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07/11/2017 | FRANCE | N°16/00311

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 07 novembre 2017, 16/00311


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 07 NOVEMBRE 2017



(n° 408 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00311



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/01407





APPELANT



Monsieur [Y] [U]

[Adresse 1]

[Localité 1]



né le [Date naiss

ance 1] 1947 à AOSTA Italie



Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090





INTIMEES



SA TAJAN

[Adresse 2]

[Localité 2]

...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 07 NOVEMBRE 2017

(n° 408 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00311

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/01407

APPELANT

Monsieur [Y] [U]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1947 à AOSTA Italie

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090

INTIMEES

SA TAJAN

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Christophe [R], avocat au barreau de PARIS, toque : D1535

Fondation VAN GOGH MUSEUM

PAULUS POTTERSTRAAT 7 -NL-

[Localité 3]M PAYS BAS

N° SIRET : 412 13 9 8 7

Représentée par Me [G] MATTHEY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1482

Ayant pour avocat plaidant Mme [B] [Z]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre, chargé du rapport

Mme Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Nadyra MOUNIEN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Nadyra MOUNIEN, greffier présent lors du prononcé.

*****

M.[Y] [U], de nationalité italienne, indiquant avoir acquis, en 1990, un ensemble de six dessins sur une brocante proche de la ville d'[Localité 4], a pensé qu'ils pouvaient être de la main du peintre [G] [N].

Par ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Marseille, il a obtenu la désignation de consultants dont Mme [I], alors directrice du laboratoire de police scientifique de Paris, laquelle a rendu un rapport concluant, le 12 décembre 1991, à l'existence d'un faisceau d'éléments la conduisant à authentifier ces dessins comme étant de la main de [G] [N].

M.[U] a également consulté le [N] Museum, lui adressant la photographie desdits dessins.

Le [N] Museum lui a répondu, par courrier du 29 juin 1992, qu'il ne pouvait, en aucun cas, s'agir de dessins de [G] [N], position maintenue au cours de divers échanges épistolaires ultérieurs.

M. [U] a décidé, au mois d'août 2011, de vendre certains de ces dessins par l'intermédiaire de la société de ventes volontaires Tajan. Il en a informé le [N] Museum, le 10 octobre 2011.

La société Tajan, après avoir accepté un mandat de vente mentionnant des oeuvres de [N] et fait la publicité de la vente de deux des dessins dans la Gazette Drouot, a demandé à M. [U] un certificat du [N] Museum.

Le 4 janvier 2012, le [N] Museum, répondant à la lettre que lui avait envoyée M.[U] après la vente qui n'a pas eu lieu et se référant aux correspondances antérieurement adressées à ses précédents conseils, a indiqué qu'il estimait avoir d'ores et déjà donné un avis clair et définitif sur l'authenticité des dessins.

Se disant convaincu de l'intervention du musée néerlandais auprès de la société Tajan avant la vente, M.[U] a fait assigner, le 22 mars 2012, tant la société Tajan que le [N] Museum devant le tribunal de grande instance de Paris, afin d'obtenir réparation.

Par ordonnance du 15 novembre 2012, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 janvier 2014, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le [N] Museum au profit du tribunal d'Amsterdam.

Par jugement du 26 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris :

- a débouté M. [Y] [U] de ses demandes ;

- l'a condamné à payer la somme de 2 000 € au [N] Museum ainsi qu'à la société Tajan sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement ;

- a condamné M.[U] aux dépens, qui pourront, à la demande des avocats, être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

M.[U], qui a interjeté appel de cette décision, demande à la cour, dans ses dernières écritures du 23 mars 2017, au visa des dispositions de l'article 1382 du code civil, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- juger que le [N] Museum a commis une faute à son détriment en provoquant, par sa prise de position, et sans avoir, au préalable, réalisé une étude sérieuse portant sur les originaux des dessins, le retrait de la vente prévue pour le 30 novembre 2011 par la SVV Tajan ;

- dans l'hypothèse où, par impossible, la cour viendrait à considérer que la preuve de l'intervention du [N] Museum auprès de la SVV Tajan n'est pas rapportée, juger que ledit musée a commis une faute, à son détriment, en faisant valoir, à l'occasion du présent procès, un avis, ferme et définitif, fondé sur une étude insuffisante de ses dessins ;

- juger que ladite faute lui a directement causé un préjudice matériel et moral ;

- juger, au vu de l'article 1147 du code civil, que la SVV Tajan a commis une faute à son détriment en refusant de procéder à la vente publique, annoncée par voie de presse, de ses dessins, qu'elle avait précédemment considérés comme étant de la main de [G] [N], sur la seule indication verbale du [N] Museum et sans vérification préalable du bien-fondé de la position adoptée par le musée ;

- juger que la SVV Tajan a commis une faute en considérant qu'elle ne pouvait procéder à la vente desdits dessins sans avoir un certificat d'authenticité du [N] Museum alors que ledit musée ne délivre pas de tels certificats ;

- subsidiairement, dans l'hypothèse où, par impossible, la cour viendrait à considérer que la SVV Tajan pouvait légitimement se fier à l'avis du [N] Museum, ou exiger une expertise de celui-ci, juger qu'elle a commis une faute à son détriment en n'effectuant pas les vérifications nécessaires auprès dudit musée avant d'annoncer la vente par voie de presse ;

- compte tenu des fautes conjuguées commises par le [N] Museum et la SVV Tajan, les condamner in solidum au paiement des sommes suivantes :

- 200 000 €, à titre de provision, en raison du défaut de perception du prix de vente des 3 dessins que la SVV Tajan s'était engagée à vendre ;

- 100 000 € au titre du préjudice matériel relatif à l'entrave apportée à son activité professionnelle ;

- 100 000 € au titre du préjudice moral du fait de l'atteinte portée à sa réputation;

- en ce qui concerne l'appréciation du dommage final causé par la décote des dessins résultant du retrait de la vente, surseoir à statuer jusqu'à ce que la vente sur adjudication des 3 dessins permette de mesurer ladite décote en fonction des prix obtenus au regard de la cote habituelle des dessins de [G] [N] ;

- dans l'hypothèse où la cour jugerait nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire pour s'assurer de l'authenticité des dessins litigieux, confier la mission d'expertise à un collège d'experts indépendants et mettre à la charge du [N] Museum le coût de la mesure d'expertise rendue nécessaire par l'opposition du musée aux conclusions de la précédente expertise judiciaire dirigée par Mme le professeur [I] [I] au nom du Laboratoire de la police scientifique de Paris ;

- condamner in solidum le [N] Museum et la SVV Tajan au paiement d'une somme de

20 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de Me Hervé Bernard Kuhn, avocat aux offres de droit.

Dans ses dernières écritures du 22 avril 2016, la société Tajan demande à la cour, constatant que M.[U] a retiré, sans protestation ni réserve, ses deux dessins, le 18 octobre 2011, ce qui implique qu'il a renoncé à les vendre, que la société Tajan aurait eu un motif légitime pour présenter les dessins dans le catalogue de vente comme étant « attribués à » [N], compte tenu de l'aléa concernant leur authenticité, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[U] de l'intégralité de ses demandes

- condamner M.[U] à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui seront recouvrés par Maître [R] dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 10 mars 2017, le [N] Museum demande à la cour de confirmer purement et simplement la décision déférée et, ce faisant :

sur l'action en responsabilité,

- de juger irrecevable l'action en responsabilité engagée par M.[U] à son encontre, son avis étant insusceptible d'engager sa responsabilité délictuelle ;

- en tout état de cause, de juger qu'il n'a commis aucune faute à quelque titre que ce soit vis-à-vis de l'appelant et notamment dans l'échec de la vente organisée par la société Tajan à l'origine du prétendu préjudice invoqué ;

- de débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes indemnitaires en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ;

sur la demande subsidiaire d'expertise :

- de juger irrecevable la demande subsidiaire d'expertise judiciaire en ce qu'elle est dirigée à son encontre, alors qu'il ne détient aucun droit ni n'est débiteur d'aucune obligation juridique vis-à-vis des dessins litigieux et ne saurait donc être lié par l'expertise sollicitée;

- de condamner l'appelant à lui verser une somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance.

SUR CE,

Considérant que M.[U], appelant, soutient que :

- le [N] Museum a eu un comportement fautif à son égard en faisant état, auprès de la société Tajan, de réserves quant à l'authenticité des dessins et ce alors qu'il n'était pas en mesure de justifier d'une étude sérieuse de ceux-ci ; tout démontre que le musée a immédiatement réagi lorsqu'il a constaté que le commissaire-priseur, fort du rapport d'expertise dont disposait M.[U], avait décidé de maintenir la vente malgré les observations faites le 9 septembre 2011, lors d'un contact téléphonique ;

- même si l'on admettait, pour les seuls besoins de la démonstration, que le musée n'est pas intervenu auprès de la société Tajan pour la dissuader de poursuivre la vente, il n'en demeurerait pas moins vrai qu'à l'occasion du présent procès, qui donne lieu à des débats publics, le musée néerlandais est sorti de sa prétendue attitude de neutralité pour soutenir, avec force, que ses experts ne reviendront jamais sur leur position ; la faute du musée consiste alors à émettre un avis sans avoir jamais réalisé une expertise des originaux des dessins ; loin d'améliorer la thèse du musée, la reproduction de 'l'avis motivé' de ses experts démontre avec quelle désinvolture le [N] Museum décide, sans appel, de l'authenticité ou de l'absence d'authenticité d'une 'uvre et traite, avec un souverain mépris, l'avis d'experts de renommée internationale ;

- dès lors que le monde de l'Art accorde du crédit aux avis du [N] Museum, celui-ci ne peut pas se permettre d'agir de manière désinvolte en tranchant, de manière ferme et définitive, au vu de simples photographies ; s'il le fait, comme c'est le cas pour les dessins de M.[U], il est susceptible de voir sa responsabilité engagée ;

- le [N] Museum a lui-même fait l'objet, dans la presse d'innombrables critiques mettant en cause son intégrité en matière d'authentifications sans, pour autant, que l'appelant se permette de nier la qualité d'expert reconnu de celui-ci ; il doit en être de même pour le rapport dressé par le Laboratoire de Police Scientifique ;

- le [N] Museum pourra, dans le cadre d'une expertise judiciaire contradictoire, maintenir sa position mais si l'expert judiciaire conclut dans le même sens que le rapport du Laboratoire de Police Scientifique de Paris, l'appelant sera en droit de présenter à la vente ses dessins en joignant un rapport judiciaire contradictoire, établi en tenant compte de l'avis négatif mais enfin argumenté du [N] Museum, les acquéreurs étant ainsi parfaitement renseignés et pouvant s'engager en toute connaissance de cause ;

- dans la mesure où "l'explicatif détaillé" fourni par le musée est invoqué et produit dans le cadre d'un procès public, l'appelant a, plus que jamais intérêt à ce qu'une expertise contradictoire ait lieu afin de ne pas se trouver indéfiniment confronté à l'analyse, qu'il juge critiquable, du musée néerlandais, analyse qui peut désormais être connue de tous ;

- le retrait des dessins de la vente -qui avait été annoncée au public, notamment par la Gazette Drouot du 7 octobre 2011- aura été porté à la connaissance de l'ensemble du milieu de l'art, ce qui aura eu pour effet immédiat de jeter le discrédit sur l'appelant en le faisant passer pour une personne qui tente malhonnêtement de vendre des dessins qui ne sont pas, contrairement à ce qu'il indique, de la main de [G] [N] ;

- seule une mesure d'expertise judiciaire, confiée à des experts indépendants et opposable au musée, pourrait désormais permettre de départager les parties ; en cas de confirmation de l'avis d'authenticité du laboratoire scientifique, la cour devrait décider de surseoir à statuer sur l'évaluation du préjudice relatif à la décote des dessins jusqu'à ce qu'une nouvelle vente aux enchères permette -en comparant les prix produits avec ceux qui, en fonction de la cote habituelle du peintre, auraient pu être obtenus en l'absence d'incident antérieur- d'évaluer le montant du préjudice définitif de l'appelant ;

- la société Tajan a commis des fautes qui ont été préjudiciables à l'appelant : elle a d'elle-même et sans apporter la moindre réserve tenant à la délivrance d'un certificat d'authenticité du [N] Museum, considéré que les dessins présentés étaient bien de la main de [N] sans avoir jugé nécessaire ' bénéficiant il est vrai, de l'expertise judiciaire produite par M.[U], de s'adjoindre les services d'un ou de plusieurs experts ; elle a estimé possible d'annoncer, dès le mois d'octobre 2011, la vente de dessins de [G] [N] en faisant notamment paraître un encart dans la Gazette Drouot ; elle s'est ensuite fiée au seul entretien téléphonique qu'elle a eu avec le [N] Museum pour considérer tardivement qu'il existait un obstacle à la vente ; elle n'a même pas demandé au musée de justifier son analyse par écrit et de produire, en conséquence, sa propre expertise pour combattre les conclusions des experts judiciaires ;

Considérant que la société Tajan, intimée, réplique que :

- fin juillet 2011, l'appelant s'est rapproché d'elle pour la vente de dessins qu'il affirmait être de [N], lui fournissant un rapport de la police judiciaire datant de 1991 qui a conclu à leur authenticité et le livre qu'il a écrit, intitulé « [G] [N]. L'album japonais. Histoire de six dessins retrouvés » ;

- le 9 septembre 2011, elle a contacté le musée [N] afin d'obtenir un certificat d'authenticité de ces 'uvres, dans la mesure où elles ne sont pas référencées dans les revues spécialisées de l'artiste, le musée lui répondant, par courriel du même jour, que seuls les propriétaires pouvaient solliciter un tel certificat et que sa délivrance prenait quelques semaines ;

- M.[U] lui a caché la contestation du musée [N] concernant l'attribution de ses dessins au maître, contestation qu'elle a découverte à l'occasion de cette procédure ;

- le 21 septembre 2011, M.[U] lui a remis deux de ses six dessins intitulés « Marine à [Localité 5] » et « Château de Tarascon », en fixant pour chacun d'eux un prix de réserve de 250 000 €, tel que cela figure sur la fiche de dépôt établie le même jour ;

- le 26 septembre 2011, un mandat de vente a été signé entre M.[U] et elle-même pour une vente sur catalogue prévue le 30 novembre 2011, aux conditions et sous les réserves habituelles en pareille matière ;

- le 10 octobre 2011, elle a fait paraître dans la Gazette Drouot la photographie d'un des dessins avec les mentions « [G] [N] (1853-1890) - Marine à [Localité 5] ' Fusain et pierre noire sur papier vélin signé « [G] » 16.2x25 cm » ;

- elle n'a jamais reçu verbalement, après cette publication, un avis du Musée [N] concernant l'origine des dessins mais a seulement indiqué à M.[U] que si ce musée ne lui délivrait pas un certificat d'authenticité, elle ne pourrait pas présenter les dessins dans le catalogue de vente comme étant de [N] mais seulement comme étant « attribués à » [N] ;

- M.[U] l'a finalement informée, mi-octobre 2011, qu'il ne solliciterait pas l'avis du musée et a, en conséquence, repris ses dessins le 18 octobre 2011, en signant deux fiches de retrait ;

- à aucun moment, elle n'a refusé de vendre les tableaux, c'est l'appelant qui a choisi de renoncer à la vente en récupérant ses oeuvres ;

- dès lors que le vendeur a privé le mandat de son objet par la reprise de ses dessins, le contrat est devenu caduc et ce avant même que son exécution ait débuté et que de quelconques démarches aient été initiées par le mandataire 'aucun catalogue de vente n'ayant vu le jour et la vente prévue le 30 novembre 2011 n'ayant pas eu lieu ;

- elle n'a commis aucune faute puisque, dès lors qu'un simple doute existe quant à l'authenticité, le commissaire priseur a l'obligation d'en faire état dans le catalogue de vente; la fiche de dépôt et le mandat de vente constituent, pour la première, la preuve du dépôt des 'uvres remises à l'étude, pour le second, le contrat qui fixe les modalités de la vente ; ces deux documents ne sont pas créateurs de droits en termes d'authenticité des objets déposés ;

- l'avis de Mme [I], qui n'est pas une spécialiste de la peinture, de [N] en particulier, qui remonte de surcroît à plus de 20 ans, ne pèse rien au regard de celui du musée [N] , qui est la référence incontestée et mondialement reconnue concernant l'artiste ;

- la société Tajan a ainsi interrogé le musée qui lui a répondu que seuls les propriétaires pouvaient solliciter un certificat d'authenticité, ce dont elle a informé l'appelant qui lui a indiqué faire le nécessaire en ce sens ; n'ayant toujours pas reçu le certificat début octobre 2011, le commissaire priseur a indiqué à l'appelant qu'à défaut de ce document, l'attribution de ses dessins à [A] [N] présenterait nécessairement un aléa dont il faudrait tenir compte dans le catalogue de vente, en indiquant que les 'uvres sont « attribués à » [N] et non pas « de [N]» ;

- elle n'a pas commis de faute dans la rédaction de la fiche de dépôt et du mandat de vente, la fiche de dépôt du 21 septembre 2011 indiquant expressément que les descriptifs et estimations sont communiqués sous réserve d'expertise, tandis que le mandant de vente rappelle, d'une part, que le descriptif le plus précis et le plus détaillé sera établi par ses spécialistes et figurera dans le catalogue de vente, et d'autre part, que les honoraires de l'expert seront inclus dans la commission du commissaire-priseur ; par ailleurs la publicité dans la Gazette Drouot précisait qu'il s'agissait d'une vente en préparation ;

- l'appelant n'établit pas l'existence d'un préjudice en lien avec une faute de la société Tajan, dont la preuve n'est ici même pas rapportée , M.[U] cherche, par des moyens dénués de tout sérieux, à faire payer à la société Tajan sa frustration de ne pas pouvoir vendre au prix escompté des 'uvres qu'il croyait pouvoir attribuer au Maître ;

- elle est fondée à faire grief à l'appelant de l'avoir attraite en justice, en jetant sur elle et sans discernement, le discrédit, alors qu'il est évident qu'elle a agi conformément aux règles déontologiques des opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et aux principes jurisprudentiels constants relatifs à la responsabilité des commissaires-priseurs lors des ventes publiques ;

Considérant que le [N] Museum soutient que :

- il est investi d'une mission consistant à acquérir et à rendre disponible pour la science et le public toute connaissance sur l'Art au 19 ème siècle en général et sur la vie et le travail de [G] [N] en particulier, ce qui inclut la réalisation de recherches sur l'authenticité des 'uvres, la "liste" des oeuvres de cet artiste n'étant nullement fermée contrairement à ce que voudrait faire croire l'appelant, comme en témoignent les récentes opinions favorables émises par le musée s'agissant de toiles attribuées à [G] [N] ;

- par courrier en date du 29 juin 1992, il écrivait à M.[U] et Mme [V] qui avaient transmis les six dessins litigieux, que, après analyse détaillée de l'ensemble des éléments transmis, la ferme opinion du Musée est que, pour des raisons stylistiques, les dessins ne peuvent pas être attribués à [G] [N] ;

- il n'a jamais "entravé" ni pratiqué la moindre "obstruction" à l'activité de l'appelant, ayant toujours conservé la plus parfaite discrétion à l'égard des tiers sur l'avis qu'il porte sur l'authenticité de ces dessins ;

- il a été rendu destinataire, le 8 novembre 2011, d'une énième complainte de la part de l'appelant l'accusant d'une prétendue entremise auprès de la société Tajan pour faire arrêter la vente, raison pour laquelle il sollicitait un rendez-vous pour trouver un "terrain d'entente" sur le préjudice ainsi subi ; en réponse à cette nouvelle manifestation du harcèlement dont il est victime depuis vingt ans, le musée écrivait à l'appelant, le 4 janvier 2012, en rappelant son opinion clairement exprimée au travers de ses multiples correspondances et en l'invitant à cesser ses requêtes incessantes ;

- les demandes indemnitaires de l'appelant sont irrecevables à son encontre dans la mesure où :

- il convient d'analyser sa correspondance du 29 juin 1992 comme un simple avis ne constituant pas une expertise comme cela est d'ailleurs stipulé au pied du courrier et, partant, comme non susceptible d'engager sa responsabilité ;

- seule une véritable expertise serait le cas échéant susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de son mandant mais supposerait alors la signature d'une convention prévoyant une clause attributive de compétence excluant toute recherche de la responsabilité du musée en dehors des juridictions d'Amsterdam ;

- le musée n'a jamais donné son avis concernant le défaut d'authenticité des dessins à la société Tajan, laquelle reconnaît n'en avoir eu connaissance qu'au travers de la présente instance et aucun élément concret et objectif ne permet d'affirmer ni même de penser le contraire ;

- Mme [Q] de la société Tajan ne lui a jamais indiqué "qu'elle était obligée de retirer les dessins de la vente à venir du fait de la position du musée'' mais que l'expertise de ce dernier était indispensable pour maintenir une vente comme "étant de" [N] ; les pièces produites par la société Tajan permettent de se convaincre que le musée n'a fait aucune référence à la teneur de son avis lors de leur entretien téléphonique du 9 septembre au matin dans la mesure où le mandat de vente de la société Tajan du 26 septembre 2011, soit plus de 15 jours après, visait encore les dessins de M.[U] comme "étant" de [N] ;

- c'est M.[U], qui dans son assignation en justice du 11 avril 2012, a fait clairement état de l'avis négatif du musée sur la possible attribution de ses dessins à [G] [N] et c'est donc bien lui qui 'en premier lieu' a divulgué cette information dans le cadre d'un procès public, de sorte qu'il ne peut être aujourd'hui faire grief au musée d'un quelconque manquement à son devoir de discrétion ;

- l'opinion du musée est libre et aucun travail ou diligence particulière ne peuvent lui être imposés comme préalable à l'émission de son avis, sous réserve 'comme en l'espèce' qu'aucun dénigrement ou faute d'immixtion ne soit lui-même source de responsabilité délictuelle ;

- les dessins de l'appelant bénéficient toujours de "l'expertise" de Mme [I] antérieure à la vente, en sorte qu'ils n'ont nullement "perdu en authenticité" du fait de l'échec de la vente, alors même que le musée n'a pas modifié sa position à leur égard, émise il y a plus de vingt ans ; l'éventuel préjudice d'image de l'appelant, qui a tenté de vendre ses dessins alors qu'il connaissait l'avis du musée, lui est imputable ;

- le musée ne saurait être attrait dans une nouvelle expertise qui ne saurait l'obliger à modifier son opinion, étant rappelé qu'elle est identique à l'avis donné par Mme [Z] [L] et le musée [Localité 6] sur les dessins en cause et à celui du musée [X] ;

- c'est en réalité sur la base de références précises aux origines des dessins litigieux, aux matériaux utilisés pour leur conception, au style et à la technique de l'artiste, que les experts du musée ont estimé de façon motivée que les six dessins de l'appelant différaient trop de l''uvre de [N] pour que celui-ci en ait été l'auteur ;

Considérant qu'il appartient à M.[U] qui reproche des fautes à la société Tajan et au [N] Museum d'en rapporter la preuve, ainsi que du lien de causalité avec le préjudice dont il se prévaut ;

Considérant que M.[U] qui avait fait l'achat en 1990 dans un marché aux puces des six dessins en cause qu'il pensait être de [N] a consulté sur leur authenticité ;

Considérant qu'il a obtenu, sur requête, soit une procédure non contradictoire, la désignation de Mme [I], directrice du laboratoire de police scientifique de Paris et non historienne de l'art, par le président du tribunal de grande instance de Marseille, afin de réaliser, non pas une expertise mais une simple consultation, aux côtés de deux autres consultants, qui se sont désistés, de sorte qu'elle seule a signé le rapport déposé ;

Considérant que ce rapport a conclu que 'les différentes expertises des six dessins Le jardin des Lices, le Pont de Gleize, le Château [Localité 7], le Port [Établissement 1][Localité 5], les Baux de Provence, les Arlésiennes, ne révèlent aucun anachronisme entre, d'une part, les matériaux, la technique et les sujets représentés et leur attribution à [A] [N] d'autre part' ; que, selon elle, 'un tel faisceau d'éléments ne peut être l'effet du hasard et nous conduit à authentifier ces six dessins comme étant de [G] [N]' ;

Considérant que M.[U] s'est tourné vers le [N] Museum, qu'il a consulté sur leur authenticité, en raison, selon ses dires, de l'expertise notoire du musée sur l'oeuvre du peintre, lui envoyant des photographies des dessins ;

Considérant qu'il s'est heurté, le 29 juin 1992, à une réponse négative du musée, ainsi rédigée, sous la signature d'un conservateur de recherche : 'nous avons étudié attentivement la matière concernant six dessins en votre possession qui nous ont été envoyés par Mme le professeur [I]. Malheureusement, je dois vous dire que, selon l'avis de notre société, pour des raisons stylistiques, les dessins ne peuvent pas être attribués à [G] [N]. Je suis désolé de vous décevoir' ;

Considérant qu'en 1997, le premier secrétaire de l'ambassade du royaume des Pays Bas à [Localité 8] a écrit au [N] Museum pour lui demander son avis sur l'authenticité des oeuvres de M.[U], lequel souhaitait les exposer au [Établissement 2] et y organiser un séminaire ; que, dans sa réponse, le [N] Museum répondait qu'il ne donnait son opinion qu'au propriétaire de l'oeuvre et renvoyait son interlocuteur à s'adresser directement à celui-ci au sujet de l'opinion écrite qui avait déjà été formulée plusieurs années auparavant ;

Considérant qu'en 1999, puis en 2001 et en 2005, le [N] Museum a fait la même réponse aux personnes qui l'interrogeaient sur le même sujet ;

Considérant que M.[U] n'a jamais cru devoir recourir pour les dessins en cause à une demande d'expertise au [N] Museum, alors qu'en 2008, il a utilisé cette possibilité pour une peinture ;

Considérant que, toujours en 2008, le [N] Museum a refusé le rendez-vous que M.[U] sollicitait, expliquant avoir à nouveau donné son opinion sur l'authenticité des oeuvres litigieuses dans un courrier du 10 juillet 2008 ; que cette position a été confirmée en septembre 2009, dès lors, selon le [N] Museum qu'aucun élément nouveau concernant les travaux de l'appelant suceptible d'amener le musée à reconsidérer sa position n'a été mis en lumière ; que la position du musée sur l'authenticité des dessins détenus par M.[U] était maintenue par courrier du 12 mai 2010 ;

Considérant que M.[U], désireux de vendre deux de ses dessins, s'est adressé en 2011 à la société Tajan, opérateur de ventes volontaires, en lui remettant le rapport [I] mais en omettant de faire état de l'avis radicalement négatif du [N] Museum ;

Considérant que le fait que la société Tajan, sur la foi de ce rapport, ait dans la fiche de dépôt attribué les dessins à [N] ne pouvait engager sa responsabilité puisqu'il est mentionné dans ce même document que les descriptifs et estimations sont communiqués sous réserve d'expertise ;

Considérant que la société Tajan est tenue par les dispositions du décret du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d'oeuvres d'art ; qu'il lui appartient par conséquent, en tant que professionnel, de s'entourer de toutes les précautions nécessaires avant d'affirmer l'authenticité d'une oeuvre ; qu'elle était par conséquent dans son rôle en interrogeant le [N] Museum, dont il n'est pas contesté qu'il est une référence incontournable de l'oeuvre du peintre ;

Considérant que la société Tajan, loin de commettre une faute en prenant cette précaution, a effectué une diligence qui lui incombait, dont la non exécution aurait au contraire été susceptible d'engager sa responsabilité en cas de contestation ultérieure de l'acquéreur sur l'authenticité des oeuvres vendues aux enchères ;

Considérant que M.[U] peut d'autant moins s'étonner de cette démarche qu'il avait lui-même, à ses dires, pris l'initiative de prévenir le [N] Museum de la vente aux enchères envisagée ;

Considérant que le [N] Museum, compte tenu de sa position inchangée sur l'absence d'authenticité des dessins détenus par M.[U], n'a pas délivré de certificat ;

Considérant que devant cette situation, ce n'est pas la société Tajan qui a refusé de procéder à la vente qu'elle acceptait de réaliser en précisant 'oeuvre attribuée à [A] [N]', au lieu de 'oeuvre de [N]', cette façon de procéder étant conforme aux exigences des dispositions du décret précité, mais M.[U] qui a pris, lui-même, l'initiative de retirer ses dessins de la vente, comme en témoignent les bons de retrait qu'il a signés ;

Considérant que M.[U], qui n'a pas spontanément fait état auprès de la société Tajan de l'avis négatif du [N] Museum, ne peut lui reprocher aucune faute ;

Considérant que M.[U] ne démontre par ailleurs aucunement que le [N] Museum, lequel apparaît avoir au contraire été extrêmement las des relances incessantes de l'appelant, depuis 1992, aurait pris l'initiative d'appeler en 2011, la société Tajan pour lui dire que les dessins mis en vente ne seraient pas authentiques ;

Considérant que l'avis donné par le [N] Museum, spécialiste de l'oeuvre du peintre, relève de sa liberté d'expression et ne peut revêtir un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi ; qu'aucun texte spécial n'est invoqué ;

Considérant que le [N] Museum a, dans un document constituant la pièce 26 de sa communication, estimé, au terme d'une analyse détaillée, que le style résolument vigoureux et clair de [N] est absent dans les six dessins, qui ont tous un caractère flou et peu prononcé, ne montrant ni nets contrastes ni traits, crochets ou griffonnages saillants ; que, si le style de dessin de [N] de cette période est souvent et à juste titre, qualifié de calligraphique, l'auteur des dessins n'a pas été capable de l'imiter ; que sa main est celle d'un amateur bienveillant, ce qui a sûrement à l'époque amené [Z] [L] (alors directrice du musée [Localité 6]) à les traiter de 'dessins enfantins' ; que l'unique conclusion que l'on peut tirer de la somme des éléments -origine, matériaux, style, technique, motif- est que [G] [N] n'a pas été l'auteur des six dessins ; qu'une expertise plus approfondie des oeuvres effectuée au musée ne mènera pas à une autre conclusion, les six dessins différant trop de l'oeuvre de [N] ;

Considérant qu'il n'est en rien prouvé que le [N] Museum ait diffusé la moindre information sur l'authenticité ou l'absence d'authenticité des dessins en cause, M.[U] ayant seul pris l'initiative et le risque d'une instance judiciaire publique où il serait fait état de l'avis négatif du musée ;

Considérant qu'une mesure d'expertise qui, en toutes hypothèses, ne saurait contraindre le [N] Museum à modifier son avis, apparaît inutile, étant observé que, comme le fait valoir la société Tajan, les dessins de M.[U] peuvent toujours être mis en vente par ses soins ou ceux d'un autre opérateur de ventes mais avec la mention 'attribué à [A] [N]' ;

Considérant en définitive que M.[U] doit être débouté de l'ensemble de ses prétentions, de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé dans toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il devra verser à la société Tajan, ainsi qu'au [N] Museum, à chacun d'eux, la somme de 7 500 euros pour compenser les frais qu'ils ont exposés, qui ne sont pas compris dans les dépens et supporter les dépens d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me [R], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, la cour,

- confirme en toutes ses dispositions le jugement du 26 novembre 2015 ;

- y ajoutant, condamne M.[U] à verser à la société Tajan, ainsi qu'au [N] Museum, à chacun d'eux, la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me [R], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/00311
Date de la décision : 07/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°16/00311 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-07;16.00311 ?
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