevrolet France, personnellement attaquée. Ces propos portent atteinte à l'honneur et à la probité de cette société, mais non à la qualité de ses produits.
Le communiqué de presse du CNPA du 1er avril 2014 (pièce n° C 5)
"Déloyauté de Chevrolet : la marque a sciemment dissimulé à son réseau pendant plusieurs mois la décision de General Motors. Plusieurs indices concordants démontrent que Chevrolet France s'était préparée depuis des mois à l'échéance de la résiliation".
"Ces agissements fautifs révèlent la volonté claire de convaincre abusivement les concessionnaires à renoncer à leur préavis. D'autant que les indemnités sont dérisoires ('), ce qui tend à exercer une pression intolérable sur les concessionnaires pour les contraindre à quitter le réseau au plus vite (...)".
Les termes employés ne sont pas davantage dénigrants à l'égard des produits ou services Chevrolet, mais ont pour objet de faire passer la société Chevrolet France pour une société déloyale.
L'article autoactu.fr du 2 avril 2014 (pièce n° C 8)
Selon le CNPA, la société Chevrolet exercerait un "chantage" à l'égard de ses distributeurs. Ce terme se réfère à une pratique contraire à la loi et à la morale. Il ne saurait davantage relever du dénigrement.
L'auto-info.fr de mai 2014 n° 1331 (pièce n°C19, page 45, interview de Monsieur [B])
"Ce qui est nouveau, c'est que Chevrolet a été un peu trop loin, il ne respecte pas ses distributeurs ». "Dans le cas de Chevrolet, il s'agit d'une atteinte inadmissible à l'image de la profession et des vendeurs". "Si nous n'agissons pas face à un comportement aussi scandaleux, (') ".
Au travers de cet article, le CNPA manifeste son indignation devant le comportement de la société Chevrolet France. Ses produits ne sont pas dénigrés, mais son comportement est qualifié de scandaleux, ce qui relève, là encore, d'une connotation morale et non d'une pratique de dénigrement.
Revue "Concessionnaires" n° 111 pages 8, 9 et 12 (revue du CNPA à destination de ses adhérents) (pièce n° C 20)
Il y est indiqué : "Ici encore sans même avoir pris le soin d'en aviser préalablement ses distributeurs et sans prévoir d'indemniser le préjudice ainsi causé au réseau, sauf une proposition d'aide au déguerpissement anticipé pour ceux qui accepteraient de partir au cours du premier semestre 2014 sans broncher dont les montants ont révélé l'ampleur du mépris de la marque pour ses concessionnaires. (')".
Ce terme de "déguerpissement", mais aussi d'autres termes apparaissant dans l'article de la revue, tels que "débarrasser", "Mépris" ("Le remake américain de General Motors et Chevrolet, s'il n'a jamais aussi bien porté son titre (ndlr : le mépris) est bien un mauvais film pour les distributeurs français"), relèvent également d'un registre de condamnation morale, et non du dénigrement. Le comportement de la société Chevrolet France à l'égard de son réseau dans les discussions qu'elle a eues avec ses distributeurs pour envisager une cessation anticipée de leurs contrats est ici seul en cause.
Il en va de même de l'annonce, dans ces déclarations, de l'action en justice qui a été engagée contre la société Chevrolet France et le détail des moyens invoqués, notamment dans "Concessionnaires n° 111" (pièce n° C 20).
En conclusion, le CNPA s'est livré à des critiques virulentes à l'encontre de la société Chevrolet'France dans l'exécution du préavis.
Mais il ne s'agit pas d'une campagne de dénigrement de la marque et des produits Chevrolet. Il n'est pas établi que ces propos aient jeté le discrédit sur la marque Chevrolet, et aient eu des effets sur les consommateurs et sur les conditions d'exécution du préavis, l'annonce en elle-même, par Chevrolet France, de la fin du réseau ayant nécessairement entraîné une désaffection pour les véhicules neufs Chevrolet, sans qu'il soit possible de l'imputer aux propos du syndicat.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a estimé non constituée la pratique de dénigrement, estimant justement que « les propos ou écrits émis par le CNPA, légitime à défendre les intérêts de la profession, n'excèdent pas ceux qu'autorise une légitime polémique ».
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les deux sociétés succombant partiellement, il sera fait masse des dépens et chacune d'elle en supportera la moitié.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
FAIT masse des dépens et condamne chaque partie à en supporter la moitié,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
Cécile PENG Irène LUC