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06/11/2017 | FRANCE | N°15/15981

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 06 novembre 2017, 15/15981


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2017



(n°329, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15981



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2015 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 13/03722





APPELANTE



SA LUPA, société de droit Luxembourgeois

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]>
R.C. du Luxembourg N° B 80 278

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Maître Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN P...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2017

(n°329, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15981

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2015 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 13/03722

APPELANTE

SA LUPA, société de droit Luxembourgeois

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

R.C. du Luxembourg N° B 80 278

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Ayant pour avocat plaidant Maître Jean-Fabrice BRUN, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉ

MONSIEUR LE DIRECTEUR CHARGÉ DE LA DIRECTION DES RÉSIDENTS À L'ÉTRANGER ET DES SERVICES GÉNÉRAUX 'DRESG'

ayant ses bureaux[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques, [Adresse 3]

Représentée par Maître Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

L'administration fiscale a notifié à la société Lupa SA, le 6 septembre 2005, une proposition de rectification concernant la taxe sur la valeur vénale des immeubles (dite "taxe de 3 %") pour l'année 2005.

La société Lupa SA a contesté cette proposition de rectification estimant qu'elle n'était pas redevable de cette taxe.

L'administration fiscale n'ayant pas fait droit à ses réclamations, la société Lupa SA a, par acte du 19 mars 2013, fait assigner l'administration fiscale devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de voir annuler la décision de rejet implicite de Monsieur le Directeur des services Fiscaux et de prononcer le dégrèvement du montant de taxe de 3 % mis à sa charge au titre de l'année 2005, soit un montant de 2 433 663 euros.

Par jugement du 25 juin 2015, le tribunal de grande instance de Bobigny a jugé recevables les demandes de la société Lupa SA mais l'a déboutée de ses demandes.

La société Lupa a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions signifiées le 22 décembre 2015, la société Lupa demande à la cour, au visa des articles 63 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne, 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 990 D et E du code général des impôts dans leur rédaction applicable, de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la société Lupa SA et de l'infirmer pour le surplus.

Elle prie la cour d'annuler la décision de rejet implicite de Monsieur le directeur des services fiscaux, de prononcer le dégrèvement du montant de taxe de 3 % mis à la charge de la société Lupa SA au titre de l'année 2005, soit un montant de 2 433 663 euros et de débouter Monsieur le directeur des services fiscaux de toutes ses demandes.

Elle sollicite la condamnation de l'administration fiscale au paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions signifiées le 22 février 2016, Monsieur le directeur chargé de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux « DRESC » demande à la cour de juger la société Lupa mal fondée en son appel et de la débouter de toutes ses demandes, de confirmer la décision entreprise, de rejeter la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Lupa à lui payer une indemnité de procédure de 2 000 euros ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Naboudet-Hatet en application de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

L'article 900 D du code général des impôts prévoit que les entités juridiques qui, directement ou par entité interposée, possèdent un ou plusieurs immeubles situés en France ou sont titulaires de droits réels portant sur ces biens, sont redevables d'une taxe annuelle égale à 3 % de la valeur vénale de ces immeubles ou droits.

L'article 990 E 2° du même code dans sa version applicable au présent litige dispose que cette taxe n'est pas applicable aux personnes morales qui, ayant leur siège dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, qui déclarent chaque année, au plus tard le 15 mai, la situation, la consistance et la valeur des immeubles possédés au 1er janvier, l'identité et l'adresse de leurs associés à la même date ainsi que le nombre des actions ou parts détenues par chacun d'eux.

Il n'est pas contesté que la société Luppa qui, au 1er janvier de l'année 2005 avait son siège social au Luxembourg et détenait des participations dans plusieurs SCI de droit français sises [Adresse 4] qui étaient elles-mêmes propriétaires de biens immobiliers situés en France, n'a pas déposé sa déclaration n° 2746 précisant la situation, la consistance et la valeur des immeubles possédés, directement ou indirectement, en France au 1er janvier ainsi que l'identité, l'adresse et le nombre d'actions détenues par les associés dans le délai prévu à l'article 990 E 2° du code général des impôts et alors qu'elle ne pouvait s'en dispenser au motif que sa situation n'avait pas évolué ; qu'étant ressortissante d'un pays ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative, elle avait donc la possibilité d'être exonérée du paiement de la taxe de 3 % à condition de respecter les obligations déclaratives précitées et ne peut donc se prévaloir d'une discrimination contraire aux principes communautaires de non-discrimination, de libre établissement et de libre circulation des capitaux prévus respectivement aux articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE puis article 49 dans le cadre du traité de fonctionnement de l'Union européenne) et 73 B du même traité (devenu, après modification, article 56 CE puis article 63 dans le cadre du traité de fonctionnement de l'Union européenne) ni l'arrêt Elisa de la Cour de justice des Communautés Européennes (devenue Cour de Justice de L'Union Européenne).

Elle soutient que la taxe de 3 % a la nature d'une pénalité applicable en cas de non-respect du formalisme déclaratif entourant la détention d'immeubles situés en France et conservé le caractère d'une sanction à vocation dissuasive mais son objectif est désormais essentiellement d'inciter les redevables à s'acquitter avec exactitude de leurs obligations déclaratives afin de permettre une bonne application de l'impôt sur la fortune sur les immeubles détenus en France par des personnes physiques.

La société Lupa soutient que l'article 990 D du CGI viole ainsi le principe constitutionnel de proportionnalité des peines, principe tiré de l'article 6, § 1 de la CEDH et des libertés fondamentales et qui constitue également un principe général du droit communautaire en ce qu'elle s'applique de façon forfaitaire et non plafonnée sur la valeur vénale des immeubles possédés directement ou indirectement en France au 1er janvier et en ce que ni la loi ni le juge ne sont en mesure d'en assurer la modulation en fonction de la gravité des comportements réprimés. Elle indique que pénaliser par le versement de plus de 2 433 663 euros le dépôt tardif de déclarations en tous points identiques à celles déposées au titre de l'année précédente semble clairement excessif et disproportionné en l'absence de tout préjudice financier pour le Trésor Public. Le tribunal n'a cherché à aucun moment à vérifier si la non déclaration relevait d'une erreur, comme le soutient la société, et non d'une volonté délibérée de se soustraire à l'impôt. Le fait que la société ait correctement déposé sa déclaration de taxe de 3 % l'année précédente et l'année suivante, sur la base d'informations identiques, était en effet de nature à démontrer l'absence d'intentionnalité.

L'administration fiscale soutient que la mesure de tolérance ne concerne que la déclaration tardive effectuée dans le délai de 30 jours suivant une première mise en demeure et ne peut s'appliquer à la deuxième infraction ; que la remise en cause de l'exonération de la taxe sanctionne un manquement aux règles d'assiette du droit d'enregistrement, les sanctions étant toujours calculées par rapport à l'impôt à payer et n'est pas une punition violant le principe constitutionnel de proportionnalité des peines visé à l'article 6 § 1 de la CEDH. Elle souligne que les redressements n'ont été assortis que des seuls intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts qui n'a pas le caractère d'une sanction et qui est dû indépendamment de toute sanction ; que seul est prohibé l'intérêt au taux usuraire; que l'article 1727 du code général des impôts est d'origine législative alors que l'intérêt dit légal est fixé par voie réglementaire.

Ceci étant exposé, il résulte de l'application combinées des articles R 23 B-1 du livre des procédures fiscales et 1727 et 1728 du code général des impôts que, dans l'hypothèse d'une réponse insuffisante ou d'absence de réponse dans le délai de trente jours à compter de la mise en demeure du redevable par l'administration d'avoir à produire la déclaration n° 2746 mentionnée à l'article 990 F du code général des impôts accompagnée du paiement de la taxe et dans l'hypothèse d'un dépôt tardif de la déclaration, il est fait application de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 précité auquel s'ajoute, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement une majoration notamment de 10 % lorsque la déclaration de l'acte n'a pas été déposée dans les trente jours de la réception de la mise demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à la produite dans ce délai.

En l'espèce, il n'est pas contesté par l'administration fiscale que la société Lupa a communiqué, tardivement, le 25 août 2005 les renseignements et informations établissant qu'elle n'est pas redevable de la taxe de 3 %. L'administration fiscale prétend que le fait que la société Lupa ait bénéficié préalablement d'une mesure de tolérance la prive de la possibilité de régulariser sa situation. Elle se fonde sur une réponse ministérielle Loncle du 13 mars 2000 qui n'est pas ailleurs pas versée aux débats.

Or, les seules sanctions applicables pour dépôt tardif de la déclaration n° 2746 sont celles prévues aux articles 1727 et 1728 du code général des impôts, soit un intérêt de retard et une majoration du montant des droits mis à la charge du contribuable et non le paiement de la taxe elle-même.

En l'espèce, la société Lupa n'étant pas redevable de la taxe de 3 %, elle ne saurait en être tenue au paiement ni à celui de l'intérêt de retard.

Le jugement entrepris sera infirmé en en ce qu'il a débouté la société Lupa de ses demandes.

La décision de rejet implicite de Monsieur le directeur des services fiscaux sera annulée et il sera prononcé le dégrèvement du montant de taxe de 3 % mis à la charge de la société Lupa SA au titre de l'année 2005, soit un montant de 2 433 663 euros.

L'administration fiscale, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à la société Lupa la somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

ANNULE la décision de rejet implicite de Monsieur le directeur des services fiscaux ;

PRONONCE le dégrèvement du montant de taxe de 3 % mis à la charge de la société Lupa SA au titre de l'année 2005, soit un montant de 2 433 663 euros ;

CONDAMNE Monsieur le chef de la direction des services fiscaux de résidents à l'étranger aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur le chef de la direction des services fiscaux de résidents à l'étranger aux dépens d'appel ;

DEBOUTE Monsieur le chef de la direction des services fiscaux de résidents à l'étranger de sa demande d'indemnité de procédure ;

CONDAMNE Monsieur le chef de la direction des services fiscaux de résidents à l'étranger à payer à a société Lupa la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/15981
Date de la décision : 06/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°15/15981 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-06;15.15981 ?
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