Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04305
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2012062498
APPELANTE
SARL ADT - AUX DEMENAGEMENTS THUDEL
Ayant son siège social : [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 324 537 661 (PARIS)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
Ayant pour avocat plaidant : Me Caroline GARNERO de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau de PARIS, toque : P 146
INTIMÉE
SA DPS - SOCIETE DE PRESTATIONS DE SERVICES
Ayant son siège social : [Adresse 2]
[Localité 1]
N° SIRET : 309 844 330 (PARIS)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Cécile MEURISSE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0784
Ayant pour avocat plaidant : Me Charlotte COUTANCIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2468
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Irène LUC, Présidente de chambre
Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, rédacteur
Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,
Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Pendant plusieurs années, la société ADT - Aux Déménagements Thudel (ci-après la société ADT) qui exerce une activité de déménagement, a régulièrement sollicité de la société DPS - Société de Prestations de Services (ci après la société DPS), agence d'intérim, la mise à disposition d'ouvriers déménageurs pour ses différents chantiers.
Selon la société DPS, la société ADT aurait cessé de lui régler certaines factures à compter de décembre 2011.
Le 7 mars 2012, la société DPS a fait délivrer à la société ADT, une mise en demeure d'avoir à régler sous huitaine la somme de 21.016,42 euros correspondant à des factures impayées. En réponse, le 26 mars 2012, la société ADT a sollicité les feuilles de missions correspondantes. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mai 2012, la société DPS a réclamé à la société ADT les relevés d'heures de Monsieur [J] que ce dernier ne lui aurait pas remis.
Le 20 juillet 2012, la société DPS a saisi le tribunal de commerce de Paris d'une requête en injonction de payer à l'encontre de la société ADT sur la base de la mise en demeure délivrée le 7 mars 2012.
Le 21 août 2012, le tribunal de commerce de Paris a rendu une ordonnance enjoignant à la société ADT de procéder au règlement de la somme de 21.016,42 euros au bénéfice de la société DPS avec intérêts au taux légal.
Le 27 août 2012, la société DPS a fait signifier cette ordonnance à la société ADT.
Le 13 septembre 2012, la société ADT a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, estimant que les factures litigieuses avaient été reçues sans que la société DPS n'ait fourni de convention ou de relevé d'heures effectuées par le personnel mis à disposition.
A la suite de cette opposition, la société DPS a saisi le tribunal de commerce de Paris au fond.
Par jugement du 28 janvier 2015, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit la société ADT-Aux déménagements Thudel recevable et mal fondée en son opposition,
- condamné la société ADT-Aux déménagements Thudel à payer la somme de 21.016,42 euros à la société DPS-Société de prestations de services, majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2012,
- condamné la société ADT-Aux déménagements Thudel à payer à la société DPS- Société de prestations de services la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la société ADT-Aux déménagements Thudel à supporter les dépens.
La société ADT a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 28 janvier 2015.
LA COUR
Vu les dernières conclusions signifiées le 28 juillet 2015 par lesquelles la société ADT, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1315 du code civil et L.1251-42 du code du travail, de :
- recevoir la société ADT-Aux déménagements Thudel en son appel et l'y déclarant bien fondée,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce du 28 janvier 2015,
et statuant à nouveau,
- débouter la société DPS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société DPS à payer la somme de 5.000 euros à la société ADT-Aux déménagements Thudel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 7 juillet 2015 par lesquelles la société DPS, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 28 janvier 2015 en ce qu'il a condamné la société ADT-Aux déménagements Thudel à régler à la société DPS Interim les factures impayées ainsi que la somme de 3. 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
statuant à nouveau,
- à titre principal, condamner la société ADT-Aux Déménagements Thudel, au paiement de la somme en principal de 28.641,51 euros au profit de la société DPS Interim,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu le 28 janvier 2015 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné la société ADT-Aux déménagements Thudel à la somme de 21.016,42 euros au profit de la société DPS Interim,
- à titre principal, condamner la société ADT-Aux déménagements Thudel au paiement de la somme de 4.890,05 euros au titre des intérêts contractuels,
- à titre subsidiaire, condamner la société ADT-Aux déménagements Thudel aux intérêts légaux à compter de la mise en demeure, le 7 mars 2012,
en tout état de cause,
- condamner la société ADT-Aux déménagements Thudel au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
- condamner la société ADT-Aux déménagements Thudel au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,
- condamner la société ADT-Aux déménagements Thudel aux entiers dépens, y compris les frais d'injonction de payer, de signification d'injonction de payer, d'appel, de consignation et de signification et d'exécution de la décision à intervenir ;
SUR CE
Sur la demande en paiement de factures
Il ressort de l'instruction du dossier que :
- la société ADT remplissait un bon de commande de personnel comportant la date et l'adresse de l'exécution de la prestation, le nom de l'intérimaire sollicité ainsi que le nombre d'heures,
- chaque commande de personnel donnait lieu à l'établissement d'une convention de mise à disposition par la souscription d'une feuille de mission que la société DPS soumettait à la signature de la société ADT,
- cette feuille de mission portant mention de la date du chantier, de son lieu d'exécution, du nom de l'intérimaire et des heures effectuées au service du client, était retournée par l'intérimaire à la société DPS qui déterminait son salaire et émettait une facture destinée à la société ADT,
- s'agissant de Monsieur [J], il résulte de la lettre du 22 janvier 2011 (et non 2012 comme indiqué par erreur par les premiers juges) (pièce n°180 intimée) adressée par la société ADT à la société DPS que la première l'utilisait régulièrement à l'année, et ce, pour le temps non contesté d'une journée, soit pour 7 heures de prestations quotidiennes,
- les 38 factures dont le paiement est sollicité concernent majoritairement Monsieur [R] [J] et de façon ponctuelle, d'autres intérimaires (Monsieur [O] [Y], Monsieur [T] [Y], Monsieur [R], Monsieur [Y] [W]...).
Pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 21.016,42 euros au titre de factures impayées émises entre le 6 août 2011 et le 14 janvier 2012, la société ADT prétend en premier lieu que les contrats de mise à disposition invoqués par la société DPS sont nuls de sorte que l'entreprise de travail temporaire ne peut exiger d'elle le paiement des prestations de travail mais seulement le remboursement des salaires versés.
Mais, rappelant qu'en application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile qui dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, la cour constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande de nullité des contrats de mises à disposition conclus entre les sociétés DPS et ADT. Par suite, il n'y pas lieu d'examiner ce moyen invoqué pour faire échec à la demande en paiement.
La société ADT fait valoir, en second lieu, l'absence de preuve de la réalité des prestations facturées. Elle relève que les feuilles de mission concernant Monsieur [J] ne sont pas communiquées alors qu'elles le sont pour les autres salariés. Elle ajoute que pour ces derniers, si une convention de prestation de service a été versée aux débats, elle ne comporte pas les mentions obligatoires prévues par le code du travail notamment concernant le lieu de la mission, le montant de la rémunération ou encore le nom et l'adresse du garant. Elle fait observer que de nombreux bons de commande ne portent pas sa signature. Elle souligne que la société DPS n'est pas en mesure de justifier d'un accord sur le taux horaire facturé.
La société DPS rétorque qu'elle a systématiquement, et pour chacun des intérimaires mis à disposition, fourni un contrat de mission conforme aux prescriptions du code du travail. Elle affirme que, concernant le « cas particulier » de Monsieur [J], celui-ci était présent de façon continue auprès de la société ADT ou de l'une de ses sociétés s'ur, et qu'en conséquence, il ne remplissait pas de feuilles de mission mais était facturé sur la base de journées de 7 heures. Elle se prévaut des commandes de personnel émises par la société ADT, mentionnant systématiquement Monsieur [J] pour la journée, soit 7 heures de prestations quotidienne. Elle considère que même si effectivement certains bons de commande ne sont pas signés d'un représentant de la société ADT, les feuilles de mission correspondantes portent mention du nom et de la signature de la société ADT ou de son représentant. Elle ajoute que la société ADT ne saurait se prévaloir de sa propre carence pour tenter de faire échec à ses revendications légitimes.
***
Aux termes de l'article 1315 du code civil alors en vigueur, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. ».
En l'espèce, il appartient à la société DPS de rapporter la preuve que les prestations, dont elle demande le paiement, ont été commandées par la société ADT, exécutées par elle mais non payées.
Si au vu des dispositions de l'article L.110-3 du code de commerce, la preuve est libre en matière commerciale, il n'en demeure pas moins que la seule production de factures est insuffisante pour justifier de l'obligation de la partie à laquelle on les oppose.
Concernant les prestations de Monsieur [R] [J] dont le nom figure sur la très grande majorité des factures dont le paiement est sollicité, la société DPS reconnaît qu'elles n'ont fait l'objet ni d'une feuille de mission ni d'un relevé d'heures. Elle communique, outre des factures, divers bons de commandes. A l'instar des premiers juges, la cour constate que ces documents qui sont contestés, sont imprécis. Sur aucun, ne figure le tampon de la société ADT, certains ne comportent pas l'adresse d'exécution de la prestation et d'autres ne sont pas signés de la société ADT. Enfin, certains sont manquants, comme, à titre d'exemple, pour une prestation du 12 septembre 2011 facturée le 17 septembre 2011 (pièces intimée n°41 à 44). Il n'existe donc aucune certitude sur un certain nombre de commandes et surtout sur la réalité des prestations effectuées qui ont été facturées, faute de production de relevés d'heures. A cet égard, la société DPS se prévaut d'une pratique antérieure. Mais, c'est à tort que les premiers juges l'ont suivie dans cette argumentation en considérant que les factures étaient dues au seul motif que la société ADT s'était fournie pendant plusieurs années auprès de la société DPS, qu'elle avait payé ses factures jusqu'au mois de décembre 2011 et que régulièrement, elle faisait appel à Monsieur [J] pour une journée de 7 heures. En effet, la seule existence d'une pratique antérieure, qui n'est certes pas contestée, est insuffisante à établir la réalité tant de la commande que de la prestation fournie et par suite, de l'obligation à paiement. S'agissant des autres intérimaires, il a été relevé que des bons de commandes étaient imprécis. Les feuilles de mission le sont également en ce que la durée à facturer n'est jamais mentionnée. En outre, il manque des feuilles de mission correspondant à des factures. Ainsi, aucune feuille de mission et/ou aucun relevé d'heures ne sont produits pour la prestation de Monsieur [T] facturée le 3 septembre 2011 (pièces intimée n°35 à 38), et la facture de la prestation de Monsieur [O] [Y] le vendredi 19 août 2011 à hauteur de 8 heures n'est pas corroborée par la feuille de mission correspondante qui mentionne 5 heures (pièces intimée n°19 à 35).
En conséquence de l'ensemble de ces éléments, compte tenu de l'insuffisance probatoire manifeste des pièces qu'elle verse aux débats, la société DPS échoue à établir la réalité de la créance qu'elle allègue. Par suite, le jugement entrepris sera infirmé dans toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes
Compte tenu du sens de la présente décision, la demande en dommages et intérêts formée par la société DPS pour résistance abusive et injustifiée sera rejetée.
La société DPS qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En équité, la demande formée par la société ADT au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau,
DÉBOUTE la société DPS de l'intégralité de ses demandes ;
CONDAMNE la société DPS aux dépens de première instance et d'appel ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
Cécile PENG Irène LUC