Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 17 OCTOBRE 2017
(n° , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/15389
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/01673 ayant refusé l'exequatur d'un jugement rendu le 28 août 2013 par le tribunal de première instance de Mutsamudu (Union des Comores) qui a prononcé une adoption
APPELANTE
Madame [L] [J] née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me David MOTTE-SURANITI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0245
INTIME
MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de Madame LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté aux débats par Monsieur STEFF, substitut général
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Dominique GUIHAL, présidente
Mme Dominique SALVARY, conseillère
M. Jean LECAROZ, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.
Le tribunal de première instance de Mutsamudu (Union des Comores) a prononcé l'adoption simple par Mme [L] [J], née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1], de [G] [W], née le [Date naissance 2] 2008 à [Localité 4] (Union des Comores), par un jugement du 28 août 2013 dont l'exequatur a été refusé par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 16 juin 2016. Les premiers juges ont estimé que le droit comorien ne connaissant que la délégation d'autorité parentale ou kafala, le jugement en cause ne pouvait produire d'autre effet et qu'en tant qu'il prétendait prononcer une adoption il constituait une fraude à la loi.
Mme [J] a interjeté appel de cette décision le 13 juillet 2016.
Par des conclusions notifiées le 3 avril 2017 elle demande à la cour de l'infirmer, de conférer l'exequatur au jugement comorien, de dire que l'adoptée se nommera [G] [W] [J] et d'ordonner la transcription de l'arrêt à l'état civil. En substance, elle fait grief au premier juge d'avoir procédé au contrôle de la loi étrangère et, au demeurant, de l'avoir mal analysée, la preuve étant rapportée de l'existence de l'adoption simple en droit comorien.
Par des conclusions notifiées le 14 février 2017, le ministère public sollicite la confirmation de la décision entreprise.
SUR QUOI :
Considérant qu'en l'absence de convention de coopération judiciaire entre la République française et l'Union des Comores, le juge français, pour accorder l'exequatur à une décision comorienne, doit s'assurer que trois conditions sont remplies, tenant à la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, à la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure et à l'absence de fraude à la loi;
Considérant que le jugement dont l'exequatur est requis, rendu le 28 août 2013 par le juge des enfants du tribunal de première instance de Mutsamudu, après avoir énoncé que, suivant la requête, Mme [J] 's'était entendue' avec les parents de [G], et après avoir relevé que l'adoptant et l'adopté avaient un lien de parenté et qu'il était constant que l'enfant menait 'une vie désagréable' a décidé, dans l'intérêt supérieur de celui-ci de prononcer l'adoption simple de [G] [W] par Mme [J];
Que l'exequatur de cette décision a été refusé par le jugement entrepris;
Considérant que l'appelante fait valoir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le droit comorien connaît l'institution de l'adoption simple;
Elle invoque à ce titre les dispositions de la loi du 31 décembre 2005 relative au code de la famille comorienne, ainsi que deux certificats de coutume délivrés par une avocate à la cour de Mutsamudu et par le cadi de Mutsamudu;
Qu'elle se prévaut de l'article 2 de cette loi, aux termes duquel : 'Un enfant s'entend de tout être humain né soit d'une femme seule, soit d'un couple composé d'un homme et d'une femme unis par le mariage ou adopté par une personne ou un couple.
Au sens du présent code le terme d'adoption s'entend de l'adoption simple.
Elle obéit aux règles des legs et donations. L'enfant adopté conserve tous ses droits dans sa famille d'origine notamment le nom et les droits héréditaires';
Considérant que les certificats de coutume exposent que la religion musulmane étant la religion d'Etat aux Comores en vertu du préambule de la Constitution, l'adoption plénière est prohibée; qu'en revanche, l'adoption simple est légale, l'adoptant devant répondre aux mêmes conditions que le délégataire de l'autorité parentale, c'est-à -dire être de confession musulmane et avoir avec l'adopté un lien de famille; enfin que l'adopté ne peut en aucun cas perdre le nom de son père biologique;
Mais considérant que l'article 2 précité de la loi du 31 décembre 2005 apparaît comme la seule disposition du droit comorien qui mentionne le terme d'adoption; que le code de la famille, alors qu'il consacre sept articles à la délégation d'autorité parentale, ne dit rien ni des conditions de l'adoption, ni de la procédure aux termes de laquelle elle est prononcée, ni de ses effets; qu'elle est muette, notamment, sur le consentement des parents biologiques;
Considérant, dès lors, qu'il ne peut être considéré que le droit comorien connaît l'institution de l'adoption au sens où l'entend la loi française;
Qu'il convient, par conséquent, de confirmer le jugement qui a dit que la décision dont l'exequatur était demandé ne pouvait produire que les effets d'une délégation d'autorité parentale et constituait, comme adoption déguisée, une fraude à la loi;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement.
Condamne Mme [J] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE