Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3
ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2017
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/17695
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juin 2015 -Tribunal d'Instance de FONTAINEBLEAU - RG n° 14-14-000043
APPELANT
Monsieur [V] [N]
Né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représenté et assisté par Me Claire DI CRESCENZO, avocat au barreau de PARIS,
toque : C1738
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/042020 du 24/08/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
Madame [M] [D]
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représentée et assistée par Me Clotilde COURATIER-BOUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0082
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Septembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Daniel FARINA, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Daniel FARINA, Président chambre
M. Philippe JAVELAS, Conseiller
Mme Pascale WOIRHAYE Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA
ARRÊT : Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Daniel FARINA, président et par Mme Viviane REA, greffière présente lors de la mise à disposition
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant contrats des 16 et 25 février 2011 Mme [M] [D] a donné à bail à M [V] [N] un logement ainsi qu'un emplacement de stationnement, sis à [Adresse 5] .
Au vu d'un constat d'inoccupation des lieux, le juge d'instance de Fontainebleau, par ordonnance sur requête du 16 décembre 2013, a :
- constaté la résiliation du bail,
- ordonné la reprise des locaux et de l'emplacement de stationnement,
- condamné M [V] [N] à verser à Mme [D] la somme de 2428,86 euros d'arriéré de loyers et charges au 26 mars 2013.
Le 31 janvier 2014, M. [V] [N] a formé opposition de cette ordonnance.
Mme [M] [D] demandait au Tribunal d'instance, notamment de :
- constater la résiliation du bail au 07 mars 2014
- condamner M [V] [N] à payer les sommes de :
- 9.852,42 euros au titre de l'arriéré de loyer arrêté au 07 mars 2014
- 2.500 euros d'indemnité de procédure, outre les dépens .
Pour s'opposer à ces demandes M. [V] [N] faisait valoir principalement que, par lettre recommandée du 04 mars 2011, il avait notifié son intention de résilier le bail en raison d'une clause contractuelle, qu'il considère comme abusive, lui interdisant de laisser seul son animal dans l'appartement .
Par jugement du 19 juin 2015, le Tribunal d'Instance de Fontainebleau a :
- déclaré recevable l'opposition formée par M [N],
- et statuant à nouveau :
- constaté la résiliation du bail portant sur le logement et sur l'emplacement de stationnement, et ce à compter du 07 mars 2014,
- ordonné la reprise des lieux à cette date,
- condamné M [V] [N] à payer à Mme [M] [D] la somme de
9852,42 euros, au titre des loyers et charges impayés, arrêtée au 07 mars 2014,
- déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles de M [V] [N],
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamné M [V] [N] aux dépens comprenant le coût de l'assignation et
du commandement d'avoir à justifier d'une occupation effective et le coût du constat d'abandon du domicile .
M [V] [N] a interjeté appel de ce jugement dont il poursuit l'infirmation.
Par conclusions du 8 décembre 2016 il demande à la cour de :
- au visa de la loi du 6 juillet 1989 et en particulier ses articles 12, 14 et 15, ainsi que
de la loi du 9 juillet 1970 et en particulier son article 10, et de l'article 1156 du code civil,
- constater la résiliation du bail par courrier du 04 mars 2011,
- à titre principal,
- ordonner le remboursement des loyers trop perçus par la bailleresse à compter du 04 juin 2011, en tenant compte du préavis de 3 mois à compter du 04 mars 2011, soit
la somme de 17.158,23 euros du fait de la saisie sur rémunération intervenue le 15 septembre 2016,
- à titre subsidiaire,
- ordonner le remboursement par Mme [M] [D] des loyers soit la somme de 8.271,42 €,
- à titre infiniment subsidiaire, si la date de résiliation retenue par le jugement dont appel était maintenue,
- déduire le montant de 8886,81 euros de la somme requise, en ramenant la dette à zéro et constater l'abandon du domicile à compter du 24 décembre 2013,
- reconnaître le caractère abusif de la clause emportant interdiction de laisser enfermer seul un animal dans l'appartement et accorder en conséquence des dommages et intérêts à M [V] [N],
-annuler la condamnation de M [V] [N] aux dépens.
