Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/18935
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Septembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 13/08138
APPELANTE
MADAME L'ADMINISTRATRICE GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES CHARGÉE DE LA DIRECTION DES VÉRIFICATIONS NATIONALES ET INTERNATIONALES 'DVNI'
ayant ses bureaux [Adresse 1]
[Localité 1]
agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques, [Adresse 2]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
INTIMEE
SA PACIFICA
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Juin 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par voie de réclamation en date du 3 décembre 2010, la société Pacifica a sollicité la restitution d'une somme de 4 484 536,38 euros au titre de la taxe sur les conventions d'assurance acquittée entre janvier 2008 et janvier 2010, au motif qu'elle a omis de déduire de la base d'imposition les avantages tarifaires consentis dans le cadre de promotions commerciales.
Par courrier du 8 février 2011, la direction des grandes entreprises a accordé un dégrèvement partiel de 2 183 170 euros pour la taxe acquittée entre février 2009 et janvier 2010, la réclamation demeurant pour les impositions acquittées de janvier 2008 à janvier 2009 étant transférée à la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI). Cette dernière a rejeté la réclamation de la société Pacifica par une décision en date du 28 février 2013.
La société Pacifica a saisi le tribunal de grande instance de Bobigny par assignation signifiée le 3 mai 2013, aux fins d'obtenir le dégrèvement des impositions demeurant en litige, soit 2 301 366 euros.
Par jugement rendu le 10 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Bobigny a :
Fait droit à la demande de dégrèvement portant sur les années 2007, 2008 et 2009 ;
Ordonné en conséquence le remboursement à Pacifica de la somme de 2 301 366 euros, augmentée des intérêt moratoires visés à l'article L208 du livre des procédures fiscales ;
Rejeté toutes autres demandes ;
Condamné la direction générale des finances publiques en charge de la direction des vérifications nationales et internationales aux dépens ;
L'administration fiscale a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 23 septembre 2015.
Dans ses conclusions signifiées le 18 décembre 2015, l'administration fiscale demande à la cour de :
Dire et juger la DVNI recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de Bobigny,
Y faisant droit,
In'rmer le jugement entrepris,
Remettre à la charge de la société Pacifica les impositions litigieuses, soit 2 301 366 euros,
Débouter la société Pacifica de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner cette société en tous les dépens de première instance et d'appel, et dire qu'en tout état de cause les frais entraînés par la constitution d'un avocat qui n'est pas obligatoire devant le tribunal (article R* 202-2 du livre des procédures fiscales), resteront à sa charge.
Dans ses conclusions du 12 février 2016, la société Pacifica demande à la cour de :
Débouter la DVNI de son appel ;
Con'rmer le jugement rendu le 10 septembre 2015 par le tribunal de grande instance de Bobigny
Condamner la direction générale des finances publiques aux dépens ainsi qu'à payer à la requérante la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du du code de procédure civile ;
Autoriser maître Edmond Fromentin, avocat à la cour, à poursuivre le recouvrement des dépens conformément à l'article 699 du du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la recevabilité de la demande
L'administration fiscale expose que la demande litigieuse de la société s'apparente à une action en répétition de l'indu visée par les dispositions de l'article 1965 E du code général des impôts, mais qu'elle ne répond pas aux conditions prévues par le 2 de cet article. Elle précise que l'alinéa 2 du 1 de ce même article a été abrogé par un décret du 15 septembre 1981, ajoutant que la société ne peut s'en prévaloir en soulevant une exception d'illégalité dans le cadre du présent litige.
La société Pacifica indique en réplique qu'en raison d'une erreur de traitement comptable des avantages tarifaires relevée par ses commissaires aux comptes, elle n'a pas imputé les remboursements de primes intervenues dans le cadre de campagnes de promotions sur les déclarations mensuelles de TCA, pour en déduire qu'elle a acquitté sur la période concernée (janvier 2008-2009) un montant de TCA supérieur à celui qu'elle aurait dû payer.
L'intimée considère que s'agissant d'une demande de restitution de taxes indûment versées du fait d'une erreur de comptabilisation de ristourne de prime, il y a lieu d'appliquer le 1 de l'article 1965 E du code général des impôts (répétition de l'indu, pour la taxe acquittée à tort). Elle estime que la modification de l'article 1965 E du code général des impôts est sans incidence sur le présent litige.
Ceci exposé, le 1 de l'article 1965 E du code général des impôts , dans sa rédaction applicable au titre de l'année 2008, dispose que : « La taxe spéciale sur les conventions et les pénalités payées à tort peuvent être restituées. .
Le 2 de cet article précise que la taxe dûment payée ne peut être restituée qu'en cas de résiliation, d'annulation ou de résolution judiciaire de la convention, à hauteur d'un certain montant.
La demande de la société Pacifica consiste en une demande en répétition de l'indu provenant d'une erreur purement comptable du justiciable. Il est constant que l'erreur purement matérielle peut être rectifiée. Le 1 de l'article 1965 E du code général des impôts susmentionné vise cette hypothèse. Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement sur ce point, puis d'examiner le bien fondé de la demande.
Au fond,
Sur la déductibilité des avantages tarifaires accordés aux clients dans le cadre de promotions commerciales pour l'assiette de la taxe sur les conventions d'assurance
L'administration fiscale se réfère à l'article 991 du code général des impôts, pour indiquer qu'un avantage accordé dans le cadre d'une promotion commerciale, y compris sous la forme d'une réduction tarifaire, ne relève pas de l'activité d'assurance, en ce qu'un tel avantage ne tire pas son origine des clauses d'un contrat d'assurance mais d'une stratégie marketing visant à développer les ventes.
L'appelante soutient que ces principes s'appliquent quelles que soient les modalités de comptabilisation des promotions commerciales. Elle ajoute que les promotions commerciales accordées par le biais des caisses régionales du crédit agricole ne sont pas venues minorer le montant des primes comptabilisées par la société Pacifica, qu'il ne s'agit pas d'une erreur mais d'un schéma comptable cohérent avec lesdites opérations.
La société Pacifica rétorque que tout élément venant modifier le montant de la prime payée par le client relève nécessairement de l'activité d'assurance, qui plus est, lorsque c'est lors de la souscription du contrat d'assurances que l'avantage tarifaire est consenti. Elle précise que les caisses régionales du crédit agricole interviennent en simple qualité de distributeurs de ces produits.
Ceci exposé, la taxe sur les conventions d'assurance (TCA) est régie par les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 991 du code général des impôts qui prévoient que, la taxe sur les conventions d'assurances est perçue sur le montant des sommes stipulées au profit de l'assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de 1'assuré.
La base d'imposition est donc constituée par la prime et les accessoires et doit être déterminée en fonction des clauses du contrat d'assurance et de ses avenants.
Le droit des assurances prévoit quant à lui, que les éléments de l'assurance : le risque, la prime, la prestation en cas de réalisation du risque, doivent être déterminés dans les clauses contractuelles.
En application de ce principe, un avantage accordé dans le cadre d'une promotion commerciale, y compris sous la forme d'une réduction tarifaire, ne relève pas de l'activité d'assurance.
Dans la présente espèce, les services fiscaux ont légitimement refusé d'admettre que la société avait commis une erreur comptable, dès lors que les sommes versées régulièrement aux Caisses Régionales, en contrepartie de l'organisation de promotions commerciales, avaient été analysées par elle même comme des compléments de commissions d'intermédiaire à verser. De même, ils n'ont pas admis le caractère involontaire des schémas comptables mis en place, dans la mesure où, de 1'aveu même des commissaires aux comptes de la société, la pratique comptable décrite plus haut, qui désormais est remise en cause, s'est maintenue pendant plusieurs années.
Il s'ensuit que pour l'ensemble de ces motifs, la demande de restitution de la société Pacifica n'est pas fondée il y a lieu d'infirmer le jugement.
La société Pacifica partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenue de supporter la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de dégrèvement
Statuant à nouveau,
REMET à la charge de la société Pacifica l'imposition de 2 301 366 euros,
DÉBOUTE la société Pacifica de ses demandes,
CONDAMNE la société Pacifica aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS