Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2017
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 02148
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2014- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 13/ 04176
APPELANT
Monsieur Gilbert X...
né le 19 Septembre 1948 à N'KONGSAMBA (CAMEROUN)
demeurant ...
Représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN-DE MARIA-GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assisté sur l'audience par Me Hélène LEFEVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0010
INTIMÉS
Madame AGNES CHANTALE X...-Y...épouse Z...Y...
née le 04 Novembre 1962 à CAMEROUN
demeurant ...
Représentée et assistée sur l'audience par Me Marie-thérèse BIAOU de la SELASU MIKEB SAAD KUTEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C2605, substitué sur l'audience par Me Alexandre N'DRIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Madame GISELE X...-A...épouse B...
née le 14 Octobre 1965 à CAMEROUN
demeurant ...
Représentée et assistée sur l'audience par Me Marie-thérèse BIAOU de la SELASU MIKEB SAAD KUTEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C2605, substitué sur l'audience par Me Alexandre N'DRIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Madame CLAUDINE X...épouse C...
née le 08 Septembre 1978 à CAMEROUN
demeurant ...
Représentée et assistée sur l'audience par Me Marie-thérèse BIAOU de la SELASU MIKEB SAAD KUTEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C2605, substitué sur l'audience par Me Alexandre N'DRIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Madame BRIGITTE HENRIETTE X...-D...épouse E...
née le 15 Décembre 1968 au CAMEROUN
demeurant ...
Représentée et assistée sur l'audience par Me Marie-thérèse BIAOU de la SELASU MIKEB SAAD KUTEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C2605, substitué sur l'audience par Me Alexandre N'DRIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Madame BLANDINE FLEUR X...
née le 14 Septembre 1973
demeurant ...
Représentée et assistée sur l'audience par Me Marie-thérèse BIAOU de la SELASU MIKEB SAAD KUTEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C2605, substitué sur l'audience par Me Alexandre N'DRIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Monsieur Jacques Philibert X...
demeurant ...
non représenté
Assigné le 9 avril 2015 par acte remis au parquet général du Sud-Ouest de l'état du Cameroun
Madame COLETTE X...F...
née le 25 Mai 1960 au CAMEROUN
demeurant ...
Représentée et assistée sur l'audience par Me Marie-thérèse BIAOU de la SELASU MIKEB SAAD KUTEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C2605, substitué sur l'audience par Me Alexandre N'DRIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, et Mme Christine BARBEROT, Conseillère, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
Mme Béatrice CHARLIER-BONATTI, Conseillère,
Mme Christine BARBEROT a été entendu en son rapport
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : DÉFAUT
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Suivant acte authentique reçu le 19 avril 1973 par M. Pierre G..., notaire, la SCI du ...a vendu à M. Gilbert H..., devenu Gilbert X...après changement de nom selon le droit du Cameroun dont l'intéressé est ressortissant, les lots no 122, 139 et 179 de l'état de division d'un immeuble en copropriété sis ...et ..., 20e arrondissement, soit, respectivement, un appartement, une cave et un emplacement de voiture, au prix de 197 300 francs, payé à hauteur de 100 000 francs à l'aide d'un prêt dont le père de l'acquéreur, Thimothée X..., s'était porté caution, et le solde, soit 97 300 € à l'aide des deniers personnels de l'acquéreur. Thimothée X...est décédé le 12 novembre 2000. Au début de l'année 2012, M. Gilbert X...a entrepris de vendre le bien, mais une partie des héritiers de Thimothée X...s'y est opposée, estimant que ce bien faisait partie de la succession pour avoir été acquis par le défunt. M. Gilbert X...a, alors, assigné en février 2013 ses frère et soeurs, co-héritiers, en revendication de la propriété du bien.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 22 octobre 2014, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- constaté que M. Jacques X...ne faisait plus l'objet d'aucune demande,
- dit que M. Gilbert X...échouait à rapporter la preuve d'une possession conforme à son titre de propriété,
- débouté M. Gilbert X...de ses demandes,
- dit que le bien avait été acquis par Thimothée X...et qu'il dépendait de sa succession,
- débouté M. Gilbert X...de sa demande aux fins d'usucapion,
- débouté les défendeurs de leurs demandes de dommages-intérêts,
- condamné M. Gilbert X...aux dépens et à verser la somme de 4 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile à Mmes Agnès, Claudine, Gisèle, Brigitte, Blandine, Colette X..., prises ensemble,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par dernières conclusions du 8 mars 2017, M. Gilbert X..., appelant, demande à la Cour de :
- vu les articles 1315, 1988, 1341 dans sa version en vigueur au 19 avril 1973, 544, 1134, 1583, 2272 du Code civil, 8 du décret no 71-941 du 26 novembre 1971 dans sa version en vigueur au 19 avril 1973, 32-1 du Code de procédure civile,
- à titre principal :
- dire qu'il est le seul propriétaire du bien,
- dire que Thimothée X..., puis ses héritiers, ne se sont jamais comportés comme les propriétaires de l'appartement,
- à titre subsidiaire : dire qu'il a acquis la propriété par usucapion,
- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- débouter Mmes Agnès, Claudine, Gisèle, Brigitte, Blandine, Colette X...de leur revendication de la propriété de l'appartement,
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile, et celle de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 15 juin 2016, Mmes Agnès, Claudine, Gisèle, Brigitte, Blandine et Colette X...prient la Cour de :
- vu les articles 778, 1134, 1382, 2255 à 2279 du Code civil,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter M. Gilbert X...de l'intégralité de ses demandes,
- dire que ce bien doit être inscrit à l'actif de la succession de Thimothée X...,
- dire que M. Gilbert X...sera privé de sa part sur le bien immobilier de la rue Planchat,
- condamner M. Gilbert X...à leur payer à chacune la somme de 2 000 € de dommages-intérêts,
- condamner M. Gilbert X...à leur payer la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
M. Jacques X..., assigné par acte remis au parquet général du Sud-Ouest de l'état du Cameroun, n'a pas constitué avocat.
SUR CE
LA COUR
Les moyens développés par M. Gilbert X...au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
A ces justes motifs, il sera ajouté que, si M. Gilbert X...dispose d'un titre sur le bien litigieux, cependant, la propriété d'un bien se prouvant par tous moyens, ses soeurs, Mesdames X..., qui ne sont pas parties à l'acte authentique du 19 avril 1973, sont en droit de rapporter la preuve par tous moyens de la propriété de Thimothé X...sur ce bien.
Par acte sous seing privé du 28 décembre 2012, Monique I..., veuve de Thimothé X...et mère des parties au présent litige, âgée de 80 ans, a relaté que l'appartement " avait été acheté sur financement exclusif de mon mari et moi, dans le but de donner un abri à tous nos enfants et petits enfants qui pour la plupart étaient appelés à se rendre en France pour poursuivre leurs études ", précisant que l'appartement faisait partie de la succession de son époux qui l'avait non seulement acheté, mais " payait également toutes les charges immobilières sur l'immeuble où lui et moi séjournions régulièrement pendant nos congés ou nos voyages d'affaires ", et soulignant que son fils, Gilbert " âgé alors seulement de 25 ans à cette époque était encore étudiant et ne vivait que grâce à l'argent que nous ses parents nous lui donnions et ne pouvait donc s'offrir un appartement de luxe en plein Paris ".
Si cet écrit, revêtu de la signature de l'intéressée, ne remplit pas les conditions de l'article 202 du Code de procédure civile relatives aux attestations, cependant, d'une part, ces conditions ne sont pas prescrites à peine de nullité, d'autre part, émanant de la mère des parties au présent litige, dont l'appelant n'établit ni qu'elle aurait été dans un état comateux dans les jours précédant son décès le 3 janvier 2013 ni qu'elle avait perdu la parole le 28 décembre 2012 ni que son illettrisme l'aurait rendue incapable d'exprimer sa volonté, ce témoignage est digne de foi dès lors qu'il reflète l'intention des parents de M. Gilbert X...à l'époque de l'achat de l'appartement.
Or, ce témoignage est corroboré par la mention dans l'acte du 19 avril 1973 que l'acquéreur, né le 19 septembre 1948, est étudiant, ce qui fait présumer qu'il n'a pas de ressources personnelles et qu'il n'est pas en mesure d'acquérir un immeuble d'une valeur de 197 300 francs en payant avec ses deniers personnels la somme de 97 300 francs, ainsi qu'il est indiqué dans l'acte, et en remboursant les mensualités du prêt dont son père n'aurait été formellement que la caution. D'ailleurs, M. Gilbert X...ne prouve pas la réalité du paiement du prix tandis que ses soeurs établissent par une liste de chèques et prélèvements au profit du prêteur, Cogefimo, sur le compte ouvert par leur père auprès du Crédit lyonnais, le remboursement par le défunt de la somme empruntée et des intérêts à hauteur de 123 031, 52 francs.
La destination familiale de l'appartement parisien affirmée par la mère des parties est également confirmée par M. Gilbert X...lui-même qui indique dans ses conclusions (p. 16) qu'après son départ de Paris qu'il situe, sans le prouver, en 1985-1986 alors que les intimées situent le retour définitif de leur frère au Cameroun en 1976 après l'obtention de sa maîtrise, il " a laissé sa soeur, Agnès X..., occuper l'appartement avec différents membres de la famille X...de passage en France pour des études universitaires, formation, vacances, suivi médical, etc ". A cet égard, la lettre que Mme Agnès X...a écrite à son frère, Gilbert, le 14 juillet 2005, dans le cadre d'un projet de bail qui n'a pas abouti, montre que, bien que ce dernier ait été désigné administrateur de la succession de son père, leur mère continuait à se préoccuper de l'usage familial de l'appartement parisien : " Je constate que maman est au courant de ma proposition de location. Je te prie de bien vouloir lui expliquer que les circonstances de la vie en France ne sont pas les mêmes qu'au pays. Dis lui que pour le bon suivi scolaire de ses petits enfants, J...et K..., j'ai besoin de résider à cette adresse qui correspond au secteur scolaire de leurs écoles actuelles. Dans deux ans ils seront tous les deux à Hélène Boucher et je partirai de l'appartement, car je n'aura plus à fournir de justificatifs de domicile. Explique lui bien puisqu'elle t'écoute afin qu'elle arrête de se rendre malade avec des sujets qu'elle ne maîtrise pas ".
Antérieurement au décès de Thimothé X...survenu le 12 novembre 2000, les charges de copropriété de l'appartement litigieux n'ont pas été payées par M. Gilbert X..., les appels étant au nom de Thimothée X...et les paiements effectués sur le même compte bancaire que celui sur lequel les remboursements du prêt étaient opérés.
Postérieurement à ce décès, M. Gilbert X...a été nommé en qualité d'administrateur provisoire de la succession le 25 juillet 2001. Ayant en cette qualité procédé à la déclaration de succession, il ne peut utilement soutenir que l'appartement litigieux ne ferait pas partie de son actif au seul motif que ce bien ne figure pas dans cette déclaration.
Au regard du témoignage circonstancié de Monique X..., l'attestation de M. Jacques X..., rédigée en termes généraux, n'établit pas la propriété de M. Gilbert X...sur le bien.
Ainsi, tous les éléments précités confirment que, comme en a témoigné Monique X...peu de temps avant son décès, l'appartement a été acquis par Thimothée X...pour assurer l'hébergement de ses enfants pendant leurs études à Paris, le " certificat de vente " du 5 juillet 1982 qui " matérialise " " l'acquisition " de l'appartement du fils par le père, manifestant la volonté de M. Gilbert X...de conférer un titre à son père.
S'agissant de la possession à titre de propriétaire invoquée par l'appelant, ce dernier n'établit pas avoir fait des actes positifs de possession antérieurement au décès de son père. Les jugements du Tribunal d'instance du 20e arrondissement de Paris des 12 juin 2012, 25 avril 2006 et 18 décembre 2001 condamnant M. Gilbert X...au paiement des charges ne sont pas constitutifs d'actes de possession. Les avis d'imposition au titre des taxes foncières des années 2003, 2008, 2009 à 2013 ne prouvent pas le paiement de cet impôt par l'appelant. L'offre de location de l'appartement non suivie d'effet, faite par Mme Agnès X...à son frère le 14 juillet 2005, ne vaut pas reconnaissance de la qualité de propriétaire de ce dernier lequel était administrateur de la succession de son père depuis juillet 2001.
C'est donc à bon droit que le tribunal a dit que M. Gilbert X...ne prouvait pas l'existence d'une possession conforme à son titre. Par suite, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
L'abus de procédure n'étant pas établi, la demande de dommages-intérêts des intimées sera rejetée.
Il n'appartient pas à la Cour, qui n'est pas saisie de la liquidation et du partage de la succession de Thimothée X...laquelle est ouverte au Cameroun, de statuer sur la demande de Mesdames X...tendant à ce que M. Gilbert X...soit privé de la part lui revenant dans l'immeuble litigieux,
La solution donnée au litige emporte le rejet de la demande, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, de M. Gilbert X....
L'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de Mmes X..., sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Ordonne la publication du présent arrêt par la partie la plus diligente au service de la publicité foncière compétent aux frais de M. Gilbert X...;
Déboute Mmes Agnès, Claudine, Gisèle, Brigitte, Blandine et Colette X...de leurs demandes de dommages-intérêts ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne M. Gilbert X...aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Condamne M. Gilbert X...à payer à Mmes Agnès, Claudine, Gisèle, Brigitte, Blandine et Colette X...la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Le Greffier, La Présidente,