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18/10/2017 | FRANCE | N°16/09031

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 18 octobre 2017, 16/09031


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 18 Octobre 2017



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/09031





Décision déférée à la cour : SUR RENVOI APRES CASSATION du 13 avril 2016 suite à l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris (6-6) du 12 mars 2014 concernant un jugement rendu le 25 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/09577



APPELANT


Monsieur [W] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Marie-sophie VINCENT, avocat au barr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 18 Octobre 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/09031

Décision déférée à la cour : SUR RENVOI APRES CASSATION du 13 avril 2016 suite à l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris (6-6) du 12 mars 2014 concernant un jugement rendu le 25 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/09577

APPELANT

Monsieur [W] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Marie-sophie VINCENT, avocat au barreau de PARIS, E1858

INTIMEE

SASU DOG PRODUCTIONS

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 493 769 509 00016

représentée par Me Luca DE MARIA, avocat au barreau de PARIS, L0018 substitué par Me Isabelle GIMONET, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine SOMMÉ, présidente de chambre et Madame Christine LETHIEC, conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseillère

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente et par Madame Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [W] [L] a été engagé par la SAS DOG PRODUCTIONS en qualité de directeur de production suivant trois contrats à durée déterminée successifs pour les mois de mars, avril et mai 2010. La rémunération brute prévue au premier contrat était de 2 000 € par mois pour un horaire de 10 heures 30 par semaine. Les deux contrats à durée déterminée conclus ultérieurement pour les mois d'avril et mai 2010 prévoyaient, chacun, un horaire hebdomadaire de 7 heures par semaine pour une rémunération maintenue à 2 000 € par mois.

Le 20 juillet 2010, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et à temps complet à compter du 1er décembre 2009 et de demandes en paiement à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de dommages et intérêts pour rupture abusive, de rappels de salaires pour les mois de décembre 2009 à février 2010, d'indemnité compensatrice de congés payés sur la même période et de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

Par jugement rendu le 25 octobre 2011, le conseil de prud'hommes a :

- requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps partiel de 7 heures par semaine de janvier à mai 2010 ;

- condamné la SAS DOG PRODUCTIONS à payer à M. [L] les sommes suivantes :

4 000 € à titre de rappels de salaire pour les mois de janvier et février 2010

400 € pour les congés payés afférents

2 000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

200 € pour les congés payés afférents

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, avec exécution provisoire de droit, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant fixée à 2 000 €

2 000 € à titre d'indemnité de requalification

2 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement

500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté M. [L] du surplus de ses demandes

- condamné la société DOG PRODUCTIONS aux dépens.

Par déclaration du 2 février 2012, M. [L] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt rendu le 12 mars 2014, la cour d'appel de Paris a :

confirmé la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminée, à temps partiel, pour un salaire de 2 000 € par mois et condamné l'employeur à verser 4 000 € de salaire pour les mois de janvier et février 2010, outre 400 € pour congés payés afférents ;

confirmé la décision du conseil de prud'hommes quant à l'indemnité de requalification, les dommages et intérêts pour rupture abusive et la somme allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

infirmé la décision pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant :

condamné la SAS DOG PRODUCTIONS à payer à M. [L] les sommes suivantes :

2 000 € pour salaire du mois de décembre 2009, congés payés de 10% en sus ;

8 000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés de 10% en sus ;

12 000 € d'indemnité forfaitaire pour le travail dissimulé ;

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;

débouté les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires ;

condamné la SAS DOG PRODUCTIONS à régler la somme de 2 000 € au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens ;

condamné la SAS DOG PRODUCTIONS aux dépens.

M. [L] s'est pourvu en cassation contre cette décision.

Par arrêt rendu le 13 avril 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation a partiellement cassé l'arrêt de la cour d'appel, mais seulement en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de requalification de contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de ses demandes de rappel de salaires, de congés payés afférents, et sur le montant des sommes allouées en conséquence de la rupture du contrat de travail, et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de 'Paris autrement composée.

Par déclaration du 24 juin 2016, M. [L] a saisi cette cour désignée comme cour de renvoi, dans le délai de quatre mois prévu par l'article 1034 du code de procédure civile dans sa rédaction alors applicable.

Aux termes de ses conclusions visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience du 28 juin 2017, M. [L] demande à la cour de :

condamner la société DOG PRODUCTIONS au paiement des sommes suivantes :

31 880,31 € à titre de rappel de salaire pour les mois de décembre 2009 à février 2010, outre 3 188,03 € de congés payés incidents ;

32 309,86 € à titre de rappel de salaire pour les mois de mars à mai 2010, outre 3 230,98 € de congés payés afférents ;

fixer la moyenne des salaires des trois derniers mois reconstituée à 12 770,10 € ;

condamner la société DOG PRODUCTIONS à lui verser :

50 400 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

51 080,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

5 108,04 € à titre de congés payés afférents ;

76 620,62 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts.

Reprenant oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier, la SAS DOG PRODUCTIONS demande à la cour de :

* à titre principal :

constater que le contrat de travail de M. [L] est un contrat à temps partiel ;

débouter par conséquent M. [L] de l'intégralité de ses demandes ;

* subsidiairement, si la cour devait requalifier le contrat en contrat à temps plein :

constater que la rémunération de base de M. [L] pour un travail à temps plein ne saurait être supérieure à 4 000 € brut mensuels ;

par conséquent, constater que la condamnation de la société DOG PRODUCTIONS ne saurait dépasser 12 000 € au titre des rappels de salaires pour les mois de décembre 2009 à février 2010, soit 1 200 € de congés payés ;

constater que la condamnation de la société DOG PRODUCTIONS ne saurait dépasser 12 000 € au titre des rappels de salaires pour les mois de mars 2010 à mai 2010, soit 1 200 € de congés payés ;

confirmer le montant des dommages et intérêts prononcés pour rupture abusive par l'arrêt du 12 mars 2014, à savoir 2 000 €, subsidiairement, constater qu'ils ne sauraient dépasser un mois de salaire, soit 4 000 € brut ;

constater que l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas due ; subsidiairement, constater que cette indemnité de quatre mois de salaire ne saurait dépasser 16 000 €, auxquels s'ajoutent les congés payés afférents de 1 600 € ;

constater que la cour d'appel n'est pas saisie de la demande d'indemnité pour travail dissimulé ; subsidiairement, que l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ne saurait dépasser 12 000 €.

* en tout état de cause :

condamner M. [L] à verser à la société DOG PRODUCTIONS la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet

Il convient de rappeler à titre liminaire que suivant arrêt rendu le 12 mars 2014 par la cour d'appel de Paris autrement composée, il a été définitivement jugé que le contrat de travail de M. [L] était à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2009, ce chef de dispositif n'étant en effet pas atteint par la cassation partielle prononcée par arrêt de la Cour de cassation en date du 13 avril 2016.

M. [L] demande à la cour de retenir qu'il a travaillé à temps plein, d'une part de décembre 2009 à février 2010, d'autre part de mars à mai 2010, en soutenant :

- au titre de la première période, qu'en l'absence de contrat écrit, son contrat de travail est présumé à temps plein et que la société DOG PRODUCTIONS ne produit aucun élément de nature à renverser cette présomption, qu'il n'était pas en mesure de prévoir à quel rythme il devait travailler et que l'employeur ne démontre pas qu'il n'était pas placé constamment à sa disposition, qu'il n'a perçu aucune activité au titre d'une prétendue activité d'agent au cours de la même période, ajoutant qu'à la supposée établie cette activité n'est pas incompatible avec une activité de production à temps plein ;

- au titre de la seconde période, soit de mars à mai 2010, que les contrats écrits ne comportent pas toutes les mentions prévues à l'article L. 3123-4 du code du travail, que s'il était supposé travailler, en mars 2010, 10 heures 30 sur trois jours, et en avril et mai 2010, 7 heures sur deux jours, en réalité il a travaillé de manière intense ce qui l'a contraint à être à la disposition permanente de son employeur, celui-ci ne rapportant pas la preuve contraire.

La société DOG PRODUCTIONS fait valoir qu'on ne saurait différencier la période allant de décembre 2009 à février 2010 de celle courant de mars à mai 2010, que la relation contractuelle doit en effet être appréciée dans sa globalité, qu'il ressort clairement des trois contrats à durée déterminée signés par le salarié pour les mois de mars, avril et mai 2010, que celui-ci ne travaillait ni l'après-midi ni les mardi et jeudi, que ces contrats sont venus entériner la relation de travail antérieure, qu'il ne peut être soutenu que la charge de travail d'un même poste justifie d'abord un temps complet puis un temps partiel. La société DOG PRODUCTIONS affirme qu'elle rapporte la preuve de l'existence d'une durée hebdomadaire convenue de 10 heures 30, puis de 7 heures, et du rythme de travail du salarié et que M. [L], qui exerçait parallèlement une activité d'agent, ne se tenait pas constamment à la disposition de son employeur, qu'il en résulte que le contrat de travail ne peut être requalifié à temps complet. Sur la période de mars à mai 2010, la société fait valoir, au visa de l'article L. 3171-4 du code du travail, que M. [L] n'apporte aucun élément sérieux étayant sa demande de requalification à temps complet.

En application de l'article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet. Il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, en l'absence de contrat de travail écrit pour la période de décembre 2009 à février 2010 inclus, le contrat de travail est présumé à temps complet pour cette période, sans qu'il puisse être déduit des contrats à durée déterminée à temps partiel écrits postérieurs, que la durée du travail convenue entre les parties était à temps partiel pour la période antérieure.

La société DOG PRODUCTIONS ne produit aucune pièce susceptible de rapporter la preuve d'une part de la durée du travail convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, le seul fait que M. [L] ait par ailleurs exercé une activité d'agent, dont l'importance n'est au demeurant nullement démontrée, étant inopérant à cet égard.

La relation de travail de décembre 2009 à février 2010 doit donc être requalifiée à temps complet.

S'agissant de la seconde période travaillée, soit à compter du mois de mars 2010, trois contrats de travail à temps partiel ont été établis.

Le contrat du 22 février 2010 conclu pour la période du 1er mars au 31 mars 2010 stipule que « la durée de travail moyenne hebdomadaire du salarié est fixée à 10h30 par semaine avec les horaires suivants : les lundi, mercredi et vendredi de 9h30 à 12h30 ».

Les contrats des 28 mars et 30 avril 2010, conclus respectivement pour la période du 1er avril au 30 avril 2010 et pour celle du 3 mai au 31 mai 2010, stipulent l'un et l'autre que « la durée de travail moyenne hebdomadaire du salarié est fixée à 10h30 par semaine avec les horaires suivants : les lundi, mercredi et vendredi de 9h30 à 12h30 ».

Dès lors que ces contrats précisent la durée hebdomadaire prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, la relation du travail n'est pas présumée à temps complet contrairement à ce que soutient M. [L], peu important l'absence des autres mentions prévues à l'article L 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En application de ces dispositions, le salarié doit étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

M. [L] produit des échanges de courriels sur cette période et un tableau récapitulant lesdits courriels qui étayent sa demande. Cependant ainsi que l'observe à juste titre l'employeur il ne ressort pas de ces courriels l'exécution d'un travail au delà de la durée convenue, soit 10 heures 30 par semaine, puis 7 heures par semaine, en dehors des jours précisés aux contrats de travail, la réception par le salarié de courriels en dehors de ces jours et plages horaires prévus étant indifférente à cet égard, étant relevé en outre qu'il ne peut être déduit de ce que le salarié a du relancer à plusieurs reprises son employeur pour le paiement de son salaire qu'il travaillait au delà de la durée convenue.

La cour a donc la conviction, au vu des pièces produites par chacune des parties, que M. [L] n'a pas accompli d'heures de travail au-delà de la durée contractuelle. Il doit en conséquence être débouté de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet pour la période de mars à mai 2010 inclus.

Le jugement déféré sera dès lors infirmé seulement en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de requalification de la relation de travail à temps complet pour la période de décembre 2009 à février 2010 inclus.

Sur la demande de rappels de salaire

M. [L] soutient qu'en application de la convention collective des techniciens de la production cinématographique, le salaire minimum pour un directeur de la production est fixé hebdomadairement à 2 454,22 € et sollicite en conséquence, pour les mois de décembre 2009, janvier et février 2010, un rappel de salaire de 31 880,31 €, calculé comme suit : 2 454,22 x 4,33 x 3 = 31 880,31 €, outre les congés payés afférents.

Il fait valoir que la société mère de la société DOG PRODUCTIONS, la société EUROPACORP dirigée par M. [G] [V], est adhérente au syndicat patronal signataire du barème conventionnel, de sorte que l'employeur est tenu d'appliquer ce barème. Il produit également un barème issu de l'accord du 28 juin 2007 relatif aux salaires au 1er juin 2007, annexé à la convention collective nationale des techniciens de la production cinématographique du 30 avril 1950, en soulignant que la convention collective de la production cinématographique du 10 janvier 2012 n'a pas vocation à s'appliquer aux faits de l'espèce qui lui sont antérieurs. A titre subsidiaire, M. [L] fait valoir qu'il convient de se référer au taux contractuel horaire retenu dans le cadre des contrats de travail conclus pour la période à compter du 1er mars 2010.

La société DOG PRODUCTIONS soutient que selon la convention collective de la production cinématographique du 19 janvier 2012, le barème prévoyant une rémunération minimum ne s'applique qu'aux contrats à durée déterminée, qu'en outre ce barème ne prévoit pas la rémunération d'un directeur de production, qu'enfin le second barème produit par le salarié est un document syndical non officiel et qu'il vise un horaire de travail de 39 heures par semaine, incluant de fait une majoration pour heures supplémentaires de 25 %. La société DOG PRODUCTIONS affirme enfin que le salarié ne peut davantage se référer à un taux horaire convenu dans le cadre d'un contrat à durée déterminée prévoyant un taux horaire élevé pour tenir compte de la situation précaire du technicien.

En l'espèce il convient de se référer, non pas au document portant barème des salaires minima garantis au 1er janvier 2010 invoqué en premier lieu par M. [L], qui n'est en effet pas un avenant conventionnel mais un document établi par le syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de télévision, appelant les salariés à « faire respecter l'accord salarial de 1984 en appliquant les salaires de juillet 2009 réévalués de 0,12 % », ni encore à la convention collective nationale de la production cinématographique du 19 janvier 2012, postérieure à la relation de travail entre les parties, mais à l'accord du 28 juin 2007 relatif aux salaires (barème hebdomadaire) au 1er janvier 2007 (en l'absence d'accord postérieur), annexé à la convention collective nationale des techniciens de la production cinématographique du 30 avril 1950 seule applicable en l'espèce. Cette annexe prévoit que le salaire minimum hebdomadaire garanti d'un directeur de production est de 2 334,30 € pour une semaine de 39 heures, soit 35 heures plus 4 heures majorées à 25 %, étant précisé qu'il ne résulte d'aucune disposition conventionnelle que ce salaire minimum soit réservé aux salariés en contrat à durée déterminée, ce qui ne serait pas conforme en tout état de cause au principe d'égalité de traitement.

Il s'en déduit que le montant du salaire minimum hebdomadaire pour 35 heures s'élève à la somme de 2 042,51 € sur la base d'un taux horaire de 58,3575 €.

En conséquence il doit être alloué à M. [L], pour la période de décembre 2009 à février 2010, la somme totale de 26 532,24 €, calculée comme suit : 2 042,5125 € x 4,33 x 3, outre les congés payés afférents s'élevant à 2 653,22 €.

Le jugement déféré ayant alloué pour la même période un rappel de salaire limité à 4 000 € , outre 400 € pour les congés payés afférents, pour le mois de janvier et février 2010 sera en conséquence infirmé.

Pour la période postérieure, soit de mars à mai 2010 inclus, le salarié ayant été débouté de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, la demande de rappel de salaire de l'intéressé sera rejetée. La décision de première instance sera donc confirmée à ce titre.

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture du contrat de travail

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Les dispositions de l'arrêt du 12 mars 2014 sont définitives en ce qu'elles ont retenu que le salarié était en droit de prétendre à une indemnité conventionnelle de préavis correspondant à quatre mois de salaire.

Le salaire mensuel du salarié étant fixé en dernier lieu à 2 000 € sur la base d'un temps partiel, l'indemnité compensatrice de préavis s'élève à la somme de 8 000 €, somme au paiement de laquelle la société DOG PRODUCTIONS sera condamnée par infirmation du jugement déféré.

Sur les dommages et intérêts pour rupture abusive

Le salarié qui avait moins de deux ans d'ancienneté peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement abusif réparant le préjudice subi en application de l'article L. 1235-5 du code du travail. Considérant l'ancienneté de six mois de M. [L], l'effectif de l'entreprise, les circonstances de la rupture et ses conséquences pour l'intéressé qui justifie de la précarité de sa situation professionnelle, il lui sera alloué la somme de 10 000 €.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

M. [L] soutient que les dispositions de l'arrêt du 12 mars 2014 ayant fait droit à sa demande d'indemnité pour travail dissimulé sont définitives, que cette indemnité résultant de la rupture du contrat de travail, son montant doit nécessairement être modifié en cas de requalification du contrat de travail.

La société DOG PRODUCTIONS fait valoir que la cassation prononcée par arrêt rendu le 13 avril 2016 n'atteint pas le chef de dispositif de l'arrêt du 12 mars 2014 relatif à l'indemnité pour travail dissimulé.

Il résulte des articles 624, 625, 632 et 638 du code de procédure civile que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, les parties étant remises de ce chef dans l'état où elles se trouvaient avant la décision censurée et ayant la faculté d'invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

L'arrêt du 12 mars 2014 est définitif en ce qu'il a fait droit en son principe à la demande du salarié au titre de l'indemnité au salarié une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Cependant, dès lors qu'en application de l'article L. 8223-1 du code du travail l'indemnité pour travail dissimulé n'est due qu'en cas de rupture du contrat de travail et que l'arrêt du 12 mars 2014 a été cassé sur le montant des sommes allouées en conséquence de la rupture, le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 mars 2014 ayant condamné la société DOG PRODUCTIONS à payer à M. [L] la somme de 12 000 € est atteint par la cassation prononcée par l'arrêt de la Cour de cassation du 13 avril 2016.

En l'espèce, au dernier état de la relation de travail, le contrat de travail de M. [L] était à temps partiel moyennant une rémunération mensuelle de 2 000 €.

L'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé qui est égale à six mois de salaires, s'élève donc à la somme de 12 000 €, somme au paiement de laquelle la société DOG PRODUCTIONS sera condamnée par infirmation du jugement entrepris.

Sur les autres demandes

En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Conformément aux dispositions d e l'article 1154 du code civil recodifié sous l'article 1343-2 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

La société DOG PRODUCTIONS supportera les dépens de l'instance et sera condamnée en équité à payer à M. [L] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris autrement composée rendu le 12 mars 2014 ;

Vu l'arrêt de cassation partielle de la Cour de cassation rendu le 13 avril 2016 ;

INFIRME le jugement déféré seulement en ce qu'il a débouté M. [W] [L] de sa demande de rappel de salaire pour le mois de décembre 2009, en ces dispositions fixant le rappel de salaire du sur la période de janvier à février 2010 et en ces dispositions relatives aux conséquences indemnitaires de la rupture ;

CONDAMNE la SAS DOG PRODUCTIONS à payer à M. [W] [L] les sommes suivantes :

- 26 532,24 € à titre de rappel de salaires pour la période de décembre 2009 à février 2010 ;

- 2 653,22 € au titre des congés payés afférents ;

- 12 000 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;

CONDAMNE la SAS DOG PRODUCTIONS aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/09031
Date de la décision : 18/10/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/09031 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-18;16.09031 ?
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