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10/11/2017 | FRANCE | N°17/10874

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 10 novembre 2017, 17/10874


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 10 NOVEMBRE 2017



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/10874



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Mai 2017 -Juge de la mise en état de Paris - RG n° 14/12426





APPELANT



Monsieur [R] [J]

Né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[L

ocalité 2]



Représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Ayant pour avocat plaidant Maître Laure PACLOT, avocat au barreau de PARIS...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/10874

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Mai 2017 -Juge de la mise en état de Paris - RG n° 14/12426

APPELANT

Monsieur [R] [J]

Né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Ayant pour avocat plaidant Maître Laure PACLOT, avocat au barreau de PARIS, toque: L0163

INTIMES

Maître [Y] [U] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la SA ALAIN COLAS TAHITI, la SNC BT GESTION, Monsieur [R] [J] et Madame [O] [K] [K] épouse [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Maître Pauline MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque: K0079

Substitué par Maître Jean-Paul PETRESCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0079

Monsieur [J] [M]

Né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Maître Jean-Pierre FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque: R0044

Substitué par Maître Timothé de HEAULME, avocat au barreau de PARIS, toque: R0044

Monsieur [Y] [U]

Né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Maître Jean-Pierre FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque: R0044

Substitué par Maître Timothé de HEAULME, avocat au barreau de PARIS, toque: R0044

SELARL AXIME prise en la personne de Maître [Y] [U] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la SA ALAIN COLAS TAHITI, la SNC BT GESTION, Monsieur [R] [J] et Madame [O] [K] [K] épouse [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Maître Pauline MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque: K0079

Substitué par Maître Jean-Paul PETRESCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0079

SA AXA BANQUE

RCS CRETEIL 542 016 993

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Thierry SERRA de l'AARPI SERRA ABOUZEIDD ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280

Ayant pour avocat plaidant Maître Henri ELALOUF, avocat au barreau de PARIS, toque: C1102

SELAFA MJA prise en la personne de Maitre [J] [M] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la SA ALAIN COLAS TAHITI, la SNC BT GESTION, M. [R] [J] et Mme [O] [K] [K] épouse [J]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Maître Pauline MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque: K0079

Substitué par Maître Jean-Paul PETRESCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0079

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

M. Marc BAILLY, Conseiller

Madame Christine SOUDRY, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Josélita COQUIN

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

ARRET :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise CHANDELON, présidente et par Madame Josélita COQUIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte sous seing privé du 23 novembre 2012, la société Axa banque a consenti à M. [R] [J] un prêt d'une durée de trois ans portant sur un capital de 18 900 000 euros, garanti par la délégation de créances résultant de deux contrats d'assurance sur la vie, souscrits l'un auprès de la société AG2R La mondiale, et l'autre auprès de la société Axa France vie.

Invoquant la défaillance de l'emprunteur, la banque l'a fait assigner, par acte d'huissier du 28 juillet 2014, devant le tribunal de grande instance de Paris en recouvrement des sommes restant dues.

Par exploits du 2 juin 2016, la société Axa banque a assigné en intervention forcée:

la Selafa Mja, prise en la personne de Maître [J] [M] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Alain Colas Tahiti, de la société en nom collectif BT gestion, de M. [R] [J] et de Mme [O] [K] [K] épouse [J], M. [Y] [U] et la Selarl Emj, prise en la personne de Maître [Y] [U], ès qualités de mandataire judiciaire de la liquidation des mêmes sociétés et personnes,

en vue de les voir condamner à lui verser les sommes dues par M. [J] en exécution du prêt à titre de dommages et intérêts.

Elle leur reprochait leur faute au sens de l'article 1382 du code civil, d'une part, pour avoir versé à M. [J], alors qu'il faisait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, la somme de 45 millions d'euros correspondant aux dommages et intérêts qui lui avaient été attribués en réparation de son préjudice moral en exécution de sentences arbitrales en date des 7 juillet 2008 et 27 novembre 2008 et d'autre part, pour avoir négligé de procéder à l'apurement du passif des sociétés Alain Colas Tahiti, de la société en nom collectif BT gestion, de M. [R] [J] et de Mme [O] [K] [K] épouse [J] alors que la société GBT disposait d'un boni de liquidation de 233 millions d'euros.

Par ordonnance du 4 octobre 2016, ces deux procédures ont été jointes sous le numéro 14/12426.

Par exploits du 1er février 2017, la société Axa banque a fait citer devant ce tribunal M. [Y] [U] et M. [J] [M], désigné sur la page de garde comme étant M. [J] [M], en vue de les voir condamner à lui verser les sommes dues par M. [J] en exécution du prêt à titre de dommages et intérêts. Elle invoquait les mêmes moyens que ceux développés à l'encontre des mandataires liquidateurs ès qualités. Cette affaire était enregistrée sous le numéro 17/02378.

Par ordonnance du 16 mai 2017, le juge de la mise en état a joint cette procédure à celle enregistrée sous le numéro 14/12426.

Par ordonnance du même jour, le juge de la mise en état a:

- rejeté l'exception d'incompétence matérielle soulevée par M. [J], la Selafa Mja, la Selarl Emj et M. [Y] [U] agissant ès qualités ;

- dit que le tribunal de grande instance de Paris était compétent pour connaître de l'ensemble des demandes formées par la société anonyme Axa banque ;

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état ;

- rappelé qu'était mise dans les débats la possible fin de non recevoir tirée du défaut de droit à agir de M. [J] en application de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L.641-9 du code de commerce, et de l'article 31 du code de procédure civile, au regard de sa situation de débiteur en liquidation judiciaire ;

- invité M. [J] à conclure sur le fond y compris sur cette fin de non recevoir ;

- dit irrecevable devant le juge de la mise en état la demande de M. [U], ès qualités, d'être mis hors de cause ;

- rejeté les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- réservé les dépens.

Par déclaration du 31 mai 2017, M. [J] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par déclaration du 31 mai 2017, la Selafa Mja, la Selarl Emj et M. [U] agissant ès qualités ont interjeté appel de cette ordonnance.

Par ordonnance du 6 juin 2017, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction de ces instances.

Par conclusions du 30 août 2017, Monsieur [J] demande à la cour de:

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 16 mai 2017 en toutes ses dispositions,

- déclarer le tribunal de commerce de Paris compétent pour juger des demandes formées contre lui par la société Axa Banque,

- condamner la société Axa Banque à lui régler une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

A l'appui de ses prétentions, il invoque l'article R. 662-3 du code de commerce selon lequel le tribunal de commerce est compétent pour connaître de tout ce qui concerne la procédure collective ouverte et notamment de toutes les actions sur lesquelles la procédure collective exerce une influence ou une incidence juridique. Il soutient à cet égard qu'en raison de la procédure de liquidation judiciaire dont il fait l'objet, seul le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître de toute action concernant cette procédure et notamment de l'action en recouvrement diligentée par la société Axa Banque relativement à un prêt conclu postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire. En effet, il affirme que la procédure de liquidation judiciaire a une incidence sur l'existence et la nature de la créance alléguée par la banque et conditionne la possibilité même de son recouvrement forcé.

Aux termes de leurs conclusions du 21 août 2017, la Selafa Mja, la Selarl Axyme nommée aux lieu et place de la Selarl Emj et M. [Y] [U], ès qualités de mandataires judiciaires à la liquidation de la société Alain Colas Tahiti, de la société en nom collectif BT gestion, de M. [J] et de Mme [J], revendiquent :

- l'infirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 16 mai 2017 en toutes ses dispositions,

- la compétence du tribunal de commerce de Paris pour juger des demandes contre les mandataires judiciaires ès qualités;

- la condamnation de la société Axa Banque à verser à la Selafa Mja, la Selarl Axyme et M.[Y] [U] une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens.

Ils invoquent l'article R. 662-3 du code de commerce selon lequel le tribunal de commerce est compétent pour connaître de tout ce qui concerne la procédure collective ouverte et notamment de toutes les actions sur lesquelles la procédure collective exerce une influence ou une incidence juridique. Ils prétendent que seul le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître de toute action concernant la procédure de liquidation judiciaire dont fait l'objet M. [J] et notamment de l'action en recouvrement diligentée par la société Axa Banque concernant un prêt postérieur à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. En effet, ils affirment que la procédure de liquidation a une incidence sur la capacité de M. [J] à conclure le prêt litigieux ainsi que sur l'existence et la nature de la créance alléguée par la banque et son exécution. En revanche, ils reconnaissent la compétence du tribunal de grande instance de Paris pour connaître de l'action en responsabilité diligentée par la banque à l'encontre des mandataires judiciaires à titre personnel et non ès qualités.

Dans des écritures du 29 septembre 2017, M. [M] et M. [U] demandent à la cour de :

- dire n'y avoir lieu à jonction entre l'instance engagée par la société Axa Banque à l'encontre de M. [J] et de ses liquidateurs,

- statuer ce que de droit sur l'exception d'incompétence soulevée par Selafa Mja, la Selarl Axyme et M. [U] ès qualités,

- condamner la société Axa Banque aux dépens.

Ils soutiennent que rien ne justifie de joindre l'instance principale engagée contre M. [J] représenté par ses liquidateurs et l'action en responsabilité engagée contre les mandataires judiciaires.

Selon des écritures du 19 septembre 2017, la société Axa Banque conclut :

- à la confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

- au rejet de toutes les demandes des appelants,

- à la condamnation de la Selafa Mja, la Selarl Axyme et M. [U] à lui régler une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'article R.662-3 du code de commerce prévoit une compétence exclusive du tribunal de grande instance pour connaître de l'action en responsabilité exercée à l'encontre des mandataires judicaires. Or, elle soutient en substance que la faute personnelle commise par les mandataires judiciaires en cause l'a induite en erreur et a permis la conclusion du contrat de prêt litigieux dont elle demande l'exécution. Elle prétend que la procédure de liquidation judiciaire dont fait l'objet M. [J] reste sans incidence sur l'action en responsabilité engagée à l'encontre des mandataires judiciaires. Elle affirme également que l'action en paiement engagée contre M. [J] sort du champ de compétence du tribunal de la faillite en raison des circonstance propres à la créance en cause postérieure au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire dont fait l'objet M. [J] sans lien avec l'activité de cette société. Elle rappelle que la procédure de liquidation judiciaire de M. [J] n'a été prononcée qu'en sa qualité d'associé indéfiniment et solidairement responsable du passif social de la SNC BT Gestion.

MOTIFS

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats et des écritures des parties que :

- par plusieurs jugements en date du 30 novembre 1994, rendus sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 telle que modifiée par la loi du 10 juin 1994, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SNC Financière et immobilière [R] [J], de la SNC Alain Colas Tahiti, de la SNC Groupe [R] [J], de la SNC BT gestion et de la SNC [R] [J] Finance.

- par jugements du 14 décembre 1994, la même juridiction a prononcé la liquidation judiciaire de la SNC BT gestion, de M. et Mme [J] en qualité de commerçants, de la SNC Financière et immobilière [R] [J] et de M. [J] en qualité d'associés de la SNC BT Gestion ;

- par jugement du 11 janvier 1995, la liquidation judiciaire a été étendue à la SNC Alain Colas Tahiti ;

- par jugement du 23 janvier 1995, la même juridiction a prononcé la liquidation judiciaire de M. et Mme [J] en tant qu'associés indéfiniment et solidairement responsables de la SNC Financière et immobilière [R] [J] ;

- par arrêts du 31 mars 1995, la cour d'appel de Paris a confirmé les jugements du 14 décembre 1994, du 11 janvier 1995 et du 23 janvier 1995 à l'exception du jugement du 14 décembre 1994 ayant prononcé la liquidation judiciaire de M. et Mme [J] à raison de leur qualité de commerçants et du jugement du 30 novembre 1994 ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SNC Groupe [R] [J] ; ce même arrêt prononçant la liquidation judiciaire de cette société ;

- par jugement du 31 mai 1995, le tribunal de commerce de Paris a ordonné la poursuite des opérations de liquidation judiciaire des sociétés du groupe [J] et des époux [J] sous patrimoine commun ;

- en vertu de sentences arbitrales en date des 7 juillet 2008 et 27 novembre 2008, les mandataires liquidateurs des sociétés du groupe [J] ont reçu plusieurs millions d'euros et M. [J] a reçu 45 millions d'euros de dommages et intérêts ;

- ensuite de ces décisions, le tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 6 mai 2009 rectifié le 10 novembre 2010 et par jugement du 2 décembre 2009, rétracté les jugements relatifs aux procédures collectives ouvertes à l'égard des SNC Groupe [R] [J] et Financière et immobilière [R] [J] ;

- dans le cadre d'un litige fiscal, les époux [J] ont, pour s'opposer aux poursuites dont ils faisaient l'objet, fait assigner le directeur général des finances publiques devant le tribunal de commerce de Paris en vue de voir constater qu'ils étaient toujours dans les liens de la procédure collective ouverte à leur égard ; que par jugement du 24 janvier 2014, le tribunal de commerce de Paris a notamment rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le directeur général des finances publiques en vertu de la règle de l'attraction du tribunal de la procédure collective, estimant M. et Mme [J] toujours en liquidation judiciaire ; que par arrêt du 30 juin 2015, la cour d'appel de Paris a infirmé ce jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence s'agissant de la demande formée par Mme [J], statuant à nouveau, dit que Mme [J] n'était pas en liquidation judiciaire étant précisé que cette liquidation reposait sur sa seule qualité d'associée de la Financière et immobilière [R] [J] et confirmé le jugement pour le surplus considérant que M. [J] demeurait en liquidation judiciaire en qualité d'associé de la SNC BT Gestion ;

Considérant par ailleurs qu'en application de l'article 174 du décret n°85-1388 du 27 décembre 1985 applicable au litige (codifié ensuite à l'article R. 662-3 du code de commerce), le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire connaît de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaires, la faillite personnelle ou autres sanctions prévues par la loi du 25 janvier 1985, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du représentant des créanciers, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal de grande instance ;

Considérant qu'en l'espèce, le tribunal de grande instance de Paris a été saisi à la fois d'une action en paiement diligentée à l'encontre de M. [J] et d'une action en responsabilité diligentée d'une part à l'encontre de la Selafa Mja, prise en la personne de Maître [J] [M] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Alain Colas Tahiti, de la société en nom collectif BT gestion, de M. [R] [J] et de Mme [O] [K] [K] épouse [J], de M. [Y] [U] et de la Selarl Emj, prise en la personne de Maître [Y] [U], ès qualités de mandataire judiciaire de la liquidation des mêmes sociétés et personnes et d'autre part, à l'encontre de M. [Y] [U] et M. [J] [M] à titre personnel ;

Que si la compétence du tribunal de grande instance de Paris pour connaître de l'action en responsabilité diligentée à l'encontre des mandataires judiciaires in personam n'est pas contestée, sa compétence pour connaître de l'action en paiement diligentée à l'encontre de M. [J] d'une part, et pour connaître de l'action en responsabilité à l'encontre des mandataires judiciaires ès qualités d'autre part, est contestée ;

Considérant que l'article 174 du décret n°85-1388 du 27 décembre 1985 précité édicte une prorogation de compétence d'attribution au profit du tribunal de la procédure collective pour certaines catégories d'actions en justice; qu'ainsi relèvent de la compétence du tribunal de la procédure collective, les actions nées de la procédure collective ou sur lesquelles la situation de procédure collective exerce une influence juridique ;

Considérant tout d'abord qu'il n'est pas discuté que M. [J] fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire qui perdure encore à ce jour ; que cette situation résulte en effet des jugements précités du tribunal de commerce de Paris, soit le jugement en date du 14 décembre 1994 ayant ouvert la procédure de liquidation judiciaire de M. [J] en qualité d'associé de la SNC BT Gestion, le jugement en date du 23 janvier 1995 ayant prononcé la liquidation judiciaire de M. [J] en tant qu'associé de la SNC Financière et immobilière [R] [J] et le jugement en date du 31 mai 1995 ayant ordonné la poursuite des opérations de liquidation judiciaire des sociétés du groupe [J] et des époux [J] sous patrimoine commun ;

Considérant ensuite que si l'action en paiement à l'encontre de M. [J] n'est pas née de la procédure collective s'agissant d'un prêt personnel contracté par M. [J], force est de constater que la procédure de liquidation judiciaire dont fait l'objet M. [J] exerce une influence juridique sur sa recevabilité et son bien-fondé ; qu'en effet, le prêt litigieux a été contracté à une période où il n'est pas discuté que M. [J] faisait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ; que ce litige, qui aurait pu naître si M. [J] avait été in bonis, se présente néanmoins d'une manière particulière du fait de la procédure de liquidation judiciaire dont il fait l'objet ; qu'en effet, la possibilité d'agir à l'encontre de M. [J] est soumise aux règles spécifiques de la procédure collective ; que l'existence de cette procédure est susceptible d'avoir des conséquences sur la capacité de M. [J] à contracter ce prêt qui engageait un patrimoine dont il était censé être dessaisi ; qu'il sera relevé que la société Axa Banque est tout à fait consciente de l'influence de la procédure de liquidation judiciaire dont fait l'objet M. [J] sur son action en paiement puisque cela constitue la raison même de la procédure en responsabilité engagée à l'encontre des mandataires judiciaires ; qu'elle explique en effet dans son assignation que c'est la procédure de liquidation judiciaire qui l'empêche d'agir utilement contre M. [J] ;

Considérant qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence matérielle du tribunal de grande instance de Paris au profit du tribunal de commerce de Paris concernant l'action en paiement de la société Axa Banque à l'encontre de M. [J] soulevée par ce dernier ;

Considérant en revanche qu'en ce qui concerne l'action diligentée par la société Axa Banque à l'encontre des mandataires judiciaires ès qualités, il échet de constater qu'il s'agit non pas d'une mise en cause en leur qualité de représentants de M. [J] dans le cadre de l'action en paiement dirigée contre ce dernier mais d'une demande tendant à voir engager leur responsabilité ; qu'aux termes de l'article 174 du décret n°85-1388 du 27 décembre 1985, les actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du représentant des créanciers, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur sont de la compétence du tribunal de grande instance ; que bien que cette action soit mal dirigée puisqu'elle vise le mandataire ès qualités et non à titre personnel, l'objet de l'action tend bien à voir engager la responsabilité du mandataire, action qui relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ;

Considérant qu'ainsi il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Selafa Mja, la Selarl Axyme nommée aux lieu et place de la Selarl Emj et M.[Y] [U], ès qualités de mandataires judiciaires à la liquidation de la société Alain Colas Tahiti, de la société en nom collectif BT gestion, de M. [J] et de Mme [J] ;

Considérant que les appelants sollicitent l'infirmation des autres dispositions de l'ordonnance entreprise sans articuler aucun moyen à l'appui; que dans ces conditions, leurs demandes de ces chefs seront rejetées ;

Considérant que la société Axa Banque succombe partiellement à l'instance d'appel; qu'elle en supportera les entiers dépens; qu'elle sera condamnée à régler une somme de 1000 euros à M. [J] en application de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il n'apparaît pas équitable de condamner la société Axa Banque à régler sur le même fondement une indemnité à la Selafa Mja, la Selarl Axyme nommée aux lieu et place de la Selarl Emj et M.[Y] [U], ès qualités de mandataires judiciaires à la liquidation de la société Alain Colas Tahiti, de la société en nom collectif BT gestion, de M. [J] et de Mme [J] ; que la demande de ce chef sera rejetée ; que la société Axa Banque sera également déboutée de sa demande sur ce point ;

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris en date du 16 mai 2017 en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [J] ;

Statuant à nouveau sur ce point, déclare le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître de l'action en paiement de la société Axa Banque à l'encontre de M. [J];

Renvoie en conséquence l'action en paiement de la société Axa Banque à l'encontre de M. [J] devant le tribunal de commerce de Paris ;

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Selafa Mja, la Selarl Axyme nommée aux lieu et place de la Selarl Emj et M.[Y] [U], ès qualités de mandataires judiciaires à la liquidation de la société Alain Colas Tahiti, de la société en nom collectif BT gestion, de M. [J] et de Mme [J], au profit du tribunal de commerce de Paris ;

Condamne la société Axa Banque à régler une somme de 1 000 euros à M. [J] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Axa Banque ainsi que la Selafa Mja, la Selarl Axyme nommée aux lieu et place de la Selarl Emj et M.[Y] [U], ès qualités de mandataires judiciaires à la liquidation de la société Alain Colas Tahiti, de la société en nom collectif BT gestion, de M. [J] et de Mme [J], de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Axa Banque aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/10874
Date de la décision : 10/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°17/10874 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-10;17.10874 ?
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