Par conclusions du 23 novembre 2015 Mme [M] [D] demande à la cour
de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures
- y faisant droit
- confirmer la décision déférée,
- condamner M [V] [N] aux dépens et à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Pour un exposé plus ample des faits de la procédure des moyens et demandes des parties la cour se réfère à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées .
L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 septembre 2017.
SUR CE
Sur la résiliation du bail
a ) Sur la notification alléguée d'une résiliation de bail
Attendu que M [V] [N] fait valoir essentiellement que :
- dès le 28 février 2011, ayant pris connaissance de la clause interdisant d'enfermer un animal seul dans l'appartement, il a fait transférer son courrier à l'adresse de son précédent logement et, par courrier du 4 mars 2011, il a notifié au mandataire du bailleur sa décision de mettre fin au bail ; il a aussitôt quitté l'appartement ;
- même si, dans ce courrier, il a employé à tort le verbe se rétracter, son refus de poursuivre le bail, et donc de le résilier, était explicite .
- il n'a pas reçu le courrier du 11 avril 2011 par lequel le représentant du bailleur lui a fait part de l'erreur de qualification commise par l'emploi du verbe 'se rétracter' au lieu du verbe ' résilier' ;
- ce courrier a en effet été envoyé à l'adresse de l'appartement sur lequel portait le bail ;
-il a envoyé à l'agence Solvimo mandataire de la bailleresse, une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception le 22 juillet 2011, réitérant sa décision de résiliation du contrat de bail,
- par courrier en réponse, l'agence Solvimo évoquant le courrier du 4 mars 2011, a fait état du courrier « concernant la résiliation de votre bail », ce qui montre que la bailleresse considère la lettre du 4 mars 2011 comme une lettre de résiliation ;
- en application de l'article 1156 du Code civil il y lieu d'interpréter la lettre du 4 mars 2011 comme une lettre de résiliation, comme l'a ainsi fait la mandataire de la bailleresse, interprétation qui a également été donnée par un avocat qu'il a consulté à ce sujet,
- les conditions formelles que doit respecter le congé ont été respectées, le courrier du 4 mars 2011 ayant été envoyé en recommandé avec avis de réception ;
- le préavis a commencé à courir à la date de réception de ce courrier, soit le 08 mars 2011 pour prendre fin le 08 juin 2011,
Attendu qu'en réponse Madame [D] soutient principalement que :
- le courrier du 4 mars 2011 qui ne fait pas état d'un délai de préavis ne constitue pas un courrier de résiliation au sens des dispositions d'ordre public de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989,
- à la supposer abusive la clause invoquée ne pourrait donner lieu à l'exercice d'un droit de rétractation ;
Attendu cela exposé que selon l'article 12 de la loi du 6 juillet 1989 : ' Le locataire peut résilier le contrat de location à tout moment, dans les conditions de forme et de délai prévues à l'article 15";
Attendu que selon les dispositions de l'article 15 de cette loi :' II / [']Lorsqu'il émane du locataire, le délai de préavis applicable au congé est de trois mois.
Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier ou de la remise en main propre' ;
Attendu en l'espèce, que par courrier du 4 mars 2011 M [N], faisant état de la clause du bail relative aux animaux de compagnie, a écrit au mandataire de la bailleresse « je me rétracte pour ce motif et vous saurais gré de me rendre les sommes déjà versées » ;
Attendu que ce courrier ne fait pas état d'une résiliation du bail, mais d'une décision de rétractation ;
Qu'il résulte en outre des termes employés que cette rétractation est destinée à s'appliquer sans délai ;
Que compte tenu de ce qui précède le courrier du 4 mars 2011 ne peut s'analyser en une résiliation du bail au sens des articles 12 et 15 de la loi du 6 juillet 1989 mais comme une décision unilatérale de mettre fin au contrat ;
Que par courrier du 25 juillet 2011, le mandataire du bailleur, visant le courrier du 4 mars 2011 a précisé à M [N] que la loi n'autorisait pas le locataire à se rétracter de son engagement mais que celui-ci disposait du droit de résilier le contrat par lettre recommandée avec avis de réception ;
Que ce courrier montre que le mandataire du bailleur, es qualités, a refusé de considérer la lettre du 4 mars 2011 comme une lettre de résiliation ;
Attendu que malgré le rappel, par le courrier du 25 juillet 2011, de la possibilité pour lui de procéder à une résiliation du bail, M [N] n'a pas adressé de courrier de résiliation au sens des dispositions légales susvisées ;
Attendu qu'au vu de ce qui précède, M [N] ne justifie pas d'une résiliation du bail au sens des dispositions des articles 12 et 15 de la loi du 6 juillet 1989 ;
b ) Sur la résiliation pour abandon des lieux
Attendu que M [N] fait valoir essentiellement que :
- en application de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 le bail a été résilié dés le mois de mars 2011 par l'effet de l'abandon des lieux loués,
- en tout état de cause au 24 décembre 2013 date du procès-verbal de constatation de l'inoccupation des lieux, l'abandon de domicile était caractérisé,
Attendu que Mme [D] répond essentiellement que le fait, pour M [N] d'avoir quitté les lieux en mars 2011, n'a pu entraîner en lui-même la résiliation du contrat, les conditions de résiliation prévues par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 en cas d'abandon des lieux, n'étant pas alors réunies ;
Attendu cela exposé, qu'aux termes de l'article 14-l de la loi du 06 juillet 1989, ' Lorsque des éléments laissent supposer que le logement est abandonné par ses occupants. le bailleur peut mettre en demeure le locataire de justifier qu'il occupe le logement; que s'il n'a pas été déféré à cette mise en demeure un mois après signification, l'huissier de justice peut procéder à la constatation de l'état d'abandon du logement ' ;
Attendu que si le constat, par huissier de justice, de l'abandon des lieux, visé par ce texte, permet au bailleur d'agir en vue de faire constater par le juge la résiliation du bail, le fait de quitter les lieux loués n'a pas en lui-même pour effet de mettre fin au contrat de bail ;
Que la circonstance que M [N] ait quitté les lieux en mars 2011 n'entraîne pas en conséquence, en elle-même, la résiliation du bail ;
Attendu qu'il est en revanche constant que par procès-verbal de constat du 23 décembre 2014 un huissier de justice a constaté l'abandon du logement ; que le 7 mars 2014 la bailleresse a récupéré les locaux loués ; que le juge d'instance a donc à juste titre constaté que la résiliation du bail était intervenue à cette dernière date ;
Sur la demande en paiement de loyers et charges formée par Mme [D] et sur les demandes relatives aux loyers versés formées par M [N] ;
Attendu que Monsieur [N] fait valoir principalement que :
- le bail étant résilié depuis le 8 juin 2011, date d'expiration du préavis légal correspondant à la lettre du 4 mars 2011, depuis le 9 juin 2011 il n'est plus redevable envers le bailleur d'aucun paiement au titre des charges et loyers ;
- les loyers perçus depuis cette date doivent lui être restitués ;
Attendu cela exposé, qu'en application de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 les loyers et charges sont dus par le locataire jusqu'à la date de résiliation du bail ;
Attendu en l'espèce qu'il a été retenu que le bail est résilié depuis le 7 mars 2014 ;
Qu'en conséquence la demande de restitution de loyers formée par M [N] n'est pas
fondée ;
Attendu qu'au vu du décompte en date du 9 juin 2014 produit aux débats par Mme [D], la créance de loyers et charges arrêtée à cette dernière date, s'établit à la somme de 7211,31 euros ; que le jugement déféré qui retient une créance d'un montant différent sera infirmé à ce titre ;
Attendu qu'au vu de l'acte de saisie des rémunérations du 15 septembre 2016, les règlements effectués le cas échéant, dans le cadre de cette saisie viendront en déduction de la dette ainsi fixée ;
Sur le moyen pris du caractère illicite de la clause contractuelle relative aux animaux domestiques et sur la demande d'indemnisation formée à ce titre
Attendu que M [N] fait expose essentiellement que :
- l'article 10 de la loi du 9 juillet 1970 précise qu' « est réputée non écrite toute stipulation
tendant à interdire la détention d'un animal dans un local d'habitation dans la mesure où elle concerne un animal familier ».
- par conséquent, il suffit qu'une clause tende à interdire la détention d'un animal familier dans un local d'habitation pour qu'elle soit réputée non écrite.
- en l'espèce, la clause interdisant de laisser seul un animal domestique dans l'appartement vide de sa substance le droit à la détention d'un animal.
- en effet, dès lors qu'il vit seul et qu'il ne peut transporter son animal à [Localité 2], sur son lieu de travail, une telle clause le prive de son droit de détenir un animal .
- cette clause est donc abusive,
- elle l'a contraint à s'installer à nouveau dans son précédent logement sis à [Localité 3], ce qui lui occasionne un préjudice matériel et moral ;
Attendu qu'en réponse Mme [M] [D] fait valoir que :
- la clause contestée n'interdit pas la détention d'animaux de compagnie mais subordonne cette détention au fait que l'animal ne cause pas de dégât ni de trouble de jouissance aux occupants ;
- même si cette clause devait être regardée comme abusive, cela ne pouvait donner au locataire un droit de rétractation ,
- la preuve d'un préjudice qui résulterait de cette clause n'est pas rapportée alors qu'il résulte des pièces du dossier qu'avant la conclusion du bail M [V] [N] habitait à Paris et non en Province ;
Attendu, cela exposé que la clause concernée est ainsi rédigée : ' ANIMAUX : les chiens de petite taille et les chats sont tolérés, étant entendu que toutes dégradations causées par eux seront à la charge de leur propriétaire . ...... Il est interdit de laisser un animal seul enfermé dans un appartement . Pensez à la grave responsabilité que vous encourez du fait des animaux sous votre garde en cas d'accident ou de dégradation' ;
Attendu que cette stipulation contractuelle n'interdit pas la détention d'un animal domestique dans l'appartement ; que pour prévenir toute nuisance qui pourrait en résulter, elle encadre les conditions de la présence d'un animal dans le bien immobilier ;
Attendu qu'à supposer qu'elle soit considérée comme abusive, cela n'aurait pas d'incidence sur la validité du bail lui-même, seule la clause concernée devant, le cas échéant, être considérée comme non écrite ; que la présence d'une telle clause n'autorisait pas en conséquence M [N] à mettre fin unilatéralement au contrat de bail ;
Attendu qu'il en résulte que M [N] ne peut imputer à la bailleresse les conséquences financières de son abandon des lieux en mars 2011 ;
Attendu que compte tenu de ce qui précède le moyen n'est pas fondé et la demande en paiement de dommages-intérêts, qui en outre n'est pas chiffrée, ne peut être retenue ;
Sur les autres demandes
Attendu que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en application de l'article 696 du même code les dépens seront mis à la charge de Monsieur [N] qui succombe en ses prétentions ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives au montant de la condamnation à paiement de loyers et charges,
Statuant à nouveau de ce chef
Condamne M [V] [N] à payer à Madame [M] [D] la somme de 7211,31 euros au titre des loyers et charges, décompte arrêté au 9 juin 2014,
Y ajoutant
Vu l'acte de saisie des rémunérations du 15 septembre 2016 :
Dit que les règlements, le cas échéant, effectués dans le cadre de cette saisie viendront en déduction de la dette susvisée ;
Déboute l' intimée de sa demande en paiement d'indemnité de procédure d'appel .
Condamne M [V] [N] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT