Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRET DU 19 OCTOBRE 2017
(n°551, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12617
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Mai 2016 - Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 16/05347
APPELANTE
Société SCHNEIDER ELECTRIC SE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 542.048.574.
Représentée et assistée de Me David MASSON de l'AARPI DENTONS EUROPE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372
INTIMÉE
SAS EURO NEGOCE B&J
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 404.196.818.
Représentée par Me Florent GUILBOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1595
Assistée par Me Joaquim LOUVIER, avocat au barreau de Grenoble
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard CHEVALIER, Président
Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Patricia PUPIER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. Aymeric PINTIAU, greffier.
La société européenne Schneider Electric fabrique et commercialise des composants électriques et des solutions de gestion de l'électricité. Elle est titulaire notamment de la marque communautaire semi-figurative Schneider Electric n° 1103787 et de la marque française verbale Schneider Electric n° 98735702.
La SAS Euro Négoce B & J (ci-après Euro Négoce) a pour activité la commercialisation de matériel électrique haut de gamme en tant que distributeur indépendant sur le territoire français et précise revendre pour l'essentiel des produits Schneider Electric.
Le 10 août 2015 les services de la Douane de [Localité 1] ont procédé à la retenue d'un lot de matériel électrique, en provenance de Turquie. La société Schneider Electric, après prolongation de la retenue jusqu'au 7 septembre suivant à sa demande, a constaté l'authenticité du matériel et les services de la Douane ont procédé à la main levée de cette retenue le 8 septembre 2015.
Le 17 septembre 2015, la société Schneider Electric a obtenu du président du tribunal de grande instance de Paris une ordonnance sur requête de saisie-contrefaçon autorisant, dans les locaux de la douane [Localité 1], en substance :
- la copie des documents relatifs à cette retenue en douane des marchandises,
- la saisie description des articles incriminés,
- la saisie réelle de deux échantillons de chacun des articles argués de contrefaçon.
Saisi par assignation de la société Euro Négoce du 23 mars 2016, le président du tribunal de grande instance de Paris a rétracté cette ordonnance sur requête par une ordonnance de référé du 26 mai 2016 dont le dispositif est rédigé ainsi :
- rétracte en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 17 septembre 2015 ayant autorisé une saisie-contrefaçon dans les locaux des douanes de [Localité 1] ,
- ordonne la restitution immédiate de l'ensemble des pièces et documents saisis dans les locaux des douanes de [Localité 1], qu'elles soient en la possession de l'huissier instrumentaire ou de la société Schneider Electric, ainsi que la destruction immédiate de l'ensemble des copies de ces pièces,
- interdit à la société Schneider Electric d'utiliser ou de rendre publics, notamment dans la procédure au fond engagée par assignation du 30 octobre 2015 devant le tribunal de grande instance de Paris, le procès-verbal de la saisie contrefaçon menée en application de cette ordonnance ainsi que les pièces et documents saisis,
- déboute du surplus des demandes,
- condamne la société Schneider Electric à verser à la société Euro négoce la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Schneider Electric aux dépens de l'instance.
La société Schneider Electric est appelante de cette décision suivant déclaration du 7 juin 2016 et par conclusions transmises par RPVA 8 septembre 2017, elle demande à la cour de :
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Euro négoce ;
- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
- ordonner la restitution de la totalité des pièces et documents saisis dans les locaux des douanes de Lyon St Exupéry ;
- condamner la société Euro Négoce à lui payer une indemnité de procédure de 7.000 euros ainsi qu'aux dépens dont distraction.
La société Schneider Electric soutient en réponse aux arguments adverses que :
1 - sur la loyauté :
- elle a fait état du caractère authentique des produits retenus et de leur inspection dans les locaux des douanes, la requête indiquant que : « il est apparu de l'analyse des marchandises retenues qu'elles avaient une provenance extra-communautaire, à savoir la Turquie, et n'ont pas été mises dans le commerce dans l'Union Européenne avec le consentement de Schneider Electric »,
- l'authenticité ne devait pas nécessairement conduire à la mainlevée de la retenue puisque les produits, bien qu'authentiques, étaient néanmoins contrefaisants en raison de leur provenance extra-communautaire,
2 - sur la procédure :
- elle précise dans sa requête qu'elle se prévaut du grief relatif aux importations parallèles et non de l'infraction douanière en cause, ce dont elle déduit que la saisie-contrefaçon n'est pas soumise au délai de 20 jours de l'article 23 du Règlement (UE) n°608/2013 du 12 juin 2013 ou de l'article L.716-8 du code de la propriété intellectuelle mais à l'article 103 du Règlement (CE) n°207/2009 du 26 février 2009 et à l'article L.716-7 du code de la propriété intellectuelle, qui l'autorisent à obtenir les mesures provisoires et conservatoires requises de manière générale et en dehors de toute procédure de retenue douanière,
- elle ignorait, à la date du 17 septembre 2015, si les marchandises étaient encore dans les locaux des douanes, n'ayant pas été informée de la mainlevée effective de la retenue des marchandises,
- elle n'a jamais « consenti » à cette mainlevée, ni requis les mesures conservatoires qui permettent de l'éviter, ni validé juridiquement cette retenue, notamment en renvoyant aux douanes l'Annexe 3 « Document utile à l'expertise du titulaire de droits » ou l'Annexe 5 « Demande de levée du secret professionnel par le titulaire de droits ». Et l'inspection des marchandises n'a eu aucun impact sur la clôture de la procédure de retenue, puisque celle-ci est intervenue naturellement à la fin du délai de 20 jours prévu au règlement ;
3 - sur le motif légitime :
- sa requête est motivée conformément à l'article L.716-7 du code de la propriété intellectuelle et vise à obtenir des informations probatoires plus larges que celles de l'article 17 point 4 du règlement,
4 - sur le périmètre de la saisie contrefaçon :
- l'ordonnance sur requête a autorisé des mesures de saisie-contrefaçon uniquement descriptive dans les locaux des douanes, le cas échéant en l'absence des produits contrefaisants, et l'huissier n'a au demeurant procédé qu'à la saisie descriptive des éléments qui lui ont été communiqués par les douanes sans saisie réelle d'aucun produit ni aucun document.
La société Euro négoce, intimée, par ses conclusions, transmises le 5 septembre 2017, demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance de saisie-contrefaçon du 17 septembre 2015,
- débouter la société Schneider Electric de toutes ses demandes,
- condamner la société Schneider Electric à lui payer une indemnité de procédure de 10.000 euros dont distraction.
Elle soutient que la rétractation s'impose pour les quatre motifs suivants :
1 - sur la loyauté :
La société Schneider Electric a trompé délibérément la religion du juge, afin d'obtenir une mesure de saisie dont elle savait par ailleurs qu'elle aurait dû la solliciter avant la clôture de la retenue, ce qui justifie en soi la rétractation ainsi que le juge des référés l'a retenu,
2 - sur la procédure :
La requête en saisie-contrefaçon est tardive, au regard des prescriptions impératives applicables de l'article 23 du paragraphe 3 du Règlement n° 608/2013 du Conseil du 12 juin 2013 ou de l'article L716-8 du code de la propriété intellectuelle, s'agissant de produits retenus en douanes. Le titulaire des droits doit non seulement obtenir l'autorisation mais encore faire procéder à la saisie-contrefaçon dans le délai imparti de 20 jours ouvrables à partir de la notification de la retenue en douane des marchandises, soit en l'espèce jusqu'au 5 septembre 2015, prorogé au 7 septembre 2015, et en tout état de cause, inutile au vu des informations que la société Schneider Electric aurait pu obtenir dans le cadre de la retenue douanière en application de l'article 17 point 4 du règlement,
3 - sur le motif légitime :
La société Schneider Electric n'a pas présenté de commencement de preuve raisonnablement accessible de la contrefaçon alléguée, ni aucunement démontré au juge en quoi la seule provenance prétendument «extra-communautaire» des produits, au demeurant fabriqués en France, comme cela ressort des photographies transmises par la douane, pourrait constituer une contrefaçon de marque,
4 - sur le périmètre de la saisie contrefaçon :
Pour que la saisie de documents soit possible en l'absence des produits prétendus contrefaisants, il faut qu'elle soit expressément prévue comme telle par l'ordonnance, conformément à l'article L 716-7 du code de la propriété intellectuelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
le droit commun de la rétractation
Au terme de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Il s'ensuit que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer les responsabilités des désordres qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir; qu'il doit seulement justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions.
Et selon l'article 493 du même code, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; enfin selon l'article 496, alinéa 2, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance.
Le règlement (UE) n° 608/2013 du Conseil du 12 juin 2013 concernant le contrôle par les autorités douanières du respect des droits de propriété intellectuels (ci-après le règlement)
Art. 1er Objet et champ d'application. 1. Le présent règlement définit les conditions et les procédures d'intervention des autorités douanières lorsque des marchandises soupçonnées de porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle sont ou auraient dû être soumises à la surveillance douanière ou au contrôle douanier sur le territoire douanier de l'Union conformément au règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire, en particulier dans les situations suivantes :
a) lorsqu'elles sont déclarées pour la mise en libre pratique, l'exportation ou la réexportation ;
b) lorsque les marchandises entrent sur le territoire douanier de l'Union ou en sortent ;
c) lorsqu'elles sont placées sous régime suspensif ou dans une zone franche ou dans un entrepôt franc.
2. En ce qui concerne les marchandises soumises à une surveillance douanière ou un contrôle douanier, et sans préjudice des articles 17 et 18, les autorités douanières procèdent à des contrôles douaniers appropriés et prennent des mesures d'identification proportionnées comme le prévoient l'article 13, paragraphe 1, et l'article 72 du règlement (CEE) n° 2913/92, conformément aux critères d'analyse des risques, en vue d'empêcher les actes réalisés en violation des droits de propriété intellectuelle applicables sur le territoire de l'Union et afin de coopérer avec les pays tiers pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle.
3. Le présent règlement ne s'applique pas aux marchandises mises en libre pratique dans le cadre du régime de la destination particulière.
4. Le présent règlement ne s'applique pas aux marchandises sans caractère commercial contenues dans les bagages personnels des voyageurs.
5. Le présent règlement ne s'applique pas aux marchandises qui ont été fabriquées avec l'accord du titulaire de droits ou aux marchandises qui sont fabriquées par une personne dûment autorisée par le titulaire de droits à fabriquer une certaine quantité de marchandises, mais qui le sont dans des quantités dépassant celles convenues entre cette personne et le titulaire de droits.
6. Le présent règlement ne porte pas atteinte au droit national ou de l'Union en matière de propriété intellectuelle, ni aux droits des États membres en rapport avec les procédures pénales.
Art. 17 Suspension de la mainlevée ou retenue des marchandises après qu'il a été fait droit à une demande 1. Lorsque les autorités douanières identifient des marchandises soupçonnées de porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle couvert par une décision faisant droit à une demande, elles suspendent la mainlevée des marchandises ou procèdent à leur retenue.
2. Avant de suspendre la mainlevée des marchandises ou de procéder à leur retenue, les autorités douanières peuvent demander au titulaire de la décision de leur fournir toutes les informations utiles concernant les marchandises. Les autorités douanières peuvent également fournir au titulaire de la décision des informations sur la quantité réelle ou estimée de marchandises, sur leur nature réelle ou supposée, ainsi que des images de ces marchandises le cas échéant.
3. Les autorités douanières notifient au déclarant ou au détenteur des marchandises la suspension de la mainlevée des marchandises ou leur retenue dans un délai d'un jour ouvrable à compter de cette suspension ou de cette retenue.
Lorsque les autorités douanières choisissent d'informer le détenteur des marchandises et que deux ou plusieurs personnes sont considérées comme ayant la qualité de détenteur des marchandises, les autorités douanières ne sont pas tenues d'informer plus d'une d'entre elles.
Les autorités douanières notifient au titulaire de la décision la suspension des marchandises ou leur retenue le même jour ou dans les moindres délais après que le déclarant ou le détenteur des marchandises en a reçu notification.
La notification comprend des informations relatives à la procédure énoncée à l'article 23.
4. Les autorités douanières fournissent au titulaire de la décision et au déclarant ou au détenteur des marchandises dont la mainlevée a été suspendue ou qui ont été retenues des informations sur leur quantité réelle ou estimée et leur nature réelle ou supposée, y compris, le cas échéant, des images de ces marchandises dont elles disposent. Les autorités douanières communiquent également au titulaire de la décision, sur requête de celui-ci et si elles disposent de ces données, le nom et l'adresse du destinataire, de l'expéditeur, du déclarant et du détenteur des marchandises, le régime douanier, ainsi que l'origine, la provenance et la destination des marchandises dont la mainlevée a été suspendue ou qui ont été retenues.
Art. 19 Inspection et échantillonnage des marchandises dont la mainlevée a été suspendue ou qui ont été retenues. 1. Les autorités douanières donnent au titulaire de la décision et au déclarant ou au détenteur des marchandises la possibilité d'inspecter les marchandises dont la mainlevée a été suspendue ou qui ont été retenues.
Art. 21 Utilisation autorisée de certaines informations par le titulaire de la décision. Lorsque le titulaire de la décision a reçu les informations visées à l'article 17, paragraphe 4, à l'article 18, paragraphe 5, à l'article 19 ou à l'article 26, paragraphe 8, il ne peut divulguer ou utiliser ces informations qu'aux fins suivantes :
a) pour engager une procédure visant à déterminer s'il a été porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle ou les exploiter dans le cadre de ces procédures ;
b) à l'occasion d'une enquête pénale liée à la violation d'un droit de propriété intellectuelle et engagée par les autorités publiques dans l'État membre où les marchandises se trouvent ;
c) pour engager des poursuites pénales ou les exploiter dans le cadre de ces poursuites ;
d) pour réclamer une indemnisation au contrevenant ou à d'autres personnes ;
e) pour convenir avec le déclarant ou le détenteur des marchandises que les marchandises sont détruites conformément à l'article 23, paragraphe 1 ;
f) pour convenir avec le déclarant ou le détenteur des marchandises du montant de la garantie visée à l'article 24, paragraphe 2, point a).
Art. 23 Destruction des marchandises et ouverture de la procédure.
(...)
3. Lorsque le déclarant ou le détenteur des marchandises n'a pas confirmé par écrit qu'il consentait à leur destruction et lorsqu'il n'est pas réputé avoir confirmé qu'il consentait à leur destruction conformément au paragraphe 1, premier alinéa, point c), dans les délais qui y sont prévus, les autorités douanières en informent immédiatement le titulaire de la décision. Dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables s'il s'agit de denrées périssables, à partir de la notification de la suspension de la mainlevée des marchandises ou de leur retenue, le titulaire de la décision engage une procédure pour déterminer s'il a été porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle.
4. A l'exception du cas de denrées périssables, s'il y a lieu, les autorités douanières peuvent proroger le délai visé au paragraphe 3 de dix jours ouvrables au maximum sur requête dûment motivée du titulaire de la décision.
5. Les autorités douanières octroient la mainlevée des marchandises ou mettent fin à leur retenue immédiatement après l'accomplissement de toutes les formalités douanières, lorsque, dans les délais visés aux paragraphes 3 et 4, elles n'ont pas été dûment informées, conformément au paragraphe 3, de l'ouverture d'une procédure visant à déterminer s'il a été porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle.
le code de la propriété intellectuelle et la saisie contrefaçon
Article L.716-7 : La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.
A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers.
La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou fournir les services prétendus contrefaisants.
Elle peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée.
A défaut pour le demandeur de s'être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire, l'intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.
Article L. 716-8: 'En dehors des cas prévus par la réglementation communautaire en vigueur, l'administration des douanes peut, sur demande écrite du propriétaire d'une marque enregistrée ou du bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation, assortie des justifications de son droit, retenir dans le cadre de ses contrôles les marchandises que celui-ci prétend constituer une contrefaçon.
Le procureur de la République, le demandeur ainsi que le déclarant ou le détenteur des marchandises sont informés sans délai, par les services douaniers, de la retenue à laquelle ces derniers ont procédé. Lors de l'information visée au deuxième alinéa, la nature et la quantité réelle ou estimée des marchandises sont communiquées au propriétaire de la marque enregistrée ou au bénéficiaire du droit exclusif d'exploitation, par dérogation a l'article 59 bis du Code des douanes.
(...) La mesure de retenue est levée de plein droit à défaut, pour le demandeur, dans un délai de 10 jours ouvrables ou de trois jours ouvrables s'il s'agit de denrées périssables, à compter de la notification de la retenue des marchandises, de justifier auprès des services douaniers soit de mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s'être pourvu par la voie civile ou par la voie correctionnelle et d'avoir constitué les garanties destinées à l'indemnisation éventuelle du détenteur des marchandises au cas ou la contrefaçon ne serait pas reconnue ultérieurement.
(...)
Aux fins de l'engagement des actions en justice visées au quatrième alinéa, le demandeur peut obtenir de l'administration des douanes communication des nom et adresse de l'expéditeur, de l'importateur, du destinataire des marchandises retenues ou de leur détenteur ainsi que de leur quantité, leur origine et leur provenance par dérogation à l'article 59 bis du Code des douanes, relatif au secret professionnel auquel sont tenus les agents de l'administration des douanes...'.
en l'espèce
La société Euro Négoce soutient d'abord que la déloyauté de la société Schneider Electric qui n'a pas fait état du résultat de la retenue douanière qui l'a amenée à présenter sa requête et dont elle savait par ailleurs qu'elle aurait dû la solliciter avant la clôture de la retenue, justifie la rétractation de l'ordonnance qui y a fait droit, ainsi que l'ordonnance entreprise l'a retenu.
Toutefois, il est constant que le juge, tenu d'apprécier les mérites d'une requête au regard des seules conditions susvisées de l'article 145 susvisé, doit seulement s'assurer de l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement, sans avoir à rechercher si les requérants auraient manqué à un devoir de loyauté dans l'exposé des faits.
La société Euro Négoce soutient ensuite que la société Schneider Electric ne pouvait solliciter la saisie contrefaçon litigieuse au delà du délai impératif prévu à l'article 23 du paragraphe 3 du règlement pour les marchandises extra communautaires ou de l'article L716-8 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle pour le droit interne, qui est de 20 jours ouvrables maximum à partir de la notification de la retenue en douane des marchandises, soit en l'espèce jusqu'au 5 septembre 2015, prorogé au 7 septembre 2015. Elle fait valoir que la société Schneider Electric reconnaît d'ailleurs dans la procédure au fond qu'elle « n'a pas pu (') entreprendre des mesures appropriées dans le délai de la retenue », ou encore qu'elle « n'a pu valider la retenue douanière à temps » Elle en déduit que cet aveu judiciaire caractérise le détournement de procédure et justifie la rétractation de la requête qui est tardive, partant inutile s'agissant d'informations qu'il aurait été loisible à la société Schneider Electric d'obtenir des douanes sur le fondement de l'article 17 point 4 du règlement ou de l'article L716-8 du code de la propriété intellectuelle.
La société Schneider Electric soutient en revanche que dès lors qu'elle n'a ni sollicité ni validé la retenue préalable des marchandises objet de sa requête, celle-ci est autonome par rapport à la retenue douanière et n'est donc pas soumise à l'article 23 susvisé du règlement, ce d'autant qu'elle concerne des importations parallèles, mais seulement au droit commun de l'article L716-7 du code de la propriété intellectuelle qui n'impose de délai que pour la saisine du juge du fond.
Dans sa requête aux fins de saisie contrefaçon, la société Schneider Electric vise le règlement, en ses articles 17 et 19, relatifs à la retenue douanière de marchandises soupçonnées de porter atteinte aux droits de propriété intellectuels à la demande du titulaire des droits de marque et à la possibilité pour lui de les inspecter.
Le procès verbal de constat des services de la Douane de [Localité 1] confirment d'ailleurs que les marchandises retenues le 10 août 2015 comme susceptibles de contrefaire la marque Schneider Electric l'ont été au titre de l'article 17 du règlement, énonçant expressément : 'la marque ayant déposé une demande d'intervention auprès de la direction générale des douanes...'.
La société Schneider Electric expose dans cette requête que :
- elle est titulaire des marques communautaire et française susvisées,
- les Douanes ont procédé le 10 août 2015 à une retenue douanière d'un lot de 10.715 pièces de matériels électriques présumées les contrefaire et lui ont communiqué huit photos dont deux sont reproduites,
- l'analyse des marchandises retenues a révélé que ces marchandises provenaient de Turquie et n'avaient pas été mises dans le commerce dans l'Union européenne avec son consentement,
- les faits visés constituent donc des actes de contrefaçon et d'usage illicite de marque, même s'il s'agit de produits authentiques, lesquels sont prohibés notamment par l'article 9 du règlement CE n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire et les articles L717-1 et L713-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
- elle n'entend pas se prévaloir de l'infraction douanière mais en revanche et 'en application de l'article 103 du règlement précité et de l'article L716-7 du code de la propriété intellectuelle', elle est fondée 'à faire procéder à la constatation légale de la matérialité, de l'origine et de l'étendue de ces actes de contrefaçon et ainsi à la description détaillée, avec prélèvement d'échantillons le cas échéant, de l'ampleur des agissements et de tout document s'y rapportant.'
Sont versées à l'appui de la requête les notices relatives aux marques en cause, un extrait k-Bis de la société Schneider Electric, un procès verbal d'AG du 6 mai 2014 attestant du changement de forme sociale de SA en SE et la lettre de notification des Douanes du 11 août 2015 et ses annexes.
Il s'ensuit que la société Schneider Electric fonde sa requête aux fins de saisie contrefaçon sur les éléments obtenus à la faveur de la retenue douanière litigieuse et que les éléments de preuve qu'elle s'estime fondée à recueillir se rapportent à cette retenue douanière, sans qu'elle ne justifie en quoi sa demande vise une communication plus large que celle de l'article 17 point 4 du règlement ou de l'article L716-8 du code de la propriété intellectuelle.
La société Schneider Electric ne peut donc utilement prétendre à l'autonomie de sa procédure de saisie contrefaçon par rapport à cette retenue préalable des marchandises en cause, notamment quant au délai pour déposer une requête à cette fin.
A cet égard, il importe peu que sa requête ne vise que des importations parallèles. En effet, d'une part, elle les considèrent comme des actes de contrefaçon qu'elle envisage de poursuivre en justice, d'autre part elle n'allègue ni ne justifie s'être heurtée au refus des douanes de lui fournir les informations visées à l'article 17 point 4 du règlement ou à l'article L716-8 du code de la propriété intellectuelle, enfin elle se borne à affirmer qu'elle n'était pas en mesure de savoir s'il y avait lieu ou non d'engager une action en justice avant d'obtenir communication de ces informations complémentaires par ordonnance sur requête et qu'elle a été contrainte d'initier les mesures litigieuses postérieurement à la retenue.
De même, il est inopérant qu'elle n'ait pas 'validé' cette retenue, mais au contraire reconnu, à l'issue de l'inspection des marchandises retenues en application de l'article 19 susvisé, leur authenticité, dès lors qu'elle entend initier une procédure visant à déterminer s'il a été porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle, telle que visée à l'article 23 du règlement ou qu'elle allègue la contrefaçon de ses marques telle que visée à l'article L716-8 du code de la propriété intellectuelle.
Enfin, il est indifférent que sa requête ne tende pas à la saisie réelle du stock de marchandises en cause, qu'il conviendrait de libérer au plus tôt mais ne vise qu'à une saisie descriptive avec prélèvement d'échantillon le cas échéant. En effet, la condition tenant au délai imparti pour initier une procédure visant à déterminer s'il a été porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle, telle que visée à cet article 23 et reprise à l'article L716-8 du code de la propriété intellectuelle, ne distingue pas entre saisie réelle ou saisie purement descriptive.
Au demeurant, la raison d'être du délai ainsi imparti en droit de l'Union européenne et en droit interne n'est pas seulement de limiter la durée de retenue des marchandises au préjudice de leur détenteur au strict temps nécessaire aux constats utiles à l'établissement éventuel de la contrefaçon suspectée.
Les règles de procédure fixées par le règlement, ou par l'article L. 716-8, sont favorables au bénéficiaire de la retenue puisqu'elles vont jusqu'à la levée du secret douanier en sa faveur. Elle ont pour contrepartie le respect d'un régime procédural strict qui obéit à un calendrier précis. Elles prévoient de surcroît des conditions précises d'obtention et d'utilisation des informations par les Douanes dérogatoires au secret professionnel auquel celles-ci sont soumises (article 21 du règlement et L716-8 du code de la propriété intellectuelle).
De ce fait, la société Schneider Electric, titulaire d'une convention de retenue avec les services douaniers puisqu'elle fonde sa requête sur l'article 17 du règlement, soutient en vain que, si le délai imparti susvisé n'est pas respecté ou si les marchandises sont reconnues comme authentiques bien qu'ayant été mises dans le commerce dans l'Union européenne sans son consentement, seule la saisie est levée mais que les documents remis peuvent servir à initier une procédure en contrefaçon en dehors de tout délai, comme en l'espèce.
Aucun élément en débat ne justifie utilement une telle autonomie de la procédure de saisie contrefaçon consécutive à une retenue douanière par rapport à cette dernière, alors même que la saisie contrefaçon est un moyen de preuve strictement encadré, sous le contrôle du juge, s'agissant d'une procédure dérogatoire au droit commun, en particulier quant au principe du contradictoire et au secret professionnel, qui tend à la recherche d'équilibre entre les droits du titulaire de la marque et ceux du détenteur des marchandises présumées les contrefaire, qui doit être mis en mesure de savoir à quoi s'en tenir à ce titre dans les meilleurs délais.
Ainsi, si le saisissant en matière de saisie-contrefaçon n'agit pas dans le délai imparti, il perd le bénéfice de sa procédure et ne peut donc faire état d'aucune description ni d'aucun document saisi lors des opérations dans le cadre d'une action en contrefaçon engagée tardivement, ce d'autant que l'article 21 du règlement, comme le sixième alinéa de l'article 716-8 du code de la propriété intellectuelle, prévoit explicitement que les renseignements ne sont donnés que pour permettre l'engagement des actions en justice. Ils ne peuvent donc être utilisés que dans ce cas et une fois remplies les conditions procédurales, notamment de délais.
La société Schneider Electric ne dispose donc pas d'un motif légitime à obtenir la saisie contrefaçon sollicitée des documents relatifs à la retenue après l'expiration du délai fixé par l'article 23 du règlement repris à l'article L716-8 du code de la propriété intellectuelle.
L'ordonnance entreprise doit donc être confirmée des chefs de la rétractation, par substitution de motifs, de la restitution des pièces et documents saisis et de l'interdiction d'utiliser ou de rendre public le procès verbal de la saisie contrefaçon litigieuse.
Le premier juge a fait une application fondée de l'article 696 du code de procédure civile et équitable de l'article 700 du même code. L'ordonnance entreprise doit donc être confirmée de ces chefs aussi.
Il convient en appel de condamner de même la société Schneider Electric qui succombe à supporter la charge des dépens et de la condamner à payer à la société Euro Négoce une indemnité de procédure de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Schneider Electric aux dépens d'appel distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile;
CONDAMNE la société Schneider Electric à payer à la société Euro Négoce une indemnité de procédure de 5.000 euros et REJETTE toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT