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17/10/2017 | FRANCE | N°17/03378

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 17 octobre 2017, 17/03378


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 17 Octobre 2017

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/03378



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX section encadrement RG n° 13/01177









APPELANT



Monsieur [W] [I]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté de

Me Fabrice LAFFON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172







INTIMEE



FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, to...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 17 Octobre 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/03378

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX section encadrement RG n° 13/01177

APPELANT

Monsieur [W] [I]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté de Me Fabrice LAFFON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

INTIMEE

FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Juin 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, faisant fonction de Président

Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère

Mme Anne PUIG-COURAGE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et prorogé à ce jour

- signé par Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, faisant fonction de Président, et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

[W] [I], né en 1055, a été engagé par contrat à durée indéterminée par la FONDATION ARMEE DU SALUT le 18.07.1994 en qualité de chef de service éducatif coefficient 640 à temps complet, pour exercer ses activités sous l'autorité du directeur de l'établissement, au sein du centre de formations professionnelles spécialisé situé au [Adresse 3].

La FONDATION ARMEE DU SALUT a une activité d'hébergement social pour adultes et familles en difficultés. L'entreprise est soumise à la convention collective du 15.03.1966 ; elle comprend plus de 10 salariés. La moyenne mensuelle des salaires de [W] [I] s'établit à 3.760 €.

Un rapport d'audit interne en date du 28.02.2011 a mis en garde la FONDATION ARMEE DU SALUT sur les dysfonctionnements constatés au sein de l'établissement du [Adresse 3] ; un diagnostic organisationnel et fonctionnel de l'établissement a confirmé en juillet 2011 cette analyse. Un contrôle qualité a été réalisé au sein de cet établissement le 12.04.2013 par la DGA Solidarité du conseil général de Seine et Marne ; ce contrôle a été suivi d'un contrôle inopiné les 15 et 16 mai qui a mis en évidence des dysfonctionnements conduisant le Président du conseil général à enjoindre à la Fondation à prendre les mesures nécessaires à assurer immédiatement la sécurité des enfants et du personnel ; un rapport définitif a été adressé à la Fondation le 12.06.2013. Dans l'intervalle, le document unique d'évaluation des risques a été mis à jour le 15.05.2013. La DGA solidarité a avisé la FONDATION ARMEE DU SALUT le 09.07.2013 de son intention de fermer définitivement le centre, en l'absence de mise en place d'un projet d'établissement et de suivi des mesures préconisées par le Département. En réponse, la FONDATION ARMEE DU SALUT a fait parvenir ses observations.

Il a été procédé par arrêté du 26.09.2013 à la fermeture de l'établissement Morfondé puis à celle du service de prévention spécialisée APS/Armée du Salut.

Le 02.10.2013, la FONDATION ARMEE DU SALUT a informé [W] [I] de la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement économique à la suite de la décision du conseil général de Seine et Marne de fermer la maison d'enfants à caractère social de Morfondé à compter du 04.10.2013, et du fait qu'il était dispensé de présence à compter du 7 octobre.

Le CCE a, le 14.10.2013, décidé du déclenchement de la procédure de droit d'alerte interne pour l'établissement du [Adresse 3].

Dans un courrier du 18.10.2013 adressé à l'ensemble du personnel, la FONDATION ARMEE DU SALUT a donné des informations aux salariés sur les procédures en cours et les a informés de la mise en place d'une expertise destinée à les accompagner durant la procédure de licenciement économique ; elle leur a rappelé qu'ils seraient tenus informés des postes disponibles au sein des autres établissements de la Fondation, tout en précisant la situation du personnel en dispense d'activité.

Le 21.10.2013, le médecin du travail a décidé de l'inaptitude temporaire du salarié qui devait être retiré du milieu de travail et revoir son médecin traitant. Le 23.10.2013, un arrêt de travail a été prescrit au salarié, qui a été prolongé jusqu'au 12.12.2013.

Une mise en garde a été notifiée à [W] [I] le 25.10.2013 en raison de manquements professionnels : manque de soutien auprès de l'équipe de professionnels et manque de communication et de diplomatie dans les relations avec les membres de l'équipe, ces faits ayant été relatés par le personnel avant le 29.01.2013 et communiqués à la Fondation mi juin 2013 ; le 08.11.2013, [W] [I] a contesté ces observations.

Le 13.11.2013 l'ensemble des salariés de l'établissement ont été dispensés de présence, eu égard à la situation de crise ayant donné lieu à la saisine du Parquet.

Le 22.11.2013, lors d'une réunion extraordinaire, le comité d'établissement du [Adresse 3] a été informé de la procédure de licenciement collectif économique. Le plan de sauve garde a été homologé par l'inspection du travail le 15.04.2014.

Le CPH de Meaux a été saisi par [W] [I] le 25.11.2013 en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs de l'employeur, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail.

Compte tenu du faible niveau d'activité, l'établissement a été fermé du 26 décembre au 4 janvier 2014.

Un courrier a été adressé aux salariés du [Adresse 3] le 10.02.2014 en vue de transmettre les offres d'emploi disponibles dans l'entreprise, et le 21.02.2014, deux annonces ont été communiquées aux salariés correspondant au postes de chef du service éducatif service SORA Strasbourg et de chef du service éducatif service CHRS Paris 11è.

De même [W] [I] a été avisé le 12.03.2014 de nouvelles propositions de postes en tant que chef du service éducatif, éducateur scolaire spécialisé, agent de service inférieur et éducateur spécialisé au sein de l'association AURORE ; l'offre d'emploi de chef de service au sein de l'ESI St Martin et des centres d'accueil de jour situés à [Localité 3] et [Localité 3] lui a été transmise le 14.03.2014.

[W] [I] a été licencié par son employeur le 17.04.2014 pour motif économique dans les termes suivants :

'... nous sommes contraint de procéder à votre licenciement pour motif économique.

Cette mesure s'inscrit dans le cadre de l'arrêt de l'activité de rétablissement «[Adresse 3]é » et du licenciement collectif pour motif économique des salariés dédiés à cette activité.

Elle est justifiée par les éléments ci-dessous :

- Suite à la décision du Conseil Général de Seine et Marne du 26 septembre 2013

ordonnant la fermeture du [Établissement 1] à

compter du 5 octobre 2013, l'établissement s'est retrouvé sans activité et a dû mettre une

grande partie des salariés en dispense d'activité avec maintien de la rémunération ;

- Un établissement ou un service social et médico-social ne peut prétendre obtenir des

financements publics que s'il répond à un besoin précisément exprimé par la personne

publique. Dans le cas de l'établissement [Établissement 1]é, seule une réponse à un appel à projet permettrait à la Fondation de financer sereinement l'établissement et lui redonner de l'activité.

- Le non maintien des financements du site [Établissement 1]é par le Conseil Général entraîne la Fondation à assurer un autofinancement qu'elle ne peut pérenniser dans l'attente d'une éventuelle réponse favorable à un appel à projet sans mettre en péril l'équilibre financier de la Fondation.

Telle que prévu par la loi, cette mesure a fait l'objet d'une consultation du Comité Central d'entreprise les 28 novembre 2013, 17 décembre 2013, 21 janvier 2014, 12 février 2014, 21 février 2014 et 10 mars 2014 et d'une consultation du Comité d'entreprise le 02 décembre 2013, 20 décembre 2013, 24 janvier 2014, 14 février 2014, 24 février 2014 et 11 mars 2014. Ces deux instances représentatives ont chacune formulé leur avis sur le projet de fermeture et les mesures sociales proposées.

Le Plan de Sauvegarde de l'Emploi relatif à cette mesure a également fait l'objet d'une décision d'homologation le 15 avril 2014 par la DIRECCTE de MELUN dont vous avez reçu une copie.

Afin d'éviter votre licenciement, la Direction des Ressources Humaines vous a galement transmis par courrier les propositions de reclassements internes pouvant vous convenir au sein de la Fondation, conformément à l'article L1233-4 du Code de travail, mais les actions menées se sont révélées infructueuses.

Compte tenu de ce qui précède, je me vois obligé de vous notifier votre licenciement pour motif économique qui sera effectif à la date de première présentation de cette lettre. Cette date marquera également le point de départ de votre préavis.'

[W] [I] a contesté ce licenciement le 24.04.2014 ; il a signé une convention de reclassement le 30.04.2014.

Par ordonnance de référé du 15.02.2017, la cour d'appel de Paris a autorisé [W] [I] à interjeter appel immédiat de la décision de sursis à statuer rendue le 29.09.2016 par le conseil des prud'hommes de Meaux.

La cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le 02.03.2017 par [W] [I] du jugement rendu le 29.09.2016 par le Conseil de Prud'hommes de Meaux section Encadrement, qui a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif de Melun, saisi par la FONDATION ARMEE DU SALUT de requêtes tendant d'une part à l'annulation de l'arrêté du 26.09.2013 par lequel le président du conseil général de Seine et Marne a décidé de la fermeture définitive de l'établissement [Établissement 1] à compter du 05.10.2013 ; et d'autre part à l'annulation de l'arrêté du 05.09.2014 par lequel le président du conseil général du département de Seine et Marne a fixé à 1.301.958,59 € le montant total à reverser par la FONDATION ARMEE DU SALUT suite à la fermeture administrative de la maison d'enfants à caractère social [Établissement 1].

Le 07.12.2016 le tribunal administratif de Melun a rejeté ces requêtes.

Par assignation à jour fixe délivrée le 21.03.2017, [W] [I] a fati citer son contradicteur devant la cour ; à l'audience du 27.06.2017 il demande à la cour de :

Rejeter l'exception de nullité soulevée par la FONDATION ARMEE DU SALUT,

Constater l'intérêt à agir de [W] [I],

Infirmer le jugement déféré et procéder à l'évocation du litige,

Statuant à nouveau,

A titre principal :

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de [W] [I] aux torts exclusifs de la Fondation Armée du Salut,

A titre subsidiaire :

Dire et juger que le licenciement de [W] [I] notifié le 17 avril 2014 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause Condamner la Fondation Année du Salut à payer à [W] [I] :

- 135 360 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

- 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Ordonner la capitalisation des intérêts, conformément à l'article 1343-2 du Code Civil.

Condamner la Fondation Armée du Salut aux entiers dépens.

De son côté, la FONDATION ARMEE DU SALUT à titre principal soulève la nullité de l'assignation à jour fixe délivrée par la FONDATION ARMEE DU SALUT et de dire en tout état de cause l'appel irrecevable et de rejeter les demandes ; à titre subsidiaire, elle demande le rejet de toutes les demandes et de condamner [W] [I] à payer la somme de 3.500 € pour frais irrépétibles.

Les parties entendues en leurs plaidoiries le 27.06.2017, la cour leur a proposé de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel sous huit jours ; elle les a avisées qu'à défaut l'affaire était mise en délibéré ; aucun accord en ce sens n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.

SUR CE :

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

Sur la régularité de la procédure :

1)

La FONDATION ARMEE DU SALUT se prévaut des dispositions des articles 380 et 920 du code de procédure civile en observant que l'assignation n'avait pas été délivrée à une date fixée par le premier président et que l'ordonnance d'autorisation du 15.02.2017 avait indiqué que les parties seraient fixées par le greffe du pôle social du jour et de la chambre où l'affaire serait examinée ; les garanties d'indépendance et d'impartialité de la juridiction ne sont pas présentes, le droit au procès équitable n'étant pas non plus respecté.

De son côté [W] [I] oppose celles de l'article 114 du même code, en relevant à juste titre que l'employeur ne prouve aucun grief causé par l'irrégularité elle même et que la nullité soulevée n'est pas expréssement prévue par la loi et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public.

Or la FONDATION ARMEE DU SALUT ne mentionne en effet pas la nature du grief invoqué, en se bornant à faire valoir de manière générale que les conditions de la fixation ne permettaient pas d'assurer l'intervention d'un magistrat présentant les garanties d'indépendance et d'impartialité requises ; la Fondation fait en outre valoir qu'il n'est pas contesté qu'un magistrat a bien signé l'autorisation d'assigner à jour fixe, ou enfin qu'il y aurait violation du droit au procès équitable et du droit au juge sans précision alors que la juridiction d'appel est manifestement saisie ; la charge de la preuve en ce domaine lui appartenait pleinement.

Ce moyen sera rejeté.

2)

La FONDATION ARMEE DU SALUT fait également valoir l'absence d'intérêt à agir du salarié puisque le premier juge a décidé de surseoir à statuer seulement dans l'attente de la décision devant être rendue par le tribunal administratif de Melun saisi de la recevabilité de la décision de fermeture de l'établissement de Morfondé par le conseil général de Seine et Marne, alors que ce tribunal avait d'ores et déjà vidé son délibéré le 07.12.2006 et que la procédure prud'homale pouvait reprendre son cours normal ; l'intérêt à agir doit s'apprécier au jour où l'action est exercée et doit être né et actuel.

[W] [I] a répliqué en rappelant que le Premier Président avait d'une part ordonné la réouverture des débats pour permettre la production du jugement rendu par le tribunal administratif qui a pu être débattu contradictoirement et d'autre part avait fait injonction à l'employeur de préciser s'il y avait eu appel de la décision rendue, ce qui était le cas ; le salarié relève que le sursis à statuer décidé en première instance était contestable au regard de son droit à être jugé dans un délai raisonnable, la procédure administrative étant loin d'être achevée, et qu'il n'était pas partie à cette instance, cette procédure n'ayant aucune incidence sur la procédure prud'homale en cours.

Il convient de rappeler que la décision de sursis à statuer a été frappée d'appel et que la cour a estimé souverainement qu'il existait des motifs graves et légitimes pour le salarié de faire appel immédiatement de la décision de sursis, et enfin que le principe de séparation des pouvoirs interdit au juge administratif d'interférer sur les pouvoirs du juge civil. L'appel de [W] [I] est donc recevable.

Ce moyen sera rejeté.

3)

Enfin, la FONDATION ARMEE DU SALUT critique l'évocation de l'affaire par la cour, à défaut pour l'appelant de démontrer la réalité d'un intérêt d'une bonne administration de la justice alors que le principe fondamental de double degré de juridiction ne serait pas respecté, le seul encombrement de la juridiction prud'homal ne pouvant être un motif valable et suffisant.

Cependant lorsque l'appel d'un jugement de sursis à statuer a été autorisé, la cour, lorsqu'elle examine l'affaire, a dès lors la faculté d'évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de leur donner une solution définitive, ce qui n'est pas contraire à l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui comprend notamment l'exigence d'une durée raisonnable de la procédure ; la FONDATION ARMEE DU SALUT a elle même mentionné la longueur des délais actuellement en vigueur devant la juridiction concernée.

Ce moyen sera là encore rejeté.

AU FOND :

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

La demande de résiliation judiciaire étant antérieure au licenciement, son bien fondé doit être vérifié dans un premier temps et, seulement si elle s'avère infondée, le licenciement sera examiné.

En cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par l'employeur, le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur sur le fondement de l'article 1184 C.Civ.

Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La résiliation judiciaire produit effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.

A l'appui de sa demande, [W] [I] fait valoir plusieurs manquements à l'encontre de son employeur justifiant à son sens la résiliation de son contrat de travail aux torts de celui ci.

Il expose au préalable que la FONDATION ARMEE DU SALUT gérait le [Adresse 3] qui regroupait un centre éducatif et de formation professionnelle, un espace dynamique insertion et un service de prévention spécialisée sous le contrôle et financé par le conseil général de Seine et Marne ; lui même était chargé de mettre en oeuvre le projet d'établissement qui était élaboré avec sa collaboration. Il précise que plusieurs collègues de travail ont saisi la justice prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire dans le cadre des difficultés rencontrées avec leur employeur et soulevées par le conseil général.

[W] [I] met en cause la situation de l'établissement du [Adresse 3] ainsi que les pressions subies par lui du fait de la défaillance de son encadrement, qui ont conduit à la dégradation de son état de santé et à un arrêt de travail suivi d'un avis d'inaptitude temporaire ; il oppose en outre la dispense d'activité qui lui a été imposée sans son accord à partir d'octobre 2013 jusqu'à son licenciement en avril 2014 et qui a contribué à sa déstabilisation, son employeur lui enjoignant néanmoins de rester à disposition, mais il oppose aussi la diminution du salaire versé qui a été limité au salaire de base, ainsi que la 'sanction' dont il a été l'objet et qu'il a contestée ; il déclare que la fermeture de l'établissement est imputable entièrement et directement à son employeur ce qui ressort de la procédure administrative, la FONDATION ARMEE DU SALUT ayant au surplus différé la mise en oeuvre du plan de sauvegarde ; l'état de santé préoccupant du salarié a été constaté par le médecin du travail.

La FONDATION ARMEE DU SALUT conteste que la dégradation de l'état de santé de [W] [I] résulte du comportement de son employeur. En ce qui concerne les dysfonctionnements antérieurs à la fermeture du centre, l'employeur mentionne la poursuite du contrat de travail en dépit des différents audits et contrôles réalisés depuis 2011, [W] [I] s'étant abstenu pour sa part de toute alerte, et étant personnellement impliqué dans les dysfonctionnements relevés en sa qualité de cadre ; elle déclare avoir déféré aux 5 injonctions qui lui avaient été adressés nonobstant le recours formé à l'encontre du jugement rendu par le tribunal administratif dès le 10.07.2013, et un plan stratégique et opérationnel de remise à niveau de l'établissement a été présenté le 02.08.2013 soit avant la saisine du conseil des prud'hommes de novembre 2013. Sur la fermeture de l'établissement, la non fourniture de travail et le traitement social de la situation, il lui était impossible de respecter l'obligation principale de l'employeur qui est de fournir du travail, du seul fait de la fermeture de l'établissement qui imposait la résiliation des contrats de travail ; la Fondation rappelle qu'elle n'était pas responsable de la fermeture administrative à laquelle elle s'est opposée, qu'elle a géré la situation sociale de crise avec bonne foi, que la procédure de licenciement économique a été initiée dès le 30.09.2013, que le médecin du travail a été avisé dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux, que les salaires ont été versés alors que la Fondation ne recevait plus aucun fond public à la suite de la fermeture du site. Sur la volonté de déstabilisation, la FONDATION ARMEE DU SALUT indique qu'aucune sanction n'a été prononcée à l'encontre du salarié.

Il ressort des documents produits et des explications des parties que la FONDATION ARMEE DU SALUT a en effet mis en oeuvre des mesures à la suite de la fermeture par arrêté du 26.09.2013 de l'établissement [Établissement 1] puis à celle du service de prévention spécialisée APS/Armée du Salut, ces mesures relevant tant de la procédure de licenciement collectif pour motif économique enregistrée par l'administration du travail le 21.10.2013, que des démarches entreprises sur le plan des risques psychosociaux, le cabinet PSYA intervenant sur le site entre fin septembre et mi octobre 2013, et [W] [I] étant convoqué pour sa part le 30.10.2013 par le médecin du travail du SIMT, enfin le CHSCT a été convoqué en vue d'être consulté sur les conséquences du projet de réorganisation du centre en décembre 2013.

Ces mesures n'apparaissent pas totalement adaptées et suffisantes eu égard aux déclarations formulées par le médecin du travail le Dr [C] devant le CHSCT le 30.10.2013, car ce dernier s'inquiétait de la situation de santé physique et mentale des salariés qui le contactaient en nombre ; le CCE a, le 14.10.2013, décidé du déclenchement de la procédure de droit d'alerte interne ; dans son courrier du 08.11.2013 adressé au personnel, la FONDATION ARMEE DU SALUT a fait état de la situation de crise vécue par l'établissement le 6 novembre ayant donné lieu à l'intervention des forces de l'ordre et des pompiers, le comportement de certains salariés lors de ces faits conduisant l'employeur à dispenser l'ensemble des salariés de venir travailler sauf exception ; par ailleurs dans le cadre du licenciement économique collectif, l'employeur s'est borné à faire circuler des listes de postes aux salariés privés d'emploi.

C'est dans ce contexte, et alors que, le 21.10.2013, le médecin du travail avait décidé de l'inaptitude temporaire du salarié qui avait été mis en arrêt de travail le 23.10.2013 avec prolongation jusqu'au jusqu'au 12.12.2013, qu'une mise en garde a été notifiée à [W] [I] le 25.10.2013, pour des faits qui auraient été commis avant le 29.01.2013 et qui ont été formellement contestés le 08.11.2013 par lui ; cette mise en garde n'était donc pas opportune.

La FONDATION ARMEE DU SALUT met en cause la propre attitude du salarié dont les défaillances, en sa qualité de chef de service en charge des unités Morane et Mermoz et notamment son 'déficit de compétences managériales', ont été mises en exergue par les rapports internes, alors que la fermeture de l'établissement a été décidée par le conseil général de Seine et Marne après que plusieurs mises en garde aient été adressées à la direction de l'établissement puis à la FONDATION ARMEE DU SALUT à la suite du contrôle qualité d'avril 2013 complété du contrôle inopiné de mai 2013, qui avaient mis en évidence de très graves dysfonctionnements ayant induit en particulier 'une situation de souffrance au travail importante pour de nombreux salariés, un climat de pression important résultant d'humiliations subies, de mises à l'écart, de pressions morales, de mesures de rétorsion pour professionnels qui s'opposent à M. [J] directeur et à Mme [F] chef de service', ces deux personnes faisant l'objet d'une injonction de retrait de même que deux éducateurs, sans qu'il soit fait mention de [W] [I] ; dans ce contexte les carences du salarié ne sont pas avérées. La grave situation du centre avait déjà été abordée dans des rapports internes rédigés par M. [N] et l'EOR dès 2011 et transmis à la FONDATION ARMEE DU SALUT, qui n'a pas pris alors les mesures nécessaires et qui a répondu aux injonctions de son autorité de tutelle que tardivement. C'est encore tardivement que la FONDATION ARMEE DU SALUT a, dans ses observations en réponse au courrier du conseil générale, le 06.08.2013, mis en cause son salarié, alors qu'il lui appartenait dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux de prendre toutes les mesures nécessitées par la situation de l'entreprise. Enfin la situation très confuse dans laquelle le centre s'est trouvée, ainsi que l'état de santé du salarié, ont pu justifier pour lui une saisine de la juridiction prud'homale reportée à novembre 2013.

Il résulte de ces éléments que [W] [I] a subi les conséquences des dysfonctionnements constatés courant 2013 par le conseil général de Seine et Marne dans la gestion du centre, non pris en compte par le siège de l'entreprise en dépit des alertes résultant des audits établis en 2011 ; le médecin du travail a clairement décidé pour le salarié son 'retrait du milieu de travail' avant qu'il soit placé en arrêt de travail pendant près de 3 mois ; le rapport du 28.02.2011 avait de manière explicite mis en garde la FONDATION ARMEE DU SALUT sur ' la gravité de ce qui se passe au [Adresse 3] et de l'impérieuse nécessité d'une reprise en main de l'établissement au plus vite', son rédacteur mentionnant qu'il n'avait pu interroger que le Directeur des programmes, les cadres internes, en ce compris le salarié, n'étant donc pas intervenus dans ce processus ; la FONDATION ARMEE DU SALUT dans ses écritures reconnaît que le rapport résultant du contrôle qualité mené par le conseil général faisait remonter l'essentiel des défaillances aux années 2010 à 2012, alors que l'entreprise avait été avisée de ces dysfonctionnements mais n'y avait pas apporté de remèdes.

Dans ces conditions, les manquements de l'employeur qui sont suffisamment établis justifient amplement la résiliation du contrat de travail à ses torts exclusifs qui produira ses effets à la date du licenciement intervenu postérieurement à la saisine prud'homale.

En conséquence, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de [W] [I], de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, la FONDATION ARMEE DU SALUT sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts la somme de 50.000 €.

Lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application des articles L1235-2/3/11 du code du travail, la juridiction ordonne d'office, même en l'absence de Pôle emploi à l'audience et sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-5, le remboursement par l'employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois ; en l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence d'un mois.

Sur les autres demandes :

Si [W] [I] indique à l'appui de sa demande de dommages intérêts complémentaires pour préjudice moral que la rupture ultérieure serait intervenue dans des conditions vexatoires, celle ci ne résulte pas des documents produits ; il évoque par ailleurs le fait que cette procédure s'inscrit dans le cadre d'une détérioration de ses conditions de travail, qui a été constatée ; de ce fait il a subi un préjudice spécifique qui sera réparé par l'octroi de la somme de 1.000 € au paiement de laquelle son employeur sera condamné.

Il serait inéquitable que [W] [I] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la FONDATION ARMEE DU SALUT qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Rejette l'exception de nullité soulevée par la FONDATION ARMEE DU SALUT et déclare l'appel recevable ;

Infirme le jugement rendu le le 29.09.2016 par le Conseil de Prud'hommes de Meaux section Encadrement,

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail signé par [W] [I] aux torts exclusifs de la FONDATION ARMEE DU SALUT, son employeur ;

Condamne en conséquence la FONDATION ARMEE DU SALUT à payer à [W] [I] les sommes de :

- 50.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral ;

Dit que ces sommes à caractère indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Rejette les autres demandes ;

Ordonne, dans les limites de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la FONDATION ARMEE DU SALUT à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à [W] [I] à concurrence de un mois de salaire,

Condamne la FONDATION ARMEE DU SALUT aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à [W] [I] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 17/03378
Date de la décision : 17/10/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°17/03378 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-17;17.03378 ?
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