La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2017 | FRANCE | N°13/06368

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 novembre 2017, 13/06368


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 14 Novembre 2017

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06368



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/02867





APPELANTE

Me [L] [Z] (SELARL BARONNIE-LANGET) - Administrateur judiciaire de SAS GLOBAL FACILITY SERVICES venant aux droits de la soci

été FRANCAISE DE SERVICES GROUPE

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Me [D] [Z] - Mandataire liquidateur de la SAS GLOBAL FACILITY SERVICES venant aux droits de la sociét...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 14 Novembre 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06368

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/02867

APPELANTE

Me [L] [Z] (SELARL BARONNIE-LANGET) - Administrateur judiciaire de SAS GLOBAL FACILITY SERVICES venant aux droits de la société FRANCAISE DE SERVICES GROUPE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Me [D] [Z] - Mandataire liquidateur de la SAS GLOBAL FACILITY SERVICES venant aux droits de la société FRANCAISE DE SERVICES GROUPE

[Adresse 2]

325 065 860 00034

[Adresse 2]

représentés par Me Jean-philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275

INTIMES

Madame [E] [J]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 1] 1963

Syndicat CGT DES HOTELS DE PRESTIGE ET ECONOMIQUES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentés par M. [A] [I] (Délégué syndical ouvrier)

PARTIE INTERVENANTE :

Association AGS CGEA IDF EST

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Pierre CAPPE DE BAILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, faisant fonction de Président

Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et prorogé à ce jour

- signé par Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, faisant fonction de Président, et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

[E] [J], née en 1963 , a été engagée par contrat à durée déterminée par la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE le 13.07.2007 en qualité d'agent de service AS1 à temps partiel (12h par semaine) en raison d'un accroissement temporaire d'activité au motif : 'augmentation IO du 12.04. au 12.07.07", elle devait exercer ses activités sur le site [Établissement 1] [Localité 1], devenu [Établissement 2] [Localité 1]. Un contrat à durée indéterminée a été signé à temps partiel entre les mêmes parties le même jour dans les mêmes conditions d'emploi.

Plusieurs avenants ont été signés, toujours au motif accroissement temporaire d'activité sur le site lié à l'augmentation du taux d'occupation de l'hôtel, et modifiant la durée mensuelle du travail :

- le 01.12.2007 la durée mensuelle étant portée de 80h entre le 1er et le 30 décembre 2007;

- le 01.01.2008, la durée mensuelle étant portée de 79h entre le 1er et le 31 janvier 2008;

- le 01.03.2008 la durée mensuelle étant portée de 145,50 h entre le 1er et le 31 mars ;

- le 01.08.2008 la durée mensuelle étant portée de 129h50 entre le 1er et le 31 août ;

- le 01.01.2009 la durée mensuelle étant portée de 116 h entre le 1er et le 31 janvier ;

- le 01.03.2009 la durée mensuelle étant portée de 72,50 h entre le 1er et le 31 mars ;

- le 01.06.2009 la durée mensuelle étant portée de 115 h entre le 1er et le 30 juin ;

- le 01.07.2009 la durée mensuelle étant portée de 110,50 h entre le 1er et le 31 juillet ;

- le 01.08.2009 la durée mensuelle étant portée de 101,50 h entre le 1er et le 31 août ;

- le 01.09.2009 la durée mensuelle étant portée de 119,50 h entre le 1er et le 31 octobre ;

- le 01.11.2009 la durée mensuelle étant portée de 79,50 h entre le 1er et le 30 novembre;

- le 01.12.2009 la durée mensuelle étant portée de 79,50 h entre le 1er et le 31 décembre;

- le 01.01.2010 la durée mensuelle étant portée de 105 h entre le 1er et le 31 janvier ;

- le 01.08.2010 la durée mensuelle étant portée de 101,50 h entre le 1er et le 31 ;

- le 01.02.2010 la durée mensuelle étant portée de 104 h entre le 1er et le 28 février 2010.

Un dernier avenant de contrat à durée indéterminée a été signé pour porter la durée du travail à 25 h par semaine, le site étant celui du [Établissement 3] [Localité 2].

La SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE devenue FACILITY SERVICES puis GLOBAL FACILITY SERVICES a une activité de nettoyage de locaux industriels et informatiques. L'entreprise est soumise à la convention collective des entreprises de propreté ; elle comprend plus de 10 salariés. La moyenne mensuelle des salaires de [E] [J] s'établit à 1.457,31 €.

Un arrêt de travail a été prescrit à la salariée 27.11.2010 et renouvelé jusqu'au 05.12.2010.

Le médecin du travail a décidé de son aptitude avec aménagement du poste dans les conditions suivantes :'mutation nécessaire à un poste sans manutention de lits ni travail penchée en avant' lors de la visite du 30.03.2011 ; puis le 13.04.2011, à la suite de la seconde visite, le médecin du travail a décidé de son inaptitude au poste de femme de chambre mais de son aptitude à un poste d'agent de services sans manutention manuelle de plus de 5 kg ni travail penchée en avant.

[E] [J] a été placée à nouveau en arrêt maladie le 15.06.2011 ; puis du 23 au 26.06.2011.

Le 11.07.2011, [E] [J] a réclamé par courrier le versement du salaire correspondant à l'emploi occupé avant la suspension de son arrêt de travail du 30.03 au 13.04.2011, en l'absence de reclassement à un poste ou licenciée à l'issue de la seconde visite médicale du 13.04.2011.

[E] [J] a été examinée dans le cadre d'une visite périodique le 04.07.2011 par le médecin du travail qui l'a déclarée, dans le cadre d'un accident du travail ('AT'), inapte au poste de femme de chambre mais apte à un poste d'agent de services sans manutention manuelle de plus de 5 kg ni travail penchée en avant ni bras droit en élévation; cet avis a été confirmé lors de la visite du 22.07.2011, provoquée sur demande du médecin.

[E] [J] a été à nouveau mis en arrêt de travail à compter du 22.07.2011 avec prolongation jusqu'au 22 août.

Le 21.07.2011 le syndicat CFDT est intervenu pour demander le reclassement de la salariée conformément eux prescriptions médicales.

Le 25.07.2011, la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE a écrit aux délégués du personnel pour leur demander leur avis sur le reclassement de la salariée ; le même jour elle a écrit aux responsables des autres établissements de l'entreprise dans le cadre de la recherche de reclassement qui ont répondu négativement.

[E] [J] a été convoquée par lettre du 27.07.2011 à un entretien préalable fixé le 03.08.2011 et reporté au 29.09.2011, puis licenciée par son employeur le 18.10.2011 pour inaptitude physique à son poste et impossibilité de reclassement en l'absence de poste sans manutention de plus de 5 kg ni travail penchée en avant ni bras droit en élévation

Le CPH de [Localité 3] a été saisi par [E] [J] le 08.03.2012.

La cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le 28.06.2013 par la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE du jugement rendu le 16.04.2013 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Commerce chambre 5, qui a condamné la société à payer à [E] [J] les sommes suivantes :

- 5.444,13 € au titre du 13ème mois

- 1.994,21 € à titre de rappel de salaire du 1er septembre au 19 octobre 2011 et 199,42 € au titre des congés payés afférents

- 1.264,84 € à titre d'indemnité de licenciement

- 18.125,59 € à titre de rappel de salaire sur temps complet et 1.812,56 € au titre des congés payés afférents

- 1.158,46 € à titre du préavis et 115,85 € au titre des congés payés afférents

- 869,38 € au titre des jours fériés et 86,94 € au titre des congés payés afférents

avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de la partie défenderesse ;

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

avec intérêts au taux légal à compter du prononcé ;

- Et 800 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,

avec remise des bulletins de paie conformes sous astreinte de 10 euros par jour de retard sous 15 jours à compter de la notification de la décision et limité à 30 jours, le conseil se réservant de liquider l'astreinte ;

tout en déboutant [E] [J] du surplus de ses demandes, en déclarant recevable le Syndicat CGT DES HOTELS DE PRESTIGE ET ECONOMIQUES et en condamnant la société FRANÇAISE DE SERVICES GROUPE à payer à ce dernier la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé.

Le tribunal de commerce de Créteil a prononcé le 26.06.2014 l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société FRANCAISE DE SERVICES GROUPE avec désignation de M° G. [L] comme administrateur et M° [D] comme mandataire judiciaire, la cessation des paiements étant fixée au 15.01.2013 et le jugement prononçant une période d'observation jusqu'au 26.12.2014, prolongée jusqu'au 17.12.2014 ; la liquidation judiciaire a été prononcée le 01.04.2015 et M° [D] a été désigné comme liquidateur avec maintien de l'activité jusqu'au 01.05.2015.

Le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la confusion de patrimoines de la SA GROUPE FRANCAISE DE SERVICES et de la SA GLOBAL FACILITY SERVICES puis il a arrêté le plan de cession au profit de la SAS STN le 29.04.2015.

La société demande à la cour de mettre hors de cause M° [L] es qualité, de donner acte à M° [D] de son intervention volontaire en sa qualité de mandataire liquidateur, et d'infirmer le jugement, de rejeter les demandes de [E] [J] et de déclarer irrecevables les demandes de le syndicat CGT des Hôtels de prestige et économiques et subsidiairement le débouter, les condamner aux dépens.

De son côté, [E] [J] demande à la cour de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société GLOBAL FACILITY SERVICES et dire que l'assurance de garantie des salaires devra garantir ces créances, les créances de :

1) [E] [J] :

I - Rappel de salaire sur temps complet du 12.04.20017 au mois d'août 2011 : Total 18 360,74 € + 1 836,07 € de congés payés ;

II - Indemnité nourriture sur le même période : Total 6 315,88 € + 631,59 € de congés payés ;

III - Jours fériés de novembre 2008 à mai 2011 : Total 869,38 € + 86,94 € de congés payés;

IV - 13ème mois de 2008 à 2011 : Total 5 444,13 € ;

V - Dommages et intérêts pour marchandage et/ou discrimination indirecte : 25 000 € ;

VI - Salaire 1/09/2011 au 19/10/2011 : 2 380,27 € + 238,03 € de congés payés ;

VII - Complément préavis 2 mois : 1 158,46 € + 115,85 € de congés payés ou 912,90 € + 91,29 € de congés payés ;

VIII - Indemnité de licenciement doublée : 2 080,84 € Ou 1 855,74 € ;

IX - Indemnité pour licenciement en violation législation accidentés du travail ou licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30 000 €

X - Indemnité pour travail dissimulé : 9 480,54 € ou 8 743,86 € ;

XI - Dommages et intérêts pour préjudice subi minorations droits sociaux : 4 000€

XII - Article 700 CPC : 1 500 € ;

2) le le syndicat CGT des Hôtels de prestige et économiques :

I - Dommages intérêts article L 2132-3 CT : 10.000 € ;

II - article 700 CPC : 1.500 €.

L'UNEDIC AGS CGEA demande le débouté des prétentions de la salariée et sa mise hors de cause ; subsidiairement de fixer une éventuelle créance au passif de la SA GLOBAL FACILITY SERVICES et de dire qu'elle ne sera tenue que dans les limites et conditions de sa garantie légale en application des articles L 3253-6 et s. et L 3253-17 et s. du code du travail, la garantie de l'AGS étant plafonnée à un des trois plafonds définis à l'article D 3253-5 du code du travail et ne s'étendant pas à la mise en jeu de la responsabilité de droit commun de l'employeur, aux astreintes et à l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE :

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

En la forme :

Eu égard au jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise le 01.04.2015, M° [L], mandataire judiciaire, doit être mis hors de cause tandis que M° [D], désigné mandataire liquidateur, doit être reçu en son intervention volontaire.

Au fond :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Les intimés mettent en cause en préambule le système de sous traitance mis en place par le donneur d'ordre, gérant des hôtels de haut de gamme, pour l'activité des femmes de chambre, activité qui représente selon eux le coeur du métier de l'hôtellerie, ce qui contrevient aux dispositions de l'article L 8231-1 du code du travail et qui a pour incidence l'application de la convention collective de la propreté moins avantageuse que la convention HCR.

1) Rappel de salaire sur temps complet du 12.04.20017 au mois d'août 2011 :

Par ailleurs ils constatent que le premier contrat de travail à temps partiel ne précisait pas les jours de repos de la salariée qui devait donc se tenir à disposition de son employeur 7 jours /7, et il s'est agi d'un temps plein en janvier 2010 ; il n'y a pas eu de répartition horaire entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ni de notification au moins 7 jours à l'avance des modifications de la répartition horaire ; les plannings ne sont pas produits ni les relevés d'heures ; la seule signature d'avenants temporaires ne saurait valider la pratique instaurée ; l'avenant dit définitif du 21.04.2010 n'est pas davantage régulier.

Pour sa part M° [D] es qualité déclare que la salariée connaissait nécessairement ses horaires à l'avance pour avoir signé régulièrement les avenants modificatifs, la gouvernante générale attestant de ce que les plannings étaient affichés 7 jours à l'avance pour le personnel, en outre l'employeur n'a pas eu connaissance d'un autre emploi à temps partiel de la salariée ni d'une réclamation quelconque.

En application de l'article L 3123-6 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel, qui est un contrat écrit, doit mentionner impérativement, outre la qualification du salarié et les éléments de la rémunération, la durée de travail hebdomadaire, mensuelle, plurihebdomadaire ou annuelle prévue, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, ainsi que la nature de cette modification et les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée de travail travaillée sont communiquées par écrit au salarié.

En l'absence de l'une de ces mentions, l'emploi est présumé à temps plein et il appartient alors à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve du fait que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas contraint de se tenir constamment à la disposition de l'empoyeur.

En l'espèce le premier juge a constaté que seul le nombre d'heures de travail journalier était fixé, soit 3h par jour initialement, avec une très large amplitude horaire allant de 6h à 21h chaque jour, puis que dans les avenants seul le nombre d'heures par mois étant mentionné, ces avenants ne respectant pas le délai légal de prévenance ; l'attestation délivrée par la gouvernante générale ne saurait pallier l'absence de communication par la partie appelante des plannings. Il résulte de ces éléments que la salariée était dans la totale impossibilité de prévoir ses horaires de travail ou encore de compléter ces horaires par un autre emploi à temps partiel, ce qui la contraignait à rester à disposition de son employeur de façon permanente.

La requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps plein s'impose donc dans ces circonstances ; en conséquence il y a lieu de faire droit au rappel de salaire qui résulte d'un décompte précis et non contesté ; le jugement sera confirmé, sans que l'astreinte soit nécessaire.

A défaut pour les intimés de démontrer l'intention frauduleuse de l'employeur au sens des articles L 8221-3 et L 8221-5 du code du travail même si sa négligence est démontrée, il convient de rejeter cette prétention qui est nouvelle en cause d'appel.

2) Indemnité nourriture sur la même période :

Cette demande n'a pas été examinée en première instance ; [E] [J] sollicite l'application de l'article D 3231-10 du code du travail, dès lors que l'emploi occupé caractérise l'appartenance à l'industrie hôtelière et non pas l'activité principale de l'entreprise employeur.

M° [D] es qualité rappelle que, selon l'article L 2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale de l'employeur, en l'espèce il s'agit du nettoyage d'hôtel de luxe et grand luxe.

L'industrie hôtelière qui inclut les hôtels, cafés, restaurants, présente des particularismes comprenant l'obligation pour l'employeur de nourrir le personnel ou à défaut de lui verser une indemnité compensatrice ; l'arrêté du 22.02.1946 modifié par l'arrêté du 01.10.1947 s'applique au personnel travaillant dans tous les hôtels, cafés, restaurants, établissements de vente de denrées alimentaires ou de boissons à consommer sur place et ressortissant de l'industrie hôtelière notamment, ainsi qu'au personnel de l'industrie hôtelière, mais où s'effectue cependant à titre accessoire la vente de denrées ou de boissons à consommer sur place ; ce texte impose à l'employeur soit de nourrir gratuitement l'ensemble de son personnel soit de lui allouer une indemnité compensatrice.

