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13/10/2017 | FRANCE | N°15/16851

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 13 octobre 2017, 15/16851


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 13 OCTOBRE 2017



(n° , 20 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/16851



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2014 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° J201400587





APPELANTS



Maître [P] [W], ès-qualités de mandataire liquidateur de la SAS MORY, dont le siège social est sis [Adresse 1

], agissant en cette qualité audit siège



[Adresse 2]

[Adresse 3]



représenté par Me Pascale FLAURAUD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0090

assistée de Me ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 13 OCTOBRE 2017

(n° , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/16851

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2014 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° J201400587

APPELANTS

Maître [P] [W], ès-qualités de mandataire liquidateur de la SAS MORY, dont le siège social est sis [Adresse 1], agissant en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représenté par Me Pascale FLAURAUD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0090

assistée de Me Alain MAURY de l'AARPI M&J - Cabinet d'Avocats, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : A0373 substitué par Me Charlotte LINKENHELD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : A0373

Maître [P] [W], mandataire judiciaire de la société MORY GROUP LOGISTIC ILE DE FRANCE, dite GL

[Adresse 2]

[Adresse 4]

représenté par Me Pascale FLAURAUD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0090

assistée de Me Alain MAURY de l'AARPI M&J - Cabinet d'Avocats, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : A0373 substitué par Me Charlotte LINKENHELD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : A0373

Maître [H] [V], es-qualités de mandataire liquidateur de la SAS MORY, dont le siège social est sis [Adresse 1], agissant en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 3]

représenté par Me Pascale FLAURAUD, avocat postulant barreau de PARIS, toque : K0090

assistée de Me Alain MAURY de l'AARPI M&J - Cabinet d'Avocats, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : A0373 substitué par Me Charlotte LINKENHELD, avocat au barreau de PARIS, toque : A0373

Maître [H] [V] de la SCP [V]-[O], mandataire judiciaire de la SAS MORY GROUP LOGISTIC ILE DE FRANCE, dite GL

[Adresse 5]

[Adresse 3]

représenté par Me Pascale FLAURAUD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0090

assistée de Me Alain MAURY de l'AARPI M&J - Cabinet d'Avocats, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : A0373 substitué par Me Charlotte LINKENHELD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : A0373

SA HELVETIA ASSURANCES agissant poursuites et diligences de son représentant légal et venant aux droits de la société GAN EUROCOURTAGE venant elle même aux droits de la société GROUPAMA TRANSPORT

[Adresse 6]

[Adresse 7]

N° SIRET : 339 489 379 (Nanterre)

représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0240

assistée de Me Henry DE MERCEY de la SCP CHRIQUI MERCEY, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0338

INTIMES

Maître [V] [H] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SA ISA FRANCE, dont le siège social était sis au [Adresse 8] (RCS 441704 509 Bar le Duc),

[Adresse 9]

[Adresse 10]

Représentée par Me Sébastien FLEURY, avocat au barreau de PARIS, toque : R207

SAS SAGE, venant aux droits de la société SAGE FDC (RCS 380 451 161 Paris)

[Adresse 11]

[Adresse 12]

N° SIRET : 313 966 129 (Paris)

Représentée par Me Yann BREBAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R165

SA HELVETIA ASSURANCES,

prise en la personne de ses représentaux légaux

[Adresse 6]

[Adresse 7]

N° SIRET : 339 489 379 (Nanterre)

représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0240

assistée de Me Henry DE MERCEY de la SCP CHRIQUI MERCEY, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0338

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Avril 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, chargé du rapport et Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, chargé du rapport

Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre

M. François THOMAS, Conseiller, désigné par Ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour.

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS.

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Patrick BIROLLEAU, président et par Mme Saoussen HAKIRI, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

La société ISA France, grossiste en matériels et consommables informatiques, souhaitant changer de prestataire logistique, a retenu, le 26 septembre 2002, l'offre de la société Mory Group (Mory) qui proposait une solution globale pour la gestion informatisée des stocks, pour la réception et la préparation des commandes et pour le transport des marchandises.

La société Mory a confié le volet informatique de l'opération à la société Sage, en charge de la gestion du logiciel Tols. Elle a également confié à sa filiale, la société Mory Group Logistic Ile de France (MGL) la réalisation de prestations logistiques, notamment le transfert (la bascule) de la logistique et de l'informatique vers un nouvel entrepôt.

La mise en oeuvre de ce projet s'est soldée par des anomalies qui ont paralysé la chaîne de production pendant plusieurs semaines en raison, notamment, de défaillances affectant le logiciel Tols. La société ISA France a été contrainte de revenir à l'exploitation de son ancien logiciel Reflex et a dû faire face à de nombreux litiges avec des clients en raison du retard pris dans la gestion des commandes.

Par ordonnance du 13 octobre 2005, le tribunal de commerce de Bobigny a désigné un expert, Monsieur [D] [E], avec pour mission d'analyser les difficultés rencontrées dans le projet de migration, notamment celles ayant conduit au retour à l'exploitation du logiciel Reflex, et de donner son avis sur l'origine de ces difficultés, au regard du rôle de chaque partie dans le projet, et sur la conformité des prestations réalisées par chaque partie au regard de ses obligations.

Le tribunal de commerce de Nancy a, le 1er août 2006, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société ISA France, procédure convertie, le 10 octobre 2006, en liquidation judiciaire, Maître [V] [H] étant nommée liquidateur judiciaire.

L'expert judiciaire a rendu son rapport le 30 novembre 2009. Il souligne qu'il appartenait à la société Mory de diriger la phase de migration du projet logistique auquel était indissociablement lié un volet informatique. Il soutient que la société Mory a cependant été défaillante dans cette tâche et qu'il faut y voir la cause principale des difficultés rencontrées. Il impute également une part secondaire des difficultés à la société Sage, qui a conduit les développements du logiciel Tols sans rigueur et sans méthode, et à la société ISA France, qui n'a pas géré de façon satisfaisante certains moyens matériels et qui, en dirigeant elle-même les travaux de la société Sage, a contrarié le rôle de pilote qu'aurait dû assurer la société Mory.

Le sapiteur, Monsieur [S], a remis le même jour un rapport sur les préjudices subis, évaluant le gain manqué de la société ISA France pour le secteur professionnel à la somme de 228.356 euros et pour le secteur grand public à la somme de 1.560.719 euros.

Par jugements en date du 27 juin 2011, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre d'une grande partie des sociétés du groupe Mory, parmi lesquelles Mory SA et MGL. Les procédures ont été converties en procédure de liquidation judiciaire par jugements du 10 juillet 2012.

Par assignation délivrée le 13 septembre 2011 aux sociétés Sage, Mory, MGL, à la SELARL [N] [P] et [K] ès qualités d'administrateurs judiciaires des sociétés Mory SA et MGL, à Maître [P] [W] ès qualités de mandataire judiciaire des sociétés Mory SA et MGL et à la société Helvetia Assurances ès qualités d'assureur des sociétés Mory SA et MGL, Maître [V] [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la société ISA France a saisi le tribunal de commerce de Paris d'une demande tendant à :

- condamner in solidum les société Sage et Helvetia Assurances à réparer le préjudice subi par la société ISA France du fait de leurs multiples défaillances, en versant à Maître [V] [H] ès qualités la somme de 8.278.188 euros ;

- fixer la créance de Maître [H] ès qualités au passif respectif des sociétés Mory SA et MGL à la somme de 8.278.188 euros.

Par acte du 23 février 2012, la société Mory, la SELARL [N] [P] et [K] ès qualités d'administrateur judiciaire des sociétés Mory SA et MGL, Maître [W] ès qualités de mandataire judiciaire des sociétés Mory SA et MGL et la société Helvetia Assurances ont assigné en garantie la société Sage.

Par jugement rendu le 21 octobre 2014, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que les sociétés Mory SA, MGL et Sage ont commis des fautes et sont responsables du préjudice subi par la société ISA France ;

- fixé la créance de Maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la société ISA France au passif des sociétés Mory SA et MGL à la somme de 839.265 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 au 10 juillet 2012, date du jugement de liquidation judiciaire de la société Mory SA et 3 avril 2012, date de la liquidation judiciaire de la société MGL ;

- dit que la société Helvetia Assurances doit garantir le montant du préjudice imputé aux sociétés Mory SA et MGL ;

- condamné la société Sage à verser la somme de 279.752 euros à Maître [H] ès qualités, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 ;

- dit que les demandes de la société Sage concernant le paiement de factures de prestations et de matériels par les sociétés Mory SA et ISA France ne sont pas recevables ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné in solidum les sociétés Mory SA, MGL et la société Helvetia Assurances à verser à Maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la société ISA France, la somme de 13.000 euros ;

- condamné la société Sage à verser la somme de 2.000 euros à Maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la société ISA France, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les société Mory, MGL, Sage et Helvetia Assurances aux dépens ainsi qu'au paiement de l'expertise judiciaire.

Maître [W] et Maître [V] ès qualités de mandataires liquidateurs des sociétés Mory et MGL ont interjeté appel de ce jugement.

Prétentions des parties

Maître [W] et Maître [V] ès qualités de mandataires liquidateurs des sociétés Mory SA et Mory Group Logistic Ile de France (MGL), par dernières conclusions signifiées le 23 février 2016 demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit, même pour partie, à la demande en fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory à hauteur de 839.265 euros, outre intérêts, ce alors-même que la société Mory SA n'est nullement concernée par le présent litige, a fait droit, même pour partie, à la demande en fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société MGL à hauteur de 839.265 euros, outre intérêts, ce alors-même que cette demande est dépourvue de fondement, et a condamné in solidum les sociétés Mory SA, MGL et Helvetia Assurances au paiement de la somme de 13.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise, ce alors même qu'il est particulièrement inéquitable de mettre lesdits frais à la charge des créanciers des procédures collectives des sociétés Mory SA et MGL ;

A titre principal,

- ordonner la mise hors de cause de la société Mory SA, représentée par Maître [W] et Maître [V] ès qualités, ladite société n'étant pas concernée par les opérations ayant conduit au litige ;

- débouter Maître [H] ès qualités de l'intégralité de ses demandes en ce qu'elles sont irrecevables et mal-fondées à l'égard de Maître [W] et de Maître [V] ès qualités mandataires liquidateurs à la liquidation judiciaire de la société Mory SA et à celle de la société MGL ;

- notamment débouter Maître [H] ès qualités de ses demandes en fixation de créance et de ses demandes en paiement à l'égard de Maître [W] et de Maître [V] ès qualités de mandataires liquidateurs à la liquidation judiciaire de la société Mory SA et à celle de la société MGL ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour confirmait le jugement dont appel en ses demandes à l'égard des procédures collectives des sociétés Mory SA et/ou MGL,

- condamner la société Sage à relever et garantir Maître [W] et Maître [V] ès qualités et la société Helvetia Assurances, qui le sollicite elle-même directement, de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;

En tout état de cause,

- débouter toutes parties des demandes formées à l'égard de Maître [W] et de Maître [V] ès qualités ;

- condamner solidairement Maître [H] ès qualités et la société Sage à payer à Maître [W] et à Maître [V] ès qualités la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, en ce compris, les frais d'expertise.

Sur les rapports juridiques existant les parties, Maître [W] et Maître [V] concluent à la mise hors de cause de la société Mory SA ; ils soutiennent que Mory n'était pas liée à la société ISA France par un contrat d'entreprise et qu'elle n'avait pas qualité d'entrepreneur principal, qu'aucun document contractuel n'a été signé par les parties et que les demandes de Maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la société ISA France sont donc infondées. Ils expliquent que la réponse à l'appel d'offres de la société ISA France ne constitue pas le référentiel contractuel du projet puisqu'elle n'a été suivie d'aucun contrat écrit.

Ils expliquent encore que la société Mory SA n'a jamais pris le moindre engagement, ni effectué la moindre prestation dans l'opération puisqu'elle n'est que la simple holding de tête du groupe Mory. Ils en déduisent donc que la société Mory SA n'est pas concernée par l'opération litigieuse. Ils prétendent par conséquent que seule la société MGL a pris part au projet et a participé à la prestation de logistique. Ils ajoutent que seule cette société a adressé des factures à la société ISA France pour les prestations qu'elle a effectuées, et que la société Mory SA n'a accordé aucune garantie financière à la société ISA France.

Sur le rôle et les missions de la société MGL, Maître [W] et Maître [V] qualifient les prestations effectuées par la société MGL de prestations de service et affirment que la société MGL n'avait, à ce titre, qu'une obligation de moyens ; ils précisent que la société MGL n'a pris aucun engagement particulier auprès de la société ISA France, en terme de délai et de taux de litige, que le projet prévoyait une facturation à livre ouvert qui impliquait une véritable co-gestion avec la société ISA France qui était ainsi directement impliquée dans les choix logistiques à effectuer.

Ils soutiennent ensuite que les comptes rendus de comité de projet, les contrats ASP du 27 octobre 2003 et les factures payées par la société ISA France à la société Sage, qui constituent le seul référentiel contractuel du projet, ne faisaient que décrire les rôles spécifiques de chacune des parties sans attribuer une mission globale de pilotage à la société MGL.

Ils précisent que la réponse à l'appel d'offres de la société ISA France ne comportait aucun volet informatique, mais seulement un volet logistique et transport. Ils affirment donc que la société MGL n'est pas un prestataire informatique, mais un simple utilisateur informatique. Ils expliquent que toutes les prestations informatiques étaient ainsi confiées par la société ISA France à la société Sage ainsi que cela résulte du fait que les prestations informatiques étaient directement facturées par la société Sage à la société ISA France ; ils en infèrent que la société ISA France était le maître de l'ouvrage et qu'elle a coordonné les travaux informatiques pendant tout le projet. Ils affirment au contraire que la société MGL n'a eu qu'un rôle de maître de l'ouvrage délégué en tant qu'exploitante de l'entrepôt et utilisatrice du logiciel Tols et que les éventuels paiements effectués au profit de la société Sage l'ont été au nom et pour le compte de la société ISA France. Ils soutiennent enfin que la société Sage avait un rôle de maitre d'oeuvre informatique en tant qu'éditeur du prologiciel Tols.

Ils concluent donc que la société ISA France était le véritable pilote du projet et que la société Sage n'était pas le sous-traitant de la société MGL. Ils en déduisent que cette dernière n'est donc pas responsable des défaillances du logiciel Tols et des préjudices subis par la société ISA France.

Sur l'appel en garantie de la société Sage, Maître [W] et Maître [V] rappellent que les dysfonctionnements du logiciel Tols sont la cause principale des perturbations subies par la société ISA France. Ils expliquent ainsi que le seul remplacement du logiciel Tols par le logiciel Reflex a permis un retour à la normale. Ils estiment donc que la société Sage doit les garantir si d'éventuelles condamnations étaient retenues à leur encontre.

Ils font valoir que les sociétés ISA France et Sage ont commis plusieurs ordres de manquements :

- pour ISA France : plusieurs manquements ont entraîné de mauvaises conditions de préparation à l'origine des dysfonctionnements rencontrés : tout au long du projet, ISA a formulé de nouvelles demandes entraînant de nombreux développements supplémentaires du logiciel ; ISA a également tardé à mettre un terme à la relation qu'elle entretenait avec son ancien prestataire logistique et à choisir le nouvel entrepôt ; elle a enfin transmis des données erronées à l'origine de nombreuses anomalies ;

- pour Sage : le logiciel Tols a connu plusieurs défaillances, telles qu'une absence de fonctionnement des matériels de radio-fréquence, une anomalie affectant la globalisation des commandes, une perte de commandes, un temps de réponse informatiques très long et des problèmes d'édition d'étiquettes.

Ils indiquent que la société ISA France n'établit pas le préjudice qu'elle invoque : le sapiteur a été dans l'incapacité d'établir le lien de causalité entre les difficultés rencontrées et le préjudice allégué par la société ISA France ; le rapport du sapiteur démontre que les désordres rencontrés n'ont pas perturbé les clients [D] et Casino et que le déférencement de la société ISA France chez ces distributeurs n'était donc pas la conséquence des dysfonctionnements du logiciel ; en ce qui concerne le client Cora, le sapiteur a estimé que les désordres n'ont pu qu'éventuellement être pris en compte par le distributeur dans sa décision de non-renouvellement du référencement.

Ils soulignent par ailleurs qu'un autre événement, totalement étranger aux désordres du logiciel, a eu un impact significatif sur le chiffre d'affaires de la société ISA France : cette dernière a en effet subi, au mois d'août 2004, la modification de la gamme HP qui a entraîné d'importants travaux de reconditionnement et une rupture de stock évalué à la somme de 1.511.046 euros.

Concernant les déférencements, ils expliquent que de telles remises en cause d'un contrat de référencement peuvent intervenir à tout moment et que l'éventuel préjudice subi par la société ISA France ne peut donc s'analyser qu'en une perte de chance.

Maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la société ISA France, par dernières conclusions signifiées le 22 mars 2017, demande à la Cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les sociétés Mory, MGL et Sage ont commis des fautes et sont responsables du préjudice subi par la société ISA France, que la société Helvetia Assurances devait garantir la réparation du préjudice imputé aux sociétés Mory et MGL et que la société ISA France a subi un préjudice lié aux fautes commises par les sociétés Mory, MGL et Sage ;

- débouter les sociétés Helvetia Assurances, Sage, Mory et MGL de l'intégralité de leurs demandes ;

A titre d'appel incident,

- infirmer partiellement la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société ISA France d'une partie de ses demandes en indemnisation du préjudice qu'elle a subi et en ce qu'elle n'a pas prononcé de condamnation in solidum des parties à indemniser ce préjudice ;

Statuant à nouveau,

- juger que le contrat formé entre les sociétés ISA France et Mory est un contrat d'entreprise;

- juger que la société Mory avait en charge le pilotage du projet qu'elle a sous-traité le volet opérationnel principal, la société MGL étant sous-traitant en charge de la logistique et la société Sage étant le sous-traitant en charge de l'informatique ;

- juger que la société Mory n'a pas exécuté sa mission de coordination du projet et que la non-exécution de son obligation de résultat est la cause principale du préjudice subi par la société ISA France ;

- juger que les société Sage et MGL ont commis des fautes dans l'exécution des missions qui leur avaient été sous-traitées par la société Mory et que ces fautes ont causé un préjudice subi par la société ISA France ;

- juger que les sociétés Mory, MGL et Sage ont manqué à leur obligation de conseil;

- juger que la société Mory engage sa responsabilité contractuelle et que les sociétés MGL et Sage engagent leur responsabilité délictuelle à l'égard de la société ISA France ;

- juger que le rapport du sapiteur sur les préjudices n'a pas été débattu contradictoirement entre les parties ;

- juger que l'inexécution contractuelle de la société Mory et les fautes commises par la sociétés MGL et Sage ont porté atteinte à l'image de la société ISA France ;

- condamner in solidum les sociétés Sage et Helvetia Assurances à réparer le préjudice subi du fait de leurs multiples défaillances en versant à Maître [H] ès qualités, la somme totale de 8.278.188 euros, soit :

- 508.517 euros au titre de la perte de marge sur le segment professionnel ;

- 5.123.328 euros au titre de la perte de marge sur le segment grand public;

- 2.000.000 euros au titre du préjudice moral ;

- 130.245 euros au titre du paiement du développement du logiciel Sage ;

- 150.000 euros en remboursement du temps passé inutilement par le personnel de la société ISA France pour le développement du logiciel Sage ;

- 327.779 euros au titre des autres postes de préjudice ;

- 59.664 euros au titre des frais d'expertise ;

- fixer la créance de Maître [H] ès qualités au passif respectif des sociétés Mory et MGL à la somme de 8.278.188 euros ;

A titre subsidiaire, si la Cour choisissait de retenir l'évaluation du préjudice effectuée par l'expert [R],

- condamner in solidum les sociétés Sage et Helvetia Assurances à réparer le préjudice subi du fait de leurs multiples défaillances en versant à Maître [H] ès qualités la somme totale de 6.792.381 euros se décomposant en :

- 268.221 euros au titre de la perte de marge sur le segment professionnel ;

- 3.877.817 euros au titre de la perte de marge sur le segment grand public;

- 2.000.000 euros au titre du préjudice moral ;

- 130.245 euros au titre du paiement du développement du logiciel Sage ;

- 327.779 euros au titre des autres préjudices ;

- 150.000 euros en remboursement du temps passé inutilement par le personnel de la société ISA France pour le développement du logiciel Sage ;

- 59.664 euros au titre des frais d'expertise ;

- fixer la créance de Maître [H] ès qualités au passif respectif des sociétés Mory et MGL à la somme de 6.792.381euros ;

En tout état de cause,

- assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;

- condamner in solidum les sociétés Sage et Helvetia Assurances à verser à Maître [H] la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel et frais d'expertise.

Sur les rapports juridiques existants entre les parties, Maître [H] soutient que le contrat dont l'exécution défectueuse a causé le dommage de la société ISA France est un contrat d'entreprise, que le contrat de fourniture de prestations logistiques et informatiques répond à la définition du contrat d'entreprise puisqu'il consiste à réaliser une prestation spécifique moyennant un prix, au profit d'une autre personne, sans la représenter.

Elle explique que l'absence d'écrit entre les parties n'empêche pas l'acceptation tacite de la société ISA France de l'offre de la société Mory qui lui proposait d'exploiter l'intégralité des ressources du groupe Mory pour satisfaire ses besoins logistiques. Elle prétend que cette acceptation tacite a eu pour conséquence de confier à la société Mory l'ensemble des prestations de logistique, de transports et d'informatique.

Elle soutient également que la mission globale confiée à la société Mory a fait l'objet de démembrements opérationnels qui ont donné lieu à des contrats d'entreprise sous-traités, auxquels il convient d'appliquer le régime de la sous-traitance, que la société ISA France remplissait le rôle de maître de l'ouvrage tandis que la société Mory était l'entrepreneur principal, que la société Mory devait piloter l'ensemble du projet et devait superviser les travaux des sociétés MGL et Sage, auxquelles elle avait respectivement sous-traité les prestations logistiques et informatiques. Elle affirme que les sociétés Mory, MGL et Helvetia Assurances ne peuvent légitimement prétendre que ses demandes sont infondées du fait de l'absence de lien contractuel écrit entre les parties, alors que la société Mory a formulé une offre de service qui a donné lieu à diverses mesure d'exécution. Elle en déduit que la société Mory est bien engagée contractuellement auprès de la société ISA France et que les sociétés MGL et Sage doivent être reconnus responsables sur le plan délictuel en tant que tiers au contrat.

Elle explique de même que les sociétés Mory, MGL et Helvetia Assurances ne peuvent prétendre que leurs prestations contractuelles ne comprenaient pas de volet informatique alors que, dans son offre, la société Mory proposait la mise en place de 'l'informatique embarquée' comme 'mode de fonctionnement innovant pour une amélioration de la qualité de service'. Elle cite également un courriel envoyé par la société Mory le 21 novembre 2012 dans lequel cette dernière indique avoir mis en place un plan d'action qui 'inclut des actions de contrôle à tous niveaux (informatique et process manuels)'. Concernant le paiement direct de la société Sage par la société ISA France, elle explique que cette circonstance n'est pas de nature à écarter l'existence d'un contrat de sous-traitance entre les sociétés Mory et Sage puisqu'un tel paiement direct entre sous-traitant et maître d'ouvrage est prévu par la loi sur la sous-traitance.

Sur les défaillances des sociétés Mory, MGL et Sage,

Au stade de la phase de préparation du projet :

Maître [H] fait valoir que la société Mory avait une obligation de résultat qui lui imposait de superviser les opérations et de s'assurer de leur bonne exécution. Elle explique, à titre d'exemple, que la société ISA France a dû elle-même coordonner le projet informatique pendant de long mois avec la société Sage pour palier à l'inertie de la société Mory. Elle relève, tout comme l'expert, de nombreuses défaillances de la société Sage, telles que l'absence de renseignement des fiches techniques des développements spécifiques du logiciel, l'absence de dossier de paramétrage du logiciel Tols et la réalisation de tests du logiciels sans plan et sans cahier de recette. Elle en déduit que les sociétés Mory et Sage n'ont pas mis en 'uvre les moyens nécessaires pour que le projet puisse être opérationnel à la date fixée par les parties.

Au stade de la phase d'exploitation :

Maître [H] relève plusieurs dysfonctionnements lors de la phase de réception des commandes passées par la société ISA France à ses fournisseurs : notamment les ralentissements provoqués par les pistolets de lecture de code barre, la non-finition des montage de racks, l'impossibilité de traiter simultanément les réceptions de l'ancien entrepôt et les réceptions fournisseurs, les erreurs du logiciel Tols dans les réceptions de commandes, les erreurs du personnel de la société MGL dans la saisie des conditionnement, les dysfonctionnements lors de la phase de préparation des commandes, les problèmes affectant les étiquettes à codes-barres, le problème de minorations des commandes qui n'étaient ainsi pas complètes, le dysfonctionnement du code couleur signalant l'avancement des commandes et les erreurs dans la globalisation des commandes. De même, elle souligne la présence de nombreuses anomalies lors de la phase d'expédition des commandes, telles que des erreurs affectant les bons de livraison, des erreurs concernant les destinataires des livraisons, des erreurs dans les quantités livrées et facturées, le non-respect des cahiers des charges des clients de la société ISA France, les anomalies rencontrées lors du chargement du camion et les retards dans les livraisons des commandes.

Elle constate également des dysfonctionnements affectant la gestion des stocks, tels que le mauvais rangement des marchandises et l'absence de visibilité des stocks.

Elle indique enfin que la société ISA France a dû faire face à de nombreux problèmes affectant le logiciel Tols. Elle estime que ces problèmes sont à l'origine de la plupart des désordres rencontrés et cités précédemment. Elle cite à titre d'exemple que le logiciel Tols n'a pas permis de faire fonctionner les pistolets scanneurs et que les commandes disparaissent sur le logiciel une fois transmises.

Sur la formation du personnel à l'utilisation du logiciel Tols, Maître [H] expose que des erreurs auraient pu être évitées si le personnel de la société MGL avait été mieux encadré et mieux formé. Elle explique que la société MGL aurait dû refuser le transfert vers le nouvel entrepôt tant que son personnel n'était pas prêt à répondre aux défis techniques et informatiques qu'il représentait. Elle explique également que la société MGL aurait dû mettre des documents explicatifs à la disposition du personnel de l'ancien entrepôt.

Sur l'obligation de conseil des sociétés Mory, MGL et Sage,

Elle soutient que les sociétés Mory, MGL et Sage, en qualité de prestataire de service en matière de contrats informatiques, avaient une obligation de conseil et de résultat.

Elle invoque l'absence de défaillances de la société ISA France, de sorte que cette dernière ne doit pas assumer une part de responsabilité - fixée à 20 % par l'expert; elle explique que la société ISA France n'a pu entraver la mission de pilotage de la société Mory alors que celle-ci a justement été gravement défaillante dans cette mission, que les professionnels qui travaillaient avec la société ISA France n'ont jamais formulé aucune mise en garde et qu'ils étaient donc parfaitement d'accord avec l'implication de la société ISA France dans le projet. Elle indique également que les sociétés Mory, MGL et Sage ne peuvent lui reprocher d'avoir formuler plusieurs demandes spécifiques alors que la société Mory proposait une offre globale qui garantissait le 'sur-mesure'.

Sur l'évaluation du préjudice de la société ISA France, Maître [H] rappelle que l'expert s'est contenté de renvoyer dans son rapport à la note du sapiteur alors même que cette note n'avait pas été soumise au contradictoire. Elle explique que la société ISA France n'a ainsi pu faire valoir ses arguments à l'expert.

Elle soutient également que le sapiteur n'a pas pris en compte que partiellement le préjudice financier de la société ISA France et ce, de façon totalement arbitraire. Elle fournit ainsi l'analyse de son préjudice effectué par le cabinet d'expertise [L] qui aboutit à un résultat très différent du rapport du sapiteur. Elle affirme également que l'expert [R], expert près la cour d'appel de Paris, a relevé un certain nombre d'erreurs dans l'appréciation du sapiteur. Elle explique que cet expert a remarqué que le sapiteur n'utilisait pas le chiffre d'affaires actualisé comme base de ses calculs de perte de marge dans le secteur professionnel.

Concernant la perte de marge dans le secteur grand public, elle explique que l'expert a estimé que le taux de marge retenu par le sapiteur était incorrect et que le calcul de la perte de marge aurait dû distinguer deux périodes. Elle explique enfin que l'expert a, à la différence du sapiteur, intégré le déférencement de la société ISA France par la société [Adresse 13] dans le calcul du préjudice puisque ce déférencement trouve son unique origine dans les retards de livraisons qui ont suivis les défaillances du logiciel Tols.

La société Sage, par dernières conclusions signifiées le 17 juin 2016, demande à la Cour de :

A titre principal,

- juger que la société Sage n'a commis aucune faute dans le cadre du projet en cause;

- rejeter toutes demandes visant à condamner la société Sage et rejeter toute demande de condamnation in solidum et en garantie de la société Sage ;

- par voie de conséquence, infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 21 octobre 2014 et faire droit à la demande reconventionnelle de la société Sage ;

A titre subsidiaire,

- rejeter la demande de condamnation in solidum de la société Sage ;

- réduire les montants sollicités par Maître [H] ès qualités, en tenant compte des sommes fixées par Monsieur le sapiteur [S], de la qualification de perte de chance retenue par Monsieur le sapiteur, de la participation de la société ISA France à son propre préjudice, de l'absence de lien de causalité établi entre les désordres survenus et le prétendu préjudice de la société ISA France ;

- condamner la société Helvetia Assurances à garantir Maître [W] et Maître [V] ;

- condamner la société Helvetia Assurances, Maître [W] et Maître [V] à relever et garantir la société Sage de toutes les condamnations qui pourrait être prononcées à son égard ;

A titre reconventionnel, au principal,

- condamner la société Helvetia Assurances à garantir Maître [W] et Maître [V] ;

- condamner la société Helvetia Assurances au paiement à la société Sage de la somme de 144.730 euros HT correspondant aux factures émises par la société Sage au groupe Mory et non payées par ce dernier ;

- condamner la société Helvetia Assurances au paiement à la société Sage de la somme de 14.535 euros HT et de la somme de 382.670,80 euros HT correspondant aux factures émises par la société Sage du fait des manquements du groupe Mory et non payées ;

A titre subsidiaire,

- ordonner l'inscription de ces deux dernières sommes au passif de la société ISA France en faveur de la société Sage ;

A titre plus subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce que la condamnation de la société Sage a été limitée à la somme de 279.752 euros ;

En tout état de cause,

- condamner solidairement la société Helvetia Assurances et Maître [H] ès qualités au paiement à la société Sage de la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur le rôle des parties

Sur le rôle de la société ISA France, la société Sage soutient que la société ISA France était cliente et maître d'ouvrage du projet puisqu'elle a défini ses attentes, lancé un appel d'offres et choisi un prestataire ; elle explique qu'en cette qualité, la société ISA France avait des obligations et ne pouvait se contenter d'un rôle passif.

Sur le rôle des sociétés Mory et MGL, elle indique que la société Mory était le maître d'oeuvre ; elle affirme qu'il n'est pas nécessaire de distinguer la société Mory de la société MGL qui ont, toutes deux, remplit le même rôle de maître d'oeuvre d'une prestation globale. Elle prétend ainsi que l'offre proposée à la société ISA France n'a pas dissocié ces deux sociétés, toutes deux regroupées sous l'appellation 'Mory Team'.

Elle explique que le volet informatique et logistique sont indissociables et que la société Mory était donc le maitre d'oeuvre d'une prestation englobant les deux volets. Elle relève notamment que l'offre de la société Mory indiquait la mise en place de l'informatique embarquée et pas seulement son utilisation, preuve que l'offre comprenait bien des prestations de fourniture informatique. Elle soutient également qu'il ressort des échanges entre les parties que le groupe Mory développait pour la société ISA France une 'stratégie informatique Mory'. Elle mentionne encore l'existence d'un budget informatique dans la proposition de la société Mory et souligne l'existence de frais facturés par la société Mory au titre de l'informatique.

Elle déduit de son rôle de maître d'oeuvre que la société Mory avait une mission de pilotage pour la partie logistique et informatique du projet. Elle avance notamment que c'est la société Mory qui a rédigé le cahier des charges fonctionnel, qui demandait à être informée de l'ensemble des options prises et des problèmes rencontrés, qui a signé les contrats ASP avec la société Sage, qui a établi le plan d'action et qui a pris l'initiative de rebasculer sur le logiciel Reflex. Elle explique que la société Mory ne peut s'abriter derrière l'absence de contrat écrit pour refuser d'endosser le rôle de pilote que l'exécution du projet lui confère dans les faits.

Sur son propre rôle, la société Sage soutient qu'elle n'était qu'un sous-traitant de la société Mory. Elle explique que les relations directes qu'elle entretenait avec la société ISA France ne contredisent pas cette qualité et ne permettent pas de la qualifier de maitre d'oeuvre de la partie informatique du projet. Elle ajoute que la société Mory a toujours été présente en qualité d'intermédiaire, notamment lors des réunions et des comités. Elle justifie les communications directes avec la société ISA France par le fait que cette dernière demandait régulièrement des développements spécifiques supplémentaires alors que le groupe Mory n'offrait pas d'interlocuteur unique, capable de transmettre les demandes de la société ISA France.

Elle rappelle qu'elle n'a ainsi pas participé à l'appel d'offre lancé par la société ISA France et que l'offre de la société Mory ne comprenait initialement pas le logiciel Tols, mais le logiciel Anita.

La société Sage soutient que la société Mory a manqué à ses obligations en se désintéressant du projet et en ne communiquant pas suffisamment avec les autres parties au projet. Elle explique que ce manque d'implication n'était pas conciliable avec le rôle de pilote de la société Mory.

Elle soutient également que la société Mory a été négligente dans son rôle de pilote en ne prenant pas en compte les besoins de la société ISA France. Elle explique que le choix initial du logiciel Anita, complètement inadapté aux besoins de la société ISA France, est révélateur de l'absence de compréhension des demandes de sa cliente par la société Mory.

Elle rappelle encore que la société Mory n'a pas fourni de manuel de procédures à jour et qu'elle n'a pas formé son personnel à l'utilisation du logiciel Tols. Elle explique que la désorganisation de l'entrepôt trouve notamment sa cause dans les erreurs de paramétrage et d'utilisation du logiciel du personnel mal formé. Elle explique ainsi qu'elle a dû lourdement insisté auprès de la société Mory pour que soit organisé quelques jours de formation pour le personnel, ce qui démontre la grande réticence de cette dernière à exécuter son obligation de formation.

Elle reproche également à la société Mory de n'avoir pas fourni un entrepôt en état de fonctionnement pour le transfert et de ne pas avoir vérifier la constitution du fichier articles. Elle affirme également que la société Mory a pris de mauvaises décisions en validant notamment la date du transfert alors le convoyeur n'avait pas été testé, que le choix de l'entrepôt venait d'être révélé à la société Sage, que la personnel n'avait pas été suffisamment formé et que l'entrepôt possédait de nombreuses failles techniques. Elle explique qu'elle a été par conséquent tributaire des mauvais choix de la société Mory qui ne lui ont pas permis de réaliser sa prestation dans de bonnes condition.

Sur les fautes de la société ISA France

Elle soutient que la société ISA France est responsable de la désorganisation dans la gestion de l'entrepôt. Elle explique que la société ISA France a ainsi attendu trop longtemps pour choisir le convoyeur, rendant impossible les tests sur cet appareil avant la bascule et qu'elle a ensuite formulé constamment de nouvelles demandes, obligeant la société Sage à modifier son logiciel au fil de l'eau et dans l'urgence. Elle explique également qu'elle a résilié tardivement son contrat avec son ancien prestataire logistique et qu'elle a tardé dans le choix du nouvel entrepôt, retardant la préparation de la bascule. Elle affirme en outre que la société ISA France a fourni un fichier articles erroné, ce qui a eu une influence néfaste pour l'ensemble de la logistique. Elle souligne enfin l'insistance de la société ISA France à maintenir la date de la bascule en aout 2004 malgré les risques et les alertes qui lui ont été donné.

Sur l'absence de faute de la société Sage,

La société Sage soutient que les difficultés rencontrées ne sont pas liées au logiciel Tols mais aux erreurs et négligences des sociétés ISA France et Mory.

Elle affirme d'abord qu'elle a fournit un logiciel qui fonctionnait parfaitement. Elle explique que le logiciel a été testé et validé durant le projet, comme l'atteste les comptes rendus des réunions et les courriels échangés entre les parties. Elle souligne qu'à l'inverse, l'expert n'a procédé à aucun test technique permettant de relever les prétendus dysfonctionnements du logiciels Tols.

Elle affirme ensuite que les seuls dysfonctionnements relevés par l'expert sont la conséquence de modification du logiciel qu'il était nécessaire d'apporter pour répondre aux besoins spécifiques de la société ISA France. Elle explique que ces modifications ont été faites avec soin et sérieux en respectant une méthode précise.

Elle prétend également que le retour à l'ancien logiciel Reflex n'a pas fait cesser les difficultés comme le prétendent les sociétés Mory et MGL, ce qui démontre que les anomalies rencontrées n'avaient aucun lien avec l'utilisation du logiciel Tols. Elle soutient aussi qu'elle n'avait aucun pouvoir décisionnaire dans le projet et qu'elle a alerté la société Mory des risques que comportait la bascule à une date où l'ensemble des éléments matériels n'étaient pas prêts pour permettre le succès du transfert.

Concernant les difficultés évoquées par la société ISA France au niveau des pistolets, de la réception des commandes et de la globalisation des commandes, elle explique qu'elles trouvent sa cause dans le fourniture par cette dernière d'un fichier articles erroné.

Sur l'absence de solidarité entre la société Sage et la société Mory,

Outre le fait qu'elle n'ait commis aucune faute, la société Sage rappelle que toute condamnation in solidum avec la société Mory doit être écartée puisqu'elle ne remplissaient pas des rôles identiques. En outre elle rappelle que la société Mory est la cause principale de l'échec du projet et que cette dernière, en qualité de maître d'oeuvre, ne peut faire peser ses défaillances sur son sous-traitant.

Elle prétend que la condamnation in solidum de la société Sage n'est dictée que par sa situation financière in boni.

Sur les préjudices,

Sur l'absence de preuve du préjudice invoqué par la société ISA France,

La société Sage soutient que les opérations d'expertise n'ont pas permis d'établir si les litiges rencontrés après la bascule avaient augmenté par rapport à la période précédent et s'il existait un lien entre eux et la mise en place du nouveau système logistique. Elle rappelle que la société ISA prétend elle même souffrir de la perte de sa position dominante depuis 2003 qui a entrainé plusieurs déférencements. Elle explique également que les chiffres d'affaires réalisés avec les groupes [Adresse 13] et Auchan avaient déjà nettement diminué avant la bascule, ce qui prouve que ces grands distributeurs faisaient de moins en moins appel à la société ISA France avant même la mise en place du projet.

Sur l'évaluation du préjudice invoqué par la société ISA France,

La société Sage rappelle que la société ISA France confirmait en décembre 2004 que l'entrepôt avait retrouvé des conditions normales d'exploitation. Elle en déduit que la période de préjudice ne peut être supérieur à celle allant du 13 août 2004 à la fin du mois de décembre 2004. Elle soutient donc que les pertes de chiffres d'affaires de la société ISA France sur les années 2005 et 2006 ne peuvent être prises en compte.

Elle prétend que le rapport du sapiteur doit être jugé valide. Elle explique ainsi que le cabinet [L] a assisté aux réunions financières, qui étaient organisées contradictoirement entre les parties, sans qu'il ne fasse jamais valoir ses arguments. Elle ajoute que le sapiteur a adressé plusieurs notes aux parties qui ont été suivies de dires, de sorte qu'un débat contradictoire a bien existé. Elle soutient donc que l'évaluation du préjudice réalisée par le sapiteur doit prévaloir sur celle proposée par la société ISA France.

Sur la garantie de la société Sage par la société HELVETIA,

La société Sage soutient qu'en tant qu'assureur du principal responsable du litige, la société Helvetia doit la garantir en cas de condamnation. Elle prétend en effet que le contrat d'assurance couvre les prestations informatiques. Elle explique que les prestations informatiques font nécessairement parties des prestations de logistiques qui nécessite de la gestion de 'flux d'information', activité expressément prévues dans le contrat d'assurance.

La société Helvetia Assurances, par dernières conclusions signifiées le 16 mars 2017, demande à la Cour de :

- ordonner la jonction de la présente instance à l'instance suivant l'appel interjeté par la société Helvetia Assurances sous le numéro de RG 15/19610 pendant devant la cour d'appel de Paris ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de Maître [V] [H] ès qualité de mandataire liquidateur de la société ISA France au passif des sociétés Mory et MGL à la somme de 839.265 euros, dit que la société Helvetia Assurances doit garantir le montant du préjudice imputé aux sociétés du groupe Mory, condamné in solidum les sociétés Mory, MGL et Helvetia Assurances à verser à Maître [V] [H] ès qualités la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné in solidum les sociétés Mory, MGL et Helvetia Assurances aux dépens ainsi qu'au paiement de l'expertise judiciaire ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- débouter Maître [H] ès qualités de l'intégralité de ses demandes ;

- débouter la société Sage de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- dire que la société Helvetia Assurances ne peut garantir les sinistres ayant pour origine une prestation informatique ;

- dire que la société Helvetia Assurances ne peut garantir un préjudice moral ;

- débouter en conséquence Maître [V] [H] ès qualités de toutes ses demandes à son égard ;

- dire que la société Helvetia Assurances ne peut garantir les sinistres subis par un fournisseur de son assuré ;

- dire que la société Helvetia Assurances ne peut garantir les sinistres dus à l'insolvabilité;

- débouter en conséquence la société Sage de toutes ses demandes à son égard ;

A titre toujours subsidiaire,

- limiter le cas échéant la garantie de la société Helvetia Assurances à la part éventuelle de responsabilité des sociétés Mory et MGL sur le préjudice résultant des seuls désordres du secteur professionnel (gain manqué évalué à la somme de 228.356 euros) ;

- déduire de toutes condamnation le montant du préjudice subi par la société MGL reconnu par le sapiteur (365.521,56 euros) ;

- limiter en tout état de cause, le cas échéant, la garantie de la société Helvetia Assurances à la somme de 2.300.000 euros, outre l'application d'une franchise de 15.000 euros ;

A titre en core plus subsidiaire,

- condamner la société Sage à garantir les sociétés Mory, MGL et Helvetia Assurances de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre;

En tout état de cause,

- condamner Maitre [V] [H] ès qualités et la société Sage à payer à la société Helvetia Assurances la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Elle reprend pour l'essentiel les moyens développés par Maître [W] et Maître [V] ès qualités.

Sur les manquements reprochés par la société ISA France à la société MGL, elle prétend que ISA n'a fait que lister des griefs techniques sans en démontrer la cause et sans rechercher si d'autres personnes ou d'autres événements n'étaient pas à la source des anomalies constatées ; elle explique que :

- sur les retard lors des réceptions de commandes, la société MGL ne s'était engagée sur aucun délai de livraison dans le cadre de sa prestation de logistique puisqu'elle n'a signé aucun contrat précisant les obligations de chacune des parties ;

- sur le montage des racks, le retard pris par ISA pour le choix de l'entrepôt ont considérablement retardé l'aménagement de la nouvelle plateforme de livraison ; elle prétend ainsi que le choix des différents racks a été fait tardivement par ISA, alors que la société MGL a été très réactive et qu'elle a rattrapé le retard de montage en 48 heures ;

- sur le processus ralenti de gestion des réceptions, la lenteur dans la gestion des réceptions est due à des causes étrangères à la société MGL : elle précise que le logiciel Tols bloquait l'utilisation des pistolets au-delà de 20 et que le contrôle des réceptions ne pouvait donc pas être optimal ; en outre, une anomalie du logiciel Tols empêchait de porter correction du bon PCB (Pour combien) pour tous les articles déjà en stock et rendait très peu aisée la saisie des conditionnements lors de la réception des colis ;

- sur les erreurs dans les préparations de commandes, elle soutient, en ce qui concerne les problèmes rencontrées sur les étiquettes, que l'édition de ces dernières dépendaient uniquement des imprimantes qui étaient programmées et dimensionnées par la société Sage. Concernant la minoration des commandes, elle explique que ces minorations ont été causé par des déphasages de stocks consécutifs à des anomalies du logiciel Tols ; elle rappelle enfin que des erreurs humaines ont légitimement pu être commises lors de la phase de rodage qui a suivi le transfert de la logistique de l'ancien entrepôt vers le nouveau ;

- sur les erreurs dans les expéditions des commandes, ISA ne démontre pas la cause précise des erreurs de destinataires, alors-même que le personnel de ISA effectuait un contrôle en aval, avant le transport des marchandises.

Sur la formation du personnel de la société MGL à l'utilisation du logiciel Tols, Helvetia soutient que le personnel de la société MGL a suivi la formation préconisée par la société Sage d'une durée de 56 jours. Elle explique que les rares employés de l'ancien prestataire logistique ABX Logistics n'ont pu recevoir une formation avant de commencer de travailler puisqu'ils sont arrivés tardivement dans le nouvel entrepôt. En tout état de cause, elle rappelle que les contrats ASP faisaient peser l'obligation de formation sur le 'client' de la société Sage, qui n'est autre que ISA elle-même.

Sur la prétendue obligation de conseil de la société MGL, Helvetia Assurances prétend que la société ISA France était un professionnel de la logistique qui a activement participé à l'opération de transfert. Elle affirme que la société ISA France a ainsi largement défini ses besoins en demandant constamment des modifications de développements informatiques. Elle en déduit que la société ISA France, qui a assuré un rôle de pilotage, était largement avertie et que la société MGL n'était donc débitrice d'aucune obligation de conseil à son égard.

Sur la garantie de la société Helvetia Assurances,

La société Helvetia Assurances soutient que sa garantie ne saurait être appelée par la société Sage. Elle évoque d'abord le fait que l'analyse des difficultés rencontrées par l'expertise n'a pas permis de déterminer la responsabilité des sociétés Mory et MGL, qu'il n'a pas plus été prouvé que ces dernières aient manqué à des engagements contractuels précis et justifiés et enfin que le sapiteur n'a pas reconnu de lien de causalité entre les anomalies rencontrées et le préjudice de la société ISA France.

Sur l'absence de couverture des activités informatiques, la société Helvetia Assurances rappelle que les garanties souscrites par les sociétés Mory et MGL ne couvraient que les activités de transport et de logistique. Elle explique que les conditions générales ne mentionnaient que les activités de « route, logistique, opérateur de transport multimodal, de manutentionnaire/levageur » et qu'elle n'a jamais donné son accord pour garantir des activités informatiques ; or, les dommages subis par la société ISA France trouvent leur origine dans une prestation informatique et ne peuvent donc être couverts.

Elle soutient en outre qu'elle n'a pas à couvrir les prestations informatiques au prétexte que l'activité de logistique couvre nécessairement des prestations informatiques. Elle explique que le logisticien gère des flux d'information sans qu'il ne devienne pour autant un prestataire informatique. Elle prétend donc, qu'en tout état de cause, elle ne peut garantir les risques résultant d'une prétendue activité informatique de la société MGL.

Sur l'absence de couverture du préjudice moral

La société Helvetia Assurances affirme que l'assuré n'est garanti qu'en cas de préjudice matériel et immatériel limitativement défini. Le dommage immatériel est ainsi défini comme 'le préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d'un droit, de l'interruption d'un service rendu par une personne ou par un bien meuble ou immeuble ou de la perte de bénéfice et qui est la conséquence directe de dommages corporels, dommages matériels garantis ou non' ; or, l'atteinte à l'image ne répond pas à cette définition puisque ce n'est pas un préjudice pécuniaire.

Sur l'absence de couverture de la responsabilité de la société Sage

La société Helvetia Assurances prétend que les conditions générales comme les conditions particulières limitent sa garantie aux dommages subis par les clients de l'assuré en conséquence de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des obligations contractuelles de ce dernier. Or, elle explique que la société Sage ne peut être considérée comme un client de la société MGL puisque cette dernière ne lui fournit aucun service. Elle affirme que le seul client de la société MGL est la société ISA France et qu'elle ne peut relever la société Sage de ses condamnations.

Sur les demandes de la société Sage en paiement des factures, Helvetia Assurances soutient que l'absence de paiement des factures de la société Sage résulte de l'insolvabilité des sociétés Mory et MGL qui sont actuellement en liquidation judiciaire ; elle affirme que les conditions générales excluent expressément de la garantie l'insolvabilité de l'assurée.

MOTIFS

Sur le rôle des parties

Considérant qu'il est constant que la société ISA a défini ses besoins, a lancé un appel d'offres et a choisi un prestataire ; que ces éléments établissent qu'elle était le maître d'ouvrage du projet, ce que confirme Monsieur [G], expert de Sage, qui indique que 'la société ISA France, en sa qualité de client final, se trouve être le maître d'ouvrage de son projet de migration de plate-forme logistique d'ABX vers Mory' (pièce Sage n° 4 - page 18) ;

Considérant que, par offre du 26 septembre 2002, il a été répondu à l'appel d'offres de ISA France sous le timbre des sociétés Mory Group, devenue Mory SA, Ditrans, devenue Mory Group Logistic Ile de France, et Mory Logidis, Mory Group se présentant comme le 'spécialiste de la chaîne logistique' ('supply chain specialists' - page 4 de l'offre) ; que, si Mory Group, devenue Financière Mory, puis Mory SA, est une société holding, ce seul élément n'est exclusif ni d'une responsabilité de chef de file des sociétés du groupe Mory, ni d'une mission de pilotage de projet ; que c'est donc à tort que Maître [W] et Maître [V], demandent la mise hors de cause de Mory SA, venant aux droits de Mory Group, comme n'étant pas concernée par le présent litige ;

Considérant que la proposition du 26 septembre 2002 portait sur 'une offre globale qui garantit le sur mesure par ses métiers et compétences : transports et logistique' (pièce ISA n°2) et incluait l'informatique : 'Mode de fonctionnement innovant pour une amélioration de la qualité de service : mise en place de l'informatique embarquée' (page 18 de l'offre) ; que, compte tenu de son objet - la refonte de la logistique d'ISA - le projet incluait nécessairement un volet informatique, ainsi que l'observe l'expert [E] :

- 'la proposition du 26 septembre 2002 est émise par Ditrans et se présente sous la forme d'une offre globale présentant Mory Group (devenue Financière Mory)'( page 41 du rapport) ;

- 'les volets logistique et informatique d'un projet logistique sont indissociables' (page 77 du rapport) ;

Que, si aucun contrat n'a été signé, il résulte néanmoins de la lettre d'intention d'ISA du 14 mai 2003 et de la mise à exécution, dans la ligne de l'offre remise, des propositions du 26 septembre 2002 que Mory Group s'est positionné en tant qu'entrepreneur principal ; que l'expert [E] retient cet élément en indiquant que 'le projet a été soutenu par le groupe Mory notamment par la société Mory Group' (page 75 de son rapport) ; que Mory Group (Mory SA) avait dès lors un rôle de pilote dans la mise en oeuvre du projet, ce qu'elle a elle-même revendiqué selon courriel à ISA en date du 2 décembre 2002 présentant l'équipe de Mory Group mobilisée sur le projet ISA ('[A] [T], Chef de Projet qui supervisera également la mise en place de Tols' - pièce Sage n°6) ;

Considérant, sur l'exécution de la mission, qu'il ressort de la page 6 de la proposition du 26 septembre 2002 :

- d'une part, que le volet transport est géré par Mory Team ;

- d'autre part, que la logistique, gérée par Mory Logidis, intègre l'informatique et que la partie informatique est gérée par Ditrans ;

Que, sur la partie logistique, Maître [W] et Maître [V] précisent que MGL 95 (Mory Group Logistic Ile de France) a été le prestataire logistique (page 30 de leurs conclusions) ; que l'expert [E] a confirmé ce point en relevant que 'Mory s'est comportée dans les faits, comme le prestataire logistique, sans renier ni la proposition du 26 septembre 2002, ni la lettre d'intention du 14 mai 2003" (pièce ISA n°11, page 76) ;

Que, sur la partie informatique, Maître [W] et Maître [V] indiquent que, par contrat du 27 octobre 2003, Mory Team a confié à Elit (Sage) la fourniture des services ASP (page 30 de leurs conclusions) ;

Sur les manquements respectifs des parties

Considérant que l'expert [E] retient que 'la bascule a été opérée lors du week-end du 13 au 16 août 2004. Des dysfonctionnements nombreux de l'exploitation de l'entrepôt se sont manifestés très rapidement au point qu'une bascule arrière vers le logiciel Reflex a dû être opérée quelques semaines plus tard, durant le week-end du 6 au 10 octobre 2014.' - page 78 de son rapport) ; qu'il identifie cinq ordres de dysfonctionnements (page 45 du rapport) :

- des dysfonctionnements du logiciel Tols (bugs) : l'expert [E] observe que ces dysfonctionnements sont reconnus par l'expert d'Elit, Monsieur [Z] [G], aux termes de son rapport en date du 15 décembre 2004 (note de synthèse de Monsieur [E] - page 21 - pièce Helvetia n° 19) ;

- des erreurs dans les données, notamment de celles attachées aux articles, erreurs attestées par des courriels d'ISA ;

- des problèmes de performance : les problèmes de ralentissement du logiciel Tols ont été reconnus par Elit et l'ont conduite à apporter des modifications à son logiciel;

- de mauvaises conditions de formation des personnels ;

- d'autres dysfonctionnements tels qu'absence de mise à jour des codes couleur, commandes incomplètes, défaut de fonctionnement des imprimantes, livraisons non conformes aux quantités demandées ;

Considérant, sur la responsabilité d'ISA, que l'expert a retenu les mauvaises conditions de préparation matérielle de la bascule par ISA : que constituent des causes des dysfonctionnements intervenus :

- les hésitations d'ISA dans le choix du convoyeur et le retard apporté à l'installation de cet équipement, intervenue quelques jours avant la bascule ; ces ont rendu impossibles les tests sur cet appareil avant la bascule - Sage ayant alerté ISA, au cours du comité projet du 2 août 2004 sur l'absence de tests préalablement au démarrage - errements qui ont constitué, selon l'expert, une cause secondaire de l'échec du projet (pages 81 et 82 du rapport) ;

- les incertitudes d'ISA dans la définition des conditions de la sortie d'ABX : ('La sortie d'ABX au 1er janvier 2004 semble de moins en moins possible') le rapport [G] observe que 'ISA a tardé à dénoncer son contrat avec ABX ce qui occasionne de fait dès le 1er semestre 2003 déjà 6 mois de retard au projet et des conséquences dommageables prévisibles sur la qualité de son déroulement, la mobilisation et la motivation de l'ensemble des personnels des trois sociétés participantes' (rapport [G] page 26 - pièce Sage 4) ;

Que ces éléments justifient qu'ISA supporte une part de responsabilité à hauteur de 20 % de son préjudice, ainsi que l'ont retenu les premiers juges ;

Considérant qu'il est constant que Mory Group, MGL et Sage n'ont pas fourni un logiciel conforme aux attentes d'ISA, le retour au logiciel Reflex traduisant l'échec du processus de mise au point du projet de migration ; que Monsieur [E] note à cet égard que 'la situation n'est pas contrôlée par les différents intervenants, qui manquent de visibilité sur les causes des difficultés, peinent à formuler des diagnostics et sont débordés par le nombre et la diversité des problèmes. (') La multiplicité, la variété, la confusion des difficultés qui se manifestent révèlent, malgré les retards du projet, une préparation insuffisante de la bascule.' (page 49 du rapport) ;

Que l'expert judiciaire identifie la défaillance de Mory dans sa mission de pilotage du projet : 'Les difficultés rencontrées sont liées à une organisation défaillante du projet, caractérisée notamment par :

- une mauvaise coordination de ses intervenants ;

- une conduite sans méthode ni documentations suffIsantes ;

- une gestion des développements dans TOLS au fil de l'eau, sans plan de tests ni validations ;

- une formation du personnel de MORY sans plan, sans support, sans bilan ni évaluation;

- un démarrage avec du personnel nouveau, sans manuel de procédures finalisé et validé;

- un manque général d'anticipation dans les décisions (arrivée tardive du personnel d'ABX Logistics, installation sans tests du convoyeur') ;

Cette situation est la conséquence de l'absence d'un véritable pilote dans le projet de préparation de la migration.' (rapport [E] - page 80) et 'Nous y voyons la cause principale des difficultés rencontrées' (rapport [E] - page 81) ;

Qu'en outre, Mory Group, MGL et Sage, prestataires de service chargés de fournir un logiciel, étaient tenus à l'égard d'ISA, entreprise néophyte en matière de conception de logiciels, à une obligation contractuelle de renseignement, conseil, information et assistance technique ; qu'elles ont manqué à ces obligations, ainsi que l'a relevé l'expert, notamment pour la période ayant précédé la bascule : 'aucune mise en garde ou réserve n'a été exprimée par Mory, MGL et Sage lors du comité de projet qui s'est tenu le 9 août 2004" (page 78 du rapport) ;

Que l'expert judiciaire relève enfin la responsabilité incombant à la société Elit au titre des développements de Tols : 'une part secondaire des difficultés rencontrées peut être imputée à la société Elit (Sage FDC) qui a conduit les développements informatiques de Tols sans rigueur ni méthode suffisante. Si tel avait été le cas, certains dysfonctionnements du logiciel auraient pu être évités et les désordres survenus après la bascule minimisés' (rapport [E] - page 82) ;

Que c'est en conséquence à raison que le jugement déféré a retenu la responsabilité des sociétés Mory Group (Mory SA), MGL et Sage ; que les premiers juges ont procédé à une exacte appréciation des éléments de la cause en répartissant les responsabilités encourues en 20 % à ISA, 60 % à Mory SA et MGL, 20 % à Sage ;

Considérant que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer dans sa totalité ; que la société ISA est dès lors fondée à rechercher, à hauteur de 80% de son préjudice, la responsabilité solidaire, sur un fondement contractuel, de Mory SA et de MGL, et in solidum, sur un fondement délictuel, de Sage, sous-traitant de Mory Team ; que le jugement entrepris sera réformé sur ce point ;

Considérant, sur le préjudice, que la cour, reprenant les conclusions circonstanciées du sapiteur [S], adopte les motifs des premiers juges qui ont justement fixé le préjudice subi par ISA à 228.356 euros sur le segment professionnel et à 1.170.420 euros sur le segment grand public, soit au total 1.398.776 euros ; que le préjudice dont ISA est fondée à obtenir réparation s'élève à la somme de 1.119.020,80 euros; que la cour fixera la créance de Maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la société ISA France au passif des sociétés Mory SA et MGL à la somme de 1.119.020,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 au 10 juillet 2012, date du jugement de liquidation judiciaire de la société Mory SA et 3 avril 2012, date de la liquidation judiciaire de la société MGL ; qu'elle condamnera la SAS Sage, in solidum avec les sociétés Mory SA et MGL, à payer à Maître [H] ès qualités la somme de 1.119.020,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 ;

Considérant que Maître [W] et Maître [V] ès qualités sont fondés à être garantis des sommes imputées aux sociétés Mory, par Sage à hauteur de la part de responsabilité de cette dernière, soit 20 % de la somme de 1.119.020,80 euros ; que, le sous-traitant ne pouvant obtenir la garantie de l'entrepreneur principal au titre des fautes qu'il a personnellement commises, Sage sera déboutée de sa demande tendant à ce que la société Helvetia Assurances, Maître [W] et Maître [V] ès qualités soient condamnés à la relever et la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son égard;

Sur la garantie de la société Helvetia

Considérant que la société Helvetia prétend que les activités couvertes par l'assurance ne couvrent que les activités de transport et de logistique ;

Mais considérant que les conditions particulières du contrat d'assurance Helvetia prévoient la couverture des activités 'Gestionnaire de flux d'informations' et 'Prestation de service sur contrat' activités dont relève le contrat conclu entre ISA et Mory Group ; que, si l'activité 'Prestation de service sur contrat' figure sous la rubrique 'logistique', c'est précisément dans ce domaine que Mory a présenté son offre globale, le projet informatique s'inscrivant en l'espèce dans une refonte des dispositifs logistiques d'ISA ; qu'au surplus, comme l'ont justement retenu les premiers juges, la fonction logistique demeure indissociable de la mise en oeuvre de logiciels informatiques dédiés ; que le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a dit que la société Helvetia Assurances doit garantir le montant du préjudice imputé aux sociétés Mory SA et MGL ;

Sur la demande reconventionnelle de Sage

Considérant que Sage réclame le règlement par Helvetia, au titre de factures impayées par Mory, des sommes de 144.730 euros (factures émises sur Mory), de 14.535 euros et de 382.670,80 euros (factures émises sur ISA) ; que c'est à raison que les premiers juges ont retenu que la demande reconventionnelle de Sage en paiement de factures était sans lien suffisant, au sens de l'article 70 du code de procédure civile, avec les prétentions de la société ISA, qui tendaient à l'indemnisation d'un préjudice, et ont dit cette demande irrecevable ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Considérant que l'équité commande de condamner in solidum Maître [W] et Maître [V] ès qualités, la SAS Sage et la SA Hevetia Assurances à payer à Maître [H] ès qualités la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur les fixations et condamnations ;

STATUANT A NOUVEAU des chefs infirmés ;

DIT que les sociétés Mory SA, MGL et Sage sont tenues solidairement pour Mory SA et MGL et in solidum pour la SAS Sage d'indemniser la SA ISA France à hauteur de 80 % de son préjudice ;

FIXE la créance de Maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la SA ISA France au passif des sociétés Mory SA et MGL à la somme de 1.119.020,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 au 10 juillet 2012, date du jugement de liquidation judiciaire de la société Mory SA et 3 avril 2012, date de la liquidation judiciaire de la société MGL ;

DIT que la société Helvetia Assurances doit garantir le montant du préjudice imputé aux sociétés Mory SA et MGL ;

CONDAMNE la SAS Sage à payer à Maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la société ISA France, in solidum avec les sociétés Mory SA et MGL, la somme de 1.119.020,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016;

CONDAMNE la SAS Sage à garantir Maître [W] et de Maître [V] ès qualités des sommes mises à leur charge à hauteur de sa part de responsabilité, soit 20 % de la somme de 1.119.020,80 euros ;

CONDAMNE in solidum Maître [W] et Maître [V] ès qualités, la SAS Sage et la SA Hevetia Assurances à payer à Maître [H] ès qualités la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE in solidum Maître [W] et Maître [V] ès qualités, la SAS Sage et la SA Hevetia Assurances aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 15/16851
Date de la décision : 13/10/2017

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°15/16851 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-13;15.16851 ?
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