Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2017
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/ 00325
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2015- Tribunal de Grande Instance de Paris-RG no 14/ 09223
APPELANT
Monsieur Stéphane X...
né le 04 Mars 1973 à Saintes (17100)
demeurant ...
Représenté et assisté sur l'audience par Me Patrick HAUDUCOEUR de l'ASSOCIATION HAUDUCOEUR MAUDRET, avocat au barreau de PARIS, toque : R267
INTIMÉE
Madame Florence Y...
née le 11 Octobre 1967 à Nantes (44000)
demeurant ...
Représentée et assistée sur l'audience par Me Yvon CHAPUS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1363
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* *
Par acte sous seing privé du 31 mai 2013, M. Stéphane X...a promis de vendre à Mme Florence Y..., qui s'est engagée à l'acquérir, moyennant le prix de 470 000 €, un appartement et un cave situés dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, ...et formant les lots no 15 et 25 de l'état de division. Mme Y...a déclaré dans cet acte qu'elle envisageait de financer l'acquisition en totalité avec des fonds personnels ou assimilés. Les parties ont stipulé une clause pénale d'un montant de 47 000 € ainsi qu'un dépôt de garantie de même montant, qui a été versé par l'acquéreur. Les parties sont également convenues dans cet avant-contrat que l'acte définitif serait signé le 13 septembre 2013 au plus tard. Mme Y...a expressément renoncé à l'acte à l'insertion d'une condition suspensive d'obtention d'un prêt.
Mme Y...n'ayant pu réunir à temps les fonds nécessaires, M. X...l'a sommée par exploit d'huissier de comparaître devant le notaire, une première fois le 13 décembre 2013 pour signer l'acte définitif et une seconde fois, le 26 février 2014, pour constater la défaillance de l'acquéreur ; à chaque fois le notaire a dressé un procès verbal de carence. Mme Y...a demandé au vendeur par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 février 2014 de signer l'acte de vente, par devant son notaire, le 14 mars 2014. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 février 2014, M. X...confirmait renoncer à poursuivre l'exécution de la vente et demander le paiement de la clause pénale. Le complément des fonds était versé intégralement par Mme Y...le 12 mars 2014. M. X...sollicitait à nouveau, en vain, le déblocage à son profit du dépôt de garantie, tandis que Mme Y...lui faisait délivrer, également en vain, sommation par huissier de venir signer l'acte chez son notaire le 7 avril 2014.
C'est dans ces conditions que, suivant acte extra-judiciaire du 3 juin 2014, Mme Florence Y...a assigné M. Stéphane X...aux fins de réalisation forcée de la vente, de paiement de la clause pénale à son profit, outre le versement de dommages et intérêts. En cours d'instance, elle a renoncé à poursuivre la réitération forcée de la vente et a maintenu sa demande tendant à l'application de la clause pénale.
C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 20 octobre 2015, a :
- révoqué l'ordonnance de clôture,
- dit recevable la demande de Mme Y...,
- prononcé la résolution aux torts exclusifs de M. X...de l'avant-contrat signé le 31 mai 2013,
- condamné M. X...à payer à Mme Y...la somme de 47 000 € au titre de la clause pénale,
- débouté M. X...de ses demandes reconventionnelles,
- ordonné la publication du jugement aux frais de M. X...,
- condamné M. X...à payer Mme Y...une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné M. X...aux dépens.
Par dernières conclusions du 16 mars 2016, M. Stéphane X..., appelant, demande à la Cour de :
- vu les articles 1134, 1137 et 1147 du code civil ;
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- débouter Mme Y...de toutes ses demandes ;
- dire qu'elle a engagé sa responsabilité contractuelle et que l'avant-contrat est résilié à ses torts exclusifs ;
- la condamner à lui payer une somme de 47 000 € au titre de la clause pénale ;
- la condamner à lui payer une somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts ;
- ordonner à Mme Y..., à peine d'astreinte, de publier l'arrêt à intervenir, à ses frais, au service de la publicité foncière ;
- la condamner à lui payer une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- à titre subsidiaire :
- vu l'article 1152 du code civil ;
- réduire la clause pénale à la somme de1 € ;
- en tout état de cause :
- condamner Mme Y...aux dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions du 19 mai 2016, Mme Florence Y...prie la Cour de :
- vu les articles 1589, 1134, 1147, 1152 et 1184 du code civil ;
- confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
- débouter M. X...de toutes ses demandes ;
- le condamner à lui payer la totalité de ses frais de procédure, soit 10 000 €, en plus de supporter la charge des entiers dépens.
SUR CE
LA COUR
Au soutien de son appel, M. Stéphane X...fait essentiellement valoir que l'échec de la vente est imputable à Mme Florence Y..., qui n'était pas en possession des fonds lors du rendez-vous de signature, et qu'il n'a accepté de proroger la date de signature de l'acte authentique qu'à la condition que celle-ci prouve qu'elle disposait de l'intégralité des fonds, ce qu'elle n'a pas fait ; il en déduit qu'elle est redevable du montant de la clause pénale et de dommages-intérêts complémentaires, en réparation de son préjudice consécutif à l'immobilisation de son bien depuis l'inscription aux services fonciers des procès-verbaux de difficultés à l'initiative de Mme Florence Y... ;
Mme Florence Y...estime que les e-mails que M. Stéphane X...lui a adressés établissent son intention de proroger le délai de prorogation de la date de signature jusqu'au 14 avril 2014, que cette prorogation était destinée à lui permettre de disposer des fonds de l'acquisition, et elle souligne que tant le notaire chargé de recevoir l'acte que l'agent immobilier mandaté pour la recherche d'un acquéreur valident cette interprétation, ajoutant que, victime d'une inexécution, elle avait le choix entre poursuivre, soit la vente forcée, soit sa résolution, que le refus de vendre de M. Stéphane X...a eu pour conséquence de la priver de logement, dès lors qu'elle avait vendu le sien pour acheter celui en litige ;
L'acte de vente sous seing privé du 31 mai 2013 (sans condition suspensive d'obtention d'un prêt) prévoyant que la vente devrait être réitérée le 13 septembre 2013 indique « la date d'expiration de ce délai n'est pas extinctive mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter. En conséquence, si l'une des parties vient à refuser de signer l'acte authentique de vente, l'autre pourra saisir le tribunal compétent dans le délai d'un mois de la constatation du refus (mise en demeure non suivie d'effet, procès-verbal de non comparution) afin de faire constater la vente par décision de justice, la partie défaillante supportant les frais de justice nonobstant la mise en œuvre de la clause pénale stipulée aux présentes » ; or, cette clause ne prévoit pas le cas où aucune des parties ne souhaiterait poursuivre la vente forcée et son application ne peut donc être revendiquée par Mme Florence Y...pour obtenir l'attribution de la clause pénale ;
Il appert des pièces et correspondances produites aux débats que :
- à la date prévue pour la signature de l'acte de vente en la forme authentique, Mme Florence Y...ne disposait pas des fonds, n'ayant pu vendre son bien,
- par acte extra-judiciaire du 27 novembre 2013, M. Stéphane X...l'a sommée de se rendre au Conseil Supérieur du Notariat, le 13 décembre suivant, à l'effet de réitérer la vente en la forme authentique,
- le 13 décembre 2013 a été établi un procès-verbal de carence par M. Z..., notaire, les fonds consignés en l'étude notariale ne totalisant que 246. 732, 33 € sur le prix fixé à la somme de 470. 000 €,
- ensuite de la demande de prorogation de la date de signature formée par Mme Florence Y..., M. Stéphane X...a répondu, le 29 janvier 2014, que « la seule solution était la résiliation du compromis avec restitution de la clause pénale majorée des intérêts.. », puis l'a faite sommer, par acte extra-judiciaire du 20 février 2014, de se présenter, le 26 février suivant, en l'étude de M. A..., notaire, à l'effet de constater le défaut de réitération de la promesse du fait de sa défaillance,
- le 26 février 2014 a été établi un procès-verbal de difficultés exprimant la volonté de M. Stéphane X...de se prévaloir de la « résiliation » du compromis de vente et ce dernier a écrit à Mme Florence Y...pour lui confirmer sa volonté de faire constater ce défaut de réitération, de renoncer à poursuivre l'exécution de la vente et de demander la mise en œuvre de la clause pénale,
- le 3 mars 2014, Mme Florence Y...a fait publier au service de la publicité foncière le procès-verbal de carence du 13 décembre 2013 à l'effet de bloquer la revente du bien litigieux,
- le 27 mars 2014, M. Stéphane X...a mis en demeure Mme Florence Y...de libérer la somme de 47. 000 € correspondant au dépôt de garantie entre ses mains et de lever l'inscription effectuée au service de la publicité foncière ;
Il ne résulte pas de ces démarches et procès-verbaux notariés que M. Stéphane X...aurait accepté de proroger la date de réitération de l'acte de vente comme le demandait Mme Y...; par ailleurs, sa volonté non équivoque d'accepter une prorogation de cette date ne ressort nullement des e-mails qu'il a adressés à Mme Florence Y...les 13 et 17 janvier 2014, ceux-ci exprimant au contraire clairement qu'un éventuel accord de sa part pour proroger les effets de l'acte de vente sous seing privé était conditionné à la justification de ce qu'elle était en possession des fonds de l'acquisition ; cette justification s'entendait sans ambiguïté d'une justification immédiate et non future et incertaine, dès lors que Mme Florence Y..., elle-même engagée dans les liens d'un vente qui ne se finalisait pas, temporisait et tergiversait depuis plusieurs mois afin de maintenir M. Stéphane X...dans les liens contractuels tant qu'elle ne serait pas en possession des fonds de l'acquisition projetée ; cette volonté ne saurait s'inférer davantage d'un e-mail du notaire Z... proposant un rendez-vous de signature le 13 au14 mars 2014, alors que ce notaire n'était pas le mandataire de M. Stéphane X... et excédait son rôle en convenant avec le notaire Dubost d'un rendez-vous n'ayant pas recueilli l'aval préalable de son client ;
Il s'évince des échanges d'e-mails produits au dossier que M. Stéphane X...a constamment et sans équivoque manifesté sa volonté de faire constater la défaillance de Mme Florence Y...et de reprendre sa liberté à défaut pour celle-ci de présenter des garanties certaines de paiement, ce qu'elle n'a pu faire puisque son propre acquéreur n'avait pas levé l'option ;
Au vu de ces documents démontrant que l'échec de la vente est imputable à la carence de Mme Florence Y...qui n'avait pas les fonds au jour de la signature de l'acte de vente, qui n'a pas déféré aux sommations de réitérer la vente qui lui ont été adressées par le vendeur, et qui n'établit pas avoir bénéficié d'une prorogation sans équivoque du délai de réitération, il échet de constater la résolution de la vente aux torts de l'acquéreur et, le jugement étant infirmé, de condamner Mme Florence Y...à payer à M. Stéphane X...la somme de 47. 000 € correspondant à la clause pénale contractuelle, laquelle n'apparaît pas manifestement excessive au regard du préjudice causé à M. Stéphane X...qui n'a pu mener à bien son propre projet d'acquisition faute de disposer des fonds nécessaires ;
Par ailleurs, en faisant publier le procès-verbal de difficultés du 13 décembre 2013, Mme Florence Y...a causé à M. Stéphane X...un préjudice distinct, cette publication ayant eu pour effet de paralyser la revente de son bien et de faire obstacle ainsi à la reconstitution de la trésorerie de sa société IVV Number One ;
Ce préjudice distinct sera réparé par la condamnation de Mme Florence Y...au paiement d'une somme complémentaire de 15. 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Le présent arrêt devra être publié au service de la publicité foncière compétent à l'initiative de M. Stéphane X...qui pourra en recouvrer les frais de publication contre Mme Florence Y..., la demande de publication sous astreinte à la charge de l'intimée étant rejetée ;
Il sera, enfin rappelé que le présent arrêt infirmatif emporte restitution de toutes sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa signification ;
En équité, Mme Florence Y...sera condamnée à régler à M. Stéphane X...une somme de 8. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement,
Dit la vente résolue aux torts de Mme Florence Y...,
Condamne Mme Florence Y...à payer à M. Stéphane X...les sommes de 47. 000 € au titre de la clause pénale contractuelle et de 15. 000 € à titre de dommages-intérêts complémentaires,
Dit que le présent arrêt devra être publié au service de la publicité foncière compétent à initiative de M. Stéphane X...qui pourra recouvrer les frais de publication contre Mme Florence Y...,
Rappelle que le présent arrêt infirmatif emporte restitution de toutes sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa signification,
Condamne Mme Florence Y...à payer à M. Stéphane X...une somme de 8. 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mme Florence Y...aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,