Néanmoins la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE, aux droits de laquelle vient la SA GLOBAL FACILITY SERVICES, est une entreprise dont l'activité principale est le nettoyage qui ne correspond pas à la définition des établissements dans lesquels l'employeur est tenu de fournir des repas ou à défaut une indemnité à ses salariés.

Dès lors [E] [J] exerçait son activité d'entretien des chambres pour le compte de la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE dans des hôtels, sans pour autant que cette activité ressortisse de l'activité hôtelière. En conséquence elle ne peut prétendre au bénéfice de l'indemnité qu'elle sollicite et le jugement rendu doit être complété.

3) Jours fériés de novembre 2008 à mai 2011 :

[E] [J] réclame en outre l'application des dispositions conventionnelles dont bénéficient les salariés de l'hôtellerie en termes de compensations financières au titre des jours fériés, compensations qui ne sont pas prévues par la convention collective qui lui est appliquée et qui est celle de son employeur, à savoir la convention collective des entreprises de propreté ; la salariée était parfaitement informée de son statut et ne peut réclamer l'application de dispositions distinctes. Cette demande sera rejetée et le jugement infirmé.

4) 13ème mois de 2008 à 2011 :

Le raisonnement est identique sur ce point, la demande de [E] [J] sera rejetée et le jugement infirmé.

5) sur la minoration des droits sociaux :

Les intimés font observer que les entreprises de propreté pratiquent un abattement sur l'assiette de calcul des cotisations sociales des salariés de la branche par assimilation avec les ouvriers du bâtiment dont le statut spécifique avait été fixé par le décret du 17.11.1936, alors qu'elles n'ont plus d'activité dans le bâtiment, et que par ailleurs les ouvriers de nettoyage ne supportent plus de charge de caractère spécial au titre de l'accomplissement de leur mission compte tenu de l'article 1 de l'arrêté du 10.12.2002, et alors enfin que les salariés des entreprises de propreté ne figurent pas dans la liste de l'article 1er du décret du 17.11.1936.

L'appelante conteste cette interprétation en se fondant notamment sur la circulaire prise par les ministres des affaires sociales et des finances en date du 08.11.2012.

Dans le cadre de leur appréciation souveraine il appartient aux juges du fond de juger la portée des éléments de preuve qui leur sont apportés en la matière ; l'article 9 de l'arrêté du 20.12.2002, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 25.07.2005, n'ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais qu'aux professions prévues à l'article 5 de l'annexe IV du C.G.I., lequel ne vise pas nommément les ouvriers de nettoyage des locaux ; si ces ouvriers sont assimilés par la doctrine fiscale aux ouvriers du bâtiment expressément visés par ces textes, c'est à la seule condition, comme ces derniers, qu'ils travaillent sur plusieurs chantiers. Une simple circulaire ne peut contredire les textes susvisés. D'où il s'ensuit que les conditions de travail des salariés (en l'occurrence, des ouvriers d'une entreprise de nettoyage) ne leur permettaient pas de bénéficier de la déduction supplémentaire pour frais professionnels.

Cette demande nouvelle en cause d'appel sera rejetée.

6) Dommages et intérêts pour marchandage et/ou discrimination indirecte :

a) sur le délit de marchandage :

En application de l'article L 8231-1 du code du travail, pour être qualifiée de marchandage, une opération doit être à but lucratif et doit avoir pour effet soit de porter préjudice au salarié qu'elle concerne soit d'aboutir à éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif.

La sous traitance doit assurer l'exécution d'une tâche objectivement définie dans le cadre de laquelle la main d'oeuvre, mise à disposition de l'entreprise utilisatrice mais sur laquelle le pretataire conserve l'autorité, permet d'obtenir un résultat que l'entreprise utilisatrice n'aurait pas obtenu de son personnel par un manque avéré de savoir faire ou de compétence technique spécifique.

En présence d'un tel contrat de sous traitance ou de prestation de service, le caractère licite d'une telle convention dépend du maintien du lien de subordination avec la société d'origine, du caractère forfaitaire du coût de la prestation qui doit être nettement définie, de la mise en oeuvre par le salarié mis à la disposition d'un savoir faire spécifique distinct de celui des salariés de l'entreprise d'accueil.

En l'espèce, il ressort des éléments du débat que si [E] [J] déclare être d'origine étrangère, elle a indiqué dans la déclaration d'appel avoir la nationalité française ; elle a travaillé pour deux hôtels distincts mais de même catégorie de luxe ou grand luxe, elle effectue les mêmes prestations que ses collègues salariées de ces hôtels qui figurent elles aussi sur les plannings définis par la gouvernante générale qui en a témoigné, enfin [E] [J] ne perçoit pas le 13è mois ni l'indemnité pour jours fériés prévus par la convention HCR.

Il appartenait à [E] [J] d'apporter la preuve que le lien de subordination avec sa société d'origine n'aurait pas été maintenu, ce qu'elle ne fait pas, du caractère forfaitaire du coût de la prestation, et de la mise en oeuvre d'un savoir faire spécifique alors qu'elle intervient dans des hôtels de luxe ou grand luxe aux côtés de salariés ayant les mêmes fonctions.

Il est constant que l'activité unique de son employeur recouvre le nettoyage des hôtels de luxe et grand luxe, cette activité étant réalisée avec son propre matériel et son savoir faire ; l'appelant relève à bon droit que le syndicat CGT a signé le 07.05.2014 une Charte sur la sous-traitance de nettoyage [Établissement 4] et a ainsi admis l'existence d'une sous traitance de ce type dans les grands hôtels. Dès lors la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE a exercé son activité en tant que prestataire de services, sans que le choix de gestion de l'entreprise utilisatrice puisse être remise en cause par le juge prud'homal.

Il convient de réformer la décision rendue.

b) en ce qui concerne la discrimination indirecte :

[E] [J] déclare que cette situation entraîne des désavantages pour la population féminine étrangère que constituent les femmes de chambre du sous traitant par rapport au personnel embauché directement par les hôtels de cette catégorie, et que l'employeur ne démontre pas l'exigence professionnelle essentielle et déterminante, critère mentionné à l'article L 1133-1 du code du travail. M° [D] conteste cette affirmation.

Aucun salarié faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison en particulier de son origine.

La discrimination indirecte est en effet celle qui résulte d'une mesure ou d'une pratique apparemment neutre qui aboutit, sans intention malveillante, à constituer une catégorie composée majoritairement de personnes relevant d'un critère de discrimination.

Or, les intimés s'expriment de manière générale et n'apportent pas aux débats les éléments qui seraient de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination même indirecte fondée sur l'origine étrangère des salariées travaillant pour le compte de la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE puisqu'ils ne communiquent aucun élément chiffré concernant l'origine de l'effectif de la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE ou celui des hôtels dans lesquels [E] [J] a travaillé, ou à défaut, les livres entrées/sorties du personnel ou tout autre élément de nature à établir leurs dires, alors même que la nationalité française de l'intéressée a été relevée.

Dès lors en considération de ces éléments pris dans leur ensemble, il convient de dire que la discrimination invoquée n'est pas démontrée ; le jugement rendu sera infirmé.

6) Salaire 1/09/2011 au 19/10/2011 :

En application de l'article L 1226-11 du code du travail, la salariée prétend que son salaire aurait dû lui être versé, passé le délai d'un mois ayant suivi le prononcé de l'inaptitude lors de la seconde visite médicale en date du 22.07.2011.

Il n'est pas apporté d'argument en défense sur ce point ; il convient de confirmer la décision prise en première instance.

Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :

Les intimés dans leurs écritures se bornent à revendiquer les dispositions spécifiques de la législation des accidents du travail en se prévalant de l'indication portée par le médecin du travail sur l'avis du 04.07.2011, alors que les arrêts de travail ne le mentionnent aucunement ni aucun autre document produit et qu'aucune déclaration n'a été faite par l'employeur à ce titre auprès de la CPAM ; par suite la situation d'accident du travail n'est pas justifiée.

L'employeur revendique le bien fondé du licenciement et la régularité de la procédure suivie.

Le jugement constate à bon droit que si la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE a saisi certaines de ses entités de la question du reclassement de la salariée inapte, les réponses sont intervenues par retour quasi immédiat, ce qui ne démontre pas l'effectivité de la recherche entreprise, alors même que le périmètre des recherches à entreprendre n'est pas établi et que les réponses émanent de chefs de secteurs qui ne sont pas identifiés.

Il convient de confirmer la décision prise qui a décidé que le licenciement de [E] [J] était sans cause réelle et sérieuses, ainsi que les indemnités accordées qui correspondent à la réparation du préjudice subi au vu des seuls éléments en possession de la cour, sans qu'il y ait lieu de faire application de la législation prévue pour les accidents du travail.

L'employeur devra remettre à la salariée un seul bulletin de salaires récapitulatif sans que l'astreinte soit nécessaire ; le jugement sera réformé.

Enfin les condamnations prononcées seront remplacées par des fixations au passif de l'entreprise en liquidation.

Sur l'intervention du syndicat CGT des Hôtels de prestige et économiques :

C'est par de justes motifs que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes a déclaré recevable l'intervention de ce syndicat et a mis à la charge de l'employeur une indemnité qu'il convient de porter à 3.000 €.

Le présent arrêt sera opposable à l'AGS CGEA IDF dans les limites de sa garantie.

Eu égard à la situation de l'entreprise et aux dispositions de l'article L 3253-6 du code du travail, la demande de [E] [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 16.04.2013 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Commerce chambre 5 en ce qu'il a requalifié la relation de travail en temps plein, mis à la charge de l'employeur l'indemnisation du salaire du 01.09 au 19.10.2011, décidé du licenciement sans cause réelle et sérieuse et mis à la charge de l'employeur son indemnisation, ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du CPC et décidé de la recevabilité de l'intervention volontaire du syndicat CGT des Hôtels de prestige et économiques ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande relative au travail dissimulé, à l'indemnité nourriture et à la minoration des droits sociaux,

Fixe en application de l'article L 622-21 et L 622-22 du code de commerce la créance de [E] [J] au passif de la liquidation judiciaire de la SA GLOBAL FACLITY SERVICES venant aux droits de la SA FRANCAISE DE SERVICES GROUPE représentée M° [D] es qualité :

- 1.994,21 € à titre de rappel de salaire du 1er septembre au 19 octobre 2011 et 199,42 € au titre des congés payés afférents

- 18.360,74 € à titre de rappel de salaire sur temps complet et 1.836,07 € au titre des congés payés afférents

- 1.264,84 € à titre d'indemnité de licenciement

- 1.158,46 € à titre du préavis et 115,85 € au titre des congés payés afférents

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;

Dit que la SA GLOBAL FACILITY SERVICES devra transmettre à [E] [J] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un bulletin de salaire récapitulatif ;

Fixe en application de l'article L 622-21 et L 622-22 du code de commerce la créance du syndicat CGT des Hôtels de prestige et économiques au passif de la liquidation judiciaire de la SA GLOBAL FACILITY SERVICES représentée M° [D] es qualité :

- 3.000 € à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article L2132-3 du code du travail ;

Rejette les autres demandes ;

Dit que le jugement du 26.06.2014 rendu par le tribunal de commerce de Paris ayant prononcé l'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L 622-28 et L 641-8 du code de commerce ;

Dit la présente décision opposable à l'AGS CGEA IDF EST en application des articles L 3253-6 et s. du code du travail, sa garantie étant plafonnée dans les conditions de l'article D 3253-5 du code du travail ;

Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de la liquidation de la SA GLOBAL FACILITY SERVICES représentée par le mandataire liquidateur.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 13/06368
Date de la décision : 14/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°13/06368 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-14;13.06368 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award