RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 13 Octobre 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11000
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Septembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° F11/04480
APPELANT
Monsieur [T] [L]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 2] (99)
comparant en personne, assisté de Me Roland LIENHARDT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0974
INTIMEE
Me [O] [D] (AARPI Mandataire ad litem) - Liquidateur de SAS HEBEN MUSIC
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Vincent JARRIGE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0373
PARTIE INTERVENANTE :
Association AGS CGEA IDF EST
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Juin 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre
Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère
Madame Valérie AMAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Valérie AMAND en remplacement de Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente empêchée et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES
M. [T] [L] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de se voir reconnaître, à compter du 03 avril 2006 la qualité de salarié en contrat à durée indéterminée de la société HEBEN MUSIC et obtenir sa condamnation à lui payer diverses sommes en exécution du contrat de travail et suite à la rupture.
Par jugement du 25 septembre 2013, le conseil de prud'hommes de Bobigny a rejeté toutes les demandes de M. [T] [L] ainsi que la demande reconventionnelle de la société HEBEN MUSIC et ses représentants légaux. Le conseil a condamné M. [L] aux éventuels dépens.
L'affaire est venue devant la cour d'appel sur le fond lors de l'audience du 8 juin 2017 ; à cette date les parties ont soutenu oralement leurs conclusions respectives telles que visées par le greffier à l'audience.
M. [T] [L] demande à la cour :
- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny
- Juger que M. [L] a été engagé par la société HEBEN MUSIC à compter du 28 mars 2006
- juger que ce contrat doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et condamner Maître [D] [O], ès qualité de mandataire liquidateur de la société HEBEN MUSIC à inscrire au passif de la société HEBEN MUSIC la somme de 6.066,66 € au titre de l'indemnité de requalification prévue à l'article L.1245-2 du code du travail
- juger que ce contrat est réputé à temps plein dès sa conclusion ;
condamner Maître [D] [O], ès qualité de mandataire liquidateur de la société HEBEN MUSIC à inscrire au passif de la société HEBEN MUSIC la somme de 183.819,82 € à titre d'arriérés de salaires pour la période du 28 mars 2006 au 26 novembre 2008 ;
- condamner Maître [D] [O], ès qualité de mandataire liquidateur de la société HEBEN MUSIC à inscrire au passif de la société HEBEN MUSIC la somme de 3.581,29 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés
- condamner Maître [D] [O], ès qualité de mandataire liquidateur de la société HEBEN MUSIC à remettre à M. A. [L] les fiches de paye correspondantes ainsi que le certificat de travail
- dire que la prise d'acte de rupture de M. [L] est légitime et s'analyse en un licenciement abusif
- condamner Maître [D] [O], ès qualité de mandataire liquidateur de la société HEBEN MUSIC à inscrire au passif de la société HEBEN MUSIC au profit de M. [T] [L] la somme de 234.375,30 € à titre de dommages et intérêts pour perte de rémunération correspondant à la période d'emploi minimum garanti
- condamner Maître [D] [O], ès qualité de mandataire liquidateur de la société HEBEN MUSIC à inscrire au passif de la société HEBEN MUSIC au profit de M. [T] [L] la somme de 3.003,33 € au titre de l'indemnité légale de licenciement
- condamner Maître [D] [O], ès qualité de mandataire liquidateur de la société HEBEN MUSIC à inscrire au passif de la société HEBEN MUSIC au profit de M. [T] [L] la somme de 36.399,96 € au titre de l'indemnité de travail dissimulé
dire que les sommes inscrites au passif de la liquidation judiciaire seront supportées par Pôle Emploi dans les limites de sa garantie
- condamner Maître [D] [O] à une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Maître [O], ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL HEBEN MUSIC, s'oppose à toutes les demandes de M. [L] et demande à la cour de :
Au visa des articles L.7121-2, L.7121-3, L.7121-8, D.1242-1 et L.8221-5 du code du travail, L.212-6 du code de propriété intellectuelle,
A titre principal,
- Constater que les deux contrats de réalisation artistiques du 28 mars et 30 mai 2006 sont des contrats d'usage pour lesquels M. [T] [L] a dûment été rémunéré ;
- Constater que le contrat de production exécutive du 15 février 2007 ne saurait s'analyser en un contrat de travail ;
En conséquence,
- Confirmer le jugement de 1ère instance en toutes ses dispositions,
- Débouter M. [L] de l'intégralité de ses demandes
A titre subsidiaire
- Constater que les demandes de rappels de salaire ne reposent sur aucun mode de calcul sérieux et sont tout à fait infondées
- Constater que M. [L] n'a jamais été embauché par la société HEBEN MUSIC à temps plein
- Constater que les griefs invoqués par M. [L] au soutien de sa prise d'acte sont tout aussi infondés
En conséquence,
- Débouter M. [L] de sa demande d'arriérés de salaire
- Débouter M. [L] de sa demande de requalification de son CDD en CDI à temps plein
- Débouter M. [L] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés,
A titre infiniment subsidiaire :
- Constater que la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif et la demande d'indemnité de licenciement ne reposent sur aucun mode de calcul sérieux et sont tout à fait infondées
- Constater que M. [L] ne rapporte aucunement la preuve d'une intention frauduleuse de la part de la société HEBEN MUSIC de dissimuler son emploi
En conséquence :
- Débouter M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif
- Débouter M. [L] de sa demande d'indemnité de licenciement
- Débouter M. [L] de sa demande pour travail dissimulé
A titre reconventionnel :
- Condamner M. [L] à payer à la liquidation judiciaire de la société HEBEN MUSIC la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
En tout état de cause :
- Juger que toute condamnation donnera lieu à la fixation d'une créance au passif de la société HEBEN MUSIC
- Juger que le jugement à intervenir sera opposable à l'AGS ;
L'AGS délégation régionale UNEDIC AGS Ile de France demande à la cour de :
- dire irrecevable et mal fondé M [T] [L] en son appel, ainsi que l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
Dès lors ,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel.
En tout état de cause,
- constater que M. [L] ne bénéficie d'aucun lien de subordination, de telle sorte que la garantie de l'AGS n'est pas mobilisable.
Infiniment subsidiairement,
- dire que la garantie de l'AGS, si elle devait être mobilisée, le serait dans la limite d'un plafond 4 et des dispositions de l'article L.3253-8 du code du travail,
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
MOTIFS
Sur les deux premiers contrats signés par M. [L]
M. [L] a signé deux contrats avec la société HEBEN MUSIC en qualité de réalisateur artistique, l'un le 28 mars 2006 et l'autre le 30 mai 2006, (et non du 30 mars comme indiqué par erreur dans les conclusions de l'appelant) il en demande la requalification en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 28 mars 2006 ;
La société HEBEN PRODUCTION s'oppose à cette demande faisant valoir qu'il s'agit de deux contrats à durée déterminée d'usage auxquels elle pouvait recourir conformément à l'article D.1242-1 du code du travail puisque son activité principale relève de la production cinématographique et audiovisuelle
La cour observe que le premier contrat prévoyait expressément une collaboration ponctuelle afin de participer à une opération définie et délimitée : assurer en collaboration avec M. [W] [W] la réalisation en studio de la bande master des enregistrements de deux des titres interprétés par le concept musical « BEBE LILLY » moyennant une rémunération fixe de 400 € brute ; et que le second contrat dont la trame est similaire au premier, prévoit une collaboration de nature ponctuelle aux termes de laquelle la mission de M. [L] est la réalisation en studio de la bande master des enregistrements de 10 des titres interprétés par le concept musical BEBE LILLY moyennant une rémunération fixe de 500 € brut .
Ces éléments suffisent à établir que ces contrats étaient des contrats à durée déterminée d'usage comme passés par une entreprise de spectacle, ayant un objet précis et limité et dans un secteur la création artistique dans lequel il est d'usage de recourir au contrat à durée déterminée.
De plus, à l'instar du conseil de prud'hommes la cour relève que ces contrats ont donné lieu à versement de la rémunération prévue et à établissement d'une attestation Pôle Emploi mentionnant la terminaison du cdd et un certificat de congés spectacle, lui permettant de bénéficier des conditions spécifiques de prise en charge de l'indemnisation chômage au titre des intermittents du spectacle (cf. pièces M. [L] 103 et 104).
La cour relève encore que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a jugé que le fait que M. [L] a perçu et continue de percevoir la rémunération fixée aux contrats, fonction des ventes réalisées ne saurait suffire à donner à ces contrats la qualification de contrats à durée indéterminée, la partie travail ayant été épuisée avec la réalisation de l'enregistrement.
Dès lors la demande de requalification de ces deux contrats en contrat à durée indéterminée ne pouvait qu'être rejetée et il convient de confirmer le jugement.
Sur le contrat signé le15 février 2007 :
C'est encore par une juste analyse des termes du contrat que le conseil de prud'hommes a relevé que si M. [L] était présent lors de la signature de ce contrat il n'y était pas partie.
En effet le contrat du 15 février 2007 est un contrat de production exécutive qui lie la société HEBEN PRODUCTION et la société FIVE MUSIC MULTIMEDIA .
Il s'agit d'un contrat de prestation de service autonome mentionnant (article 2) que M. [L] au travers de sa société est en charge du choix des studios d'enregistrement, des intervenants nécessaires à la production, qu'il assure la coordination des travaux des intervenants et qu'il négocie les accords avec les artistes.
C'est vainement que M. [L] soutient que ce contrat doit être requalifié en contrat de travail en invoquant la présomption prévue à l'article L.7121-2 du code du travail alors qu'il a signé ce contrat au nom de la société FIVE MUSIC MULTIMEDIA ;
En effet l'article L.7121-3 du code du travail prévoit que seul bénéficie de la présomption de salariat de l'article L.7121-2 l'artiste qui n'exerce pas l'activité qui fait l'objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ; Or ayant signé ce contrat au nom de sa société M. [L] ne peut revendiquer la présomption de salariat.
Le fait que le contrat signé avec la société FIVE MUSIC MULTIMEDIA mentionne que l'intervention de M. [T] [L] est une condition essentielle du contrat ne suffit pas à justifier de sa requalification en contrat de travail.
En l'espèce, la cour observe que M. [L] n'établit nullement le lien de subordination qu'il revendique, qu'il ne produit aucun élément permettant de constituer un commencement de preuve d'un tel lien dans l'exécution du contrat entre les deux sociétés, il n'établit pas avoir été soumis à un horaire ni à un quelconque pouvoir hiérarchique ; au contraire il a affirmé être le créateur, le réalisateur et le producteur exclusif de projet BEBE LILLY ; il ne saurait à la fois revendiquer la qualité de producteur devant le TGI de Paris et solliciter devant la juridiction prud'homale la reconnaissance d'un contrat de travail pour la même prestation ;
Au vu de ces éléments, il convient de rejeter la demande formée par M. [L] de requalification du contrat de production exécutive en contrat de travail.
Le jugement du conseil de prud'hommes est donc confirmé.
Sur les demandes de M. [L]
M. [L] échouant dans sa demande de requalification de la relation avec la société HEBEN en un contrat de travail à durée indéterminée, il ne peut non plus être suivi dans aucune de ses demandes en paiement portant sur l'exécution ou la rupture du contrat pas plus sur celle relative à la prétendue exécution d 'un travail dissimulé. De même sa demande de garantie formée à l'encontre de l'AGS est rejetée.
Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [L] succombant en la présente instance, sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile est rejetée et il convient de le condamner aux éventuels dépens et de faire droit à la demande de Maître [O] au titre des frais irrépétibles à hauteur de 1.500 €.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 25 septembre 2013 par le conseil des prud'hommes de Bobigny ;
Y ajoutant
Rejette comme non fondées toutes les demandes de M. [L]
Condamne M. [L] à payer 1.500 € à la liquidation judiciaire de la société HEBEN MUSIC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. [L] aux entiers dépens.
LE GREFFIERP/LA PRESIDENTE EMPECHEE