Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 31 OCTOBRE 2017
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/16865
Décision déférée à la Cour : Décision du 30 Juin 2016 rendue par la Commission arbitrale des Journalistes de paris n°16/02531 déposée au tribunal de grande instance de Paris
DEMANDERESSE AU RECOURS :
SNC EUROPE NEWS
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Sébastien LEROY, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : K168
DÉFENDEUR AU RECOURS :
Monsieur [R] [A]
comparant
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0327
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Dominique GUIHAL, présidente
Mme Dominique SALVARY, conseillère
M. Jean LECAROZ, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.
La société EUROPE NEWS est une agence de presse de la société Lagardère Active qui regroupe notamment les journalistes de la radio Europe 1.
En septembre 1988, M. [A] a été engagé par la société EUROPE NEWS en qualité d'éditorialiste. Il a ensuite occupé le poste de rédacteur en chef à compter du 1er février 1990. A compter du 1er janvier 1997, il concevait et animait deux émissions hebdomadaires sur l'antenne d'Europe 1 intitulées « C'est arrivé cette semaine » (le samedi de 9 à 10 heures) et « C'est arrivé demain » (le dimanche dans la même tranche horaire).
A la suite de divers contentieux apparus entre M. [A] et la direction d'Europe 1, M. [A] a annoncé la fin de ses émissions à l'antenne. La direction d'Europe 1 a considéré M. [A] comme démissionnaire tandis que celui-ci considérait que son contrat de travail avait été rompu par la société EUROPE NEWS.
Le 30 mars 2012, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir condamner la société EUROPE NEWS à lui payer diverses sommes. Dans un jugement du 4 novembre 2014, le conseil de prud'hommes, dans sa formation de départage, a fait partiellement droit aux demandes de M. [A] et renvoyé les parties devant la Commission arbitrale des journalistes pour fixation de l'indemnité de licenciement. Dans un arrêt du 24 septembre 2015, la cour d'appel de Paris a confirmé partiellement le jugement et, s'agissant de l'indemnité de licenciement s'est déclarée incompétente. La société EUROPE NEWS a formé un pourvoi en cassation de cette décision le 24 novembre 2015 (pourvoi n°F15-27.458).
Le 2 avril 2014, M. [A] a saisi la Commission arbitrale des journalistes, compétente pour déterminer l'indemnité de licenciement due aux journalistes dont l'ancienneté excède quinze années selon l'article L. 7112-4 du code du travail.
Par décision n°16/02531 déposée au tribunal de grande instance de Paris le 30 juin 2016, la Commission arbitrale des journalistes a :
- rejeté les exceptions d'incompétence et de sursis à statuer soulevées par la société EUROPE NEWS
- fixé le montant total de l'indemnité de licenciement due à M. [H] à la somme de 260 000 euros,
- condamné la société EUROPE NEWS à verser cette somme à M. [A],
- dit que cette somme sera séquestrée entre les mains du Bâtonnier du conseil de l'Ordre des avocats de Paris jusqu'à l'issue de l'instance prud'homale,
- condamné la SNC Europe NEWS à verser à M. [A] 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 29 juillet 2016, la société EUROPE NEWS saisissait la cour d'appel de Paris d'un recours en annulation contre la décision rendue par la Commission arbitrale.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 novembre 2016, la société EUROPE NEWS demande à la cour :
- in limine litis, de sursoir à statuer jusqu'à l'issue du pourvoi en cassation en cours et, en cas de succès pour EUROPE NEWS, jusqu'à la décision de la cour d'appel de renvoi, la décision de la Cour de cassation étant susceptible de conduire la juridiction de renvoi à donner à la prise d'acte les effets d'une démission et ainsi à priver la Commission de compétence et/ou M. [A] de droit à indemnité,
- sur le recours en annulation, de constater que M. [A] n'était pas journaliste d'une entreprise de journaux ou de périodiques mais d'une agence de presse, en conséquence, d'annuler la décision prise par la Commission en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence et accordé une indemnité de licenciement à M. [A] ainsi d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'inviter M. [A] à mieux se pourvoir, au besoin devant le conseil de prud'hommes de Paris.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er février 2017, M. [A] demande à la cour de dire irrecevables et mal fondées les demandes de sursis à statuer et d'annulation de la décision de la Commission arbitrale s'agissant de l'article 700 du code de procédure civile alloué à M. [A], de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la SNC EUROPE NEWS, de confirmer la décision de la Commission arbitrable des journalistes en ce qu'elle s'est déclarée compétente pour statuer sur la fixation de l'indemnité de licenciement de M. [A] et de condamner la SNC EUROPE NEWS à verser à M. [A] dans le cadre du présent recours 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
SUR QUOI,
Considérant qu'il résulte de l'article L. 7112-4 du code du travail que la décision de la Commission arbitrale des journalistes ne peut être frappée d'appel, mais peut faire l'objet, devant la cour d'appel, d'un recours en annulation formé selon les règles applicables en matière d'arbitrage ;
Sur la demande de sursis à statuer
Considérant que selon l'article L. 7112-3 du code du travail, « Si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze » ;
Considérant que par un jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Paris le 4 novembre 2014, confirmé par un arrêt de cette cour du 24 septembre 2015 (Pôle 6 ' Chambre 8, n° RG S14/12710), la rupture du contrat de travail liant M. [A] à la SNC EUROPE NEWS a été qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que cet arrêt, frappé d'un pourvoi en cassation, est exécutoire ; que comme l'a jugé la Commission arbitrale des journalistes, il n'y a pas lieu de faire supporter à M. [A], qui a introduit l'instance prud'homale le 29 mars 2012, un délai supplémentaire tenant à la procédure suivie devant la Cour de cassation ;
Qu'il convient donc de rejeter la demande de sursis à statuer ;
Sur le moyen d'annulation pris de l'incompétence de la Commission arbitrale des journalistes (article 1492, 1°, du code de procédure civile)
La SNC EUROPE NEWS soutient que la compétence de la Commission arbitrale pour définir le montant de l'indemnité de licenciement d'un journaliste salarié d'une entreprise de journaux et de périodiques lorsque son ancienneté excède 15 ans, ne saurait être étendue aux journalistes salariés d'une agence de presse ;
Considérant qu'en application de l'article 1466 du code civil, l'estoppel s'oppose à ce qu'une partie se contredise au détriment d'autrui ; que se contredit au détriment d'autrui la partie qui adopte des comportements procéduraux incompatibles ;
Considérant que la société EUROPE NEWS a soutenu devant le conseil de prud'hommes, puis devant la chambre sociale de la cour d'appel, que la Commission arbitrale des journalistes était seule compétente pour statuer sur l'indemnité de licenciement demandée par M. [A] ; qu'elle a invoqué devant cette Commission arbitrale et la cour d'appel, saisie du recours en annulation de la sentence, l'incompétence de cette Commission tentant à ce que les articles L. 7112-2 et suivants du code du travail ne sont pas applicables aux agences de presse ; que cet élément n'est pas nouveau ; qu'ayant formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre sociale de cette cour du 24 septembre 2015, elle a développé deux moyens de cassation dont aucun ne critique le chef de dispositif par lequel la cour d'appel s'est déclarée incompétente pour connaître de l'indemnité de licenciement ; que cette attitude procédurale de la société EUROPE NEWS a eu pour effet de rendre définitif ce chef du dispositif, privant ainsi M. [A] de la possibilité de voir désigner une juridiction compétente pour statuer sur l'indemnité de licenciement à laquelle il a droit ;
Que cette contraction entretenue par la société EUROPE NEWS au détriment des intérêts de M. [A] résulte encore des constatations de la Commission arbitrale des journalistes qui a relevé que « la société EUROPE NEWS indique qu'en cas de demande introduite par M. [A] devant le conseil de prud'hommes de Paris, elle ferait valoir l'irrecevabilité de la demande par application du principe d'unicité de l'instance prud'homale », tandis que devant cette cour, elle demande d'inviter M. [A] à mieux se pourvoir, au besoin devant le conseil de prud'hommes de Paris ;
Que ce moyen est irrecevable ;
Que la demande d'annulation de décision de la Commission arbitrale des journalistes portant sur l'article 700 du code de procédure civile doit être aussi rejetée ;
Sur les autres demandes
Considérant que la société EUROPE NEWS, succombant à l'instance, doit être condamnée à payer à M. [A] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,
Rejette le recours en annulation,
Condamne la société EUROPE NEWS à payer à M. [A] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société EUROPE NEWS aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE